vendredi 2 octobre 2015

Vaines paroles

Les cinéphiles présentent souvent Michael Antonioni comme le maître de l'incommunicabilité. Mes connaissances sur l'oeuvre du cinéaste italien sont encore trop faibles pour que j'ose livrer un point de vue définitif sur ce sujet. Toujours est-il que, dans L'éclipse, la difficulté des personnages à se parler est patente. Et c'est plutôt intéressant...

Vittoria et Riccardo ne s'entendent plus et se murent dans le silence. Saisissante, la première scène du film oppose un couple d'Italiens rongé par le désamour. Il faut attendre plusieurs (longues) minutes avant que la femme manifeste son envie de quitter son mari. Explications laconiques, incompréhension, porte qui se ferme. Conçu comme le dernier opus d'une trilogie, L'éclipse se montre d'emblée comme ce qu'il est aussi: une histoire simple et un spectacle exigeant sur le plan formel - l'impression perdure tout au long du métrage. J'aime autant ne pas trop détailler les diverses trouvailles graphiques d'Antonioni, qui était également peintre à ses heures perdues. Photographe habile derrière sa caméra, Michelangelo le bien nommé compose des plans saisissants, dans un cadre émotionnel assez froid.

Cela reste tiède quand Vittoria rencontre un autre homme: Piero. L'une des très belles idées symboliques du film est d'avoir fait repartir son intrigue par l'entremise d'un courtier en bourse et de montrer explicitement à quel point ce métier oblige à crier en permanence sans jamais avoir le temps de réfléchir ou juste d'écouter les autres. Incommunicabilité, encore et toujours. De par ce constat, L'éclipse demeure, je crois, un film d'une très grande modernité. Il m'a permis également de découvrir enfin Monica Vitta, égérie du réalisateur, ainsi que de revoir Alain Delon dans l'un de ses (bons) rôles italiens. L'essentiel du métrage tourne autour du duo, avec quelques ellipses déroutantes, mais qui apportent un je-ne-sais-quoi de fantastique. Quasi-muette elle aussi, la fin est presque une oeuvre en elle-même !

L'éclipse
Film italien de Michelangelo Antonioni (1962)

Pour info, les deux autres morceaux de la trilogie L'avventura, Prix du jury (fort controversé) à Cannes en 1960, et La nuit, qui obtint notamment l'Ours d'or du meilleur film au Festival de Berlin 1961. J'espère pouvoir voir les deux - le premier est dans ma collection DVD. Maintenant, en termes de comparaison, j'ai trop peu d'éléments fiables pour m'y risquer. Jetez donc un oeil sur Femmes entre elles !

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Un autre regard sur la filmo du maestro et ce film...

Vous pouvez aussi aller voir du côté de "L'oeil sur l'écran".

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