lundi 31 octobre 2016

Sa liberté

Le septième art ne saurait toujours être le miroir de "la vraie vie". Reste que je le crois capable, à sa manière, de nous ouvrir également à l'altérité, à ceux qui nous sont différents, et peu importe les raisons de cette différence. Dès lors, je suis heureux d'avoir vu Willy 1er. L'un des films marquants de l'année. L'un de ceux qui sortent du lot...

Avec aplomb et dignité, Willy 1er adapte et évoque l'histoire (vraie) de son acteur principal, Daniel Vannet. Cet homme n'est pas comédien professionnel: c'est un Français du nord, en lutte contre les difficultés de sa condition d'illettré. Quand le film débute, peu après le suicide de son jumeau, Willy / Daniel vit toujours chez ses parents, à 50 ans passés et sous la protection d'une curatrice. Mais parce qu'on lui parle d'un placement en foyer d'accueil, son deuil le pousse à se révolter. Enfin, il se décide à prendre son autonomie: "À Caudebec j'irai. Avoir un appartement, j'en aurai un. Un scooter, j'en aurai un. Des copains, j'en aurai... et je vous emmerde !". Ce sont ses idées pour la suite...

Non sans courage, Willy prend alors la route et fait... 9 km à pied. Mine de rien, c'est pour lui le début d'une nouvelle vie. Je vous laisse découvrir cette histoire si vous en avez l'occasion: ce vrai/faux biopic d'un homme bien déterminé à ce qu'on lui marche plus sur les pieds offre un voyage étonnant au coeur de ce qu'on peut appeler la France profonde. À nos côtés: des comédiens tous amateurs - à l'exception notable de Noémie Lvovsky. Willy 1er suit, pas après pas, l'évolution d'un personnage bien plus complexe qu'il n'y paraît de prime abord. Empathique, la caméra le filme sous toutes les coutures et le montre tel qu'il est: paumé, oui, mais aussi amusant, violent parfois, etc...

L'un des aspects étonnants du film est qu'il compte non pas un, deux, mais bien quatre réalisateurs ! Aucun n'a encore dépassé la trentaine et chacun vit sa première expérience au format du long-métrage. Vous voulez mon point de vue ? C'est une franche et belle réussite. Évitant avec adresse les pièges du voyeurisme, Willy 1er parvient efficacement à évoluer constamment sur le fil du rasoir. Il se frotte sans hésitation aux situations les plus glauques, qu'il désamorce alors avec un humour noir franchement ravageur. Il s'approche également au plus près du ridicule, mais redevient profond quand il le faut. Conséquence: on rit, on tremble, on pleure... bref, on vit, à l'unisson.

Je ne sais pas si le film marchera auprès du public dit "ordinaire". Pour l'heure, je sais qu'il a plutôt bien marché - et reçu quelques prix - dans les festivals. À Cannes, il y a quelques mois, il avait été soutenu par l'Association du cinéma indépendant pour sa diffusion (ACID). Pour peu que nous en ayons l'envie et l'opportunité, c'est à nous aussi, cinéphiles et spectateurs, d'oser défendre ce petit film admirable. Comme son principal protagoniste, Willy 1er ne se laisse pas aimer facilement. D'aucuns lui trouveront des défauts et pourront les juger impardonnables. Pour ma part, je suis content que ce cinéma existe. Et d'autant plus quand je relève qu'il est l'oeuvre de jeunes Français...

Willy 1er - Film français - 2016
Marielle Gautier, Hugo P. Thomas, Ludovic et Zoran Boukherma

Je me crois lucide: face à certaines situations, il se peut que certains d'entre vous se sentent gênés. Cela dit, le cinéma n'a jamais été avare de personnages "différents", depuis Freaks, jusqu'à Rain man ou Le huitième jour. Et le film a eu un prix du Festival grolandais ! Maintenant, si vous préféreriez un récit pathétique, je vous oriente aussitôt vers celui de L'énigme de Kaspar Hauser. À vous de voir...

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Une conclusion de dernière minute...

Le titre de ma chronique est une référence directe à une chanson écrite par Georges Moustaki, que Serge Reggiani a interprété aussi. Je ne suis pas le premier à y avoir pensé et ne vous dirai rien d'autre sur le sujet... si ce n'est que ce laïus vise à vous inciter à voir le film.

Et finalement une autre, encore plus tardive...

Cela m'avait échappé: l'ami 2flics a créé un nouveau blog, avec textes sur le cinéma (et plus !). Il a consacré au film sa première chronique.

dimanche 30 octobre 2016

Je suis bobo

Je vous indiquais il y a quelques jours que 672 films étaient sortis dans les salles françaises l'année dernière. Ce qui pose inévitablement la question du choix: pourquoi ceux-là et pas d'autres ? J'ai découvert récemment Ruth & Alex: pour une raison que j'ignore, ce petit film américain n'a été diffusé qu'en support numérique et VOD. Bon, OK...

Ce qui m'a donné envie de le regarder, c'est d'abord les présences conjointes de Diane Keaton et Morgan Freeman en tête d'affiche. D'ailleurs, cela peut aussi me suffire à vous conseiller de lui donner une chance si vous en avez l'occasion. Pas question cependant d'ériger le film en incontournable: il ne devrait pas vous bouleverser. L'histoire est celle d'un couple de seniors américains, résidents heureux (et depuis 40 ans !) d'un appartement à Brooklyn, New York. Pas de petits-enfants et d'enfants "tout court" à aimer. Le temps passé oblige tout de même Ruth & Alex à prendre des dispositions pratiques. Concrètement, l'heure est peut-être venue pour eux d'emménager ailleurs, vu qu'ils ont de plus en plus de mal à grimper jusqu'à leur quatrième étage sans ascenseur. Je suis tombé juste avec mes attentes: Diane / Ruth et Morgan / Alex sont très bons. Maintenant, est-ce que ça donne vraiment un bon film ? Il faut voir...

Je ne vais pas dire le contraire: je l'ai bien aimé, ce long-métrage. Dans le même temps, j'ai conscience de ses limites. Ce que je trouve tendre, d'autres que moi le trouveront cul-cul la praline. Il est clair que, formellement, tout ça ne révolutionne en rien le septième art. J'admets même que le réalisateur use un peu trop des flashbacks quand il s'agit d'alimenter une certaine mélancolie. Je dois convenir malgré tout, pour l'avoir constaté, qu'avec moi, ça fonctionne. J'apprécie les quelques répliques bien senties qui parsèment le récit. C'est assez habilement que Ruth & Alex évite le piège du pathos. Parfois bancal, il rattrape le coup avec la petite pointe d'humour amenée par son interprétation. La caricature d'une Amérique restée raisonnable malgré la frénésie du quotidien est assez "bobo", de fait. Tant pis: une fois n'est pas coutume, je l'accepte et... m'y retrouve. Je vous certifie que cela ne se passera pas comme ça tous les jours !

Ruth & Alex
Film américain de Richard Loncraine (2015)

Gentrification, n. fém.: phénomène d'embourgeoisement urbain. C'est un peu ce qu'observe le film, il me semble, et un an seulement avant Brooklyn village, dont j'ai d'assez bons échos. De là à dire maintenant que Woody Allen a déjà des héritiers... n'exagérons pas ! J'attendrai de voir plusieurs autres films récents pour le prétendre. Sachant qu'il sera difficile de faire mieux que Manhattan ou Alice...

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Pour finir, une anecdote rassurante. Euh...
Les distributeurs francophones n'ont pas le monopole des traductions idiotes ! Le titre original (5 flights up, certes difficile à retranscrire) est transformé en espagnol par Memorias de Brooklyn. Pour un film qui se passe à Brooklyn ! Un chouette décision marketing, I guess...

vendredi 28 octobre 2016

Burtonien ?

J'ai vérifié pour en avoir le coeur net: Miss Peregrine et les enfants particuliers est le premier film de Tim Burton que j'ai découvert depuis presque quatre ans. Je n'ai jamais été un vrai inconditionnel du réalisateur aux cheveux fous, mais j'ai de l'estime pour lui. D'aucuns affirment que ce film était son meilleur depuis longtemps...

Je suis donc allé le voir, pour me faire ma propre idée, et l'ai trouvé sympa. J'ai cru cependant ne pas pouvoir en profiter pleinement. Arrivé un peu à l'avance dans la salle, j'avais négligé de... réserver une place particulière. Car oui, j'aurais pu choisir mon fauteuil ! Voyant le film débuter, j'ai craint d'être délogé, quelques spectateurs arrivés tardivement en venant presque aux mains autour du droit d'être assis à l'endroit auto-décidé, dans une salle remplie à 99%. Bref... j'ai finalement échappé au lointain exil forcé. J'ai donc pu découvrir dans des conditions (quasi-)normales le début de l'intrigue. Jacob Portman, un adolescent très ordinaire, perd son grand-père dans de mystérieuses conditions. Il découvre alors que les histoires fantastiques que lui racontait le vieil homme... étaient bien vraies. Après de longues scènes d'exposition, et à l'occasion d'un voyage consolateur au Pays de Galles, il se retrouve propulsé dans le passé. Miss Peregrine, la directrice d'une institution d'accueil de gamins dotés de pouvoirs étranges, l'y attendait. Et une petite bande aussi...

Si je devais dire du mal de Miss Peregrine..., je crois que je citerais prioritairement son rythme mollasson du début et, comme en miroir inversé, sa profusion d'actions débridées (et peu claires) vers la fin. Évidemment, il y a des gentils et des méchants, dans cette histoire ! D'ailleurs, cela aurait pu être traité de toute autre façon, le scénario nous invitant à quitter notre temps pour 1943, sous la menace directe des bombardements nazis. Le grand potentiel de ce cadre historique n'est presque pas exploité et c'est dommage. Cela dit, je confirme l'impression que je vous ai livrée d'emblée: j'ai trouvé le film sympa. Puisqu'il est une adaptation d'un roman, je dirai que Tim Burton rassure en se montrant toujours en capacité d'imager des univers franchement baroques. Il sait s'entourer, aussi, et a peut-être trouvé en Eva Green une muse durable - l'avenir le dira. Je regrette cependant que le jeu des enfants ne soit pas toujours à la hauteur. Samuel L. Jackson a le temps d'en faire des caisses, mais Judi Dench et Terence Stamp sont vite évacués. Et, oui, c'est un peu frustrant...

Miss Peregrine et les enfants particuliers
Film américain de Tim Burton (2016)

Il se peut que je reçoive avec envie le prochain film de ce brave Tim. Burton redresse la barre, d'une certaine façon, et montre des signes encourageants pour la suite de sa carrière. À confirmer, donc. Maintenant, d'ici là, il serait bien aussi que je voie ses films anciens restés inédits pour moi, tels Edward aux mains d'argent. Voyez-vous d'autres cinéastes aussi vite identifiables, dans le fantastique, vous ?

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Le film reçoit un accueil contrasté...
J'ai pu constater que Dasola et moi étions d'un avis assez proche. Tina, en revanche, se montre nettement déçue - et l'explique bien.

mercredi 26 octobre 2016

Une rencontre

Je ne pensais pas forcément vous reparler si vite d'Akira Kurosawa. Le truc, c'est qu'un copain chez qui je dînais m'a proposé de regarder un film au cours de cette soirée, m'invitant même à faire mon choix dans sa collection. J'ai opté pour Dersou Ouzala, un long-métrage coproduit par une société moscovite et tourné en Union soviétique...

Si, comme moi, cet état de fait vous étonne, vous comprendrez mieux le pourquoi du comment à partir du moment où vous saurez que le maître japonais, alors âgé de 65 ans, revisite ici les récits autobiographiques d'un explorateur russe, Vladimir Arseniev. L'idée n'est pas de tresser une couronne de lauriers à ce brave soldat chargé par l'armée tsariste de faire le relevé topographique de terres lointaines, le long de la frontière avec la Chine. Non ! Comme le titre l'indique clairement, c'est un autre homme, Dersou Ouzala, qui est objectivement le point central du récit. Encore que... il est question finalement d'une amitié entre ces deux personnages (réels). Bien loin de la frénésie qui anime ses grandes fresques, Akira Kurosawa offre sans doute l'une de ses oeuvres les plus humanistes. Et... c'est beau !

Parce qu'évidemment, cette belle histoire, le cinéaste la transcende. J'avoue que je n'ai pas pris le temps de chercher des informations détaillées sur la manière précise dont le livre est devenu un scénario. En revanche, côté mise en scène, quel maestria ! Il me faut souligner que les grandes qualités de Dersou Ouzala m'ont proposé un visage d'Akira Kurosawa que je ne connaissais guère jusqu'alors. La beauté de ces images n'est pas ostentatoire: elle naît souvent de longs plans fixes, régulièrement parcourus de dialogues d'une grande densité. Parce qu'il s'inscrit dans un cadre naturel, il est plus que tentant d'apprécier le film comme un manifeste écologique (avant l'heure). Mais j'insiste: j'ai surtout été sensible à la beauté d'une rencontre entre deux hommes que tout aurait pu opposer. Les historiens de l'art retiennent qu'avant de tourner, Akira Kurosawa dut imposer l'acteur principal, Maksim Mounzounk, à ses producteurs... drôle d'écho, non ?

Dersou Ouzala
Film "japono-soviétique" d'Akira Kurosawa (1975)

Pour ceux que ça intéressera, je précise juste que le long-métrage reçut en 1976 l'Oscar du meilleur film étranger. Je n'en parlerai pas comme de mon Kurosawa préféré, mais cette statuette est méritée. L'amitié improbable est ici bien plus forte que dans Intouchables. Vous me direz que je compare l'incomparable... et vous aurez raison. Du coup, j'attends vos suggestions d'autres grands films humanistes !

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Et en attendant, pour (peut-être) vous inspirer...

Je vous conseille d'aller lire "L'oeil sur l'écran" et "Le blog de Dasola".

mardi 25 octobre 2016

Rien qu'une famille

Avez-vous une petite idée du nombre de films sortis en France l'année dernière ? J'ai la réponse: 672 ! Une telle masse suppose de réfléchir avant d'affirmer qu'un long-métrage n'est pas "comme les autres". Pour ma part, je pèse ces mots, même pour parler d'un film du passé. Mais je suis tenté de dire que L'île nue n'est pas comme les autres...

Je suppose que les plus fidèles d'entre vous connaissent mon intérêt constant pour le cinéma japonais d'hier et d'aujourd'hui. Avec l'espoir de découvrir une nouvelle oeuvre sensible et le souvenir - lointain - d'une discussion au sein de mon association, je me suis donc tourné vers L'île nue. Un grand petit film ! Je dis "petit" sans prétention aucune, sachez-le, mais juste parce que le scénario est minimaliste. Quelques mots suffisent à le résumer: le long-métrage nous invite simplement à suivre la vie d'une famille paysanne japonaise, plantée sur un petit îlot isolé, loin de toute ville. La terre, la mer et le ciel. Quatre saisons. Un père, une mère, leurs deux jeunes fils. C'est tout !

Maintenant, vous vous demandez peut-être pourquoi j'ai parlé de L'île nue comme d'un "grand film". Mais parce que c'est le cas, voyons ! Évidemment, pour l'apprécier, il faut parvenir à accepter son épure. Compte tenu du tumulte du monde dans lequel nous vivons, c'est vrai que ce n'est pas évident d'entrer dans une démarche contemplative aussi intense. Je dirais que ça vaut le coup d'essayer, au moins. Quand, peu ou prou, on y parvient, c'est vraiment agréable: on peut voir alors, ainsi que je le suggérais, un film "pas comme les autres". Objectivement, ce qui s'y passe est d'abord très répétitif, le sujet lui-même imposant ces reproductions incessantes des mêmes gestes. Les images pourraient presque s'associer à celles d'un documentaire. Reste que, passée la première demi-heure, et donc à peu près le tiers du métrage, il y a bien une évolution dans la narration. Pour titiller votre curiosité, je n'ai qu'une chose à ajouter: le film s'accompagne de bruits et de musiques, mais... tout le récit se déroule sans parole !

L'île nue
Film japonais de Kaneto Shindo (1960)

Le plus amusant, maintenant que j'ai dit tout ça, c'est d'avoir trouvé facilement un film comparable... et un très récent, qui plus est ! Devant cette petite merveille nippone, j'ai pensé à La tortue rouge. Maintenant, si vous préférez aux dessins animés les films en images réelles, je peux aussi vous recommander de regarder Still the water. Ou alors d'en chercher d'autres dans mon index "Cinéma du monde"...

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Et pour un autre avis sur le film du jour...

Vous pouvez également jeter un oeil à ce qu'en pense l'amie Dasola

dimanche 23 octobre 2016

Arte autrement

J'ai enchaîné deux expériences cinéma: après être allé voir trois films en salles une même soirée, j'ai poursuivi avec le Arte Kino Festival. Souvenez-vous: je vous ai parlé de cette initiative de la petite chaîne franco-allemande le 30 septembre dernier. J'ai choisi de découvrir cinq des dix longs-métrages diffusés en ligne. À savoir, dans l'ordre...

La jeune fille sans mains
Film français de Sébastien Laudenbach

Ce joli dessin animé ne ressemble à aucun de ceux que j'avais vus jusqu'alors. C'est un fait: comme d'autres avant lui, il adapte un conte traditionnel des frères Grimm, mais il sort nettement du lot commun par l'originalité de sa forme. Les traits des différents personnages restent souvent indéfinis et changent en permanence: ils semblent ainsi le plus souvent en cours de création. L'histoire racontée demeure elle-même assez ordinaire: un meunier avide de richesses signe un pacte avec le Diable et y sacrifie sa fille, qui devra fuir longtemps pour échapper au démon. Présenté à Cannes au printemps et primé à Annecy en juin, le film sort en salles le 14 décembre prochain. Si vous êtes attentifs aux voix, vous entendrez ici celles d'Anaïs Demoustier, Jérémie Elkaïm et Sacha Bourdo, entre autres...

A good wife
Film serbe de Mirjana Karanovic

Il me semble que la réalisatrice fait ici ses débuts derrière la caméra. Elle qui est aussi l'une des actrices les plus connues dans son pays s'est également adjugé le rôle principal. L'occasion, donc, de prêter ses traits à une épouse-modèle, qui découvre que son mari a commis des crimes de guerre et, presque simultanément, qu'elle a un cancer. Vous l'aurez compris: le film est bien loin d'être une comédie. L'étude de moeurs est cependant assez réussie et le personnage central attachant. Le scénario, lui, reste sur les rails attendus, sans surprise véritable, tant dans son déroulé que vis-à-vis de son aboutissement. Rien de honteux là-dedans, mais un récit un peu trop conventionnel. La nationalité du film n'a pas suffi pas à entretenir ma curiosité. Aucune date de sortie sur les écrans français n'est encore annoncée...

John from
Film portugais de João Nicolau

Vous l'avez peut-être déjà vu: le long-métrage a été diffusé en France à partir du 25 mai dernier. Il tourne autour de Rita, une adolescente lisboète qui semble s'ennuyer ferme pendant ses longues vacances estivales. Un peu de fantaisie s'introduit dans ce très morne quotidien quand la jeune fille découvre Filipe, son nouveau voisin, un papa célibataire d'une vingtaine d'années son aîné. Amour ? Passion ? Tendresse ? C'est difficile de définir la vraie nature des sentiments qui animent une gamine à l'âge de devenir une femme. Le film choisit de s'en émouvoir avec elle, sans jamais s'en moquer, et c'est beau. Parce qu'il est également question de la Mélanésie, le Portugal prend des allures d'île lointaine... et c'est beau aussi (et un peu onirique). Quelque chose dans le récit est doucement parvenu à m'embarquer...

Suntan
Film grec d'Argyris Papadimitropoulos

On reste au sud de l'Europe, mais on change à 100% d'atmosphère. Cette fois, la caméra tourne son objectif vers Kostis, un médecin quadragénaire, débarqué un banal matin d'hiver sur l'île grecque d'Antiparos. Ce décor planté, une ellipse nous transporte jusqu'à l'été suivant, à la période où, du fait de l'afflux de touristes, notre toubib est supposé avoir un maximum de travail. De fait, il est vite débordé par une bande de jeunes qui a envahi son cabinet. La situation s'inverse ensuite, quand le docteur retrouve le groupe à la plage. Vaguement solaire jusqu'alors, le film vire alors au pseudo-thriller pour décortiquer la personnalité d'un homme solitaire et instable. Très sincèrement, cela ne m'a pas passionné. J'ai trouvé ce descriptif longuet et j'ajouterai qu'il ne débouche sur rien. Un coup dans l'eau...

Wild
Film allemand de Nicolette Krebitz

J'aime le cinéma quand il amène un peu de fantastique dans le banal. C'est le cas dans ce long-métrage, où une jeune employée de bureau aperçoit un jour un loup, à deux pas de son immeuble. Surprise d'abord, mais rapidement séduite, la belle tente d'approcher la bête. En fait, déterminée à l'apprivoiser, elle monte une expédition de nuit pour la retrouver, l'endormir à l'aide d'un anesthésiant ultra-puissant et... l'installer chez elle ! C'est apparemment la condition sine qua non de son épanouissement personnel. Mouais... au départ plutôt attiré par le sujet, j'ai regretté ensuite un traitement bancal ou maladroit. L'idée, dirait-on, était de montrer une jeune femme devenir sauvage. Pourquoi pas ? Seulement voilà, j'ai trouvé certaines scènes vulgaires ou, de fait, trop peu crédibles. Même si la fin est plutôt bien filmée...

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Un petit bilan chiffré s'impose...

47.785 internautes se sont intéressés au Festival - dans 38 pays différents. Les films ont été vus à 8.547 reprises. Quant aux fiches publiées pour présenter les longs-métrages et leurs bandes-annonces officielles, elles ont fait l'objet de 332.812 pages vues. Des résultats que les promoteurs de cette expérience semblent juger satisfaisants.

Et le gagnant est...
L'annonce date du vendredi de la semaine dernière: le choix du public s'est porté sur A good wife. Content, donc, d'avoir vu le film lauréat !

Comment puis-je conclure, désormais ?
Au final, mon expérience du Arte Kino Festival est assez contrastée. Comme vous l'aurez compris, j'ai une opinion mitigée de quelques-uns des films que j'ai choisis - et, pour le moment, pas d'opinion du tout sur les cinq que j'ai laissés de côté. Si l'opération est reconduite l'année prochaine, je ne sais pas si je voudrai y participer à nouveau. Pour parler maintenant de choses positives, je souligne que j'ai pris plaisir à découvrir ainsi (gratuitement !) cinq films inédits, européens et contemporains. Sur petit écran, c'est un fait, mais quand même ! Ce n'est pas tous les jours que la télé rend un tel service au cinéma. J'espère donc - raisonnablement - que cette belle idée fera des petits.

vendredi 21 octobre 2016

Privée de sortie

"Un monstre peut avoir plusieurs visages": c'est la phrase d'accroche portée sur l'affiche de 10 Cloverfield Lane. Il vaut mieux voir le film que lire ma chronique du jour pour savoir si sa promesse est tenue. Soucieux de ne pas trop en dévoiler, je peux tout de même vous dire que je l'ai trouvé sympa. Un vrai plaisir de minuit passé... ambiance !

Un mot sur le contexte précis de cette découverte: avec les films évoqués lundi et mercredi, 10 Cloverfield Lane aura été le troisième que j'ai vu dans une salle de cinéma, à l'occasion d'une "horror night". Sans doute est-il mieux que je souligne qu'il ne m'a pas plus fait peur que les deux qui l'ont précédé. J'ai cependant bel et bien su accrocher à cette histoire, correctement racontée à défaut d'être très originale. Tout commence quand Michelle, une jolie jeune femme, se prépare rapidement à quitter l'appartement de son petit ami, avec qui elle va rompre. Quelque temps plus tard, la belle est victime d'un accident routier: après une phase d'inconscience, elle se réveille dans un lieu inconnu aux airs de bunker, sous perfusion et... enchaînée au mur. Elle rencontre alors celui qui pourrait être son geôlier, Howard. L'intéressé a une bien mauvaise nouvelle: il est impossible de rallier le monde extérieur, qu'une apocalypse bactériologique a ravagé ! Conclusion: en dépit des apparences, Howard aurait sauvé Michelle. De là à conclure qu'il est devenu le garant de sa survie, il y a un pas...

Habile, le récit s'appuie sur cette ambigüité, qui est ainsi la source principale des rebondissements. Bien sûr, très vite, la jeune héroïne s'interroge sur les motivations de son ange gardien autoproclamé. Parce qu'elle ne parvient pas à le croire sur parole, elle souhaite vérifier par elle-même la véracité de ses dires. Bref, elle veut sortir ! Y arrivera-t-elle ? C'est à vous de le découvrir, si ce n'est déjà fait. Quant à moi, j'entamerai mon analyse formelle en louant les qualités esthétiques du long-métrage. Le décor de ce huis-clos m'a paru convaincant: je suis entré dans cette histoire sans réelle difficulté. Pour apprécier la suite, il convient de laisser ses réflexes d'incrédulité au vestiaire et de ne jamais réfléchir au réalisme des situations présentées. 10 Cloverfield Lane est un divertissement, point barre. Avec quelques bouts de ficelle, il se montre capable de tisser une toile scénaristique qui, longtemps, parvient à conserver un coup d'avance sur nos perceptions. D'aucuns pourraient juger la fin rocambolesque. Moi, parce qu'elle est ouverte, je me suis imaginé la suite - bonheur !

10 Cloverfield Lane
Film américain de Dan Trachtenberg (2016)

Bon... il est temps, je crois, que j'évoque une petite controverse liée au film. Peut-être en avez-vous vu un autre: le fameux Cloverfield. On glose beaucoup sur la similarité des titres, ce qui est logique quand on sait que les deux longs-métrages ont un producteur commun: J. J. Abrams. Y a-t-il publicité mensongère pour le second ? Certains l'ont dit, mais je ne suis pas de leur avis: j'ai aimé les deux !

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Vous verrez: le film suscite des réactions contrastées...
Vous pouvez par exemple le vérifier auprès de 2flics et Princécranoir.

mercredi 19 octobre 2016

Un dernier rock

Vous le savez très bien: le cinéma n'échappe pas toujours aux clichés. L'un de ceux qui m'amusent le plus consiste à ce que les personnages acceptent, bon gré mal gré, de s'embarquer dans une ultime opération avant d'enfin rentrer chez eux. On le retrouve dans Green room. Cette fois, la der des ders prend la forme d'un concert rock imprévu...

Pat, Sam, Tiger et les autres sont fauchés. Leur tournée est bien loin d'avoir rencontré le succès escompté. Il leur reste une dernière date pour s'en sortir - au fin fond de l'Oregon, pour un public de néonazis ! Vous l'aurez compris à la vue de la photo ci-dessus: ça se passe mal. Au moment de partir, après un concert tendu, l'un des musiciens voit quelque chose qu'il aurait mieux fait d'ignorer. Bilan: toute la bande se retrouve retenue sur place, au moins le temps que les flics arrivent. Mouais... c'est suspect, non ? La "chambre verte" du titre n'est autre que la pièce des coulisses où les rockeurs sont confinés. Enfin... vu la tournure des événements, ils seront plutôt retranchés...

Green room ne se joue cependant pas exclusivement à huis-clos. Aussi anxiogène soit-il, le scénario développé est aussi celui d'un film d'action, à ne sans doute pas mettre devant toutes les mirettes. Objectivement, la trame est violente - et je pense même un peu trop pour les âmes sensibles. Disons qu'elle est sans concession, voilà ! Inévitablement, on s'attache à certains personnages et on se dit pourtant qu'il est probable qu'ils ne s'en tirent pas tous sains et saufs. C'est un peu la loi du genre, n'est-ce pas ? Je peux comprendre aussi ceux qui n'ont aucun réel appétit pour ce type de jeux de massacre. Personnellement, il est clair que je n'en fais pas un incontournable. Cela dit, dans la longue histoire du cinéma de genre, ce long-métrage tient son rang. Son mérite: ne pas se prendre pour ce qu'il n'est pas...

Green room
Film américain de Jeremy Saulnier (2016)

Un petit mémo: le  même réalisateur est l'auteur de Blue ruin. Maintenant que c'est précisé, vous cernerez peut-être mieux son goût pour l'hémoglobine. Il serait toutefois dommage de le réduire à cela ! Certes un peu geek, le jeune homme a un style affirmé, qui peut attirer vers Murder party, son premier opus. Mon côté nostalgique préfère les survivals des années 80 - et par exemple New York 1997.

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En tout cas, le genre a toujours des amateurs...

Tina fait un éloge sincère du film. Pascale, elle, est moins emballée.

lundi 17 octobre 2016

Mauvais sorts

Vous connaissez sans doute mon intérêt pour les films en costumes. C'est avec quelques mois de retard, mais malgré tout dans une salle de cinéma, que j'ai eu dernièrement l'occasion de voir The witch. Avec un grand soin apporté à la photo, ce long-métrage nous ramène dans l'Amérique du début du 17ème siècle. Une très sombre période...

Nous remontons le temps avec William, Katherine et leurs enfants. Quand le film démarre, cette famille déjà nombreuse est chassée d'une ville fortifiée par les autorités. On ne saura jamais vraiment pourquoi, mais on pourra deviner qu'elle a été jugée trop intégriste dans ses pratiques religieuses. Finalement installé dans une ferme plantée en lisière de forêt et au beau milieu de nulle part, le groupe verra bientôt le plus jeune de ses membres - un bébé - disparaître ! J'imagine qu'il y a quelques anglophones parmi vous, qui auront cerné aussitôt le fin mot de l'histoire. Aux autres, j'indique que The witch signifie La sorcière. Une créature du Mal serait-elle tapie dans l'ombre en attendant de passer à l'attaque ? Ça, je ne vous le préciserai pas. Parce qu'une grande partie de l'intérêt du film tient dans la réponse...

Cela dit, cette histoire a quelque chose de déroutant: le mystère qu'elle propose est épais et nous embarque parfois vers des situations inattendues. Est-ce que tout cela fait peur ? Un peu, mais pas trop. Surtout, n'allez pas conclure que je m'en suis trouvé frustré ! L'essentiel du plaisir que j'ai pris devant ces images tient précisément à la qualité visuelle du long-métrage: pour peu bien sûr qu'on adhère au sujet et à condition évidemment d'accepter cet univers, on revient cinq siècles en arrière, sans la moindre difficulté. Les couleurs désaturées de The witch font merveille pour la crédibilité du film. Autre réussite: celle de la musique, rare, mais toujours bien utilisée. De même, parmi les comédiens, je n'ai pas ressenti de fausse note. Les jeunes acteurs sont au contraire assez remarquables d'implication et portent haut des personnages que je suppose difficiles à incarner. Oui, un bon moment que cette séance de rattrapage sur écran géant !

The witch
Film américain de Robert Eggers (2016)

À la fin du film, un carton précise qu'il s'inspire de légendes et d'écrits historiques de la Nouvelle Angleterre. C'est une fort belle réussite. Dans un style plus "ludique", vous prendrez peut-être un plaisir équivalent devant Sleepy Hollow, l'un des tous premiers Tim Burton malaimés. Le film d'aujourd'hui m'a également rappelé Carrie au bal du diable. Ce qui est drôle, c'est qu'on dit que Stephen King l'a aimé !

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Y a-t-il d'autres amateurs dans la salle ?
Euh... il n'y a que chez Dasola que j'ai trouvé à lire un autre avis.

samedi 15 octobre 2016

Des affections

Chers amis, je laisse la parole à Joss pour sa chronique mensuelle...

Treize ans qu'il est sorti, primé sous toutes les coutures. C'était le premier film indépendant écrit et réalisé par l'Américain Thomas McCarthy (tout comme cinq ans plus tard The visitor, qui obtiendra le Grand Prix du jury du Festival de Deauville). Et même si avant The station agent et après The visitor, d'autres longs-métrages lui ont valu de nombreux prix, celui-là m'a définitivement scotchée.

À peine trois ans qu'un ami me l'a fait connaître. Un scénario et un jeu d'acteurs qui en font pour moi l'une des meilleures comédies douces-amères. Depuis, je le regarde régulièrement et à chaque fois, j'y découvre quelque chose, comme une nouvelle pépite. J'ai toujours aimé les trains, les gares. Deux univers aux antipodes et pourtant indésolidarisables. Et au milieu, il y a ce film...

Lorsque son vieux patron black meurt d'une crise cardiaque, Finbar McBride perd à la fois son job (technicien en trains électriques) et son seul ami, mais il hérite d'une petite gare désaffectée du New Jersey, où il espère bien trouver la tranquillité, loin des mauvais quolibets d'ados et des regards d'adultes. Finbar est nain. En recevant les clés de ce no man's land, ses espoirs étaient grands, mais il se rend vite compte que la vie paisible et solitaire de ses rêves n'est pas gagnée. L'y attendent deux voisins impayables: Joe, jeune vendeur de hot-dogs italiens, et Olivia, artiste peintre quarantenaire et distraite. Improbable trio. Et quel trio !

C'est avec une dextérité sans nom que le réalisateur va manier son monde. Drôlerie, esprit, délicatesse autour d'une relation qui ne cessera de monter en puissance. Le cas de figure n'est pas rare, mais quand on vient d'hériter d'une gare, quand on installe son camion-snack dans un lieu de telle solitude (aucun train ne s'y arrête jamais) et quand on porte un lourd chagrin de mère, on nourrit aussi un cadre pour le moins atypique. Base suffisamment consistante pour ne pas offrir de spectaculaire, mais une trame de relation en duo ou trio toujours fortes, où chacun endosse plusieurs casquettes: parentale, filiale, amicale, amoureuse...

Lors de promenades le long de la voie ferrée en colonne d'Indiens ou en attendant le passage d'un train devant un banc, il y a de la volupté, celle de l'espérance d'un don de l'autre. Et derrière cette multitude de conjugaisons, c'est l'effet magnétique de Fin qui tire les ficelles. Bien involontairement, intensément. Une banalité déguisée, voilà ce qu'est ce scénario. Dense et léger à la fois pour déboucher sur le baiser furtif que donne à Fin la jeune Emily - déjà engagée avec un voyou sans attrait -, sur l'accablement de Joe obligé de cuisiner sans ail, ou encore sur le regard de Cleo, la petite fille noire et rondouillarde qui entre en contact avec Fin simplement en le suivant sur la voie ferrée.

Rien que des choses naturelles, mais jamais banales. Symbolique pleine d'humour comme la récurrence à tout bout de champ du cafe con leche, de la maladresse d'Olivia au volant, de l'insistance touchante de Joe ou même de l'obligation pour lui de se courber dans un camion tant il est grand (et Fin si petit). Rien que du calme et du profond. On attend joliment un revirement qui finalement ne s'impose pas. L'atmosphère y est déjà tellement chargée en charme pour tant de douleur rentrée. La tendresse y résistera-t-elle ?

vendredi 14 octobre 2016

La cité pourrie

J'enchaîne avec un autre film tiré d'un roman: L. A. confidential. Cette fois, c'est l'Américain James Ellroy qui est à l'honneur. Changement d'atmosphère et de cadre: nous voilà dans les États-Unis des années 50. Le scénario nous embarque chez des flics chargés d'enquêter sur une tuerie massive, survenue dans un bar de la ville...

Film noir ? Je crois qu'on peut dire ça. Il n'y a pas d'un côté les gentils et de l'autre les méchants. Bien au contraire: les prétendus suspects sont parfois innocents et les supposés représentants de l'ordre susceptibles d'être corrompus - ou si ambitieux qu'ils basculeraient vite. Pour nous mettre aussitôt au parfum, L. A. confidential démarre d'ailleurs par une rixe dans les locaux même de la police, provoquée par un groupe d'agents racistes, déterminés à en découdre avec des malfrats à leur goût un peu trop basanés. Il sera question ensuite de faux témoignages, de meurtres, donc, de prostitution "haut-de-gamme" de sosies de stars de cinéma et de trafic de coke. L'ensemble sous les yeux d'un journal à scandales, dont le journaliste unique est aussi un indic pour certains poulets à l'intégrité douteuse !

Bien ! Je vous le dis tout net: L. A. confidential m'a un peu déçu. J'ignore pourquoi, mais disons en somme que je m'attendais à un truc plus clair: l'intrigue m'a abandonné dans ses méandres, en réalité. Cela dit, quitte à passer aux aveux, je reconnais la qualité du travail accompli sur le plan formel: la reconstitution est soignée, sans note dissonante. C'est aussi avec un certain plaisir que j'ai retrouvé ici quelques têtes connues, dont celles de Kevin Spacey, Danny DeVito, Russell Crowe dans ses débuts américains ou Kim Basinger en femme fatale. Petit à petit, le cadre se resserre autour de deux des flics. D'abord opposés, ils forment ensuite une alliance de circonstance contre un ripou. Honnêtement, ce n'est pas une mauvaise histoire. Aussi classique soit-elle, elle ne manque pas d'attraits pour autant. C'est juste que je l'ai suivie sans passion - et j'en reste fort surpris. Ce sont des choses qui arrivent. Meilleure chance la prochaine fois...

L. A. confidential
Film américain de Curtis Hanson (1997)

Le nom du réalisateur vous dit quelque chose ? C'est normal. L'annonce de sa mort a été faite il n'y a pas encore un mois. Le film présenté aujourd'hui est sans doute son plus connu. Je pense pouvoir citer Les incorruptibles de Brian DePalma comme comparaison possible. Je crois toutefois préférer Les sentiers de la perdition. Voire, dans un registre différent, l'ambiance très fifties d'Ave César !

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D'autres avis, sur la grande Toile ?

Compte tenu de la popularité supposée du film, je pensais en trouver beaucoup. Bon... vous avez celui de Dasola et il est vraiment positif !

jeudi 13 octobre 2016

Retour en arrière

Avez-vous déjà lu un livre de Tatiana de Rosnay ? Je pose d'emblée cette question, car je compte vous parler aujourd'hui d'un film adapté de l'un de ses romans et qui, comme lui, est intitulé Boomerang. Sincèrement désolé pour les plus littéraires d'entre vous: je n'ai pas lu le bouquin et ne peux donc juger de la fidélité de cette version ciné...

Antoine Rey est conducteur de travaux. Il a une quarantaine d'années. Papa séparé de la mère de ses enfants, il a perdu sa propre maman alors qu'il était encore un gamin. Clarisse s'est noyée, lui a-t-on dit. Sans savoir vraiment pourquoi, Antoine doute que ce soit la vérité. Du coup, tel un détective, il tente de reconstituer le passé en allant directement là où le drame s'est produit: sur l'île de Noirmoutier. Inutile d'en dire plus, je pense: c'est donc à une sorte d'enquête privée que Boomerang nous convie, ce qui n'a rien de désagréable. Parce que Laurent Lafitte joue plutôt bien, je me suis plutôt attaché à son personnage de grand adulte tourmenté. J'ai donc aimé le suivre.

Au chapitre des bonnes nouvelles, je veux bien souligner la qualité d'ensemble de la distribution: Mélanie Laurent, Audrey Dana, Wladimir Yordanoff et même... Bulle Ogier (!) ne produisent pas d'étincelles, mais toutes et tous font très honnêtement leur boulot. Malgré quelques faiblesses formelles, Boomerang offre une intrigue plutôt intéressante, jusqu'au moins les deux tiers du métrage. Malheureusement, la suite est un peu moins convaincante: le mystère est, je trouve, trop vite résolu et, à partir de là, les personnages n'évoluent plus que de manière convenue. Quelques rebondissements supplémentaires (ou un peu de perversité) ne m'auraient pas déplu. Las ! Le scénario n'est pas infamant, mais tout cela reste très sage...

Boomerang
Film français de Laurent Favrat (2015)

Je n'ai pas vu Je vais bien, ne t'en fais pas, mais j'ai lu le livre ! J'imagine donc qu'on peut comparer le film d'aujourd'hui avec cet opus cinématographique sorti en 2006, lui-même adapté, donc, d'un roman populaire (et avec Mélanie Laurent). Je ne trouve aucun autre film comparable dans l'immédiat, mais j'admets que je n'y ai pas réfléchi longtemps. Les secrets de famille sont pourtant des plus inspirants...

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J'ai quand même quelque chose à ajouter...
Il y a (au moins) un autre Boomerang de cinéma: un long-métrage sorti en 1992, avec Eddie Murphy dans le rôle principal. Rien à voir...

Maintenant, si vous souhaitez un autre avis...

Je vous laisse le choix: vous pouvez aller lire Pascale et/ou Dasola.

mercredi 12 octobre 2016

Cette autre Amérique

Jeff Nichols n'avait pas encore trente ans quand Shotgun stories apparut sur les écrans. Il faut saluer la Berlinale: c'est au festival allemand que le cinéaste américain doit sa première projection publique. Si je voulais le voir, bientôt dix ans après, c'est que j'étais intéressé à l'idée de juger des débuts de ce réalisateur prometteur...

Premier constat: je n'ai pas été déçu. Shotgun stories porte en lui une certaine idée du cinéma américain, à laquelle je suis sensible. Logiquement, vu le titre (Histoires de fusil, en français), on peut s'attendre à quelque chose de violent. Ce que Nichols nous propose tient cette promesse, mais pas seulement: certes, ici, deux familles s'opposent et se menacent l'une l'autre, mais les coups échangés restent relativement peu nombreux et, s'il coule bel et bien, le sang reste tout à fait invisible. Notez que, même si leur père a abandonné leur mère pour fonder une autre famille, on ne sait pas vraiment pourquoi Son, Kid et Boy Hayes haïssent à ce point leurs demi-frères. En fait, je me suis même demandé si c'était bien... le sujet du film ! Ses allures de western moderne sont assez trompeuses, à vrai dire...

Ouais... même s'il filme quelques gros flingues et des hommes visiblement décidés à s'en servir, Jeff Nichols pose d'abord son regard sur le cadre de cette histoire: l'Amérique pauvre. Que ce premier film soit aussi le plus épuré de tous ceux qu'il a réalisés n'affaiblit en rien son propos, au contraire: de l'Arkansas, la terre où il est né, l'artiste fait presque un personnage à part entière, nous embarquant ainsi dans un voyage qu'on ne fait que trop rarement par écran interposé. Personnellement, c'est quelque chose que j'apprécie beaucoup. Ensuite, peu m'importe de ne pas croiser de star: c'est même mieux. Seul visage connu des environs: celui de Michael Shannon, comédien fidèle, s'il en est, à l'homme derrière la caméra. Shotgun stories séduit par sa totale absence de fioritures. Bien content de l'avoir vu !

Shotgun stories
Film américain de Jeff Nichols (2007)

Voilà... il me restera Take shelter et j'aurai vu l'intégralité des films de ce réalisateur (j'ai presque hâte !). Vous me direz que d'autres montrent également l'Amérique des petites gens et vous aurez raison. Pour sortir quelque peu des sentiers battus, j'attire votre attention sur deux films sortis en 2011, Summertime et Putty Hill, et souligne que ces fictions ont toutes deux une allure proche du documentaire...

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Une dernière précision...

Jeff Nichols cite Terrence Malick, John Ford et le photographe américain Joel Sternfeld parmi ses maîtres. D'autre avis sur le film d'aujourd'hui sont publiés sur "L'oeil sur l'écran" et chez Princécranoir