lundi 31 août 2015

Deuil partagé ?

Kenza, Miriam et Sofia viennent de perdre leur père. Elles rejoignent donc leur mère, Aïcha, dans leur grande maison de Tanger. La famille se rassemble au grand complet, pièces rapportées comprises. Conformément au rite musulman, la cérémonie va durer trois jours. Rock the casbah, un film pour pleurer ? Euh, non, pas franchement...

Une précision, d'abord: ce film a un homonyme, signé du réalisateur israélien Yariv Horowitz, sorti dans nos salles quelques mois plus tôt et consacré à la situation de la bande de Gaza. Rien de tel dans l'opus d'aujourd'hui, si ce n'est donc la reprise - assez discutable - d'un titre du groupe anglais The Clash. Ce Rock the casbah féminin originaire du Maroc ne m'a pas déplu, mais il ne m'a pas emballé non plus. Peut-être qu'on peut y voir une représentation réaliste des réunions familiales forcées, en tout cas de celles qui tournent au vinaigre ! Presque constamment, j'ai eu l'impression que la cinéaste hésitait. Comme si elle ne savait pas quel ton adopter ou quel tempo donner...

C'est assez dommage, parce qu'il y a aussi quelques belles trouvailles dans ce scénario alambiqué. Celle qui m'a vraiment le plus convaincu est ce choix d'avoir confié le rôle du mort à Omar Sharif. A fortiori maintenant qu'il est lui-même décédé, l'Égyptien est bien "à sa place" dans ce personnage de fantôme-narrateur. Il est l'âme de ces images. J'imagine volontiers que certain(e)s d'entre vous pourront trouver d'autres attraits au film, mais je dois admettre que je n'ai ressenti aucune empathie particulière pour l'un ou l'autre des personnages vivants. Rock the casbah ne m'a pas ému. Je n'en tiens pas rigueur aux actrices, qui font honnêtement leur boulot. Ça ne m'a pas suffi...

Rock the casbah
Film franco-marocain de Laïla Marrakchi (2013)

Je sais gré à la réalisatrice de ne pas avoir enfermé ces personnages dans de vagues caricatures et d'avoir essayé de nous faire connaître son pays dans son intimité. Certes, le résultat n'est pas à la hauteur de mes espérances, mais c'est un nom que je m'efforcerai de retenir pour lui redonner une chance. Le cinéma nord-africain est encore rare sur ce blog. Sur la condition féminine, voyez Le Challat de Tunis...

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Ailleurs sur la Toile...

Chonchon se montre bien plus enthousiaste que moi. Elle explique notamment le pourquoi du titre du film: je lui d(o)is un grand merci.

Et un p'tit mot sur la vie des Bobines...
Vous l'avez peut-être noté: mon retour aoûtien s'est fait en douceur. En septembre, le blog reprendra son rythme de croisière. À demain !

samedi 29 août 2015

Franco est mort

Une très flatteuse réputation a précédé la sortie de La isla mínima dans les cinémas de France. En février dernier, le film a été couronné de dix Goya, l'équivalent espagnol de nos César. J'ai eu très envie d'aller me frotter à ce polar andalou après avoir vu sa bande-annonce. Premier constat: s'il m'a alors fallu attendre deux grosses semaines avant de les voir toutes, la promesse des belles images a été tenue...

Un mot sur l'intrigue, d'abord. Depuis Madrid, deux flics, Juan Robles et Pedro Suarez, sont missionnés dans les marais du Guadalquivir pour enquêter sur la disparition de deux soeurs adolescentes. L'enquête débute sous un soleil de plomb et, rapidement, les gamines sont retrouvées mortes. On comprend qu'elles auront été des filles faciles, prêtes à tout pour quitter une région d'une grande pauvreté. C'est en tout cas ce qui est suggéré aux enquêteurs, par des voies détournées, et ce que peut confirmer le négatif soudain retrouvé d'une série de photos compromettantes. Il est important que j'indique maintenant que l'action est censée se dérouler à l'automne 1980. Rappel historique: après 36 années de dictature, le général Franco n'était alors mort que depuis cinq ans et la démocratie espagnole renaissait à peine, sous la conduite du roi Juan Carlos. La richesse narrative de La isla mínima tient (aussi) à cet arrière-plan politique.

C'est en réalité la force et la possible faiblesse du long-métrage. Objectivement peu au fait de ces aléas historiques, il m'a semblé qu'ils enrichissaient le scénario, mais je les ai aussi trouvés expliqués trop sommairement pour parvenir à emballer le film vers autre chose qu'un bon petit thriller des familles. J'aurais sûrement mieux apprécié cette caractéristique du film si j'avais été espagnol. Bon... tant pis ! Même s'il paraît laisser quelques pistes inabouties, La isla mínima offre tout de même une intrigue solide et une forme très soignée. Comme d'autres, j'ai été fasciné par les magnifiques plans aériens proposés dès le début: c'est presque à regret que j'ai laissé la caméra me ramener ensuite, d'un raccord parfait, sur la terre des hommes. Réussite incontestable: la beauté panthéiste de la nature demeure tout au long du film, comme pour souligner que les créatures vivantes n'ont prise que sur peu d'éléments et révéler ainsi combien leurs actes sont, le plus souvent, laids et vains. Au final, une fois la lumière rallumée, ce sentiment qu'il a juste manqué un petit quelque chose...

La isla mínima
Film espagnol d'Alberto Rodriguez (2014)

Une étoile tronquée pour l'incompréhension et la (petite) frustration. J'aimerais que le système français permette de voir d'autres films espagnols, sans attendre leur hypothétique consécration nationale. Sur les trois opus précédents d'Alberto Rodriguez, un seul est sorti dans... huit (!) de nos salles. La isla mínima est donc jugée à l'aune de la série américaine True detective, pourtant sortie ultérieurement.

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Une précision d'ordre artistique...

Je n'en ai rien montré ici pour vous laisser les découvrir seuls. J'aimerais juste souligner que les plans aériens du début du film mettent en avant le travail du photographe espagnol Hector Garrido. D'autres images s'inspirent très manifestement des clichés d'Atin Aya.

Et si vous voulez compléter cet avis...
Vous pouvez faire un petit tour chez Pascale et/ou chez Dasola. Sentinelle lui a donné quatre étoiles... sans écrire de chronique dédiée au film. Tina, enfin, se montre très enthousiaste à son égard.

jeudi 27 août 2015

Les enfants du rock

Jouez-vous de la musique ? Pour ma part, je n'ai que trop peu touché d'instruments pour m'inventer ce talent. J'ai une amie saxophoniste dans un ensemble d'harmonie et un vieux pote guitariste amateur dans un petit groupe rock, mais la manière dont on peut se réunir autour d'une oeuvre commune reste pour moi un mystère fascinant. C'est aussi l'amorce du film du jour: Je suis mort mais j'ai des amis.

Yvan, Wim, Pierre et Nico devaient bientôt s'envoler vers Los Angeles pour une série de concerts rock. Le truc, c'est que Jipé, leur chanteur, est mort ! Ni une ni deux, l'un des guitaristes s'improvise alors nouveau leader et décide d'aller dérober l'urne funéraire à un frère ingrat, chanteur de variétés. Objectif: prendre quand même l'avion vers les States pour respecter les engagements pris ! De ce pitch improbable, vous imaginez bien que ce qui découle n'est pas un film sérieux... et vous vous trouvez finalement en face d'un long-métrage à l'accent belge, avec des acteurs du cru, Bouli Lanners en tête. Réalisé par deux Français, Je suis mort mais j'ai des amis transporte avec lui quelque chose de la douce folie de nos voisins. Le scénario repousse toujours un peu plus loin les limites du gros délire potache...

Sur la route de la Californie, ce road movie de grands enfants immatures nous conduira finalement vers une autre destination. J'aime autant vous laisser découvrir où et comment Yvan et Wim accompliront le voyage avec leurs potes, qu'ils soient partis avec eux ou qu'ils les aient rencontrés en chemin. C'est assez dépaysant ! Prise telle quelle, brute de décoffrage, Je suis mort mais j'ai des amis n'est pas la comédie la plus fine que je connaisse, ni la plus rythmée d'ailleurs. Son capital-sympathie tient essentiellement à ses acteurs. Bouli Lanners est toujours ce râleur au grand coeur qu'il maîtrise parfaitement, visage connu d'une troupe dont, jusqu'alors, j'ignorais presque tout - à l'exception de Serge Riaboukine. Une mention spéciale s'impose pour Wim Willaert, artiste flamand, qui joue admirablement le grand garçon naïf et totalement défoncé... à croire qu'il l'est vraiment ! Sous les effluves de marijuana, le film cache mal son immense tendresse pour ses personnages. Je lui épargnerai donc quelques critiques sur la forme: ce n'est pas ici ce qui compte le plus.

Je suis mort mais j'ai des amis
Film franco-belge de Guillaume et Stéphane Malandrin (2015)

Question: un film où l'on croise peut-être le cinquième Beatle, écarté du groupe avant Love me do (1962), peut-il être vraiment mauvais ? Je vous laisse plancher là-dessus: vous avez tout le temps voulu. Conseil pratique, toutefois: gardez-en pour le film, donc, pour avoir une idée des ravages causés par l'abus de saucisse et de houblon ! C'est sans aucun doute un peu plus rigolo qu'une Pop redemption...

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Bon, et la musique, dans tout ça ?

Comme le reste: rock et 100% décalée. Surtout les paroles: "Le soleil devant, la rivière derrière, et moi au milieu, putain ça m'émeut"...

D'autres que moi ont déjà fait ce voyage...
Pascale en revient plutôt satisfaite de cette drôle d'escapade. Sympathique: c'est le terme que retient Dasola pour qualifier la virée. Partie depuis la Belgique, Sentinelle s'est plutôt amusée, elle aussi.

mardi 25 août 2015

Écrire, être vu

C'est (presque) un hasard: aujourd'hui, je présente une autre Palme d'or attribuée à l'unanimité, j'ai nommé Barton Fink. Dans la filmo des frères Coen, le film pointe à la quatrième place chronologique. C'est aussi l'un de ceux qui a le moins marché en salles, visiblement. À Cannes, en plus de la récompense suprême, il avait pourtant obtenu le Prix de la mise en scène - et John Turturro un Prix d'interprétation.

Barton Fink nous entraîne dans l'Amérique du début des années 40. Nous sommes d'abord à New York, où le héros (?) du film est couronné d'un succès incroyable comme auteur de théâtre. Sur les conseils insistants de son agent, le voilà qui s'envole vers Los Angeles, un job de scénariste et la certitude de ramasser un gros paquet de billets verts. Seulement voilà... notre homme se rêvant comme le porte-voix des classes populaires, le bling-bling hollywoodien ne lui sied guère. Pire, enfermé volontaire dans un hôtel miteux, il voit son inspiration décroître à vitesse grand V et se considère comme un usurpateur. Conséquence: il est tout à fait incapable d'écrire le film de catcheurs que lui a commandé un gros nabab des studios. Stop ! À ce point précis du scénario, la question se pose: est-ce drôle ? Ma réponse personnelle est positive. Les Coen ont pris un malin plaisir à créer toute une galerie de personnages crétins, mais, cette fois, j'ai senti également une légère forme d'empathie se dégager de leurs portraits. L'histoire ne dit pas s'ils avaient (déjà) quelques comptes à régler...

Quelque chose me dit toutefois que la caricature est bien trop forte pour être vraiment vitriolée. Le fait que les Coen aient souhaité reconstituer une époque révolue les met à l'abri des accusations d'ironie facile à l'égard de leurs contemporains. Pour autant, je reste persuadé que ce film tient aussi du poil-à-gratter. J'ai pu lire ici et là qu'un nombre important de ses personnages s'inspirait - allégrement - de certains des anciens du cinéma, côté artistes et côté financiers. Bim ! C'est alors que j'appréciais cette proclamation d'indépendance que l'histoire a amorcé un virage décisif, une demi-heure environ avant sa (très belle) conclusion. Déception ? Le mot est outrancier. Disons que je me suis senti dérouté, ce qui était sûrement le but ultime d'Ethan et Joel, mais peut-être était-elle un poil trop rapide pour que j'apprécie cette autre évolution narrative à sa juste valeur. Barton Fink restera donc pour moi à quelques encablures symboliques du chef d'oeuvre qu'il aurait pu être. Cela dit, je dois préciser aussi qu'il émerge aisément au-dessus de la moyenne des films amerloques.

Barton Fink
Film américain d'Ethan et Joel Coen (1991)

Ceux qui connaissent bien les frangins ne pourront que saluer ici l'incroyable performance de leur complice, John Turturro. Une partie des habitués est là aussi: Steve Buscemi et le génial John Goodman. Non sans pertinence, certains comparent le film à deux sommets d'angoisse: Le locataire et Shining - en plus amusant, bien entendu. Pour l'atmosphère du vieil Hollywood, je citerais également Ed Wood.

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Maintenant, un dernier détour sur la Croisette...

Après le triomphe cannois du film, les règles ont changé: la Palme d'or est depuis lors exclusive de toute autre récompense. Pour retranscrire les impressions de son jury face à la sélection 1991, Roman Polanski taillait dans le vif, déclarant sans rougir: "Ses membres et moi avons souvent été accablés d'ennui à la vision de films dont le dénominateur commun est une incommensurable prétention". Très diplomatique...

Et que dit-on du film ailleurs ?
Du bien, en général. Et des choses mitigées chez "L'oeil sur l'écran".

dimanche 23 août 2015

Un rêve américain

Un poulet rôti, des chips et un bon film: c'était le menu d'une soirée de juillet, chez l'ami Philippe. Les agapes m'ont permis de découvrir enfin Paris, Texas, à l'écart duquel j'étais passé par deux fois récemment - dont l'une l'été dernier dans un cinéma... parisien. Emballé par ces retrouvailles avec Wim Wenders, j'ai un temps pensé écrire une longue chronique, mais autant vous laisser des surprises...

Paris, Texas n'en manque pas, qui démarre dans un désert brûlant. Un homme seul, engoncé dans un costume poussiéreux, le parcourt silencieusement, visiblement hébété. Et quand il retrouve finalement un semblant de civilisation, il s'enferme dans une gargote, avale prestement quelques glaçons et perd connaissance. On découvrira qu'il s'appelle Travis, qu'il a une famille et qu'il a disparu subitement quatre ans auparavant: c'est ce que lui raconte Walt, son frère, venu le sortir de la clinique de pacotille dans lequel il est tombé. Certains parmi vous, sensibles à l'harmonie texte / images, pourraient se dire que les photos que j'ai choisies n'évoquent pas ce début de pitch. Bonne observation: c'est justement ma volonté de ne pas dévoiler l'essentiel des ressorts de l'intrigue qui explique cette démarche. Moi-même, je suis parti dans ce film à l'aveuglette, en ayant lu moins de choses encore que ce que je viens d'écrire. Je n'ai rien à regretter.

Le film a reçu la Palme d'or du Festival de Cannes 1984, à l'unanimité du jury - je pourrais donc le citer en exemple de bon film récompensé sur la Croisette. Tout, ici, m'a convaincu, et d'abord l'histoire écrite par Sam Shepard, dont j'ignorais - mea culpa ! - qu'il n'était pas qu'acteur, mais aussi auteur et scénariste. Chacun des comédiens m'est aussi apparu à sa place, à commencer par Harry Dean Stanton dans le rôle de Travis. Nastassja Kinski, bien qu'elle n'apparaisse qu'au cours de la seconde partie du métrage, a la grande intelligence de ne pas tout jouer sur la netteté de ses traits: elle se met pleinement au service de son personnage et de ses partenaires. Paris, Texas étant traversé d'une grande mélancolie, je m'en voudrais d'oublier Hunter Carson, qui, à 9 ans, joue l'enfant au centre de tout. Visuellement, le style est un peu daté, tout en restant convaincant. L'ensemble de ces belles images défile sur une bande originale devenue culte: un simple morceau de slide guitar signé Ry Cooder. Quelque chose me dit que je n'oublierai pas de sitôt ce beau voyage...

Paris, Texas
Film franco-allemand de Wim Wenders (1984)

En dépit de sa double nationalité européenne, ce long-métrage résonne comme une véritable déclaration d'amour à l'Amérique éternelle, tel un précurseur désabusé (et mobile) de Bagdad Café. Maître de cérémonie, Wim Wenders se montre parfaitement capable de parfaitement intégrer une dramaturgie locale déjà perceptible dans d'autres grands films: Le canardeur, Macadam cowboy, etc...

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Vu à la télé, puis lu sur d'autres blogs...
Elle et Lui, de "L'oeil sur écran", aiment beaucoup le film également. Pascale le jugeait - au moins - incontournable pour Cannes 1984. 

vendredi 21 août 2015

Saga Africa (chapitre 1)

Ce n'est pas une lubie, mais plutôt un goût très prononcé: j'aime découvrir de très vieux films. Ceux qui m'attirent particulièrement sont ceux dont la popularité a fait des mythes du cinéma mondial. Selon moi, Tarzan, l'homme singe, avec la toute première apparition de Johnny Weissmuller dans le rôle-titre, fait partie de la liste. Retraité des bassins, l'ex-nageur et poloïste olympique a alors 28 ans.

Il faut toutefois une bonne vingtaine de minutes avant d'entendre enfin le célèbre cri de son personnage et une demi-heure, soit le tiers du métrage, pour qu'il fasse son apparition à l'écran. Je mets d'ailleurs son absence initiale au crédit du film: pour les spectateurs des années 30, moins engloutis sous les campagnes de marketing promotionnel que ceux d'aujourd'hui, je suppose que Tarzan... offrait un certain suspense. Pour être rigoureux, je veux souligner toutefois que cet opus, s'il lance une série forte de douze (!) épisodes, n'est pas pour autant la première adaptation du roman d'Edgar Rice Burroughs. C'est "juste" la première du cinéma parlant et les scènes de lancement de cette version n'évoquent que Jane Parker, fort jolie miss sortie d'on ne sait où et fille d'un chasseur d'ivoire lancé, lui, à la recherche du cimetière des éléphants. En toile de fond, une Afrique noire filmée comme dans un reportage ou reconstituée dans un studio algérois...

Les quelques plans où les personnages occidentaux sont insérés directement sur un fond de savane peuplée d'hommes noirs en tenue traditionnelle m'ont paru aussi malhabiles que touchants. S'il y a sûrement un peu de condescendance à l'égard des peuples de couleur rencontrés en chemin, certains d'entre eux n'étant même rien d'autre que des laquais, le regard que porte le film sur son continent d'accueil reste assez bienveillant. J'ai bien aimé Tarzan... pour ce qu'il était quand il est sorti: un long-métrage pionnier, dans un monde ancien régi par le colonialisme et la conviction d'une race blanche supérieure aux autres. En laissant de côté toute considération politique, je suis parvenu à passer un bon moment devant ces images un peu naïves. Maureen O'Sullivan est trop mignonne dans sa candeur ! J'ai relevé toutefois quelques dialogues à double sens et apprécié 2-3 situations coquines, qui m'ont fort opportunément rappelé que le code Hays n'était pas encore en vigueur. Cette fraîcheur m'a permis d'apprécier l'ensemble du film sans ennui et malgré certaines scènes répétitives.

Tarzan, l'homme-singe
Film américain de W. S. van Dyke (1932)

Époque oblige, les grands singes sont parfois ici des acteurs déguisés et les Pygmées des nains blancs, le visage recouvert de peinture noire. Je ne vais pas en faire mystère: le film est assez kitsch. J'assume toutefois parfaitement le plaisir que j'ai pris à le regarder. Je dirais même qu'il m'a donné envie de voir le King Kong de 1933 ! Côté aventures et dans un autre genre, je conseille Capitaine Blood.

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Pas grand-chose de plus chez les copains...
Ideyvonne présente juste Cedric Gibbons, le chef-décorateur du film.

Du coup, une petite anecdote pour finir...
Maureen O'Sullivan est aussi la mère de Mia Farrow, l'ancienne égérie de Woody Allen. Elle a joué dans six Tarzan et, à 75 ans, est apparue dans un film du réalisateur à lunettes: Hannah et ses soeurs (1986).

mercredi 19 août 2015

Droit à l'oubli ?

La question que je me posais, en me préparant à regarder l'épisode 2 de Shokuzai, était de savoir si Kiyoshi Kurosawa allait bien y révéler le visage et le nom de l'assassin. La digression dramatique qui fonde l'essence même du premier volet me laissait un vrai doute à ce sujet. Maintenant que je sais à quoi m'en tenir, je n'en dirai rien ! Le film veut d'abord nous apprendre ce qu'il est advenu d'Akiko et de Yuka...

Ces segments 3 et 4 m'ont inégalement convaincu. S'il faut dire partout ma préférence, je vous dirais que le troisième est meilleur d'après moi: il a pour cadre une prison(-hôpital ?) et pose lui-même une sorte d'énigme avec quelques flashbacks, tandis que le quatrième nous promène gentiment entre la boutique d'une fleuriste et la maison d'un jeune couple, avant de révéler sa face sombre. Il me semble alors que Shokuzai - Celles qui voulaient oublier confirme la nature réelle de l'ensemble: plutôt qu'un polar ordinaire, Kiyoshi Kurosawa signe une oeuvre d'analyse de la société japonaise, distillant ici et là quelques points d'un onirisme glacial. Car c'est un fait: d'une manière générale, ce qui est montré ici du pays n'incite pas à prendre aussitôt un billet d'avion à destination de Tokyo, sauf à apprécier le travail d'autres artistes porteurs d'un tel regard. Face à l'image, j'ai continué de trouver ce pessimisme froid étrangement fascinant. Presque beau.

La question reste posée: cette mini-série spécialement reformatée avait-elle toute sa place au cinéma ? Je ne veux pas faire preuve d'ostracisme et je répondrai donc positivement. Il n'y a que très peu de séries au long cours que j'apprécie sur la durée, mais cinq épisodes devenus deux films me paraissent un (ou deux !) format(s) acceptable(s). J'ai cru comprendre que Kiyoshi Kurosawa traversait régulièrement des difficultés pour produire ses films, aussi cette idée qu'il ait pu obtenir une reconnaissance pour son travail de création auprès d'autres sources de financement m'est plutôt sympathique. Shokuzai ne plaira sans doute pas à tout le monde: sa conception n'attirera sûrement pas un grand public - 84 et 57 000 billets vendus dans les salles françaises. Tant pis: la singularité et la bonne tenue générale du projet m'ont bel et bien "embarqué", sans qu'un défaut majeur vienne gâcher mon plaisir. C'est suffisant pour me satisfaire.

Shokuzai - Celles qui voulaient oublier
Film japonais de Kiyoshi Kurosawa (2012)

Une note un peu inférieure pour ce second volet: je l'ai trouvé légèrement moins percutant - mais il faut dire aussi que j'avais laissé passer trois jours pour le regarder. J'ai cité les films de David Fincher pour une comparaison possible, lundi dernier, et je n'en vois pas spécialement d'autres aujourd'hui. Il me faudrait mieux appréhender le cinéma japonais pour envisager d'autres pistes. À suivre, donc...  

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Qui, parmi mes petits camarades, a évoqué le film ?

Sans surprise, les mêmes qu'avant-hier: Pascale, Dasola et David.

lundi 17 août 2015

Devoir de mémoire

D'avoir eu à (co-)présenter un film de Kiyoshi Kurosawa aux membres de mon association cinéphile en février dernier m'avait donné envie d'en voir un autre. Arte a une fois encore répondu à mes attentes ! Fin juillet, la chaîne franco-allemande en a diffusé deux, qui sont d'ailleurs deux parties d'un même projet: Shokuzai - titre japonais qu'on aurait pu traduire par Pénitence. Le ton est donné d'emblée...

Shokuzai était d'abord une série télé en cinq épisodes, reformatés donc en deux "morceaux" pour une sortie au cinéma. Nous faisons vite connaissance avec les personnages: quatre écolières et la mère d'une cinquième. Alors qu'elle jouait avec ses amies, Emili a été prise à partie par un homme mystérieux, qui l'a sauvagement assassinée. Sae, Maki, Akiko et Yuka, qui ont survécu, sont jugées responsables du drame par Asako, qui est donc la mère de la petite fille décédée. Elles lui promettent alors d'expier cette (prétendue) faute ou de l'aider à retrouver le coupable. Quinze ans passent et le film démarre réellement, en s'intéressant d'abord à ce que deviennent Sae et Maki. Un indice figure dans le sous-titre: Celles qui voulaient se souvenir. Les horreurs du passé sont toujours très vives dans leur mémoire...

Autant vous le dire: dans ce premier épisode, Shokuzai déploie quelque chose d'étrange et d'assez dérangeant, qui se joue bien assez des codes du thriller traditionnel attendu pour m'avoir mis mal à l'aise dans mon canapé. En même temps, ces images ont aussi un pouvoir de fascination étonnant. Parce que la situation n'est pas banale, on a évidemment envie d'en savoir plus sur ce qui est arrivé quinze ans plus tôt. C'est là que Kiyoshi Kurosawa nous prend... et à partir de là qu'il nous emmène ailleurs, là où il veut, en fait. Son pseudo-film policier se nimbe alors d'une aura de mystère encore plus grande. L'étude entomologiste des quatre rescapées devenues femmes confine presque à faire admettre la logique d'Asako: on se dit finalement qu'au fond, à ne pas dénoncer le meurtrier, elles sont peut-être coupables, elles aussi. Resteront-elles muettes à jamais ? Comment tiendront-elles leur serment ? Que leur arrivera-t-il alors ? Autant de questions auxquelles on attend une réponse, sans être sûrs de l'obtenir. Un entre-deux que je juge aussi malsain... que plaisant.

Shokuzai - Celles qui voulaient se souvenir
Film japonais de Kiyoski Kurosawa (2012)

Même si la longueur a changé, je crois que cette mini-série télévisée n'a pas souffert de sa transposition cinématographique. J'ai perçu quelques similitudes thématiques avec Cure, l'autre Kiyoshi Kurosawa que je connais. Maintenant que je le connais mieux, je l'apprécie davantage, j'ai l'impression. On n'est pas si loin ici des suspenses poisseux à la David Fincher, du genre de Seven, Zodiac ou Gone Girl.

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Qui d'autre aime cette ambiance ?

Parmi mes camarades de blog, on peut nommer Pascale. Dasola en dit plutôt du bien aussi et cite les deux épisodes en une seule chronique. David, lui, se félicite juste de ne pas avoir dû attendre le second...

samedi 15 août 2015

La musique animée

Coucou me revoilou ! J'espère que vous allez toutes et tous bien. Avant de reprendre mon boulot lundi, je rouvre aujourd'hui ce blog avec une chronique consacrée à un (très) vieux Disney: Fantasia. Historiquement, il s'agit du 3ème long-métrage d'animation du studio et, sauf erreur de ma part, de la toute première apparition de Mickey dans un film d'une telle durée - deux heures cinq et un petit entracte !

Si Fantasia sort du lot, c'est également parce qu'au cours de l'année qui a suivi sa sortie sur les écrans américains, il a reçu deux Oscars d'honneur pour (euh... je résume) la contribution qu'il a apportée envers l'avancement de l'utilisation du son au cinéma et la création d'une nouvelle forme de musique visualisée. Conquise, l'Académie estimait de ce fait que ce troisième opus Disney "élargissait la portée du film cinématographique comme divertissement et comme forme d'art". Si vous ne l'avez pas vu, il est temps de vous dire que ce film étonnant ne ressemble effectivement à aucun autre. L'homme fort derrière cette surprise s'appelle Leopold Stokowski, chef d'orchestre britannique de son état. C'est sous sa direction qu'un ensemble musical a enregistré quelques grands morceaux de musique classique pour Walt Disney. L'idée de l'artiste américain était en fait d'illustrer ces mêmes morceaux par le dessin animé. L'audacieux pari sera tenu.

Du coup, évidemment, si vous aimez la musique classique, le film peut aisément prétendre au rang d'incontournable. Il n'est pas utile cependant d'être incollable sur les carrières des grands compositeurs pour prendre plaisir à ce spectacle atypique - un narrateur tisse d'ailleurs un fil conducteur et didactique entre chacun des morceaux. Tour à tour, vous entendrez donc Bach, Tchaïkovski, Dukas, Stravinsky, Pierné, Ponchielli, Moussorgski et Schubert. La plupart des extraits choisis me semblent plutôt connus du grand public. Maintenant, peu importe si j'ai raison ou tort: il suffit de se laisser porter par la musique pour apprécier les images et la belle diversité des sept courts-métrages proposés. Fantasia - c'est vrai aussi - a pris un petit coup de vieux, mais son esthétique en aura inspiré plus d'un. C'est un petit chef d'oeuvre à voir et à revoir, que j'ai eu la chance d'apprécier sur grand écran et en plein air ! Un petit peu de magie...

Fantasia
Film américain de Ben Sharpsteen (1940)

Une précision: je nomme un unique réalisateur, mais cette décision est quelque peu arbitraire, dans la mesure où plusieurs artistes signent les différents segments du film. J'ai choisi Ben Sharpsteen pour faire simple et parce qu'il les a, je crois, tous supervisés. Artistiquement, en tout cas, c'est de la belle ouvrage, un petit cran après la première merveille Disney: Blanche Neige et les sept nains.

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Et chez les autres, ça donne quoi ?

Peu de chronique à l'horizon... et des images chez Ideyvonne.

Un peu d'histoire pour finir...
On dit que Walt Disney souhaitait qu'un second Fantasia soit réalisé. Son souhait fut exaucé en 1999, et donc 33 ans... après sa mort !

samedi 1 août 2015

Coupure estivale

C'est l'heure de la pause sur les Bobines ! Je suis en effet en vacances depuis hier 15h30 / 16h et vais interrompre - temporairement - le fil régulier de mes chroniques. Je pense revenir dans quinze jours. D'ailleurs, pour tout vous dire, je n'ai que deux semaines de congés. Disons que je "décroche", en oubliant un peu mes petites habitudes...

Je n'ai donc pas vu Les vacances de Mr. Bean, dont j'ai choisi quelques images simplement pour illustrer cette chronique. J'espère être (un peu) moins gaffeur que lui et je crois que ce break me fera du bien. Est-ce qu'il en fera aussi au blog ? Je l'ignore. J'ai réfléchi pour introduire des nouveautés à la rentrée, mais sans succès. J'imagine que ça viendra peut-être plus tard, à tête reposée. D'ailleurs, comme vous le savez, je reste ouvert à vos suggestions. J'ai aussi pris quelques films d'avance, à présenter dès mon retour...

Me retourner aujourd'hui sur le chemin parcouru ? À l'heure d'entrer dans le huitième mois de l'année, je crois que ce serait prématuré. J'attache certes de l'importance aux points d'étape, mais sept mois écoulés sur douze en 2015 ne m'ont pas paru un cap assez symbolique. J'ai bien pensé vous encourager à faire cette mini-rétrospective estivale par vous-mêmes, en évoquant à nouveau des longs-métrages qui m'ont marqué et quelques autres que j'anticipe avec bonheur. Finalement, j'ai renoncé à tout, sauf... à mon retour prochain. J'espère que, d'ici là, vous aurez l'occasion de voir du bon cinéma. Promis: on se retrouve vite, sur ce blog et ailleurs, pour en reparler !