dimanche 31 août 2014

1945 / 2199

Tradition d'humilité et modernité tapageuse: j'aimerais pouvoir découvrir le Japon dans toutes ses dimensions. Comme source d'information et d'émotion(s) avant un voyage possible, il me reste notamment le cinéma. Sorti directement en DVD chez nous, je crois bien toutefois que Space battleship est en fait un téléfilm adapté d'un manga. J'ai cru comprendre qu'il était aussi... l'un des "cadeaux" du 60ème anniversaire d'une chaîne tokyoïte. Quelqu'un en sait plus ?

Ce qui est sûr, c'est que Space battleship exalte l'âme combattante du peuple japonais, en ressuscitant le Yamato, un puissant cuirassé naval de la seconde guerre mondiale - son équipage est connu aujourd'hui pour s'être presque totalement sacrifié, en avril 1945. Cette fois, l'engin de guerre est un vaisseau spatial et la menace extraterrestre. Nous sommes en 2199 et la Terre subit les assauts répétés des très agressifs Gamiliens, à grands coups de météores radioactifs. La survie de l'humanité est menacée ! Le seul courage d'une poignée d'hommes et femmes suffira-t-il à éviter le pire ? Objectivement, j'ai déjà vu des longs-métrages plus imaginatifs. Celui-là dure deux heures et quart: j'ai plusieurs fois frôlé l'overdose de bons sentiments patriotiques et sirupeux. Il me faut souligner aussitôt que les derniers humains sont tous japonais. Sous la surface terrestre, ils attendent la fin du monde, presque résignés. Mouais...

C'est clair: si le film avait été américain, je l'aurais moqué. Le fait qu'il soit japonais le rend un peu plus attractif et, disons-le, légitime. C'est bien à partir d'une source d'inspiration nippone que ces images ont été inventées. Ces images, oui: le design du film est son point fort. Si l'intérieur du vaisseau est souvent un peu trop lisse pour être vrai, les scènes extérieures de bataille démontrent une maîtrise exemplaire des outils numériques. Il manque juste un souffle épique plus important pour décoller vraiment vers les références du genre. Space battleship convient bien à une soirée sushis / télé. Il reste toutefois prévisible de bout en bout, avec des personnages manichéens au possible, aux ressorts intimes plutôt simplistes. Conséquence: je me suis plutôt désintéressé de leur sort commun. Face à eux, les méchants ne font pas vraiment le poids: une quête ésotérique n'a pas suffi à me les rendre plus "attachants". Tant pis...

Space battleship
Film - télé ? - japonais de Takashi Yamazaki (2010)

J'enfonce le clou: tout ça est meilleur que... Battleship, un nanar américain de la plus belle espèce vue sur Terre. Je reste convaincu toutefois qu'il y a mieux à faire avec ce type d'histoires, sans avoir lu cependant le manga originel. Les éternelles valeurs d'honneur m'apparaissent réellement mises en valeur dans les vieux classiques comme Les sept samouraïs, finalement. Bon, c'est incomparable...

samedi 30 août 2014

Un boxeur

L'heure de présenter de nouveaux films est venue. J'ai hésité longtemps sur la manière de relancer mes "vraies" chroniques cinéma. Après quelques hésitations, donc, j'ai finalement choisi d'entrer directement dans le vif du sujet avec un film percutant: Ali, biopic consacré au boxeur né sous le nom de Cassius Clay. Muhammad Ali est le nom qu'il prit en 1964, à 22 ans et après sa conversion à l'Islam.

Cette anecdote, je la connaissais déjà. De l'homme lui-même, l'image qui me restait était celle d'une personne âgée, malade de la maladie de Parkinson et porteuse de la flamme olympique - j'ai vérifié depuis que c'était en 1996 à Atlanta, l'intéressé n'ayant alors que 54 ans. Avec Ali, le film, j'ai donc découvert de nombreuses autres facettes d'un sportif dont, finalement, je ne savais que très peu de choses. C'est vrai que la boxe ne m'a jamais séduit, même si je reconnais désormais qu'elle véhicule certaines valeurs et qu'elle s'appuie surtout sur une rigueur technique que je suis loin, très loin de maîtriser. Autant le dire: si le long-métrage le montre bien, lors d'une ouverture mémorable notamment, il dépasse largement les frontières du ring. Vous découvrirez également le combat d'Ali pour ses droits civiques. Vous verrez comment il refusa de se battre au Vietnam. Vous saurez qu'il fut longtemps un héros populaire surveillé de près par la police...

Je suis vite rentré dans cette histoire, assez fasciné je dois dire. Surpris d'y trouver une grande émotion positive, aussi. Le tout début du film alterne combat de boxe et soirée music-hall: j'ai été happé ! Les débuts de Cassius Clay, la révélation Muhammad Ali, son rapport avec Malcolm X et d'autres théoriciens de la cause noire... ces aspects du scénario ne m'ont pas mis KO, mais vraiment captivé. Malheureusement, quand un film ne m'envoie pas au tapis, il faut encore qu'il tienne la distance. Ali n'est en ce sens qu'une réussite mitigée: toute la fin ne parle plus que de boxe et j'ai été déçu. J'imagine que l'espoir du citoyen américain d'obtenir une couronne mondiale après un combat au Zaïre méritait mieux qu'une carte postale africaine filmée au ralenti. Toutefois, avec un Will Smith convaincant dans le rôle-titre, l'impression d'ensemble reste bonne. Voilà donc, malgré ses défauts, un film que je recommande... à tous.

Ali
Film américain de Michael Mann (2001)

Les longs-métrages consacrés à la boxe sont légion. Vraiment ? Finalement, j'ai la nette impression que beaucoup ont le noble art comme élément de décor, mais parlent de tout autre chose. Rocky reste une excellente référence dans ce domaine, sans même reparler du superbe Million dollar baby de mon très cher Clint Eastwood. J'aimerais aussi voir un documentaire sur Ali: When we were kings.

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Si tout ça ne suffit pas pour vous faire une idée...

Les avis contradictoires de "L'oeil sur l'écran" vous y aideront.

samedi 23 août 2014

Attentes automnales

C'est un cauchemar de gosse: à peine les grandes vacances arrivées que les magasins mettent déjà en rayon les affaires de la rentrée. Cartables et tables de multiplication ne seront pas mon sujet aujourd'hui. Si je voulais brièvement évoquer la saison des feuilles mortes, c'est pour citer quatre des films à venir, que j'attends déjà avec une certaine impatience. La petite coupure estivale des Bobines se poursuit. La "vraie" reprise ? Ce devrait être dans une semaine...

3 coeurs / Benoît Jacquot
Sortie en salles le 17 septembre
Des mois déjà que j'ai repéré ce long-métrage, grâce à une chronique découverte sur le site d'Olivier Père, le programmateur cinéma d'Arte. Avec Benoît Poelvoorde, Charlotte Gainsbourg et Chiara Mastroianni têtes d'affiche, j'imagine un homme et deux soeurs... pour un choix.

Mommy / Xavier Dolan
Sortie en salles le 8 octobre
J'ai bien (trop) souvent négligé les films du petit prodige québécois pour manquer cette prochaine occasion d'appréhender son nouvel opus sur grand écran. Comme le titre l'indique, il sera cette fois question d'une mère - et d'un fils, jeune à problèmes. Prix du jury à Cannes.

Interstellar / Christopher Nolan
Sortie en salles le 5 novembre
Sans que je sache trop dire pourquoi, l'affiche du film me plaît. Méfiance: avec ce réalisateur, j'ai une relation compliquée, un peu comme celle qui m'unit à Quentin Tarantino. Les images m'attirent toujours, mais ses films me déçoivent souvent. Faut que ça change !

Timbuktu / Abderrahmane Sissako
Sortie en salles le 10 décembre
Ma première attente: que sa sélection officielle à Cannes cette année lui offre une visibilité relativement importante. Je serais très déçu d'avoir à renoncer à ce film consacré à l'oppression islamiste au Mali. Surtout que le réalisateur, mauritanien, est donc africain lui aussi.

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Et vous, avez-vous déjà quelques attentes de rentrée ?
Je serais ravi de les connaître: les commentaires sont ouverts !

samedi 16 août 2014

Conseils estivaux

Rassurez-vous: le dieu soleil ne me tape pas encore assez fort dessus pour que je consacre une chronique aux crèmes bronzantes et baumes post-insolation. Quant à savoir si vous êtes beaux, en maillot ou non d'ailleurs, j'ose le croire, oui, mais c'est bien à vous d'en juger, tiens ! Mes recommandations de saison ? Elles concernent le cinéma, donc. Avec six films que j'ai pu voir cette année, désormais sortis en DVD...

Rêves d'or - La jaula de oro / Diego Quemada-Diez
Sorti en salles le 4 décembre 2013
Les migrants n'ont pas franchement la cote dans notre beau pays. Regarder ce film, c'est se rappeler que le problème dépasse largement les frontières de l'Hexagone et qu'au fond, on est tous des étrangers pour les autres. Et que s'exiler, c'est parfois une question de survie...

The lunchbox / Ritesh Batra
Sorti en salles le 11 décembre 2013
Un homme, une femme, une société et ses codes. Un autre film venu d'ailleurs, qui percute et fait écho, lui aussi, à des choses connues sous nos latitudes. Leçon de tolérance ? Une petite fenêtre ouverte sur l'autre et une histoire d'amour triste, en fait. Sans manichéisme.

Tel père, tel fils / Hirokazu Kore-eda
Sorti en salles le 25 décembre 2013
Un belle histoire pour Noël, sur la force de ce qui peut unir les parents et les enfants. Une douceur et une subtilité rares, qui sont venues confirmer tout le bien que je pensais déjà du réalisateur. Un film tendre et le constat que la retenue formelle ne bride pas l'émotion.

Les rayures du zèbre / Benoît Mariage
Sorti en salles le 5 février
D'abord parce que le talent du Benoît derrière la caméra sublime encore celui du Benoît (Poelvoorde) resté, lui, en pleine lumière. Ensuite parce que notre monde d'aujourd'hui, ses vraies générosités et grandes mesquineries. Enfin parce que l'Afrique, tout simplement.

Only lovers left alive / Jim Jarmusch
Sorti en salles le 19 février
Les vampires ? Pour que ce soit mon truc, il faut frapper juste. Certains s'y sont essayés en se cassant les dents. Cette fois, bingo ! Les princes de la nuit deviennent des junkies immortels et asociaux. Un film si beau et décalé que j'y ai mordu à presque cent pour sang.

Her / Spike Jonze
Sorti en salles le 19 mars
Un homme épris d'une simple voix. Cette voix amoureuse, elle aussi. D'un pari scénaristique audacieux, le long-métrage puise l'essentiel d'une reconstitution stylisée de nos sociétés dopées au virtuel. Prophétie inquiète ou allégorie du présent ? La question est posée...

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Bien évidemment, cette liste n'est pas exhaustive...

Je vous invite au débat... et à la publication de vos coups de coeur.

vendredi 8 août 2014

Pause ?

Pré-rédigée il y a treize jours, cette chronique est un peu spéciale. Parce que je devais être en vacances trois semaines et assez loin d'une connexion Internet sur cette période, j'avais l'intention de faire un break dans le fil de ce que je publie ici. Réflexion faite, je vais plutôt espacer mes tout prochains textes. J'aime beaucoup trop écrire pour arrêter totalement. Oui, même sur une période aussi réduite...

À l'heure où nous pouvons peut-être profiter à nouveau des charmes particuliers d'une séance cinéma en plein air, je voulais vous dire également que je me retrouve chômeur depuis un mois. J'aime autant ne pas évoquer ma vie privée ici - en parler n'est pas le but du blog. Si je fais une exception ce jour, c'est parce que je me dis que j'ai quelques lecteurs que je ne connais que de pseudo... et d'autres sûrement qui ne prennent jamais la parole dans les commentaires. Autant de personnes à "toucher", histoire de maximiser mes chances de retrouver un emploi rapidement - dans les milieux du journalisme et la communication, je ne rejette aucune offre sans l'étudier. J'active évidemment d'autres pistes en parallèle, en essayant donc simplement de les multiplier. Je suis disponible, oui, et déjà motivé.

Pour en revenir à la vie du blog, je ne ferai donc pas de pause véritable. Deux autres chroniques sont programmées d'ici à fin août, date à laquelle je pense reprendre le rythme habituel - wait and see. Mes péripéties professionnelles n'affectent guère mon amour immodéré du cinéma. Mon espoir de le transmettre un peu perdure, lui aussi. Enterrer Mille et une bobines ? Allons donc, vous n'y pensez pas ! J'imagine que les circonstances me conduiront peut-être à revoir légèrement ma façon d'écrire et encore... ce n'est même pas sûr ! Nous verrons bien au fil du temps, voulez-vous ? La certitude que j'ai aujourd'hui, c'est que je n'ai assurément pas écrit mon dernier mot.

jeudi 7 août 2014

Virage à l'ouest

Josey Wales hors-la-loi ? C'est le deuxième des quatre westerns réalisés par Clint Eastwood - et le dixième des douze où il a un rôle crédité au générique, pour ne pas dire le... tout premier rôle. Caractéristiques inhabituelles à l'époque: son personnage est nommé et, au tout début du métrage, il a même une maison avec famille. Moins de dix minutes plus tard, le drame: des desperados ravagent tout, tuant la femme et l'enfant, laissant le brave Josey pour mort...

Fin ? Non. Pré-générique, c'est tout. En dépit d'un point de départ classique au possible, il y a quelque chose de relativement particulier dans Josey Wales hors-la-loi. Le titre, déjà: une fausse piste. L'unique loi que viole Wales, c'est une loi inique, qui trie les hommes arbitrairement: bons, mauvais et proscrits. Rien d'égalitaire en dépit des beaux discours de la prétendue élite. Libéral et naïf, Clintounet ? Peut-être, avec l'intelligence d'inscrire son propos dans l'Amérique d'après la guerre de Sécession. Pas besoin d'avoir fait des études d'histoire longues comme le conflit pour savoir que les belles idées d'Abraham Lincoln ne se sont pas imposées partout aussi facilement que les bonnes âmes l'imaginaient. Eastwood le rappelle par touches discrètes, sans aller jusqu'à présenter les Sudistes, vaincus, en héros.

Ouaip, mes amis: même si notre bon ami ricain flingue plus souvent qu'à son tour et assez sauvagement d'ailleurs, je crois honnêtement qu'on ne peut pas dire qu'il fasse ici l'apologie de la vengeance privée. Quant à la guerre, elle est présentée comme ce qu'elle demeure toujours, finalement: une bien belle saloperie. OK, Josey Wales hors-la-loi, ce n'est pas non plus le moins manichéen des opus eastwoodiens. N'empêche: sur la forme, c'est soigné et sur le fond, plus réfléchi qu'on ne peut l'imaginer de prime abord. Le propos s'enrichit même d'une approche des Indiens assez respectueuse. Western atypique, promis. Et non dépourvu d'humour, qui plus est. Tout au plus aura-t-il pris un léger coup de vieux: il est bien certain que d'autres depuis ont abordé ses thématiques avec plus de finesse.

Josey Wales hors-la-loi
Film américain de Clint Eastwood (1976)
Il n'est pas dit que ça vous émeuve, mais je crois qu'il n'y a pas beaucoup d'autres films où le personnage d'Eastwood est aussi noble. La fin m'a touché, je dois dire: elle laisse une (petite) touche d'espoir quant au devenir des plus belles valeurs du bonhomme. Je préfère toujours le cynisme de L'homme des hautes plaines, mais renforce encore ma conviction de longue date: Clint n'est pas mo-no-li-thique !

mercredi 6 août 2014

Rabbit run

Il m'arrive de me demander s'il ne faut pas être fou pour être british. Parfois, je pense même que les deux qualités sont indissociables. Sincèrement, si ce n'est nos flegmatiques voisins, quel autre peuple aurait-il pu inventer Wallace et Gromit: le mystère du lapin-garou ? Dans ce monde en pâte à modeler, un drôle d'ouvrier spécialisé fait, avec son chien, la chasse aux rongeurs à grandes oreilles, fléau supposé des cultivateurs du voisinage. Une machine qu'il a fabriquée devrait leur faire passer le goût de la carotte. C'est... farfelu, indeed.

Soyons clairs: je suppose que le spectacle convient aux enfants. J'irai même jusqu'à affirmer qu'il a été prévu pour eux. Le second niveau de lecture propre à certains films d'animation n'existe pas ici. Wallace et Gromit se sont d'abord fait connaître au format court-métrage. Leur première - et seule - longue aventure ne les a pas changés. Rien qu'avec le titre, vous avez une idée de ce qui vous attend: du fun ! Sinon, quoi ? Du fun... et du fun ! Le véritable talent des artistes créateurs de cette bizarrerie cinématographique tient bien entendu, au-delà de la drôlerie du scénario, à leur quasi-perfection technique. On aime ou pas cette imagerie, mais le fait est qu'elle repose inévitablement sur la performance d'un bataillon de travailleurs acharnés et patients. Le DVD du film présente ces équipes en détail.

Wallace et Gromit: le mystère du lapin-garou est un enchantement possible pour les enfants, donc, et un bon délire pour les plus grands un peu geeks. Il ne faut pas lui demander davantage. Conseil d'ami cinéphage: se brancher sur le mode premier degré pour en profiter pleinement. Mine de rien, même si elle s'autorise quelques clins d'oeil bien sentis, cette historiette est in-ven-tive ! Tous les personnages sont bien dessinés, premiers protagonistes ou simples "figurants". Dynamique, le récit ménage quelques rebondissements et évite habilement les temps morts. La bande son s'emballe quand il faut. Bref, le spectacle est total et pas forcément si simpliste que ça. D'aucuns s'ingénieront à chercher le petit truc qui améliore encore l'ensemble... ou le dénature. Moi, à vrai dire, je m'en suis bien passé.

Wallace et Gromit: le mystère du lapin-garou
Film britannique de Nick Park (2005)

Oscar du meilleur film d'animation 2006, le long-métrage sort en fait des studios anglais Aardman, l'une des meilleures références internationales de l'animation en volume (stop motion). Je pense revenir un jour sur Wallace et Gromit versions courtes - merci d'avance pour votre patience. Mes lecteurs initiés et anglophones auront compris le titre de ma chronique, un clin d'oeil à Chicken run.

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Trois liens pour lire d'autres avis et en savoir plus...

- "Ma bulle",
- "L'oeil sur l'écran",
- "Le blog de Dasola".

mardi 5 août 2014

Perversité...

Patricia Highsmith, me revoilà ! Sa récente programmation à la télé m'a permis de voir Le talentueux Mr. Ripley, l'adaptation cinéma d'un autre de ses romans. Je m'en suis délecté. Un thriller intéressant doit pour moi contenir une dose de perversité. C'est bien le cas ici. D'après moi, le mérite en revient aussi à Matt Damon: le physique d'ange blond du pas-encore-trentenaire renforce la grande ambiguïté que lui confère déjà le scénario. Je n'en dirais pas plus aujourd'hui...

Si ! Qui est Tom Ripley ? Un jeune Américain sans un sou vaillant. Pourquoi est-il en Italie ? Parce qu'aux yeux d'un grand capitaine d'industrie, il passe pour un ancien de Princeton et l'ami de son fils. Sa mission transalpine: ramener l'héritier à ce que Papa Fourmi appelle la raison et le faire rentrer illico aux States pour tra-vai-ller ! Oui... mais Dickie Cigale voit les choses d'un autre oeil et préfère prolonger son séjour aux frais du paternel, ce sur quoi il s'entend finalement bien avec son chien de garde. J'espère que vous avez suivi parce qu'ensuite, les choses se compliquent drôlement. Ou salement. Simple question de point de vue, en fait. Et pour esquiver tout risque d'aller dévoiler d'autres éléments importants, je salue désormais l'ensemble du casting: Matt Damon, donc, mais aussi Jude Law, Gwyneth Paltrow, Cate Blanchett et feu Philip Seymour Hoffman. Casting en or: Le talentueux Mr. Ripley n'est pas seul, voyez-vous...

Bon. Tout ça vient encore confirmer que je suis décidément amateur de films en costumes. Le bouquin originel est sorti en 1955. L'histoire se passe aussi dans ces années-là et je n'ai pas relevé d'anachronisme flagrant à l'image: un bon point. Ceux qui aiment l'expérimentation pourront certes reprocher au long-métrage un certain académisme. Personnellement, ça ne m'a pas dérangé. Le talentueux Mr. Ripley m'apparaît davantage comme un film de scénario qu'autre chose. Disons que sa sobriété laisse toute sa place au récit: bon point encore. Là-dessus, j'ai vraiment apprécié le premier crescendo d'angoisse, la rupture au milieu du métrage et la seconde ascension dramatique. Bravo aussi au réalisateur, qui a eu l'audace d'inventer un personnage (féminin) absent du livre. J'ai parlé de perversité, là ?

Le talentueux Mr. Ripley
Film américain d'Anthony Minghella (1999)

S'il existe de meilleurs thrillers ? Bien sûr ! Je n'ai nullement l'intention de prétendre que Minghella vaut Hitchcock. Je veux juste insister pour dire que je me suis bien amusé, voilà. C'est bon à prendre. Maintenant, vous savez quoi ? Il faut vraiment que je regarde L'ami américain, de Wim Wenders. Tom Ripley y est aussi ! Il semblerait que ça soit dans un tout autre cadre, cela dit. Je vous dirai tout ça...

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Un petit tour chez les copains, pour patienter ?
C'est l'occasion de constater que Ripley plaît à "L'oeil sur l'écran". Aelezig est moins convaincue: cf. "Mon cinéma, jour après jour".      

lundi 4 août 2014

Infréquentable ?

Ma méthode d'écriture ? Elle est la même depuis un bon moment déjà. Il se passe toujours quelques jours entre celui où je vois un film donné et ceux où sa chronique est écrite, puis publiée. Ce décalage me permet d'approfondir ma connaissance de ce même long-métrage. En général, j'aime bien (re)voir ce que d'autres en ont dit. J'apprécie également de mieux découvrir ses créateurs, artistes ou techniciens. Cette fois, le recul m'a fait constater que j'ai enchaîné deux films sociaux. Jimmy's hall - celui d'aujourd'hui - parle d'un temps ancien.

Avec lui, nous sommes plongés dans l'Irlande du début des années 30. Le pays sort tout juste d'une guerre civile, les uns et les autres s'opposant notamment sur la teneur du lien avec le voisin britannique. En 1922, James Gralton, lui, a quitté son pays natal pour un exil américain un peu forcé. Il entend désormais retrouver l'harmonie relative du foyer familial, avec l'espoir de réconforter sa vieille mère. Seulement, pour ses amis et les jeunes du coin, le Jimmy d'autrefois demeure une légende et une promesse: il est l'incarnation d'un monde meilleur, où les pauvres gens ont voix au chapitre et comptent autant que les prétendus puissants, propriétaires ou hommes d'église. Révolutionnaire, cette idée ? Pour Gralton, elle l'est si peu qu'elle doit s'imposer partout sans autre forme de contrainte. D'autres l'entendent évidemment comme une pure idéologie de subversion, nuisible. Quand elle conduit le héros à rouvrir les portes d'une ancienne salle commune, la réaction - brutale - ne se fait pas attendre longtemps...

Ma propre histoire familiale rend assez touchant le fait d'évoquer cette thématique un 4 août, jour anniversaire de mon grand-père paternel et, depuis 1790, de l'abolition en France des privilèges seigneuriaux et féodaux. J'ai du mal à comprendre qu'un magazine aussi intelligent que Cahiers du cinéma parle d'un "navet" (je cite). Les mots sont cinglants: "Bonne conscience. Étalage de mièvrerie démagogique. Absence du moindre enjeu politique". Je ne trouve pas. Sincèrement, je m'interroge: jusqu'à quel point doit-on être cynique ou détaché d'une certaine réalité sociale pour ne pas juger que ce film peut aussi parler aux gens, tout simplement ? Jimmy's hall sombre-t-il lui aussi dans la caricature ? Ponctuellement, c'est le cas. De l'histoire vraie sur laquelle il s'appuie, le scénario de Paul Laverty retient parfois les aspects les moins complexes. Aller en sens opposé serait étonnant quand on fait oeuvre de cinéma, non ? Il me semble qu'il y a assez de médias pour dire la "vraie vie". À bon entendeur...

Jimmy's hall
Film britannique de Ken Loach (2014)

Stop ou encore ? En compétition à Cannes en mai, en partie financé par des producteurs irlandais et français, ce long-métrage pourrait bien être la dernière fiction de Ken Loach. Le vieux lion anglais réfléchit, à l'approche de ses 80 ans, au cap qu'il suivra désormais pour ses dernières années. Respect, Monsieur ! J'espère vous revoir au cinéma, mais Jimmy's hall serait une bien belle et très digne fin.

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Si vous voulez aussi prolonger votre réflexion...

Vous pouvez lire "Sur la route du cinéma" et/ou "Le blog de Dasola".

dimanche 3 août 2014

Dézinguer le patron

Louise et ses camarades sont ouvrières dans une entreprise industrielle du Nord de la France. Un beau jour, un chefaillon débarque avec toute une collection de blouses neuves. À l'heure matinale du pointage du lendemain, les machines, elles, ont disparu. Les travailleuses ne peuvent plus travailler ! En créant une caisse commune grâce à leurs primes de licenciement, elles décident alors de... faire flinguer leur patron. C'est l'ouverture de Louise-Michel...

Troisième des films du duo dingo Delépine / Kervern, clin d'oeil particulier à la plus célèbre communarde, Louise-Michel transforme l'actuelle colère sociale en bonne raison de rire. Il me paraît très clair que son humour est particulier, pour ne pas dire corrosif. Réussite flagrante: il n'est jamais vraiment d'une bêtise crasse, complaisante. Les héros sont fatigués, d'accord, mais ils sont plutôt attachants. Yolande Moreau, ex de l'école Deschiens et tête d'affiche, brille même d'une certaine façon dans ce rôle de grande gigue un peu dépassée par les événements. La manière dont elle reprend son destin en main la confronte inévitablement à de drôles de zozos. Et le fameux tueur qu'elle déniche en la personne de Bouli Lanners est plutôt gratiné aussi ! À son palmarès, un certain JFK, mais il ne faut pas en parler...

Film d'acteurs, Louise-Michel associe largement la troupe habituelle de Delépine et Kervern: je vous citerais les pitres Benoît Poelvoorde et Albert Dupontel, ainsi que quelques tarés échappés du Groland voisin - dont un Francis Kuntz plus dégueulasse que jamais en DRH pervers. Il ne faudrait pas pour autant ne réduire le long-métrage qu'aux seules performances de ses comédiens: il est plus que ça ! Ainsi, son côté gratte-poil se manifeste-t-il aussi par un comique strictement burlesque, de situation. Il faut voir par exemple Yolande et Bouli se perdre dans un parc de caravanes, que l'assassin présumé est pourtant censé habiter. Le scénario ose même évoquer la théorie complotiste autour des attentats du 11 septembre, pour s'en moquer évidemment. Rien n'est bien sérieux, de toute façon. Autant rire...

Louise-Michel
Film français de Benoît Delépine et Gustave Kervern (2008)

Avis aux amateurs: le prochain opus du duo sort le mois prochain ! J'ai bien du mal à comparer ce "style" avec celui d'autres cinéastes dits sociaux, à vrai dire. Il est possible qu'à l'automne, je découvre également les premiers longs-métrages des fadas, Aaltra et Avida. D'ici là, je vous encourage à voir le reste de leur filmographie déjantée: Mammuth et surtout Le grand soir, dans mon top de 2012.

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Trois autres sites amis à consulter pour vous faire une idée...

- "L'oeil sur l'écran",
- "Le blog de Dasola",
- "Sur la route du cinéma".

samedi 2 août 2014

Bambous graciles

Il faut voir Le conte de la princesse Kaguya pour comprendre vraiment la signification de mon titre. S'il reste à l'affiche d'une salle près de chez vous, je ne saurais trop vous conseiller d'aller découvrir cette merveille de dessin animé. Je m'en veux encore d'avoir manqué le dernier Hayao Miyazaki en début d'année. Son vieil ami et associé au studio Ghibli, Isao Takahata, a toutefois su combler ce manque...

Le style de ce nouvel opus évoque les origines mêmes du cinéma d'animation. Bien que des machines aient sûrement permis d'accélérer le processus créatif, on sent la main de l'homme partout, par l'usage de l'encre de Chine ou du fusain. Magnifiquement figuratif, Le conte de la princesse Kaguya sait aussi se faire abstrait, quand le trait s'emballe lors d'une longue course - et "évasion" - du personnage principal, par exemple. Cela dit, tout commence dans une contrée paisible, qu'on peut imaginer être une province du Japon médiéval. L'art de l'estampe a visiblement inspiré Takahata. Ses confrères nippons des décennies antérieures également... régal pour les yeux !

Sur le plan scénaristique à présent, Le conte de la princesse Kaguya n'a rien à envier aux plus grands classiques internationaux. Issue d'une vieille légende japonaise, la trame du film part d'une découverte miraculeuse: celle d'un bébé apparu à un modeste coupeur de bambou au coeur d'une de ses plantes. Il faut attendre un assez long moment avant d'apprendre d'où vient ce petit être, vite transformé en fillette. Immaculée conception asiatique, celle qui n'a pas encore de nom fait la joie et l'émerveillement de ses parents adoptifs. La force poétique du dispositif est d'une redoutable efficacité: en à peine deux temps trois mouvements, j'étais scotché à l'écran. Immergé dans ce monde.

J'ai ainsi vu la jeune campagnarde devenir une citadine mélancolique. La beauté de cette histoire tient aussi à ce qu'elle échappe résolument aux bons sentiments du cinéma animé d'Occident. Adolescente pleine de vie, la gamine des débuts quitte sa terre d'origine pour grandir dans un palais, grâce aux immenses richesses qu'un autre miracle a octroyées à son père. Elle aurait préféré garder l'insouciance de sa jeunesse, échapper à la rigidité de sa préceptrice et vivre toujours parmi les papillons. Las ! Son destin d'enfant chéri est aussi celui d'une jeune femme bientôt en passe d'être mariée. Film féministe, Le conte de la princesse Kaguya ? Aussi, un peu...

Je me répète: en ces temps mouvementés, j'ai pris un plaisir incroyable devant ces images. Les deux heures (et quart !) du film sont passées à une vitesse incroyable, sans réel temps mort. Attention toutefois: Le conte de la princesse Kaguya s'adresse plutôt à un public adulte: aucune violence ou sexe explicite, mais le propos ne me semble compréhensible que par des oreilles assez "mûres". N'allez pas pour autant priver vos enfants de ce grand spectacle ! Graphiquement, les sommets que le long-métrage atteint méritent d'être fréquentés par le plus grand nombre, dans un mélange d'émotion et de respect. Ah, qu'elle est belle, cette vision du cinéma !

Le conte de la princesse Kaguya
Film japonais d'Isao Takahata (2013)

En conclusion, j'ai presque envie de vous dire que le long-métrage surpasse même les Miyazaki que je connais. Si le terme de chef d'oeuvre a encore du sens, il ne semble pas galvaudé de l'employer pour qualifier cette splendeur, née du talent d'un homme de 78 ans. Du même, j'ai en DVD Le tombeau des lucioles, dont j'ai entendu partout beaucoup de bien. À la hauteur des maîtres de l'image réelle.

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Et si vous voulez lire d'autres analyses sur le film...

"Sur la route du cinéma" et "Ma bulle" vous le permettent.

vendredi 1 août 2014

Rockcollection

George Lucas est une créature bizarre. Je suppose que le public français le connaît surtout comme père de l'univers Star Wars, artisan milliardaire de la science-fiction cinéma. C'est oublier qu'il y a une vie avant les Jedis: celle de notre ami américain débute dans les salles obscures en 1971 - j'y reviendrai. En 1973, un deuxième film apparaît ensuite sur les écrans: American graffiti. Et rien n'est futuriste ici...

Si j'ai choisir de donner à ma chronique le titre d'une chanson populaire de Laurent Voulzy, ce n'est pas un hasard: elle aussi compile un certain nombre de standards des années 60-70. Le charme d'American graffiti tient pour beaucoup à une bande-son exceptionnelle, qui réunit en un même ensemble d'innombrables tubes d'époque - étant précisé que l'action est censée se dérouler en 1962. De la fin de la journée au lever du soleil, un groupe de jeunes réfléchit à son avenir: deux d'entre eux se voient quitter leur ville natale pour entrer à l'université. Leurs premières histoires d'amour résisteront-elles à l'éloignement ? Adulte, accepte-t-on ce risque ? Steve, Curt, Terry et les autres se posent la question. Ils traversent donc la nuit en enfants incertains, dans cette Amérique qui s'enlise déjà dans l'infamie vietnamienne. Pas de doute: long-métrage drôle et libre, le second film de George Lucas est aussi un peu nostalgique.

Cinq fois nommé aux Oscars, le film n'en obtint finalement aucun. Quarante ans plus tard, il mérite toutefois le détour, en témoignage d'un temps révolu bien sûr, mais pas seulement. American graffiti mérite aussi qu'on s'y attarde en tant qu'exercice de style. L'intrigue est concentrée en quelques heures seulement: unité de temps, d'action et de lieu, ce serait une tragédie classique, si le ton général n'était pas si frivole et les dialogues porteurs d'une certaine dose d'humour et/ou de dérision. Autre aspect des plus séduisants: le fait qu'une grande majorité des scènes se déroule sur la route, les un(e)s et les autres s'offrant une virée en ville au cours d'une belle soirée d'été. L'esprit de la jeunesse est bien représenté ! Ce qui peut surprendre le public d'aujourd'hui, c'est que le film a été tourné sagement, bien que produit par Francis Ford Coppola: il aurait coûté 777.000 dollars et généré des recettes à hauteur de... 115 millions !

American graffiti
Film américain de George Lucas (1973)

Wikipedia affirme que le long-métrage a servi de source d'inspiration pour la série télé Happy days. C'est ma foi très possible. Je reste toutefois sur la planète cinéma pour vous recommander d'abord d'autres "films de jeunes" plutôt cools: Retour vers le futur, bien sûr, ou La folle journée de Ferris Bueller. À noter que celui d'aujourd'hui marque aussi les vrais débuts d'une future grande star: Harrison Ford.