mercredi 14 décembre 2016

Savoir et choisir

Vous êtes-vous déjà demandé ce qui se passerait si vous appreniez subitement quelque chose de très important sur votre passé ? Chercheriez-vous à en savoir davantage ? Préféreriez-vous passer tout de suite à autre chose ? C'est une question que pose Ida, oeuvre couronnée de l'Oscar du meilleur film en langue étrangère l'an dernier.

Ida nous ramène dans les années 60. Une toute jeune femme prépare son entrée au couvent. Peu avant, l'une de ses tantes lui explique alors qu'elle a des origines juives et que ses parents ont été assassinés pendant la guerre. Choc sans bruit. La nonnette orpheline hésite un peu quant à la conduite à adopter, mais s'intéresse finalement aux méandres encore inconnus de sa propre histoire. Sortie (provisoirement ?) de sa congrégation, elle renoue un lien ténu avec le monde extérieur et entame une sorte de voyage initiatique. Je ne suis pas sûr qu'il faille préciser que c'est touchant, mais je crois devoir dire que le film n'est jamais larmoyant. Un "bon point" pour lui.

En réalité, le long-métrage se distingue particulièrement par sa mise en scène et, plus spécifiquement encore, sa belle photo noir et blanc. J'ai été très sensible également aux cadrages: le format 4:3 a su d'emblée capter mon attention et j'ai souvent trouvé les images magnifiques (et, je tiens le souligner aussi, parfaitement éclairées). Paradoxe peut-être, le résultat d'ensemble m'a paru d'une sobriété rare, parfaitement adaptée au sujet. Vous pouvez comprendre qu'Ida n'a rien d'une franche partie de rigolade, mais c'est un film juste. Assez froid par moments, il enveloppe pourtant son personnage principal d'une empathie particulière, qui m'a convaincu. Cette heure et quart de cinéma dresse également le portrait d'une jeune femme déterminée et libre de ses choix. Cruels, sans doute, mais humains...

Ida
Film polonais de Pawel Pawlikoswki (2013)

Il serait intéressant de voir ce film en diptyque avec Lore, qui traite également, à sa manière, des conséquences de la guerre sur la vie d'une toute jeune femme. Il a rencontré plus de succès, cela dit. Malgré le noir et blanc, il ne faudrait pas vous attendre à un récit universaliste, du type La liste de Schindler. Au contraire, on touche cette fois à des ressorts bien plus intérieurs. La puissance demeure...

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Un constat pour finir...
Primé un peu partout dans le monde, le film a une belle réputation. Sur la blogosphère, sa notoriété est incontestable, même si les avis ne sont pas unanimes. J'ai retrouvé des chroniques chez Elle et Lui, Pascale, Dasola, Chonchon, Tina et Princécranoir. À vous de cliquer !

12 commentaires:

eeguab a dit…

Bonjour Martin. Je trouve que ce film mérite sa réputation et fera même date par sa sobriété,sa photo d'un noir et blanc exemplaire, et ce lien ténu avec le monde dont tu as très bien parlé.

tinalakiller a dit…

Je ne crierais pas au chef-d'oeuvre mais j'ai bien aimé ce film, bien foutu évidemment techniquement mais aussi, par son apparente simplicité, d'un point de vue plus intellectuel.

Martin a dit…

@Eeguab:

Bien d'accord avec toi sur la qualité de la photo et la sobriété de l'ensemble. Je crois bien que ce sont les cadrages qui m'ont le plus étonné... et séduit ! Ravi en outre que tu te retrouves sur mon idée de "lien ténu".

Martin a dit…

@Tina:

Non, ce n'est pas un chef d'oeuvre, mais nous sommes du même avis, je vois: dans son genre, je dirais effectivement que c'est une jolie petite réussite. Je trouve bien que le film soit court. Je ne vois pas ce que le réalisateur aurait pu faire de mieux avec cette histoire en l'allongeant encore.

Pascale a dit…

Oui c'est beau mais totalement casse-couilles.
J'avais pas osé à l'époque (j'ai fait ma timide) dire à quel point je ne comprenais pas l'engouement...

Martin a dit…

Je n'ai pas trouvé ça casse-couilles, personnellement. C'est sûr que ce ne sont pas de grands élans dramatiques.
J'ai trouvé que le scénario était aussi réservé que son héroïne et ça m'a (un peu) touché.

Au fait, depuis quand tu fais ta timide ?

Pascale a dit…

ça m'arrive aussi... Il y a des films dont j'ai l'impression qu'on a pas le droit de dire que putain C'EST CHIANT. Et être beau c'est pas suffisant.

princécranoir a dit…

Austère et dépouillé (et en ce qui me concerne, nettement moins "chiant" que "Deadpool" ou le dernier "Avengers" pour ne citer que ceux-là), il trouve quelques notes de chaleur et de volupté néanmoins à travers le sax de John Coltrane.

Martin a dit…

@Pascale:

Sincèrement, je ne classerais pas "Ida" dans la liste des films beaux mais chiants.
Je ne dis pas s'il durait deux heures et demie, mais sa brièveté a fait que je l'ai regardé sans ennui.

L'esthétique d'un film, ça ne suffit pas, tu as raison. Mais bon… ça peut sauver du naufrage.

Martin a dit…

@Princécranoir:

Austère et dépouillé, voilà, c'est exactement ça. Sans fioritures, comme on dit parfois.

L'utilisation de la musique de John Coltrane (que je ne connais guère) est un vrai plus pour le film.
D'accord avec toi aussi pour le juger meilleur que les films de super-héros. L'y comparer est un peu audacieux...

dasola a dit…

Bonjour Martin, tout d'abord joyeux Noël. Concernant Ida, j'ai trouvé le noir et blanc sublime et le visage de la jeune actrice était lumineux mais ce n'est pas le genre de film que je reverrai. Un peu austère et l'histoire ne m'a pas beaucoup touchée. Bon dimanche.

Martin a dit…

Merci, Dasola. Je n'en fais pas un classique non plus, au point de vouloir le voir et revoir.
Je lui ai trouvé de vrais qualités, cependant, et notamment de courage - ce n'est pas un film "facile".