mercredi 28 février 2018

Auprès de la blonde

J'ai failli titrer cette chronique "Singularités d'une jeune fille blonde". Vu que j'ai fini par trouver ce choix un peu long, je ne saurai jamais si les admirateurs de Manoel de Oliveira me l'auraient pardonné. Toute cela pour dire que je ne parlerai pas du grand réalisateur portugais ce mercredi, mais... de Marilyn Monroe ! Dans deux films !

Rivière sans retour / Otto Preminger / 1954
Un western intéressant, tourné en partie dans les grands espaces canadiens, en partie en studio. La jolie môme Monroe, 28 ans, prête son minois à un personnage "prévisible" pour elle, celui d'une fille perdue, chanteuse de saloon au milieu d'un village de prospecteurs miniers. Un homme a promis de la sortir de là, mais elle en croise bientôt un autre, incarné par Robert Mitchum, venu pour récupérer son enfant jadis abandonné à sa mère... et bientôt âgé d'une dizaine d'années. Deux hommes pour une femme, c'est trop ? Peut-être, oui. J'aime autant vous laisser découvrir comment se construit ce triangle classique du cinéma dans ce film précis. Allez... vous savez aussi bien que moi que les moeurs ont changé depuis l'époque du Far West ! Pourtant, la morale de cette histoire pourrait vous surprendre un peu. Otto Preminger, dont c'est l'unique film du genre, a prouvé son talent en déjouant les principaux pièges d'un manichéisme simplificateur. Marilyn, déjà star, n'aurait pourtant pas vraiment aimé l'expérience...

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Un autre avis ?

Oui: vous lirez une autre chronique du film chez "L'oeil sur l'écran".

Une étape Movie Challenge ?
Aussi ! La n°8: "Un personnage du film a le même nom que moi". Bon... l'ironie est que cet autre Martin n'apparaît jamais à l'image ! D'après le dialogue, il est le cowboy qui a conduit l'enfant au saloon pour retrouver son père. Et qui a filé, en le confiant à Kay / Marilyn...

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Arrêt d'autobus / Joshua Logan / 1956
Même s'il était un peu calculé, c'est un heureux hasard qui m'a fait découvrir cet autre film dans la foulée du précédent. Le truc amusant est que Miss Monroe y joue... une fille perdue, chanteuse de saloon des quartiers populaires d'une grande ville américaine (Phoenix). Court flashback et retour dans les années 50. Après quelques scènes introductives, la belle croise la route d'un cowboy très naïf, juste sorti de son Montana natal pour venir participer à une journée de rodéo. Seulement voilà... parce que le jeune homme est encouragé à côtoyer enfin la gent féminine par un copain plus âgé, il tombe sous le charme de la demoiselle et entend l'épouser sans délai, de gré ou de force. C'est que, voyez-vous, l'animal n'a pas appris qu'il fallait se comporter avec les dames plus calmement qu'avec les chevaux ou les bovins ! Devant ce spectacle, vous serez consternés par la bêtise du gaillard ou... séduits par la tonalité gentiment démodée de cette comédie. Quelques touches mélancoliques m'auront fait pencher du côté positif.

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Un autre avis ?
Il en existe très certainement plusieurs, même, sur le Web et ailleurs. Cela dit, je n'en ai pas trouvé sur mes blogs préférés. J'suis désolé...

Une étape Movie Challenge ?
Non plus ! Juste la fierté personnelle de dépasser avec ce film le cap symbolique des 1.600 longs-métrages référencés. L'occasion de dire qu'un autre avec Marilyn Monroe devrait arriver d'ici quelques jours...

lundi 26 février 2018

Dérive

Je n'ai réalisé que tardivement qu'avec ce nouveau film, je proposais de découvrir, après celui d'avant-hier, un autre long-métrage tourné par un Britannique aux États-Unis. Tiens ! Dans les deux cas, il s'agit d'ailleurs d'une première tentative d'expatriation. Les ressemblances s'arrêtent là. L'heure est venue pour que j'évoque American honey...

Un constat: certains cinéastes européens venus trouver en Amérique un nouveau terrain de jeu semblent fascinés par les grands espaces. Posé sur un film, leur enthousiasme est parfois très communicatif ! Dans le cas qui nous occupe aujourd'hui, l'Anglaise Andrea Arnold fait presque de la route un personnage, en embarquant une vaste troupe de jeunes dans un long périple en minibus. Un voyage et une dérive. American honey pose sa caméra sur Star, jeune femme en rupture familiale, pour ne jamais plus la lâcher. Visiblement issue d'un milieu pauvre, elle ne résiste pas à la tentation de la fuite et s'embarque avec d'autres ados, pour vendre des magazines à travers tout le pays.

Andrea Arnold, dit-on, s'est appuyé sur des faits réels pour inventer cette bande tapageuse, autonome sans doute, mais très fragile aussi. J'aime autant vous le dire: avec ces gosses, vous n'allez pas rigoler ! En revanche, si vous parvenez à vous attacher à Star, la suivre devrait vous plaire (ou au moins vous intéresser). Avec des bémols. American honey n'est pas un film "confortable". L'obstacle premier qu'il pose au spectateur potentiel est celui de sa longueur: il dure deux heures tellement passées qu'elles arrivent presque à trois. Ensuite, il y a la forme: pas mal de caméra portée et de musique rap. Si vous suivez le mouvement, l'énergie brute dégagée par les acteurs pourrait vous emballer. Pour info, la plupart sont des amateurs ! Parfois, le film prend ainsi l'allure d'un documentaire saisi sur le vif. D'ailleurs, à la réflexion, c'est peut-être même sa première qualité. Maintenant, je comprends très bien qu'on puisse rester indifférent...

Bien qu'il ait su faire parler de lui au moment de sa sortie, le film n'est pas parvenu à faire autre chose qu'un flop au box-office français, ne parvenant même pas à vendre... 40.000 pauvres tickets. Faut-il le reconsidérer ? Oui car, sans être incontournable, il recèle assez de qualités pour mériter mieux que ce parfait dédain. C'est dit !

American honey
Film anglo-américain d'Andrea Arnold (2016)

Pas vraiment une déception, donc, mais disons une semi-satisfaction. J'attends - beaucoup ! - mieux encore d'un autre film sur des jeunes en cavale sur la route: La balade sauvage (Terrence Malick / 1973). Dans le genre, j'en suis resté à Spring breakers et c'était très faible. On m'a conseillé Larry Clark, maître contesté que je veux découvrir. Avant cela, je repense au malaimé Paranoid Park de Gus van Sant... 

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Et si j'avançais aussi mon Movie Challenge ?
C'est possible en catégorie n°21: "Le film a été primé à Cannes". Précision: il a reçu le Prix du jury en 2016, lequel jury était alors placé sous la présidence du réalisateur australien George Miller. Je relève que c'est en fait le troisième trophée de ce type pour Andrea Arnold en... trois participations, après Red road (2006) et Fish tank (2009).

Me reste-t-il un petit lien à vous proposer ?
Oui ! Celui du blog de Tina, qui est assez vite passée à autre chose.

samedi 24 février 2018

Dans le panneau ?

Comment le mot hype m'est-il devenu familier ? C'est un mystère. Buzz me semble avoir à peu près le même sens et je m'en contentais. Dans mon dictionnaire anglais-français, hype est traduit par battage publicitaire. Teinté d'une certaine excitation, c'est bien ce qui semble tourner autour de 3 billboards. Et j'ai moi aussi un avis sur ce film...

Un aveu, d'abord: juste avant de découvrir ce troisième long-métrage de Martin McDonagh, j'étais... sceptique. Je reconnais bien volontiers que le Britannique a du style, mais j'avais en fait quelques réserves sur ses deux premiers films (cf. mon index des réalisateurs, merci !).

Le point de départ de 3 billboards est intéressant. Une femme divorcée s'offre trois panneaux publicitaires pour interpeller la police, qu'elle juge bien trop passive après le viol et le meurtre de sa fille. Ambiance délétère dans un vague trou perdu au fin fond des States. Avec Frances McDormand énervée, on pense aux frères Coen, mais...

Malgré quelques personnages crétins, je n'ai pas senti dans ce film l'ironie mordante que j'apprécie tant dans nombre d'opus des frangins. J'ai plutôt perçu un certain cynisme désabusé, qui me convient moins comme base de scénario. Cela se joue à quelques nuances, c'est vrai. Mais sans mettre vraiment le doigt dessus, quelque chose m'a gêné...

Un point positif: les personnages sont assez nombreux et évoluent significativement au cours d'un récit rythmé. Parfois même de façon définitive, dirais-je, pour ne pas trop en révéler et vous dévoiler bêtement un rebondissement important (que je n'avais pas vu venir). 3 billboards manque de vraisemblance ? Et alors ? C'est du ci-né-ma !

Un autre point positif: la distribution. Déjà citée (et récompensée) pour sa performance, Frances McDormand est nickel... comme d'hab' ! J'ai bien aimé la manière dont Woody Harrelson joue le flic patient. Mention honorable aussi à Sam Rockwell en brute épaisse susceptible de... chut ! Vous verrez. Le reste ? Oui, ça va aussi, dans l'ensemble.

Au fond, peut-être que c'est un certain manque d'homogénéité du film qui est venu titiller ma fibre cinéphile la plus exigeante. J'ai noté assez de jolis moments pour le sortir du lot, mais pas au point toutefois de m'enthousiasmer vraiment. Bon, voilà... rien n'est grave.

3 billboards - Les panneaux de la vengeance
Film américain de Martin McDonagh (2017)

On fermera les yeux sur ce titre anglo-français complétement naze. Vous l'avez lu: le film ne m'a qu'à moitié convaincu, mais je veux retenir ses authentiques qualités, supérieures, en effet, à la moyenne de la production amerloque contemporaine. Et puisqu'on a donc parlé des Coen pour comparer, j'insiste: Fargo ou No country for old men restent à mes yeux des films bien plus emballants. Chacun son truc... 

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Allez, hop ! L'étape Movie Challenge du jour...
Je valide l'objectif n°20: "Le film a été primé à Venise ou Berlin". J'ajoute que c'était à Venise, en septembre dernier et du Prix Orsella du meilleur scénario. Depuis, il a aussi obtenu quatre Golden Globes et pas moins de sept nominations aux Oscars. À suivre, début mars...

Je termine bien sûr avec les traditionnels liens-amis...

On parle aussi du film chez mes camarades Pascale, Dasola et Tina.

vendredi 23 février 2018

Pour la légende...

Je vous en reparlerai bientôt de manière détaillée: mon association vient d'organiser un festival consacré aux mythologies au cinéma. Aujourd'hui, je vous propose de regarder les choses par l'un des bouts les plus évidents de la lorgnette: les personnages archétypaux. L'occasion de retrouver John Wayne, acteur emblématique s'il en est !

Le dernier des géants... le titre français retenu pour The shootist paraît dépourvu de toute équivoque. Serions-nous bel et bien invités à célébrer un grand homme ? Possible. Et c'est d'autant plus tentant de le croire a posteriori, quand on découvre que ce long-métrage constitue aussi la toute dernière apparition de John Wayne à l'écran. La réalité importe peu, alors, et on laisse s'écrire l'honorable légende de ce rôle ultime, où un J.B. Books rescapé de toutes les batailles revient en vieux cow-boy fatigué, condamné par un cancer en phase terminale ! L'occasion d'un dernier duel amoureux avec une logeuse tardive, incarnée par Lauren Bacall herself, et d'une discussion virile mais correcte avec un vieil ami médecin, joué par James Stewart. N'eut été le panache des artistes, on pourrait parler... de testament !

Avec en prime Ron Howard en jeune homme naïf, bientôt chargé pourtant du flambeau de la relève, le film prête effectivement le flanc à cette interprétation nostalgique. OK... j'en ai vu de bien meilleurs ! Pourtant, je l'affirme: il y a quelque chose de beau dans cette histoire quelque peu défraichie des vieux mythes de l'Ouest soudain rattrapés par les années. J'ai parlé de panache: vous pouvez bien imaginer qu'une pointure comme le Duke ne se laisse pas abattre si facilement. Croque-morts, ne vous précipitez-pas: l'ex-prisonnier du désert en a encore sous le chapeau et sans doute du côté de sa cartouchière. Maintenant, ami(e)s adeptes du western ou non, je crois préférable de vous laisser seuls en sa compagnie pour voir comment cela finit. Et peut-être qu'il vous viendra encore une petite larme, allez savoir...

Le dernier des géants
Film américain de Don Siegel (1976)

La plupart d'entre vous doit le savoir, mais je crois bien de le rappeler pour mémoire: avec Sergio Leone, Don Siegel est l'un des pères spirituels de Clint Eastwood. Leurs travaux communs ? Du cinéma bourru, un peu brut de décoffrage, du genre de L'inspecteur Harry ! On retrouve cette patte dans le film évoqué aujourd'hui, atténuée toutefois par l'âge du personnage principal. Oui, voilà, j'aime bien...

mercredi 21 février 2018

Enjeux démocratiques

Certains d'entre vous le savent déjà: nous aurons droit à deux films de Steven Spielberg cette année. Sans trop attendre, je me suis rué sur le premier dès la semaine de sa sortie, attiré par la perspective de découvrir une oeuvre politique intelligente. J'admire cette facette du travail de Tonton Steven - le pendant de son imaginaire débridé...

Bingo ! Pentagon papers est bien une oeuvre politique intelligente ! Un petit résumé s'impose pour les non-initiés: dans l'Amérique morose des années 70, un éminent analyste missionné par le gouvernement détient des documents compromettants sur l'administration d'État, qui, issus de plusieurs sources concordantes, tendent à démontrer que la guerre du Vietnam se poursuit alors même que les autorités civiles et militaires sont persuadées qu'elle n'est qu'une boucherie inutile. C'est vers le Washington Post, qui n'est encore qu'un journal local à tirage modeste, que la caméra de Spielberg se tourne alors. Questions essentielles: que peut-on publier et quand doit-on le faire ? Cette double interrogation soutient le scénario, une fois encore tiré d'une histoire vraie, mais qui affiche une belle vigueur ! La tension qui anime la rédaction de The Post - pour reprendre le titre original - s'avère joliment retranscrite, ce qui rend finalement accessible à tous une réflexion intéressante sur la place des médias dans une société démocratique. Sur ce point, franchement, le pari du film est gagné...

J'ai débuté cette chronique avec une photo de Tom Hanks, très bon dans le rôle du rédacteur-en-chef obstiné. Il me paraît important d'ajouter qu'il n'est presque ici "que" le deuxième personnage du film. D'après moi, c'est avant tout Meryl Streep qui attire la lumière ! Pentagon papers peut ainsi être vu comme un portrait de femme. Celui de Katharine (alias Kay) Graham, l'ex-propriétaire et directrice de publication du Post. À ce titre, elle avait la charge de la survie économique du journal, ainsi que de sa défense devant les tribunaux ! L'intelligence du récit est ici de montrer le parcours quasi-initiatique réalisé par cette femme, propulsée à la tête d'une grande entreprise sans réellement l'avoir anticipé et contrainte à encaisser les coups. J'aimerais ne pas en dire beaucoup plus: la vie à la tête d'un canard n'est bien sûr pas de tout repos... et cet autre versant du scénario n'est pas le moins intéressant (malgré une ou deux scènes "faibles"). Resterait à considérer l'écho du film dans notre monde d'aujourd'hui. Il existe, mais j'aime autant vous laisser en juger par vous-mêmes...

Pentagon papers
Film américain de Steven Spielberg (2017)

Bon... il faudra que je regarde Les hommes du président. J'ai lu plusieurs fois que ce film consacré au scandale du Watergate demeure l'une des meilleures références de la représentation du journalisme d'investigation au cinéma (et il a décroché quatre Oscars en 1976). D'autres longs-métrages du même genre attendent sur mon étagère. Avant d'en reparler, j'insiste: ne négligez pas ce Spielberg grand cru ! 

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On continue avec le Movie Challenge...
Et hop ! Je coche la case n°39: "Le film est basé sur des faits réels".

Et on termine avec un tour sur d'autres blogs...

Pascale, Dasola et Strum m'ont devancé et ont déjà livré leur analyse.

lundi 19 février 2018

Nouvelles frontières

C'est un fait: Western est un film qui porte bien son nom. Il contient plusieurs éléments qui ont fait la notoriété du genre: des amitiés viriles, une rivière difficile à traverser, un cheval, un feu de camp, une partie de cartes et d'autres encore, sans nul doute. Pas question pourtant d'arpenter les plaines de l'Ouest: nous sommes en Bulgarie...

Meinhard, un ancien légionnaire, travaille comme ouvrier polyvalent sur le chantier de construction d'une petite centrale hydroélectrique. Allemand comme son chef et ses collègues, il se montre plus ouvert que les autres dès lors qu'il s'agit de communiquer avec les habitants du village voisin. L'obstacle de la langue le freine, sans le décourager. Petit à petit, en dépit de l'hostilité de quelques-uns et des moqueries de ses compatriotes, il se fait de nouveaux amis. L'analogie possible avec l'homme blanc venu en paix pour fraterniser avec les Indiens prend alors une certaine consistance. Elle peut servir de fil rouge narratif à ce film étonnant, arrivé en France par la porte du Festival de Cannes. Malgré ses clins d'oeil à un imaginaire américain, Western parle d'abord de ce que sont l'Europe et de ses frontières de nos jours.

Aussi incongru que cela puisse paraître, aucun des interprètes du film n'est un acteur professionnel ! Valeska Grisebach, la réalisatrice, souligne d'ailleurs qu'elle n'a jamais de certitude absolue sur l'histoire qu'elle veut raconter quand elle se lance dans un nouveau projet cinéma. Western ne serait donc "que" le fruit d'un travail collectif mené avec une troupe de circonstance, au hasard des rencontres. Rassurez-vous: cela ne va pas sans une belle maîtrise technique. Difficile de citer toutes les réussites du long-métrage, mais je veux souligner la grande qualité de la photo, que ce soit de jour ou de nuit. C'est sans doute vrai que le sujet laissera certains d'entre vous indifférents, mais il est bon, parfois, de s'écarter des sentiers battus. Bon... vous savez mieux que moi si la Bulgarie vous y invite (ou pas).

Western
Film bulgaro-allemand de Valeska Grisebach (2017)

Une petite anecdote dédiée aux germanophiles: parmi les producteurs du long-métrage, il y a Maren Ade, la réalisatrice de Toni Erdmann. Les deux films se passent hors d'Allemagne, mais la comparaison s'arrête là... et j'ai mieux apprécié celui dont je vous ai parlé ce jour. Pour une vraie rencontre Visage Pâle / Peaux Rouges, vous préférerez peut-être Danse avec les loups ou Jeremiah Johnson. Autre décor...

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Et un pas de plus pour compléter mon Movie Challenge...

"Le film est d'origine européenne (hors France)": objectif n°5 validé !

samedi 17 février 2018

Les enfants loups

Le fait divers est sordide: le 14 janvier dernier, la police américaine a arrêté un couple de Californiens, après qu'une de leurs filles, âgée d'à peine 17 ans, a fui le domicile familial. Sur place, les enquêteurs ont découvert douze (!) autres enfants, de 2 à 22 ans, tous très sales et dans un état de dénutrition avancée. Le cauchemar d'une réalité...

Quel rapport avec le cinéma ? Je vais vous rassurer: aucun producteur n'a (encore ?) décidé de transformer cette horrible histoire en film. Cela dit, excepté sur le plan alimentaire, le sort des enfants Angulo n'est pas forcément beaucoup plus enviable. J'ai fait la connaissance de cette fratrie - six frères et une soeur - devant le documentaire récent qui leur a été consacré: The wolfpack. De longues années durant, ces jeunes ont vécu à Manhattan, dans le même appartement sur Lower East Side, qu'ils ne quittaient, au maximum, qu'une dizaine de fois par an. Le reste du temps, ils étaient eux aussi "séquestrés" chez eux. Ce n'est qu'à l'audace de leur frère aîné, assez téméraire pour braver les interdits, qu'ils devront d'avoir pu découvrir le monde extérieur. Et c'est parce qu'ils s'amusaient à reproduire les séquences de leurs films cultes, visionnés en boucle lors de leur longue détention à domicile, qu'ils ont attiré... l'attention d'une jeune documentariste !

D'une délicate empathie, le film qui en a découlé a su me surprendre et me séduire par sa sobriété. Pas question de pleurer devant ce récit de sept vies pas comme les autres: le fait est qu'il est même drôle, parfois, et que l'émotion affleure par le biais d'une mise en images respectueuse de tous les protagonistes de cette incroyable true story. Évidemment, les enfants ont la part belle, mais un temps de parole est aussi laissé à leur mère, dont le système de pensée tout entier apparaît biaisé. Le père, lui, indique douter parfois de la pertinence de ses méthodes éducatives, tout en s'affirmant vraiment incapable d'en concevoir d'autres qui garantissent pareillement la pleine sécurité de sa tribu. Parsemé de très nombreuses images Super 8 de la smala filmée à différentes époques, The wolfpack est un film marquant et, à ce titre, je pense ne pas l'oublier de sitôt. J'ajoute que le Festival de Sundance l'a récompensé d'un Grand Prix du jury en 2015. Pas volé.

The wolfpack
Film américain de Crystal Moselle (2015)

Une chose me paraît claire et nette, les ami(e)s: le cinéma de fiction ne nous offre pas tous les jours la possibilité de nous familiariser avec une telle "meute de loups" (en VO américaine dans le texte). Pour ce qui est des conséquences de l'enfermement, il vous restera toutefois la possibilité de (re)voir Old boy, si vous y tenez vraiment. Ou, pour l'enfance assignée à résidence, Bad boy Bubby et Canine...

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Et du côté du Movie Challenge, ça donne quoi ?

Une validation de l'étape n°27: "Le film n'est pas sorti dans les salles françaises". Bref, regardez-le à la télé (ou en DVD) si vous le pouvez !

jeudi 15 février 2018

Johnny, vocation d'acteur ?

Joss a décidé de nous surprendre ! Mon amie chroniqueuse m'a promis de ne rien laisser transparaître de ses futures idées de chroniques. Celle d'aujourd'hui devrait donc être la dernière dont le contenu m'aura été annoncé à l'avance. Pas d'analyse de film pour cette fois ! Joss a voulu vous parler de Johnny Hallyday. Voilà ce que ça donne...

Parler de Johnny Hallyday ici, c'est une façon de lui rendre hommage. Car acteur il fut et même… assez bon ! Et si d'aucuns n'ont pas forcément apprécié sa musique ou sa voix, c'est cette autre facette qui les a souvent interpelés, à la retrouver de film en film avec un plaisir qu'ils n'imaginaient même pas, jusqu'à ce qu'ils apprennent quelques-unes de ses belles consécrations comme le Prix Jean Gabin pour son rôle dans L'homme du train (Patrice Leconte / 2002), décroché après avoir été élu homme de l'année ! Et c'est ainsi que, de génération en génération, de film en film, on a découvert en Johnny de la veine d'acteur, un charisme, une force, qui dépassaient soudain ses seuls attraits physiques. On appelle peut-être ça le talent ?

"Je voulais faire du cinéma avant de chanter !", répéta-t-il maintes fois. Et même s'il mit du temps à accrocher à de bons films, il résista et s'y fit enfin reconnaître. Rockeur, motard, voyou, cow-boy, avec parfois plusieurs casquettes, du western spaghetti (camarguais) à la comédie potache, en passant par le style hongkongais, la carrière cinématographique de Johnny a démarré pour le moins éclectique… et l'est restée. Toujours diversifiée, mais différemment. Disons qu'il a évolué dans cet éclectisme, continuant à passer des rôles de fiction totale à ceux de sa vie (ou de ce qu'il en laissa paraître).

Tandis que sa prestation dans Les diaboliques de Henri-Georges Clouzot en 1955 n'avait consisté qu'en une simple figuration (même pas créditée au générique), comme cela lui arrivera d'ailleurs encore en 1971 dans Malpertuis de Harry Kümel, il entamait six ans plus tard un registre qui restera l'un des siens jusqu'à la fin - celui de son propre rôle. Parmi dix films dont trois documentaires, on le retrouvera héros ou rôle secondaire (parfois très secondaire), dans Dossier 1413 d'Alfred Rode, D'où viens-tu Johnny ? de Noël Howard, Cherchez l'idole de Michel Boisrond, Les poneyttes de Joël Le Moigne (resté inédit dans les salles), Treize jours en France de Claude Lelouch et François Reichenbach, 5+1 de Guy Job, J'ai tout donné de François Reichenbach, L'aventure c'est l'aventure de Claude Lelouch à nouveau, Paparazzi d'Alain Berbérian, Mischka de Jean-François Stévenin, et bien sûr, Jean-Philippe de Laurent Tuel et Rock’n roll de Guillaume Canet il y a trois ans. Tout n'y fut pas brillant, mais lorsque Johnny s'est vraiment montré lui-même, au-delà de son aura de rockeur rebelle, il a tapé dans le mille. Et comme dit précédemment, les rôles de fiction qui lui ont été proposés ont eux aussi évolué en soixante ans.

C'est ainsi que notre Johnny national a attiré l'attention de réalisateurs étrangers comme l'Italien Sergio Corbucci avec Le spécialiste (1969), l'Américain Noël Howard avec D'où viens-tu Johhny ? (1965) ou le Hongkongais Johnnie To avec Vengeance (2009), et surtout de très grandes pointures françaises comme Costa-Gavras qui l'a fait jouer dans Conseil de famille (1986), Jean-Luc Godard dans Détective (1984, où il rencontre Nathalie Baye), Claude Lelouch dans L'aventure c’est l’aventure (1972) et l'ultime Chacun sa vie (2017), et bien sûr, pour Patrice Leconte, dans l'extraordinaire L’homme du train (2002).

Si Costa-Gavras soulignait qu'en dépit de son personnage charismatique de chanteur, Johnny rentrait vite dans la peau de ses rôles, évoquant sa démarche et ses expressions conformes au mafieux amateur, on précisera quand même que ses meilleures prestations ne l'ont jamais tenu très éloigné de celui qu'il était ou voulait être. Marin dans Malpertuis à ses débuts, il est avant tout le garçon rebelle, gentil voyou de sa jeunesse, plutôt timide, taiseux à maturité. Même s'il joue au fil des décennies sur d'autres atouts que son physique, celui-là le sert toujours avantageusement, ne serait-ce que pour donner de la force à son regard clair, à ses effets de silence. Dans L'homme du train par exemple, son personnage est basé sur l'énigme de son identité et colle impeccablement au jeu naturel de Johnny. Aurait-on pu seulement lui attribuer de longues tirades en rendant son personnage crédible ? J'ai un doute.

Même dans Jean-Philippe (2006), où il joue un Johnny Halliday qui n'existe pas encore, Johnny incarne la discrétion, la force tranquille, voire la résignation. Et c'est ce qui le rend touchant, intéressant. Le mystère l'enveloppe dans tous ses meilleurs personnages, justement parce qu’il n'y surjoue jamais. Il y demeure lui-même, sûrement un être dénué de confiance absolue en soi, d'une rébellion chronique et aussi d'une grande gentillesse. Même dans les comédies, l'humour semble surgir d'au-delà de lui-même, sans rire ni même sourire. Personnellement, je l'ai beaucoup apprécié dans Jean-Philippe avec l'impayable Fabrice Luchini, et aussi dans Rock’n roll où on lui demande d'être absolument celui que l'on connaît. Et l'air de rien, il m'a vraiment amusée. Johnny se fait plaisir en faisant plaisir, assurément. Comme dans son quotidien, paraît-il, mais ça...

Johnny à l'image: les chiffres…
C'est neuf bandes sonores (chansons, musiques), 24 longs-métrages et une trentaine d'apparitions (documentaires, séries ou téléfilms).

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Merci, Joss, d'avoir fait le compte... et d'avoir écrit cette chronique !

mardi 13 février 2018

Grémillon par trois

Je dois aujourd'hui vous parler de ma rencontre avec Jean Grémillon. C'est à la bibliothèque où j'interviens parfois que j'ai eu l'opportunité de m'ouvrir au travail de ce cinéaste emblématique de la France d'avant-guerre, un contemporain de Jean Renoir et de Marcel Carné. Courts, moyens et longs, il aura réalisé 47 films entre 1923 et 1958...

Ma première découverte: Lumière d'été (1943)
Tourné autour du chantier de construction d'un barrage en Corrèze, mais aussi dans les Alpes-Maritimes (studios de la Victorine, à Nice), ce film ô combien romanesque repose sur une sorte de marivaudage. Jeune Parisienne désoeuvrée, Michèle débarque à L'Ange Gardien, une petite auberge isolée dans la montagne, où elle doit retrouver l'homme qu'elle aime, Roland, un artiste peintre aussi alcoolique qu'imbuvable ! Elle croise la route de Cricri, la propriétaire des lieux, elle aussi éprise d'un "mâle défaillant", Patrice, le triste châtelain local, dont le costume impeccable ne cache pas longtemps le cynisme absolu en matière d'amour. Bref... l'intrigue qui se tricote doucement devant nos yeux donne lieu à une remarquable galerie de portraits contrastés. Le film est riche de nombreux thèmes - et l'opposition frontale petit peuple / bourgeoisie n'est pas le moins intéressant. Grâce à un vrai suspense, on reste (heureusement) à l'écart du film banalement politique. Et on peut dès lors être agréablement surpris...

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Une étape Movie Challenge ?
Oui. Je valide l'objectif n°10: "Le titre du film comporte une saison".

Vous voudriez en savoir plus ?
Je vous conseille d'aller lire aussi les chroniques d'Eeguab et de Lui.

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Ma deuxième découverte: Pattes blanches (1949)
Malade, Jean Anouilh, qui devait réaliser ce film après en avoir écrit le scénario, est alors remplacé par Jean Grémillon derrière la caméra. D'une intrigue censée se dérouler au 19ème siècle, ce dernier choisit de faire un récit d'après-guerre, qu'il déplace dans un environnement géographique qui lui est familier: le littoral breton. Il est question, encore une fois, d'amours croisées, mais il n'y a que très peu de place pour l'expression de nobles sentiments. Au départ, Jock, propriétaire d'un bistro et mareyeur, revient de la ville avec Odette, une femme plus jeune que lui, qu'il présente comme sa nièce. Le comportement de la donzelle suffit à démontrer qu'il s'agit en réalité d'une "poule" attirée par la perspective d'une vie oisive. Trois autres personnages principaux entre alors en scène: un noble désargenté, son demi-frère adultérin et assoiffé de vengeance familiale, et une servante infirme d'une extrême modestie. Le tableau de la tragédie est ainsi complet ! Un conte noir, surprenant d'audace et qui progresse inexorablement...

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Une étape Movie Challenge ?

Oui, avec la catégorie n°12: "Le titre du film comporte une couleur".

Vous voudriez en savoir plus ?
Fidèle au poste, "L'oeil sur l'écran" vous apporte un début de solution.

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Ma troisième découverte: Le 6 juin à l'aube (1945)
Pas d'étoile pour cet opus, puisqu'il ne s'agit que d'un court-métrage. D'environ trois quarts d'heure à sa sortie en salles, il dépasse de peu les cinquante minutes en version "non amputée" - celle que j'ai vue. Comme le titre le suggère, le sujet du film est bien le Débarquement des troupes alliés en Normandie, peu avant la fin du printemps 1944. Didactique, ce court documentaire commente, avec l'aide d'une carte, la progression (plus ou moins rapide) des libérateurs. Des images d'archives, d'autres filmées par l'auteur et quelques témoignages apportent une lumière crue sur la violence des combats et les débuts de la reconstruction. L'occasion de se souvenir que les villes détruites que nous voyons chaque jour à la télévision étaient les nôtres, alors. Moment fort: la rencontre avec une jeune femme ensevelie deux fois sous les bombes. Jean Grémillon a aussi écrit la musique de son film !

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Une étape Movie Challenge ?
Oui ! Je coche avec joie la case n°18: "Le film est un court-métrage". Ou pas: je finis par me ranger à l'avis de Pascale (cf. commentaires).

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Et, pour finir, un petit bilan personnel...
Deux fictions et un documentaire: tout bien considéré, je suis content d'avoir fait cette première approche du cinéma de Jean Grémillon. Comme la bibliothécaire qui nous a servi de guide, je trouve étonnant que cet artiste ait pu tomber dans un relatif oubli. Peut-être paye-t-il le fait d'avoir eu la dent dure à l'égard de certains de ses confrères. Peu importe: d'autres de ses oeuvres titillent ma curiosité. À suivre...

lundi 12 février 2018

Questions d'écriture

C'est un fait que je ne veux pas vous cacher: je m'interroge périodiquement sur la bonne manière d'écrire un blog. Pour le dire autrement, je me demande s'il ne serait pas opportun d'adopter d'autres styles pour me renouveler un peu. Et puis... ça me passe ! Voici tout de même un petit mot sur quelques cogitations récentes...

D'abord, un constat: je prends plaisir à écrire des chroniques consacrées à plusieurs films à la fois, ce que j'appelle des diptyques (parce qu'en général, je ne réunis alors "que" deux longs-métrages). Pas plus tard que demain, d'ailleurs, je compte revenir à ce format pour évoquer l'oeuvre d'un réalisateur jusqu'alors absent de ces pages. Le cinéma se prête bien aux cycles: je continuerai, de temps à autre.

En revanche, je ne suis pas sûr qu'il soit très opportun de prolonger longtemps mon expérience Facebook. Quand j'ai créé une page dédiée à Mille et une bobines sur le réseau social, l'idée était d'abord d'informer mes amis - réels - de la parution de mes chroniques. Aujoud'hui, plus de six ans (!) plus tard, je constate sans amertume que cette démarche ne suscite toutefois que peu d'interactions. Pourquoi continuer alors ? C'est justement ce que je me demande. C'est vrai que je n'aime pas renoncer, mais ce n'est pas une raison...

Ces tergiversations facebookiennes font que je me méfie de l'oiseau bleu. Avec sa contrainte en 140 signes, Twitter... me fait de l'oeil ! Sans y avoir adhéré, j'ai constaté qu'on y trouvait assez facilement des contacts cinéphiles, ainsi qu'un certain nombre de personnalités directement liées au monde du cinéma - exemple: l'ancien président du Festival de Cannes, Gilles Jacob. De quoi apprendre des choses intéressantes, sans aucun doute, mais aussi de consacrer un temps encore plus important aux écrans. Pas convaincu que ce soit si utile...

Reste une question jamais tranchée: celle de la vidéo. Le site d'hébergement Youtube est un filon intéressant pour les passionné(e)s de cinéma: outre les sacro-saintes bandes-annonces, on y déniche plusieurs "vlogueurs" (qui font donc du blog: du blog... en vidéo !) plus ou moins pertinents, adeptes du septième art. Les rejoindre pourrait être rigolo, mais je n'ai ni l'équipement, ni le temps matériel pour des chroniques régulières. Je reste donc en retrait, spectateur ordinaire dans la foule des geeks cinéphiles, assez admiratif d'ailleurs de l'érudition de certains quand il s'agit de parler de notre passion commune. En face, les médias "traditionnels" ont du mal à rivaliser...

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Bien... comme toutes les autres, cette chronique est ouverte...

N'hésitez pas à me faire part de vos avis et retours d'expérience ! Mille et une bobines ne changera pas demain, mais peut s'enrichir aussi de vos commentaires. Et hop ! J'en profite pour vous remercier.

dimanche 11 février 2018

À toute vitesse

C'est dimanche, c'est cadeau: aujourd'hui, je regroupe deux films dans la même chronique. Plusieurs raisons à cela, dont... ma flemme à l'idée d'écrire deux textes et le fait que je les ai vus coup sur coup. Oui, j'ai eu envie de voir deux films du même réalisateur (Tony Scott) et avec le même acteur principal (Tom Cruise). Un plaisir coupable...

Top Gun (1986)
Si vous vouliez connaître le film qui a rendu Cruise célèbre, vous êtes au bon endroit. Le gars Tom est ici une tête brûlée, un pilote d'avion de chasse plutôt rétif aux consignes de sa hiérarchie. Son réel talent dans les airs lui vaut tout de même une certaine reconnaissance. Bilan: un peu après avoir mis, en deux loopings et trois virevoltes, l'élite de l'armée soviétique en déroute, le voilà convié à intégrer l'école qui forme les meilleurs d'entre les meilleurs. On a pu dire jadis qu'on tenait là un très révélateur exemple de l'efficacité des services de propagande de l'armée américaine. Mouais... plus de trente ans plus tard, ce scénario cousu de fil blanc paraît surtout bien kitsch ! Honnêtement, ce n'est pas très grave et même plutôt insignifiant. Nanar en approche à la vitesse du son. Et après tout... pourquoi pas ?

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Jours de tonnerre (1990)
Tom Cruise va aussi très vite dans cet autre film, puisqu'il est devenu un pilote automobile. À ses côtés, outre une jeune Australienne promise à un grand avenir, Nicole Kidman, on retrouve du beau linge en pagaille: Robert Duvall, Randy Quaid, John C. Reilly, etc. Le fait est que cela ne suffit pas à faire décoller ce récit ultra-conventionnel du héros solitaire (et torturé) devenu une idole des foules par la grâce de ses performances sur circuit. Vous connaissiez le Nascar, vous ? Peut-être bien que les passionnés de cette compétition automobile américaine y retrouveront leurs petits. Les cinéphiles, eux, peuvent passer leur chemin, sauf à vouloir, comme moi, avoir une large vision de la culture populaire outre-Atlantique. Pas indispensable du tout. Maintenant, pour se vider les neurones, c'est plutôt efficace, de fait !

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Allez, un p'tit bilan pour ce diptyque...
Mon texte me semble plus sévère que mes étoiles. Ces deux films datent un peu, sur la forme comme sur le fond, mais, en les replaçant dans le contexte de leur création, ils "passent". Bon, à vous de voir...

vendredi 9 février 2018

Miniaturisés

Comment consommer moins pour préserver les ressources naturelles de la planète ? Dans Downsizing, un éminent scientifique norvégien répond en inventant... la machine à rapetisser ! Des volontaires acceptent de ne plus mesurer que 12 centimètres pour entamer alors une vie nouvelle, aventureuse et éco-responsable. Et vous ? Motivés ?

Paul Safranek, le héros du film, ne l'est pas trop, mais il se laisse convaincre par sa femme et des amis qui, en pionniers, ont tenté l'expérience - et ce bien qu'il s'agisse d'un processus irréversible ! Pourquoi être petit si on n'est pas écolo ? Par simple pragmatisme. Downsizing nous montre un monde où la plus faible somme d'argent offre un pouvoir d'achat démultiplié par la petitesse de tous les biens de consommation de la vie courante. J'ai regretté toutefois que, fort de ce postulat plutôt intéressant, le long-métrage n'aille pas au bout de ses idées. Ce n'est pas une question de temps, car nous passons plus de deux heures avec Matt Damon et ses copains miniaturisés. L'ennui, c'est qu'assez vite, leur taille n'a plus une telle importance. Tout ce qui leur arrive pourrait être le lot de personnes "normales"...

Sauf au début et au cours de quelques rares séquences, le film prend le contrepied des attentes et ne joue pas vraiment sur les différences d'échelle entre ses différents protagonistes. Il nous entraîne plutôt dans un simili-récit initiatique, où un Américain des plus ordinaires découvre un monde voisin du sien, mais dont il ignorait l'existence. Sans surprise véritable, il finira par le considérer comme le sien. Honnêtement, c'est drôle, parfois, mais ce n'est pas très original. Downsizing m'a un peu déçu, du coup, avec ce sentiment désagréable de ne jamais l'avoir vu décoller. Il reste malgré tout très regardable. C'est peut-être finalement l'absence d'un point de vue affirmé qui crée un blocage: le film illustre son sujet, sans s'y engager véritablement. C'est un divertissement, voilà. Pour le brûlot politique, on repassera !

Downsizing
Film américain d'Alexander Payne (2017)

Bon... je crois utile d'insister: ce film offre un assez bon moment. Cela (re)dit, quitte à trouver Matt Damon aventureux, je le préfère dans Seul sur Mars - un pop corn movie au scénario mieux charpenté. Quant à Alexander Payne, réalisateur qui paraît encore loin de faire l'unanimité, je l'avais mieux apprécié avec Sideways et Nebraska. Pour l'aspect "trip scientifique", autant revoir Bienvenue à Gattaca...

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Bon... au moins j'avance mon Movie Challenge...
Oui ! J'atteins l'objectif n°29: "Un film avec un acteur que j'adore". Confirmation: il s'agit bien de Matt Damon. Un peu en sous-régime...

Et avec tout ça, le film n'a pas l'air de trop marcher...
Vous en trouverez, tout de même, une chronique chez Pascale. Ouf !

mercredi 7 février 2018

Comme une présence

C'est très certainement inévitable: chaque année, même si j'accorde beaucoup de temps au cinéma, il y a des films que je loupe en salles. Je suis bien content que ce ne soit pas le cas pour A ghost story. J'étais si attiré par cette histoire que j'ai changé de ville pour la juger sur grand écran. Est-ce que cela valait le déplacement ? Oui, plutôt...

Pour être franc, A ghost story est un film si particulier qu'il risque objectivement de dérouter certain(e)s d'entre vous, voire de déplaire. L'histoire repose sur trois fois rien: un couple habite une maison quelque part aux États-Unis, en harmonie apparente. Ce bonheur simple est anéanti le jour où l'homme trouve la mort dans un accident de la route. À partir de là, il nous est proposé d'observer la manière dont la femme traverse cette épreuve, mais pas du tout en voyeurs ! Bien au contraire, le scénario nous offre en fait de découvrir la suite comme si nous étions le défunt, qui fait du coup son retour à l'écran sous la forme d'un drap blanc, comme tout fantôme qui se respecte. Évidemment, magie du cinéma ! Nous seuls pouvons encore le voir. Un rêve. Un voyage. Beau, étonnant et profondément mélancolique...

Bien plus que cette histoire, c'est sur le plan formel que le film diffère radicalement du tout-venant de la production cinématographique actuelle. Cela ne se voit pas sur les deux photos que j'ai choisies comme illustrations, mais l'ensemble des images est au format 4:3. Pour mieux donner au public l'impression de regarder une oeuvre ancienne ou disons intemporelle, les bords du cadre sont arrondis. Très vite, on n'y prête plus attention, mais je crois très sincèrement que cela apporte quelque chose en termes de pure expérience filmique. Tout bien considéré, je dirai même que le film est d'essence contemplative, de par son sujet bien sûr, mais aussi de par la durée de ses plans - l'un d'eux, lié à une tarte, approche les quatre minutes ! Après la séance, j'ai pris un peu de temps pour retrouver mes esprits.

A ghost story
Film américain de David Lowery (2017)
Bon... inutile de chercher: je ne crois pas qu'on puisse trouver de film équivalent à celui-ci (ou même simplement comparable). Son mérite est aussi de me confirmer que j'aime décidément les histoires d'absence perceptible ou de présence intangible - vous voyez le truc ? Puisque je ne mets pas de lien dans cet avis final, une précision s'impose: A ghost story parle de deuil, certes... mais pas seulement !

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Besoin d'un autre avis pour vous décider ?

Vous pourrez voir que celui de Pascale est encore plus enthousiaste. Tina, elle, est moins emballée, tout en relevant divers points positifs.

lundi 5 février 2018

Travailler encore

Sisyphe, vous connaissez ? Pour avoir défié les dieux, ce personnage de la mythologie grecque fut condamné à pousser toujours un rocher jusqu'au point culminant d'une colline, avant que la pierre ne reparte dans l'autre sens. Kabwita Kasongo, lui, est un charbonnier congolais. Et le "héros" de Makala parait, lui aussi, subir un châtiment éternel...

Je vous parle aujourd'hui d'un documentaire, récompensé l'an passé du Grand Prix de la Semaine de la critique au Festival de Cannes. C'est à mon association que je dois le privilège de l'avoir découvert. Voilà ce que j'appellerai un "choc positif", dans le sens où Makala permet d'ouvrir les yeux sur une certaine réalité de la condition humaine, en nous ramenant, nous Européens, à une juste humilité. Quand le film débute, Kabwita Kasongo, le charbonnier congolais, s'attaque à un travail de titan: il veut abattre un arbre et le débiter avant, donc, de faire du charbon à partir des plus gros morceaux. Ensuite, pas question de se reposer: il faudra au contraire marcher jusqu'à la ville la plus proche (à 50 km, tout de même !) pour tâcher d'obtenir le meilleur prix du combustible naturel ainsi obtenu. J'imagine que je n'ai pas besoin d'autres mots pour vous expliquer combien cette vie est misérable. Évidemment, on est plutôt secoué...

Je salue le fait que Makala ne se complaise pas dans une observation stérile de cette situation de très grande pauvreté. D'ailleurs, le fait est que Kabwita Kasongo s'accroche et qu'il a même des objectifs précis, motivé qu'il est par l'espoir de pouvoir offrir une meilleure vie à sa femme et à ses enfants. L'intelligence des choix de réalisation opérés pour ce film consiste à laisser les images parler d'elles-mêmes. Aucune voix off ne vient expliciter et/ou dénaturer ce que l'on voit. Seul un peu de violoncelle vient parfois compléter une bande-son objectivement sobre, qui donne en fait toute sa place à la réalité captée sur le terrain. Le résultat est d'une beauté étonnante. Croyez-moi: cette escapade africaine pourrait bien vous surprendre. C'est un périple comme on en fait rarement avec le cinéma européen et dont certain(e)s d'entre vous ne devraient revenir que lentement. Mention particulière pour les scènes nocturnes, d'une force incroyable.

Makala
Documentaire français d'Emmanuel Gras (2017)

Après avoir découvert ce film, je crois qu'il est intéressant de tourner son regard vers le cinéma de Jean Rouch, venu plus tôt sur le sol africain, et qui propose une vision bien différente du "continent noir". Vous préférez la fiction ? Pas de problème ! Pour garder une approche ethnologique, je vous recommande Gabriel et la montagne, déjà cité dans mon top 2017, ou Un homme qui crie - un film venu du Tchad ! 

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Un petit tour du côté du Movie Challenge...

Chic ! Je peux aujourd'hui valider l'objectif n°17: "Un documentaire".

Et si vous voulez un autre avis sur le film...
Il ne vous restera plus qu'à aller lire ce qu'en pense mon amie Dasola.