mercredi 30 septembre 2015

Divine humanité

Certains films, rares, sont unanimement appréciés ou détestés. Beaucoup d'autres divisent le public en trois familles d'importance variable: les pour, les contre, les indécis. Le tout nouveau testament pointe dans la seconde catégorie. J'ai lu une critique qui le jugeait "poétique, inventif, avec de très belles interprétations de l'ensemble des acteurs" et une autre qui citait... un "film complétement débile".

Mon avis ne rejoindra pas celui de ce courageux internaute anonyme qui, entre autres amabilités, certifiait que (je cite) "le réalisateur devrait consulter". Bien au contraire: ma toute première rencontre avec le cinéma de Jaco van Dormael m'a été très agréable. Ce film étonnant, j'ai d'abord voulu le voir pour Benoît Poelvoorde, ce clown triste dont je ne me lasse pas. Cette fois, c'est à un rôle incroyable que s'attaque le natif de Namur: celui de Dieu, ni plus ni moins, Dieu qui habite Bruxelles pour l'occasion et qui passe d'éternelles journées à boire de la bière en inventant les lois de l'emmerdement universel. Conséquence: Le tout nouveau testament, c'est sa fille Ea qui décide de l'écrire, en descendant sur Terre à la rencontre de six apôtres nouveaux, préalablement renseignés sur la date exacte de leur mort. C'est farfelu ? Oui, mais pas que. Le long-métrage nous parle aussi d'une gamine partie construire son bonheur, loin d'un père tyrannique.

En réalité, autour de cette quête spirituelle, au moins six façons d'être heureux seront passées en revue, selon la personnalité propre de chaque protagoniste. Le message: notre plaisir d'être vivant dépend de nos actes et pas du bon vouloir d'une quelconque entité supérieure. Le scénario a le bon goût d'éviter la dénonciation simpliste de l'espérance religieuse: il s'avère en fait plutôt moqueur que véritablement iconoclaste. Malgré quelques petites longueurs narratives, le film avance sans se retourner, alors que le personnage de Benoît "Dieu" Poelvoorde s'efface devant celui de Pili "Ea" Groyne. Un mot sur cette gamine d'une dizaine d'années: elle est épatante. Derrière elle, tout la distribution est au diapason, de Yolande Moreau à Catherine Deneuve, via François Damiens et d'autres acteurs belges moins connus. Intéressant sur le fond, Le tout nouveau testament m'a aussi plu pour sa poésie diffuse et sa bande-son rock + classique. Dès les toutes premières séquences, autruches et girafes déambulent dans la ville déserte: j'ai été séduit en deux plans, trois mouvements.

Le tout nouveau testament
Film belge de Jaco van Dormael (2015)

Il s'agit en fait d'une coproduction belgo-franco-luxembourgeoise ! Qu'importe le flacon, j'ai aimé l'ivresse vitale de ce drôle de film. Attachants... en diable, les personnages m'ont facilement embarqué dans cette aventure à la Amélie Poulain. D'autres références et clins d'oeil me sont apparus pendant la projection, mais j'ai oublié depuis. Ma certitude: j'aime de plus en plus ce cinéma belge et sa douce folie.

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Et je ne suis pas le seul à y être sensible...
Sans en faire un vrai incontournable, Pascale a plutôt apprécié le film. C'est également le cas de mon amie - et lectrice - belge: Sentinelle. Dasola, quant à elle, rappelle qu'il est aussi question de mélancolie. Reste l'ami 2flics, dont le blog cinéma a changé de nom et d'adresse.

lundi 28 septembre 2015

Chasse à l'homme

Mon chef était plutôt étonné quand je lui ai fait part de mon intention d'aller voir un western roumain. C'était pourtant bien le programme annoncé de mon association cinéma pour ouvrir sa saison 2015-2016. Aferim ! ne provient pas des archives d'une cinémathèque: il est sorti dans son pays d'origine en mars et chez nous en août. L'Ours d'argent de la Berlinale avait récompensé le réalisateur, Radu Jude, en février.

Cette escapade en Valachie me laisse sur des sentiments mitigés. L'histoire qu'elle raconte nous ramène en 1835: la Roumanie actuelle n'existe pas encore et, bien qu'officiellement autonome, le territoire dont il est question dans le film est toujours sous influence ottomane. Puisqu'il abrite en réalité un important maelström de populations diverses et variées, il est aussi un creuset d'inimitiés ethniques. L'esclavage y a cours, au bénéfice des boyards et autres élites locales, figés dans un modèle social proche de la féodalité du moyen-âge français. Dans ce contexte historique, Aferim ! a pour simili-héros deux hommes, un père et son fils, à la poursuite d'un troisième, soupçonné d'avoir volé son seigneur, tout en profitant des charmes naturels de son épouse. Le type même du comportement déviant ! Parce qu'en plus de tout, le contrevenant est gitan, il est bien illusoire qu'il attire la mansuétude de qui que ce soit. La suite vous le dira...

Revenons donc à mes sentiments mitigés. Je n'ai pas vu un film aimable au premier sens du terme: le scénario laisse peu d'espoirs véritables aux personnages, contraints de vivoter dans un système replié sur lui-même, sans la plus petite perspective d'évolution. Honnêtement, pour ce qui est d'un divertissement du vendredi soir après une grosse semaine de boulot, on a fait mieux ! La manière dont le film aborde son sujet, quasi-ethnologique, mérite toutefois quelques éloges sincères: ce n'est pas tous les jours que le cinéma permet de découvrir cette époque sous de tels horizons. Si austère soit-il, Aferim ! dispose d'un atout majeur: sa très belle photo. Outil de réalisme autant que de distanciation, le noir et blanc sublime encore ces remarquables images. Bien des choses ont lieu à l'intérieur du cadre, mais l'essentiel reste toujours très lisible. Il m'aura manqué un soupçon de souffle picaresque pour m'enthousiasmer franchement.

Aferim !
Film roumain de Radu Jude (2015)

Devant pareil spectacle, il n'est pas interdit et même plutôt conseillé de faire quelques comparaisons avec la situation actuelle de l'Europe. Moins violentes, nos sociétés ne sont pas forcément plus égalitaires. Deux - petits - siècles ont passé: qu'on les appelle réfugiés, migrants ou nomades, les gens qui voyagent ont toujours un côté suspect. D'autres Roms, à une autre époque ? Vous en verrez dans... Liberté.

samedi 26 septembre 2015

Une odyssée intime

Il paraît que rien n'est plus cher au cinéma que de tourner sur l'eau. D'après Wikipédia, La vie aquatique reste le film le plus coûteux parmi les huit qu'a réalisés Wes Anderson. Il a aussi la fantaisie habituelle des oeuvres du cinéaste et nous entraîne dans le sillage d'un pseudo-commandant Cousteau - un hommage est d'ailleurs rendu au vrai. Nous voilà partis à la chasse au requin-jaguar, moussaillons !

Inutile de chercher dans votre dictionnaire des espèces: ce poisson des grands fonds... n'existe pas ! Mais puisque tout demeure possible au cinéma, c'est bien avec le fol espoir de le rencontrer quand même que j'ai embarqué en compagnie de Steve Zissou et de son équipage. Premier constat: certains des membres les plus éminents de la famille artistique de Wes Anderson étaient fidèles au poste, à l'image évidemment du quasi-incontournable Bill Murray dans la rôle principal. C'est avec un plaisir non dissimulé que j'ai retrouvé d'autres visages connus et bien aimés: Anjelica Huston, Owen Wilson, Jeff Goldblum ou Willem Dafoe. Ajoutez-y Cate Blanchett: un casting très classieux ! Sur la forme, La vie aquatique ne ressemble à rien d'autre. Le soin porté à la représentation de cet imaginaire est un régal pour les yeux.

Pour être honnête, je dirais que Wes Anderson peut mieux faire ! Visuellement irréprochable, le film manque peut-être d'un soupçon d'éclat pour être une véritable merveille visuelle. Sur le plan scénaristique, maintenant, j'aime autant dire que La vie aquatique peut dérouter. Coécrite avec Noah Baumbach, l'histoire dépasse largement la longue litanie des péripéties - pourtant nombreuses - survenues à bord du Belafonte. Il est aussi question d'une relation père-fils compliqué et du deuil d'un vieil ami disparu. Le côté absurde de certaines situations prête plus à sourire qu'à pleurer, cela dit. Ainsi que je l'ai lu, le long-métrage échappe à toute standardisation hollywoodienne et c'est finalement ce qui le rend sympathique. Quelque part en haute mer, on gardera aussi une oreille attentive pour le chanteur brésilien Seu Jorge et plusieurs tubes de David Bowie repris en portugais. Le fil rouge d'un objet de cinéma plutôt décalé...

La vie aquatique
Film américain de Wes Anderson (2004)

Les trois derniers films du cinéaste sont chroniqués sur le blog ! J'insiste une seconde pour dire que je les ai préférés, en soulignant toutefois que je n'ai rien vu d'infamant dans cet opus d'aujourd'hui. L'étrange mélancolie qui y cohabite avec l'humour le plus absurde signe une marque de fabrique: j'apprécie et lui vois peu d'équivalent. Pour Bill Murray, je conseille Un jour sans fin ou Broken flowers...

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Sans surprise, d'autres que moi ont pris la mer...

C'est notamment le cas de Pascale, qui parle du film, elle aussi.

jeudi 24 septembre 2015

L'ultime soirée

Personne ne bouge, la remarquable émission d'Arte sur la culture pop audiovisuelle au sens large, rappelait récemment que le film de lycée est l'un des grands archétypes du cinéma américain. Marqués jadis par la rencontre entre bandes, ces longs-métrages ont aussi abordé l'intéressante question de la popularité chez les ados. J'y ai re-réfléchi et me suis dit que Carrie au bal du diable l'évoquait à sa manière...

Considéré (abusivement ?) comme un classique de l'horreur, Carrie... adapte un roman de Stephen King, lui-même fréquemment présenté comme l'un des maîtres de l'angoisse littéraire. Je vais vous dire franchement ce que j'en pense: quatre décennies après le bouquin originel et le film, tout ça ne m'a guère impressionné - le décorum restant objectivement très seventies. J'ai toutefois aimé faire enfin la connaissance de cette pauvre jeune fille tourmentée qu'est Carrie. Souffre-douleur de ses camarades de classe, la pauvrette en bave également à la maison, sous le joug d'une mère tyrannique persuadée que son enfant n'est autre que le fruit d'un impardonnable péché. Isolée, la gamine n'a vraiment aucune chance de trouver un cavalier pour la fête de fin d'année scolaire. Et pourtant, il lui suffirait de...

Il se murmure qu'un journaliste qui demandait à Brian De Palma comment lui était venu l'idée d'adapter le livre se serait vu répondre aussitôt: "En prenant mon bain". De fait, le film ouvre sur une scène de douche vaporeuse et s'achève presque dans une baignoire. J'aimerais mieux revoir le film à l'envers que d'en dire davantage ! Pour être tout à fait objectif, Carrie... a donc pris un coup de vieux. Qu'importe: dans son genre, c'est bien un standard que je voulais découvrir et que je suis très content d'avoir vu. Il me faut saluer d'ailleurs la prestation hallucinée de Sissy Spacek dans le rôle-titre. Plus vieille que son personnage (elle avait 26-27 ans), la comédienne américaine suscite nombre d'émotions contradictoires: je dis bravo ! Autour d'elle, une troupe d'actrices et acteurs oubliés, qui demeurent très convaincants, dont Piper Laurie en abominable maman-sorcière. On notera aussi un rôle de gros naze pour John Travolta, avant que...

Carrie au bal du diable
Film américain de Brian De Palma (1976)

Avec tout ça, je me dis qu'il faudrait que je trouve aussi la possibilité de voir quelques vieux Wes Craven de derrière les fagots. Maintenant, j'insiste: je n'ai pas eu peur - c'est vrai que j'étais assis dans mon canapé, avec la lumière allumée. Quand ai-je frissonné pour la dernière fois grâce à un film ? Je ne m'en souviens plus. Probablement devant Shining - une autre adaptation de Stephen King.

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Y a-t-il d'autres amateurs, dans la salle ?
Oui: au moins Chonchon, qui attribue au film un bon gros 8 sur 10 !

mardi 22 septembre 2015

Mauvaise route ?

Un titre à rallonge, une bande-annonce très réussie et... une fille sexy aux jambes XXL: La dame dans l'auto avec des lunettes et un fusil m'a rapidement tapé dans l'oeil. Quand j'ai appris que le film adaptait un polar de Sébastien Japrisot, mon envie d'aller le voir est montée d'un cran. Un mois (et un jour) après sa sortie, j'ai fini par y céder...

Vous voulez vous mettre dans les mêmes conditions que moi ? Bien ! Je dois donc vous demander d'arrêter de lire cette chronique. Maintenant que seuls les petits curieux sont restés, je vais dévoiler une partie de ce que j'ignorais encore en entrant dans la salle: le pitch de ce long-métrage. La dame dans l'auto... s'appelle Dany Doremus. Elle travaille comme secrétaire-dactylo dans une grande entreprise. Un jour, son patron lui demande de retaper à la machine un nombre important de feuillets, de toute urgence. Pour compenser les heures supplémentaires imprévues, il accueille Dany chez lui, juste le temps d'une nuit de travail intensif. Au petit matin, il a un autre service pressant à lui demander: le conduire à l'aéroport et, ensuite, ramener la voiture chez lui. C'est là que ça déraille: une fois qu'elle se retrouve avec un cabriolet entre les mains, la jolie et très dévouée secrétaire se dit que c'est l'occasion rêvée de passer un week-end à la mer. "Personne n'en saura jamais rien", s'imagine-t-elle. Oui, mais voilà...

La suite, c'est le film - ou le roman - qui vous la racontera. J'ai noté que cette histoire n'avait pas fait l'unanimité, mais, en la découvrant à l'aveuglette, j'ai pris beaucoup de plaisir sur le siège passager. Embarqué volontaire, j'ai suivi Dany là où elle voulait aller, sans carte routière ni GPS. J'ai fait le plein d'émotions quand elle s'est arrêtée sur le trajet, dans une station-service d'abord, dans un hôtel isolé ensuite. J'étais curieux de savoir ce qui l'attendait au bout du chemin. J'en ai pris plein la vue et plein les oreilles, grâce à une reconstitution soignée de la France des années 70, un montage que j'ai trouvé séduisant et une BO aux petits oignons. La dame dans l'auto... soignerait-elle la forme au détriment du fond ? Ce n'est pas à exclure. Cela dit, sincèrement, ça ne m'a pas dérangé. J'ai aimé me perdre dans ce labyrinthe de faux semblants et tirer seul mes conclusions. Quand le film m'a livré le sens de ce que j'avais vu, je n'ai plus écouté que d'une oreille distraite. Dany m'attendait toujours dans la voiture. Elle a souri quand j'ai ouvert la portière. Nous avons repris la route...

La dame dans l'auto avec des lunettes et un fusil
Film français de Joann Sfar (2015)

Vous connaissez le réalisateur ? La BD Le chat du rabbin, c'est lui. L'adaptation au cinéma ? Aussi. Gainsbourg (vie héroïque) ? Encore. Des albums vendus par milliers et deux Oscars: belle(s) réussite(s) ! Ce qui change, c'est mon niveau d'adhésion, au plus haut aujourd'hui. Après ce nouvel opus, ce serait bien de retrouver Sébastien Japrisot. Vous pourrez choisir: Le passager de la pluie et/ou L'été meurtrier.

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Pour être tout à fait rigoureux...

Une précision: ce long-métrage est la seconde adaptation au cinéma du roman éponyme de Sébastien Japrisot. La toute première version était sortie en salles à l'automne 1970, réalisée par Anatole Litvak. L'écrivain était cité au générique comme co-scénariste et dialoguiste.

Et pour ceux qui s'intéressent au remake...

Je signale que l'actrice principale du cru 2015 s'appelle Freya Mavor. Aux côtés de cette bombe écossaise de 22 ans, on retrouve un casting international, avec Stacy Martin, Benjamin Biolay et Elio Germano. D'autres avis sur le film sont publiés chez Pascale et Princécranoir.

lundi 21 septembre 2015

Un autre regard

Tiens ! Après le film de samedi, j'ai soudain eu envie de prendre quelques nouvelles des vieux maîtres de l'animation japonaise. Souvenez-vous: l'an passé, en prenant leur retraite, Hayao Miyazaki et Isao Takahata laissaient beaucoup de cinéphiles avec le sentiment d'être abandonnés. Que sont-ils devenus ? J'ai pu trouver des infos...

Miyazaki, qui devrait fêter ses 75 ans en janvier, souhaite investir dans la construction d'un établissement pour enfants sur une petite île de l'archipel nippon. L'idée ? Les encourager à observer la nature. L'intention serait aussi, si j'ai bien compris, d'accueillir des familles victimes de la catastrophe nucléaire de Fukushima. Le projet devrait démarrer en avril prochain pour une inauguration prévue en 2018. Coût estimé: 300 millions de yens (soit environ 2,2 millions d'euros). J'essayerai de penser à me renseigner sur l'avancée de ces travaux...

En attendant, c'est une évidence: j'ai des Miyazaki à rattraper ! J'ignore encore quand je pourrai voir le dernier - Le vent se lève. Peut-être que ce sera mon prochain, mais j'en ai quelques autres également dans ma collection personnelle, qui pourraient lui passer devant. Wait and see, comme disent les Japonais anglophones. J'imagine que ses compatriotes artistes du cinéma d'animation doivent beaucoup au vieil homme: il demeure, sauf erreur, le premier à avoir conquis le coeur du public en Europe. D'où mon grand respect.

Face à un tel monstre sacré, Takahata, lui, me paraît plus discret. Les petites recherches que j'ai effectuées dans l'idée de préparer cette chronique m'ont appris qu'il était plus vieux, aussi: il célébrera son 80ème anniversaire le 29 octobre. J'ai su également qu'il devait recevoir une nouvelle médaille au Japon, bien méritée assurément. Désolé de ne pas en dire davantage: j'ai juste noté qu'il était honoré pour avoir incarné l'esprit du poète japonais Kenji Miyazawa. Difficile d'être plus disert quand, comme moi, on ignore tout de cet auteur...

D'autres récompenses remises à Takahata me sont plus familières. J'en citerai deux: cette année, en France, l'artiste a été fait officier de l'Ordre des Arts et des Lettres et, aux États-Unis, il est devenu membre de l'Académie des Oscars. Sur l'autre rive de l'Atlantique toujours, l'un de ses films, Omoide poro poro, va enfin bénéficier d'une sortie en salles pour marquer... son 25ème anniversaire. L'histoire ne dit pas s'il pourra ensuite être vu dans les cinémas français, dix-huit ans après sa diffusion DVD. Il est permis d'espérer.

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Bon, une dernière petite chose...
Cette chronique est bien sûr ouverte au débat. J'aimerais approfondir ma connaissance de l'animation japonaise et compte aussi sur vous pour me faire des suggestions, autour de films d'hier et d'aujourd'hui.

samedi 19 septembre 2015

L'ombre du maître

Si je parle ici de la salle 3 des Variétés, je suis sûr qu'au moins 99,9% d'entre vous n'en auront pas d'image particulière. J'ai eu l'impression étrange de la découvrir moi-même l'autre samedi, au moment choisi pour aller voir Miss Hokusai. Avant d'écrire une chronique consacrée aux cinémas que je fréquente, je dois parler de ce film d'animation japonais, sorti il y a deux grosses semaines. Une véritable surprise...

Je vais indiquer tout de suite ce que j'ignorais il y a un mois: Hokusai était un peintre japonais, né en 1760 et décédé en 1849. Il est l'auteur d'innombrables dessins et estampes, parmi les plus fameux. Comme son titre (en anglais...) l'indique, Miss Hokusai s'intéresse plutôt à une jeune femme, qui se trouve être la fille du maître dessinateur. Dans un très spartiate atelier, elle l'assiste et lui permet d'honorer ses commandes, petite main anonyme, dotée d'un bon coup de pinceau. De temps à autre, elle délaisse la demeure paternelle pour rendre visite à sa mère chez elle ou rejoindre sa jeune soeur aveugle, confiée aux bons soins d'un temple voisin. La surprise évoquée plus haut, c'est que, sous ses airs assez familiers, ce dessin animé s'est avéré bien différent de ce à quoi je m'attendais. J'imaginais quelque chose d'assez enfantin, à vrai dire, et j'ai trouvé finalement la tonalité plutôt adulte, voire assez sombre par moments.

De manière plutôt déroutante, le film enchaîne en fait les séquences comme autant de petites scènes de vie, propose des personnages multiples même si pas toujours aboutis, et ouvre quelques portes vers une lecture fantastique de cette simili-biographie. Mes lectures d'après-projection m'ont laissé comprendre que le déroulé du scénario n'était pas toujours absolument fidèle à la réalité des protagonistes mis en scène. Qu'importe: la fiction autorise ce genre de choses. Précision importante: je mets toutefois un bémol à l'enthousiasme que j'avais imaginé ressentir devant Miss Hokusai. L'enchaînement des scènes manque parfois de souplesse: quelques fondus au noir entrecoupent le métrage et il arrive que ces ellipses narratives manquent d'adresse. Autre (petit) point faible: une musique rock exagérément décalée par rapport aux images. Tout ça manque d'unité et c'est dommage, parce qu'il y a aussi de belles choses à découvrir...

Miss Hokusai
Film japonais de Keiichi Hara (2015)

Le bilan reste positif, les ami(e)s, et aussi parce que je peux ajouter un nom à la liste des cinéastes d'animation japonais que je connais. La révélation est certes moins forte que pour Isao Takahata l'année dernière, mais c'est difficile de surpasser Le conte de la princesse Kaguya. Il faut s'estimer heureux que ces oeuvres asiatiques arrivent désormais assez vite dans nos salles. Bref... vivement la prochaine !

vendredi 18 septembre 2015

Allégorie marine

C'était un soir de grosse fatigue et j'avais envie de dépaysement. Parmi mes vieux enregistrements, j'ai choisi de regarder L'arc. Autres raisons à cela: c'était l'occasion d'enfin découvrir une oeuvre de Kim Ki-duk, un réalisateur dont on m'avait dit du bien, et j'étais heureux de retrouver le cinéma sud-coréen, trop longtemps délaissé.

En matière de dépaysement, j'ai été servi: le film se déroule exclusivement sur un très vieux bateau à moteur. Un homme d'âge incertain - l'acteur, lui, avait 65 ans au moment du tournage - organise des parties de pêche pour des clients de passage. Inévitablement, tous ou presque sont fascinés par la grande beauté d'une autre passagère, bien plus jeune, et s'interrogent sur la nature exacte de ses relations avec le capitaine. On en saura plus assez vite et le scénario de L'arc perdra un peu de son mystère. Le postulat initial est toutefois assez fou pour que le film demeure intéressant. C'est son rythme, lent et légèrement répétitif, qui m'a d'abord surpris.

Le long-métrage est arrivé en France par le Festival de Cannes. Sélectionné en section Un certain regard, il n'avait pas reçu de prix. Pas de quoi renier ses qualités: ainsi que je l'ai déjà suggéré, L'arc fabrique son propre univers, d'une indéniable puissance allégorique. Les personnages sont presque muets: l'essentiel du propos passe donc par les regards, les angles de caméra et la musique, sans attention véritable pour le réalisme ordinaire. D'une certaine façon, le film s'apparenterait presque à un conte, avec à la fois des personnages emblématiques, une bonne part laissée à l'imagination et une morale finale que chacun pourra interpréter à sa manière. Sur ce point précis, j'avoue une petite pointe de déception: quelque chose d'inattendu arrive à la jeune fille, que je n'ai pas beaucoup aimé. Peut-être était-ce simplement le passage à l'âge adulte après le temps long consacré à l'insouciance de la jeunesse. C'est possible, en fait...

L'arc
Film sud-coréen de Kim Ki-duk (2005)

Nonobstant mon bémol final, mon premier voyage avec le maître asiatique s'est plutôt bien passé. Vous l'avez constaté: le cinéma d'Asie suscite périodiquement ma curiosité. Pour faire une pêche encore meilleure dans les eaux coréennes, je vous conseille Poetry. Dans un tout autre genre, l'un des films que je préfère venu du pays du matin calme est une comédie: My sassy girl. D'autres suivront...

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En attendant, un tour chez les autres ?
David, de "L'impossible blog ciné", connaît vraiment bien le cinéma coréen, mais n'a pas parlé de ce film. "L'oeil sur l'écran" l'a fait, lui !

jeudi 17 septembre 2015

Une jeune fille

Ce n'était pas prémédité: alors que Bosco Ntaganda, un Congolais âgé de 42 ans, s'apprêtait à répondre de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité devant la Cour pénale internationale, j'ai découvert un long-métrage de fiction consacré aux enfants soldats: Rebelle. L'oeuvre étonnante d'un cinéaste québécois, Kim Nguyen, né en 1974.

Rebelle est un peu le portrait d'une jeune fille, Komona. Le film commence à peine que son village est attaqué par une troupe d'hommes armés jusqu'aux dents. Sans en dire davantage sur la date ou le lieu, le long-métrage suggère simplement qu'il s'agit de soldats contestataires de l'autorité gouvernementale en place. Le scénario n'évoque réellement aucun contexte précis, renvoyant pour ainsi dire dos à dos les deux camps, également sanguinaires. C'est Komona elle-même qui sera le centre de gravité de cette éprouvante histoire. Arrachée à sa famille, réduite en esclavage et initiée au maniement du fusil d'assaut, la pré-adolescente n'aura en fait pas d'autre choix que de suivre ses bourreaux... ou mourir. Ce que j'ai trouvé remarquable dans la mise en scène, c'est le fait que les images, explicites, collent à cette réalité, sans tomber jamais dans le pathos ou la vulgarité esthétique. Tout nous montrer n'aurait servi à rien...

J'ai même perçu une certaine poésie dans l'un des aspects symboliques du film: certains morts que Komona laisse derrière elle demeurent visibles, comme des âmes n'ayant pas trouvé le repos. C'est d'autant plus à mettre au crédit de Kim Nguyen que le cinéaste signe lui-même le scénario et qu'il s'est auto-produit. Si ces images ont frappé ma conscience, c'est aussi, bien sûr, grâce aux acteurs. J'aime autant ne pas trop en dire, mais une bonne partie du métrage s'appuie bien entendu sur la jeune actrice principale, Rachel Mwanza, mais aussi et sutout sur l'incroyable duo d'enfants qu'elle compose avec un autre môme, Serge Kanyinda. Tous deux venus de République démocratique du Congo, ils m'ont vraiment bluffé... et ému. Rebelle a presque la force d'un documentaire coup-de-poing. J'imagine aussi qu'on pourra toujours lui reprocher certaines choses, mais il m'a fait l'effet d'un film important. Je dis avec force qu'il gagne à être connu !

Rebelle
Film canadien de Kim Nguyen (2012)

Voilà typiquement le genre de longs-métrages qui dépasse largement le cadre du divertissement au cinéma ! J'ai eu envie d'en savoir davantage après l'avoir vu, mais je n'ai pas encore fait de recherche approfondie sur le tournage et/ou la réalité des guerres civiles africaines. J'ai ressenti une parenté avec Timbuktu et Rêves d'or. J'apprécie le fait que ces films aient été tournés à hauteur d'homme.

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Je pense que tout ça ne peut laisser indifférent...

Pascale et moi avons grosso modo la même opinion sur le film.

mardi 15 septembre 2015

Drôle de deal

Il avale des pilules d'anxiolytique bleues et s'imagine que les vertes ont tendance à le déprimer un peu. Pour se calmer, il écoute les airs les plus lugubres de la musique classique. Le soir, il lit de gros livres sur la fin du monde, à la frontale plutôt qu'à la lampe de chevet. Bref... Paul-André est un drôle de zozo, mais aussi et surtout un rôle taillé sur-mesure pour Benoît Poelvoorde - celui d'Une famille à louer.

Le point de départ de cette gentille petite comédie est aussi farfelu que réjouissant. Le titre le révèle: Paul-André est si seul et si riche qu'il se décide un beau jour à prendre une famille en location. Concrètement, cela passe par un contrat signé avec Violette, maman célibataire, voleuse par nécessité et menacée de la perte de la garde de ses deux enfants. Une chose est sûre, les ami(e)s: à peine le film commencé, on devine assez aisément comment tout cela va finir. Faut-il bouder son plaisir pour autant ? Non: que le spectacle proposé soit convenu, c'est certain, mais cela reste plutôt sympathique. Benoît Poelvoorde n'a plus rien à prouver quand il s'agit d'endosser l'habit noir du grand tourmenté: dans ce registre ô combien familier pour lui, il est une fois de plus impeccable. Face à lui, Virginie Efira tire habilement les marrons du feu: (presque) inédit, le duo belge affiche une belle connivence et une complémentarité très spontanée !

Ce sont bien les personnages qui font le sel d'Une famille à louer. Mignon comme tout, le scénario fait la part belle aux jeunes acteurs qui jouent Lucie et Auguste, les enfants de Violette: Pauline Serieys et Calixte Broisin-Doutaz - tous deux déjà vus ailleurs. J'ai aimé aussi la partition de tous les seconds rôles, de François Morel à Edith Scob en passant par Philippe Rebbot. Entendons-nous bien: ce n'est pas avec ce genre de productions que l'on va révolutionner le cinéma français. Côté mise en scène, tout de même, je veux souligner l'intelligence du cadre, noir et blanc chez Paul-André, plein de couleurs vives du côté de Violette. Le réalisateur lui-même considère son film comme (je cite) "une fable romantique". Je ne saurais mieux dire. Tout en douceur, nous sommes invités à quitter notre quotidien ordinaire pour visiter un ailleurs plus tendre. Rien d'indispensable bien sûr mais, de temps à autre, ça fait du bien de se laisser aller...

Une famille à louer
Film français de Jean-Pierre Améris (2015)

Du même cinéaste, j'avais bien aimé aussi Les émotifs anonymes. Précision: ce n'est que la seconde fois que Jean-Pierre Améris aborde le registre de la comédie, avec peut-être un poil moins de justesse. Même s'il n'est pas parfait, le résultat rend le bonhomme attachant. J'espère donc que ça pourra vous inciter à découvrir d'autres facettes de son travail (un exemple: L'homme qui rit). En attendant la suite...

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D'autres chroniques sur le film ?

Oui: vous en trouverez une chez Pascale et une autre chez Dasola.

lundi 14 septembre 2015

Deux amies

1945. La bombe atomique tombe sur Hiroshima. Deux filles naissent le même jour, presque en même temps, dans le même quartier populaire de Londres. 1962. Devenues amies, les deux adolescentes partagent les mêmes découvertes, sorties nocturnes et garçons. Inséparables, elles ont aussi la même peur d'une apocalypse nucléaire. Ginger & Rosa établit, en quelques plans, l'idée d'un lien indéfectible.

Assez curieusement, ce film d'inspiration britannique s'est appuyé aussi sur des producteurs canadiens, danois et croates pour exister. Je l'avais repéré en salles, mais il m'avait "échappé": son box-office français fait peine à voir - à peine 14.119 tickets vendus. Le cinéma se tourne rarement sur la jeunesse des filles et il m'a été agréable d'appréhender cette thématique sous un jour sensible et délicat. Ginger & Rosa fleure bon la mélancolie et son histoire m'a semblé plus rude que je ne l'avais supposé. Les deux jeunes actrices campent fièrement leurs personnages: à 14 ans seulement, Elle Fanning démontre une nouvelle fois sa belle maturité et Alice Englert, la fille de Jane Campion, est, à 18 ans, une belle découverte. Les adultes n'ont ici qu'une place limitée, en marge du duo, mais j'ai été content d'avoir l'occasion de retrouver Christina Hendricks et Timothy Spall. Père ambigu, Alessandro Nivola m'a, lui aussi, fait bonne impression.

Il y a plein de petites choses dans ce film qui me le rendent attachant. J'aime bien la façon dont il parle de son époque, entre le souffle libertaire des années 60 et les inquiétudes nées de la guerre froide. J'apprécie aussi qu'il illustre la difficulté qu'on peut avoir à devenir grand. Bien équilibré, Ginger & Rosa ne se montre jamais passéiste et parvient pourtant à montrer qu'il est difficile d'aller de l'avant. Âmes sensibles, vous le saurez: la deuxième partie du métrage conduit doucement les protagonistes vers un plus grand désarroi. Quelque chose dans les dernières répliques reste sur le registre optimiste, mais rien ne dit que les choses finiront par s'arranger. Personnellement, j'ai bien aimé cette indécision, signature d'un film atypique et sans aucun doute assez personnel pour sa réalisatrice. Loin du tumulte des blockbusters américains, cette autre production anglo-saxonne m'a saisi par son apparente douceur. Jusqu'à ce que...

Ginger & Rosa
Film britannique de Sally Potter (2012)

Cherchez et dites-moi: qui ose, dans le cinéma contemporain, réaliser ainsi un film entier sur les divers états d'âme de deux adolescentes ? Sofia Coppola ? Oui, Virgin suicides est une référence intéressante. En moins éprouvant, avec à la fois des filles et des garçons, j'ai pensé également à The spectacular now. En restant avec le septième art européen, j'ai fini par songer à Submarine. Bon... à vous de choisir !

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Si vous avez besoin d'un autre avis pour décider...

Vous pourrez noter que Pascale, elle aussi, a vu (et aimé) le film. 

dimanche 13 septembre 2015

Liberté illusoire

Je viens tout juste de découvrir que ce qu'on appelle le Spring break aux États-Unis correspond à une pause printanière que les étudiants sont censés consacrer... aux révisions, sans devoir supplémentaire. Dans Spring breakers, l'image qui est donnée de ces quelques jours correspond davantage à l'impression que j'avais: les jeunes se lâchent complètement. Alcool, sexe, drogue(s): une parenthèse de débauche !

J'ai beaucoup hésité à regarder Spring breakers. Je me suis souvenu qu'il avait fait la Une de Cahiers du cinéma et j'ai franchi le pas. J'avais, tout simplement, envie de savoir s'il y a avait quelque chose d'intéressant derrière ces fêtes démesurées et cette esthétique fluo. Objectivement ? Pas grand-chose. Le film fait le choix de nous coller aux basques d'un quatuor de minettes en mal de sensations fortes. Dans un enchaînement de plans très courts, la quête de Faith, Candy, Brit et Cotty fait sens, mais ne les emmène pas très loin: le braquage d'un fastfood permet tout juste de payer un billet vers les plages surpeuplées de Floride. Un aller simple ? C'est à vous de voir (ou pas).

Je vous dirai simplement qu'avec l'apparition d'Alien, junkie survolté et improbable sauveur, le film fait - légèrement - évoluer sa trame narrative. J'ai brièvement espéré que, du même coup, il adopte également un nouveau style graphique, mais ça n'a pas été le cas. Assumé, ce côté tape-à-l'oeil de Spring breakers a quelque chose d'assez fascinant, qui explique qu'on puisse rester scotché au film. Cette photo en est l'élément le plus réussi. Aucun point de vue réel n'est exprimé sur ce qui nous est montré. Le réalisateur aime-t-il seulement ses personnages ? Je ne saurais l'affirmer avec certitude. Une bonne partie du buzz que le long-métrage a généré tient au fait que deux actrices Disney ont été castées et transformées en bimbos. Si sexy soient-elles en bikini, c'est un peu court du côté du scénario...

Spring breakers
Film américain de Harmony Korine (2013)

Le film est interdit au moins de seize ans ! Il n'en a pas moins attiré un gros demi-million de spectateurs français dans les salles. L'intrigue minimaliste qu'il propose est un plus gros défaut que sa morale douteuse. Photo + montage = deux étoiles, mais c'est bien payé. J'avais mis la même (généreuse) note à Projet X. Le film intelligent sur les jeunes dépravés reste à créer. Si vous avez des suggestions...

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Elle se montre encore plus sévère que moi...
Chonchon n'a pas du tout aimé le film. Sa note ? Un gros zéro pointé !

samedi 12 septembre 2015

Jeux de miroirs

J'aimerais parfois pouvoir découvrir un film sans rien connaître d'autre que son pays d'origine, sa date de sortie, les noms des acteurs et du réalisateur. Lire une critique ou un pitch officiel nous expose aussitôt à la découverte d'éléments importants, de quoi nous priver ensuite du plaisir de la surprise véritable. C'est ce que j'ai vérifié devant Inside, un long-métrage dont il n'est pas si facile de parler...

Inside vient de Colombie, il est sorti il y a quatre ans et il a été réalisé par Andrés Baiz, avec, dans les rôles principaux, Clara Lago, Martina Garcia et Quim Gutiérrez. Vous êtes bien avancés, hein ? Maintenant que j'ai fait les présentations, je ne souhaite ajouter qu'un très court résumé de l'intrigue: Adrian, jeune chef d'orchestre espagnol extrêmement talentueux, déménage à Bogotá pour prendre la direction d'un grand ensemble musical. Belén, sa fiancée, s'installe avec lui dans une grande maison, dont, un beau jour, elle disparait. Seule trace laissée derrière elle: une vidéo où elle fait ses adieux. Fabiana, une serveuse de bar, s'installe alors dans la vie d'Adrian. Stop ! J'en ai presque trop dit, déjà. Si vous aimez les suspenses accompagnés de légers frissons, vous aurez de quoi vous satisfaire...

Sous l'apparence d'un feuilleton télé très ordinaire, le long-métrage s'octroie une vingtaine de minutes avant d'entrer dans le vif du sujet. La transition est assez glaciale et ouvre soudain une nouvelle voie narrative, où l'intrigue s'engouffre aussitôt. Je crois pouvoir préciser qu'un second rebondissement interviendra plus tard, d'une importance moindre, sans doute, mais intéressant aussi, pour amener le point final. J'ai lu des choses assez sévères sur les acteurs: sans prétendre que je les ai trouvés transcendants, j'admets qu'ils m'ont paru faire correctement leur job, sans fioriture inutile. C'est sûr que l'efficacité du film tient à son scénario, bien plus qu'au talent de ses comédiens. Inside est en fait une honorable série B, à mi-chemin entre le thriller policier et le film d'épouvante. Je ne veux pas en dévoiler davantage !

Inside
Film hispano-colombien d'Andrés Baiz (2011)

Là encore, s'il me faut citer des films comparables, je suis enquiquiné par le risque d'en révéler plus que nécessaire: je pourrais juste oser rappeler les ambiances réfrigérantes de Black swan et Les autres. Bon... le fait est que je me sens loin du long-métrage d'aujourd'hui. L'ennui, c'est que je tremble beaucoup trop peu au cinéma pour avoir d'autres références. À noter qu'ici, aucune goutte de sang ne coule...

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Une petite info sur le réalisateur...
Andrés Baiz est né en 1975 et n'a (encore ?) qu'une modeste carrière derrière lui. Inside est son deuxième long: il a disputé la compétition officielle du Festival du film policier de Beaune, sans gagner de prix. Le reste de la filmo du Colombien demeure à ce jour inédit en France.

Vous voulez retrouver Adrian, Bélen et Fabiana ?
C'est possible en allant surfer chez David, Pascale et Chonchon.

vendredi 11 septembre 2015

Chômage et conséquences

J'ai bien réfléchi avant d'écrire, aujourd'hui. Fallait-il marquer la date avec une chronique un peu différente des autres ? Était-il préférable d'agir exactement à l'inverse, en faisant comme si de rien n'était ? Finalement, après avoir imaginé faire l'impasse, j'ai choisi de parler d'un nouveau film américain: The company men. Un film qui m'a plu.

Pour évoquer les conséquences de la crise financière, ce long-métrage - et c'est son originalité - dresse le portrait de quelques cols blancs soudain confrontés aux affres d'un licenciement-éclair et du chômage. C'est avec grande justesse que le scénario avance deux choses dignes d'intérêt: 1) les divers coups bas du monde de l'entreprise n'épargnent que ceux qui les donnent et 2) un retour sur le devant de la scène réclame bien souvent autant d'humilité que de détermination. J'ignore s'il est réaliste sur ce point, mais ce que le film montre de la manière dont le monde capitaliste traite ses proscrits fait froid dans le dos. The company men réfute cependant tout manichéisme. Un bon point.

Autre qualité: le film s'appuie sur un casting séduisant, où Ben Affleck côtoie notamment Tommy Lee Jones et un revenant, Kevin Costner. J'ai aimé aussi le jeu et le personnage de Chris Cooper (ci-dessus). Rosemary DeWitt et Maria Bello, aux visages moins connus, assurent quant à elles deux belles partitions, en femme tout à fait solidaire des ennuis de son mari pour l'une, en DRH coincée par le système pour l'autre. S'il faut trouver un défaut à cette très honnête histoire racontée sans fausse note, il faudrait peut-être le chercher du côté d'une conclusion hâtive et un peu trop facile. The company men laisse entendre qu'à force d'y croire, on finit toujours par se relever. Les choses sont moins simples dans la réalité, bien évidemment. Maintenant, aurait-il fallu le répéter encore ? Je n'en suis pas certain.

The company men
Film américain de John Wells (2011)

L'affiche est réussie: on y voit les principaux protagonistes regarder en l'air, vers des silhouettes costard/cravate, en équilibre sur un fil. Désormais, c'est à vous de savoir si le sort qu'on réserve aux cadres peut vous toucher ou non. J'ai pour ma part trouvé assez habile d'aborder ainsi le sujet de la compétition économique mondialisée. Dans un registre voisin, Margin call peut être un très honnête plan B.

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Je ne suis pas le seul à en parler...
Pascale détaille le film, mais se montre nettement moins convaincue. Chonchon le trouve excellent et Dasola ne regrette pas de l'avoir vu. Laurent, lui aussi séduit, vous incitera à lui (re)donner une chance.

jeudi 10 septembre 2015

Règlements de comptes

C'est d'après son choix et lors de la visite chez moi de mon ami d'enfance, Rodolphe, que j'ai découvert un vieux classique: La chatte sur un toit brûlant. Elizabeth Taylor et Paul Newman affichent respectivement 26 et 33 ans quand ils jouent ensemble dans ce film. L'image choisie pour la jaquette du DVD montre une Liz très tendre avec Paul, mais je n'étais pas certain qu'elle soit très significative...

En réalité, je me méfiais de Tennessee Williams, auteur trois ans plus tôt de la pièce dont s'est inspiré le long-métrage. J'avais suggéré à Rodolphe qu'il portraiturait toujours "des gens qui ont du mal à vivre ensemble et ne font alors que s'engueuler". Et ça s'est avéré juste ! Sans caricaturer, je crois pouvoir dire que La chatte sur un toit brûlant fait de nous les témoins d'un très important conflit familial. D'emblée, le couple principal étale son désamour, alors qu'il est invité chez le frère de Monsieur pour célébrer l'anniversaire du paternel. Quand ce dernier arrive, c'est encore pire: règlements de comptes croisés à tous les étages de la maisonnée ! Si certains d'entre vous jugent que les familles sont des nids à emmerdements, ils trouveront largement de quoi les conforter dans cette opinion. C'est redoutable.

Toutefois, à partir du moment où le papa (interprété par Burl Ives) entre en scène, l'intrigue évolue doucement vers une explication rationnelle à ces guerres multiples, même si cela ne garantit en rien qu'elles puissent s'en trouver résolues. En réalité, d'un bout à l'autre du métrage, La chatte sur un toit brûlant demeure un film éprouvant avec des personnages mesquins, cupides et dissimulateurs. Adapté pour le cinéma, le texte de Tennessee Williams aurait été modifié, pour donner un peu plus d'importance au père notamment, mais aussi pour respecter les codes de la censure - l'homosexualité d'un des protagonistes étant tout de même suggérée. Une certitude s'impose: personne n'est réellement épargné dans ce jeu de massacre. Le portrait dressé des mères (et des enfants) est juste effroyable ! Fort heureusement, les acteurs, eux, ne se marchent pas dessus. Unique petit regret: la mise en scène reste encore un peu théâtrale...

La chatte sur un toit brûlant
Film américain de Richard Brooks (1958)

Nommé pour plusieurs Oscars, le film n'en a finalement gagné aucun ! Est-ce injuste ? Pas forcément. L'impression de rester sur un plateau nuit tout de même au potentiel émotionnel du scénario. L'audace toute relative du projet est largement dépassée si on ose la comparer avec celle d'un autre film de cette époque: Certains l'aiment chaud. Bon... il faut admettre aussi que l'histoire n'est pas du tout la même.

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Le même film, vu d'ailleurs, il est jugé comment ?

Du côté de "L'oeil sur l'écran", c'est le carton plein et la pluie d'étoiles. Chonchon est un peu moins emballée, mais satisfaite malgré tout. Quant à Pascale et Dasola, elles en parlent de manière très originale.

mercredi 9 septembre 2015

Un bout de chemin

La sympathie que j'éprouve pour Jean-Pierre Darroussin explique presque à elle seule mon envie de regarder Rendez-vous à Kiruna. Cherchez bien sur le blog: ayant pu échanger avec le directeur photo du film, père de la réalisatrice, j'en faisais même une petite priorité. Je suis content aujourd'hui: à l'arrivée, le bilan est plutôt satisfaisant.

Rendez-vous à Kiruna est en effet un bon petit film. Son héros s'appelle Ernest Toussaint et dirige un grand cabinet d'architecture. Quand l'histoire débute, ce quinqua un peu trop stressé apprend soudainement que son fils est mort, quelque part en Suède. La mère du jeune homme demeurant injoignable, il faut donc que le père entreprenne le voyage pour reconnaître le corps. Ce qu'Ernest refuse d'abord catégoriquement, sachant qu'il n'a jamais connu son enfant. Finalement, poussé par la curiosité ou le remords, il change ensuite d'avis et prend la route. C'est donc un road movie qui démarre. D'aucuns ont souligné qu'il montre la Suède dans le désordre. Bref...

Est-ce vraiment si important ? Au fond, puisque le long-métrage s'avère d'emblée improbable, je dirais volontiers qu'il nous invite également à ne pas tenir compte de ses diverses invraisemblances. Concrètement, en acceptant l'idée que tout cela ne risque pas d'arriver dans la vraie vie, je pense qu'on peut être sensible toutefois à ce que Rendez-vous à Kiruna raconte. La route du grand Nord ressemble à un chemin de vie pour celui qui l'arpente, qui va apprendre doucement à se réconcilier avec les autres... et lui-même. Entre résilience et lâcher-prise, le thème n'est pas nouveau, certes, mais il est traité avec douceur et sensibilité - un très juste équilibre. Quelque chose manque pour un film plus fort, mais ce qui est là pose de bonnes bases de progression pour une jeune réalisatrice (33 ans). Et Jean-Pierre Darroussin, me direz-vous ? Il est bon, évidemment ! Les autres aussi: Anastasios Soulis, Claes Ljungmark et Judith Henry.

Rendez-vous à Kiruna
Film franco-suédois d'Anna Novion (2013)

La cinéaste reste fidèle au pays de sa mère, après un premier opus réussi: Les grandes personnes - avec... Jean-Pierre Darroussin. J'imagine que je ne suis pas le seul à aimer les road movies initiatiques: j'ai trouvé intéressant qu'ici, ce soit le personnage adulte qui fasse l'essentiel du parcours. J'avais imaginé que la fin de la route nous conduirait jusqu'au fantastique. Ce n'est pas le cas. Tant pis...

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Une info piochée sur le Net...
Kiruna est née vers 1899-1900 et son histoire est très étonnante. Située sur une mine souterraine, la ville menace de s'effondrer ! L'exploitation produisant 90% du fer européen, soit de quoi fabriquer six tours Eiffel par jour, cette activité industrielle sera maintenue. C'est la cité elle-même - soit 18.200 habitants à ce jour - qui va être déplacée, de 3 km à l'est. Les travaux devraient durer jusqu'en 2100.

Et pour finir et revenir au film...
J'ai trouvé un autre avis (positif) sur "Le blog de Dasola". 

lundi 7 septembre 2015

Le temps des oranges

Avec un regard que j'imagine canaille, il affirmait, dans une interview récente et par comparaison, connaître d'autres acteurs plus "décatis" et citait André Dussollier, né... plus de quinze ans après lui. On dit toutefois que Jean Rochefort a hésité avant d'accepter le premier rôle de Floride. Je suis heureux qu'il s'y soit aventuré, à 85 printemps. Soixante années, pas moins ! après ses débuts - discrets - au cinéma.

Ancien capitaine d'industrie, Claude Lherminier vit un vieil âge confortable dans une grande maison des environs d'Annecy. Il espère bientôt voir sa fille cadette, exilée à Miami, et, en l'attendant, passe un peu de son impatiente frustration sur sa brave femme de ménage ou son aînée, Carole. Cette dernière est pourtant aux petits soins pour son vieux papa: dans sa lignée directe, elle a repris la direction de son entreprise et, autant que possible, lui rend des visites régulières et rassurantes. Floride se joue donc, avant tout, en duo. Plus ou moins développés, quelques personnages secondaires gravitent autour de cet axe central, mais c'est la belle description d'une relation presque exclusive qui fait le sel du scénario. Je crois bon de préciser que ce dernier puise l'essentiel de son inspiration dans une pièce de théâtre, Le père, de Florian Zeller. Celles et ceux parmi vous qui l'ont lue ou vue retiendront peut-être que des libertés ont été prises pour son adaptation. Le fait que le titre ait changé n'est sûrement pas anodin, mais je n'ai pas (encore ?) pu comparer...

C'est bel et bien pour Jean Rochefort que je suis allé voir le film. D'emblée, même si la voix de la plus célèbre moustache du cinéma français est un peu altérée, la bande-annonce m'a laissé comprendre que ces "retrouvailles" de spectateur à comédien seraient agréables. Robert Hirsch aurait-il repris le rôle qu'il a créé, il n'est pas certain que je serais allé l'applaudir avec le même joyeux empressement. Tout à mon emballement, je veux tout de même dire que Floride demeure un film potentiellement éprouvant. L'incroyable fantaisie naturelle de son premier interprète ne masque qu'un temps la gravité du propos: il s'agit essentiellement d'illustrer une lente déchéance. Après avoir souri plusieurs fois, je me suis surtout senti ému. Sandrine Kiberlain n'y est pas pour rien: elle se fond admirablement dans son personnage et le difficile pas de deux qui lui est offert révèle, une fois de plus, quelle admirable actrice elle peut être. Comme images pour cette chronique, je n'ai retenu que des visages souriants. C'est le souvenir que j'aimerais conserver de ce beau film.

Floride
Film français de Philippe Le Guay (2015)

Cela me semble incroyable, et pourtant... certains, déçus, sont allés jusqu'à comparer ce film à Tatie Danielle ! C'est le signe d'après moi qu'ils sont passés à côté du message. Bref... parce qu'il ose montrer une certaine vérité en face, je le placerais plutôt dans la droite ligne d'Amour, en un peu moins dur, tout de même. Sur un thème similaire, je recommande un dessin animé espagnol: La tête en l'air.

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À chacun sa façon de voir...

Pascale aime Rochefort et Kiberlain, mais ne partage pas la mienne. Sentinelle, pour sa part, se contente d'une bonne note: 3,5 sur 5.