lundi 30 juin 2014

L'étranger

Je le confesse: le cinéma me donne parfois des idées saugrenues. C'est pour mieux connaître la carrière de Michael Haneke qu'un soir dernier, j'ai regardé Le château. Ceux que la littérature passionne auront sans doute reconnu le titre d'un livre de Franz Kafka. Bingo ! J'évoque bel et bien aujourd'hui l'adaptation (pour la télé !) du roman de l'auteur tchèque de langue allemande, sorti en 1926. Voilà, voilà...

Moquez-vous si vous voulez ! N'empêche: je suis sûr que vous avez déjà dit d'une situation incompréhensible et absurde qu'elle était kafkaïenne. C'est un fait: livre et film donnent une bonne définition de ce que peut être une telle situation. On y découvre le personnage principal, K., après qu'il a traversé de très vastes étendues enneigées pour rejoindre un modeste village, dont il doit devenir le géomètre. Problème: personne n'est au courant de la nouvelle. Il n'existe même aucune chambre d'hôtel disponible pour héberger K. et, en tant qu'étranger à la petite communauté, ce dernier n'a en fait pas le droit de dormir sur place ! Le château ? C'est le siège de l'administration centrale dont K. dit dépendre. Il s'avère qu'il est presque impossible d'y joindre quelqu'un... et que personne n'y connaît K. de toute façon.

Vous l'aurez compris: au rayon films austères, j'ai touché le gros lot. En version originale germanophone, un tel film nécessite évidemment des efforts de concentration. La mise en scène de Michael Haneke s'avère très épurée, limite théâtrale. Respectueux de sa source d'inspiration, l'Autrichien semble vouloir laisser au texte le rôle principal: une voix off succède ponctuellement aux longues plages dialoguées. Le décor, lui, se fait discret et d'une froideur certaine, encore renforcée par le fait que la neige envahit tous les espaces extérieurs. La précision millimétrique de ce graphisme peut séduire. Le château peut aussi s'apprécier par la participation de comédiens impliqués, assez justes dans leurs drôles de rôles. Le film s'achève comme le livre, sur une impasse. Un bien curieux objet, en vérité...

Le château
Téléfilm autrichien de Michael Haneke (1997)

Dans le premier rôle, les plus cinéphiles d'entre vous auront reconnu Ulrich Mühe, l'acteur allemand découvert en France en maitre-espion dans La vie des autres. Pour Michael Haneke, ayant abordé ses films en commençant par des oeuvres récentes, je dois dire que j'ai trouvé Le ruban blanc et Amour plus abordables - bien qu'austères aussi. Deux Palmes d'or d'un côté, un téléfilm de l'autre: à vous de choisir.

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Une petite précision, pour finir...

Fortuite, ma référence à Albert Camus tombe assez bien, je trouve.

dimanche 29 juin 2014

La bonne occasion

Hé ! Merci de venir me lire, mais ne seriez-vous pas mieux ailleurs ? C'est que je ne voudrais pas que vous manquiez la Fête du Cinéma ! Elle a débuté ce matin et dure jusqu'à mercredi prochain. Oui, elle va donc permettre de découvrir quelques sorties de la semaine à venir...

Vous connaissez le principe ? Personnellement, je ne crois pas inutile de le préciser, car il arrive qu'il change d'une édition à l'autre. Organisée pour la trentième fois cette année, la Fête du Cinéma promeut le septième art pendant quatre jours, en proposant un tarif unique à 3,50 euros la place (hors supplément 3D). On peut s'interroger sur les raisons qui font que les fauteuils restent plus chers le reste de l'année. Personnellement, je préfère largement attendre avant d'y repenser et rejoindre une salle pour profiter de l'aubaine...

Il paraît que ses promoteurs comptent désormais programmer la Fête du Cinéma à la même date chaque année, pour en faire un événement aussi populaire et attendu que la Fête de la Musique. Les spots promotionnels de cette édition 2014 ont mis en scène un dragon prénommé Jean-Luc comme personnage principal. Cela renforcera sûrement l'idée d'une manifestation familiale - sept dessins animés ont assuré le maximum d'entrées lors des dix derniers millésimes. Maintenant, à ce prix-là, on peut sans hésiter multiplier les plaisirs !

vendredi 27 juin 2014

Cavale

Je ne sais plus sur quel blog j'ai lu récemment un commentaire pertinent sur la distribution des films en France. Il me semble clair que La belle vie est passé plutôt inaperçu, même s'il est revenu primé de la Mostra vénitienne. En interview, le réalisateur confiait d'ailleurs combien il est difficile de débuter aujourd'hui au cinéma. Jean Denizot, né en 1979, signe pourtant ici un joli premier film.

La belle vie, c'est, à ce qu'ils croient, celle d'Yves, Pierre et Sylvain. Ensemble, le père et les deux fils se sont volontairement (?) coupés du monde après une séparation difficile avec la mère. Cela fait désormais plus d'une dizaine d'années que le trio est en cavale et vit modestement de la vente de produits maraîchers, un peu aidé aussi par quelques anonymes restés silencieux, compréhensifs et solidaires. Rocambolesque, ce point de départ scénaristique ? Pas vraiment. Romancée pour les besoins de la cause cinéma, l'histoire est réelle. Elle a conduit un homme à faire de la prison pour soustraction d'enfants - Wikipedia vous en parlera mieux que moi. Sur un écran géant, cette "anecdote" prend une force peu commune. Le film démarre au moment où, lassés de cette fuite permanente, les gamins devenus adolescents s'interrogent sur la possibilité d'un bonheur différent. De quoi remuer alors bien des émotions contradictoires...

J'ai dit que nous avions affaire à un joli film. J'insiste. Il faut savoir pardonner le léger manque de rythme qui, de temps à autre, alourdit le métrage. Pour un premier essai au format long, le résultat démontre une bonne maîtrise de la caméra. Si le montage demeure d'une souplesse assez ordinaire, la photo, elle, s'avère très soignée. Le réalisateur explique avoir voulu les rendre les lieux reconnaissables et leur donner dans le même temps une allure quasi-mythologique. Pari gagné: contreforts des Pyrénées et vallée de la Loire se révèlent majestueux et propices à l'évasion... à tous les sens du terme. D'inspiration country, la bande originale invite elle aussi au voyage. Aurez-vous envie de découvrir La belle vie ? C'est de Pierre, le fils cadet, que le titre est repris, un peu avant la fin du film et sur le ton de l'ironie. Je passe sur quelques invraisemblances. Le dernier plan est saisissant, sans parti pris. Chacun reste libre de juger... ou pas.

La belle vie
Film français de Jean Denizot (2014)

Deux mois après sa sortie, j'étais seul dans la petite salle d'un cinéma de quartier pour découvrir le film, en fin d'après-midi. J'en suis sorti content. Sans explosion de violence, cette histoire a quelques points communs avec celle de Mud - Sur les rives du Mississippi, appréciée en 2013. Enfant du Cher, Jean Denizot se reconnaît dans ce cinéma américain. Il a composé lui aussi un saisissant portrait d'adolescent.

jeudi 26 juin 2014

Un poète

Si vous me demandiez mes préférences artistiques, je vous parlerais évidemment de cinéma. L'opéra viendrait probablement ensuite: l'art lyrique me fascine depuis que j'ai eu la chance de visiter les coulisses d'une de ses maisons. Et le théâtre ? Lui aussi m'intéresse. Il arrive que les planches parviennent même à supplanter les salles obscures. Et c'est ainsi, sur une scène de Nice, que j'ai applaudi François Morel.

Le comédien vient de fêter ses 55 ans. C'est une pile éclectique. Après son spectacle La fin du monde est pour dimanche, j'ai réalisé qu'il avait une impressionnante carrière cinéma: il est en effet apparu dans une cinquantaine de films depuis 1993 - sans compter les films télé, presque aussi nombreux. Rien que pour 2014, il est annoncé dans Brèves de comptoir, adaptation au cinéma de la série de livres éponymes, et Tu veux ou tu veux pas ?, la toute nouvelle réalisation de Tonie Marshall. Personnage lunaire s'il en est, Morel se contente souvent de petits rôles. Peu récompensé, il a obtenu en 2012 le Prix Alphonse Allais, alors même qu'il jouait Le bourgeois gentilhomme...

Sur scène, l'homme est tour à tour passager de métro, Breton amoureux d'une huitre, journaliste à Bethléem, philosophe ou bateleur de cirque. Avec son amie Yolande Moreau et toute la troupe, il restera probablement pour toujours un Deschiens. Il est l'un de ces crétins magnifiques que le public sait aussitôt prendre en affection, un poète dans les habits d'un clown - ou le contraire. Des intonations de sa voix à sa gestuelle, le bon François met aussitôt l'auditoire dans la poche. Son humour, assez proche de celui d'un Raymond Devos, est absurde et tendre à la fois. Dans La fin du monde..., il nous annonce l'apocalypse en rigolant et nous offre une pleine semaine de rallonge. Puisse ce délai vous permettre de croiser son chemin ! La tournée s'étant achevée, mon conseil du jour sera de surveiller la prochaine. 

mercredi 25 juin 2014

Destinées génétiques

De longues années ont passé avant que je voie Bienvenue à Gattaca. Si mes souvenirs sont exacts, j'avais acheté la VHS vers 1998-99. Plusieurs de mes premiers collègues de travail m'avaient recommandé de ne pas passer à côté de ce film d'anticipation. Assez peu branché science-fiction, je l'ai finalement - et très longtemps - laissé de côté. Jusqu'à sa diffusion sur l'une des chaînes de mon bouquet Orange...

Je peux donc vous le confirmer dès maintenant: Bienvenue à Gattaca est un bon film. Peut-être pas un très bon, mais presque. Il se passe "dans un futur pas si lointain" (je cite de mémoire le pré-générique). Garçon ordinaire, Vincent Freeman rêve de devenir astronaute. Problème: dans ce monde d'avenir, le destin de chacun est déterminé dès la naissance,  après examen attentif des gênes et évaluation immédiate des capacités de l'individu. En l'occurrence, Freeman s'avère d'emblée trop faible pour prétendre au métier de ses rêves. Son frère Anton, lui, est le fruit d'une fécondation in vitro: l'embryon a été sélectionné pour la quasi-perfection de son ADN, source première du futur citoyen idéal. Euh.. vous avez le droit de trembler ! Sans hurlement et sans violence, le long-métrage dresse le portrait d'une société futuriste glaçante, où chaque destin est joué d'avance. Les "petits" n'ont même pas le droit d'essayer de s'améliorer. Jamais.

Assez inventif, presque surprenant même, ce film d'anticipation s'intéresse donc d'abord... à l'humain. C'est sa très grande qualité. Aucune dérive esthétisante ne vient entraver la bonne compréhension du propos. En acceptant juste comme crédibles les évolutions technologiques qu'il avance, le scénario de Bienvenue à Gattaca apparaît finalement très contemporain. Avec intelligence, il se double même d'une intrigue policière "classique", fil rouge qui peut rendre l'ensemble plus accessible au grand public - dont j'estime faire partie. Autre point réussi: le casting. Le discret Ethan Hawke y côtoie notamment Uma Thurman, qui brille ici d'un charme évanescent. J'étais aussi content de croiser Jude Law, parfait dans une partition d'ange déchu, clé de toute l'intrigue. Une bande originale impeccable et des images d'une rare sobriété nous laissent alors nous concentrer sur l'essentiel. Âmes sensibles, il se pourrait que vous soyez émues...

Bienvenue à Gattaca
Film américain d'Andrew Niccol (1997)

Mea culpa: bien qu'également attiré par elles, j'ai également laissé passer les dernières réalisations SF du même cinéaste, j'ai nommé Time out et Les âmes vagabondes. Partie remise ? Possible. Honnêtement, les questions (éthiques ?) posées ici sur le bon usage de l'ADN m'ont presque passionné. Il y a eu gênes et plaisir, donc. Rappel: c'était déjà le cas avec Never let me go, dans un autre genre.

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Pour plus d'infos sur le film du jour, quelques blogs amis...
- "Ma bulle"...
- " L'oeil sur l'écran"...
- "Mon cinéma, jour après jour".

mardi 24 juin 2014

Partie de campagne

J'emprunte à Jean Renoir - et à Guy de Maupassant - un beau titre pour ma chronique du jour. Le film dont j'ai à vous parler aujourd'hui m'a également fait penser au Déjeuner sur l'herbe, la célèbre toile d'Edouard Manet. En appelant l'un de ses longs-métrages Comédie érotique d'une nuit d'été, Woody Allen, lui, rend un hommage sincère à William Shakespeare et fait un clin d'oeil à Ingmar Bergman. Après quoi, il me semble qu'il arpente un territoire pour lui balisé...
 

Comédie érotique... ressemble en effet, dans son dispositif scénaristique, à beaucoup d'autres Woody Allen. Le cinéaste-acteur est Andrew, un inventeur un peu foufou du début du 20ème siècle. Alors que leur couple traverse quelques difficultés, sa femme Adrian et lui ont convié des amis à un week-end de détente à la campagne. Maxwell, le médecin, est venu avec Dulcy, une infirmière, la dernière de ses conquêtes. Quant à Léopold, beau parleur et universitaire réputé, il débarque avec Ariel, sa future épousée. Ce qui devait arriver arrive: la blonde jeune femme est une vieille connaissance d'Andrew, lequel a fort envie d'essayer de la reconquérir. À vous désormais d'imaginer - ou de voir - les péripéties qui découlent logiquement de cette situation de départ. C'est du Woody pur sucre.

Sur la musique de Felix Mendelssohn, la caméra virevolte sagement au coeur d'une nature magnifique. La forme est soignée, évidemment, et la photographie du film particulièrement belle. Woody s'essaye même - avec succès - aux effets spéciaux et donne ainsi au tout une petite teinte fantastique pas inintéressante. Comédie érotique... nous emmène ailleurs et je n'en attendais pas davantage. Face à d'autres oeuvres du maître, celle-là paraît peut-être, si ce n'est terne, disons limitée dans ses enjeux. Le fait qu'elle tourne autour de six personnages la rend toutefois attachante. Même si leur histoire a mal fini, on peut noter également que ce film est la première collaboration entre Allen et Mia Farrow. Il est permis de l'aimer aussi pour sa poésie et cette douce nostalgie qu'il inspire.

Comédie érotique d'une nuit d'été
Film américain de Woody Allen (1982)

Le onzième long-métrage du New-yorkais en seize ans de carrière ! Notez que, depuis, Allen va plus vite encore, trop vite peut-être parfois. Je dois dire qu'ici, je me suis trouvé sensible aux touches fantastiques, déjà appréciées dans Alice. Dans la longue succession des Woody, celui-là vient après Manhattan et Stardust memories. J'ose à peine parler d'une oeuvre mineure avant le suivant, Zelig...

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Ailleurs sur le Web...

Je constate que mes amis de "L'oeil sur l'écran" sont fans !

lundi 23 juin 2014

L'enfant de la lande

Unique roman né de la plume d'Emily Brontë, Les hauts de Hurlevent est un tel classique de la littérature anglaise que, sorti en 1847, il a connu onze (!) adaptations filmées, cinéma ou télé. La première serait un film perdu de 1920, muet et signé Albert Victor Bramble. J'évoque aujourd'hui la dernière... à ce jour, oeuvre de la cinéaste britannique Andrea Arnold. C'est cette artiste, double lauréate du Prix du jury à Cannes, qui a su éveiller mon intérêt pour le long-métrage.

Premier constat: je suis vraiment satisfait. Les hauts de Hurlevent n'est pas un film facile, mais c'est un beau film. L'histoire racontée parait des plus typiques des écrits du 19ème: sur une lande désolée balayée par le vent et la pluie, un homme recueille un enfant abandonné, qu'il installe dans sa modeste masure, auprès de son fils aîné, de sa fille et d'une nourrice. Il le fait baptiser Heathcliff. Aussitôt, le nouveau venu rencontre la haine de son frère d'adoption. Méprisé d'abord, il parvient en revanche à susciter une sympathie relative à la demoiselle de la maisonnée, témoignage d'un respect bientôt chargé d'une certaine ambiguïté. En lui-même, cet argument très classique n'est pas forcément celui qui saura emballer le public des années 2010. C'est donc bel et bien la manière dont Andrea Arnold ose s'en emparer qui lui confère un aspect on ne peut plus fascinant.

Ceux qui ont lu le livre sont unanimes pour considérer ce formalisme comme tout à fait respectueux de l'esprit du texte originel. Concrètement, dans cette version récente, Les hauts de Hurlevent est ce qu'il est convenu d'appeler un film sensoriel. Sans qu'il soit laissé de côté ou même relégué au rang d'anecdote, le récit laisse vraiment toute sa place au cadre dans lequel il s'inscrit. Passif évidemment, le spectateur voit néanmoins nombre de ses sens sollicités par un décor ultra-présent, une photographie très travaillée dans un format presque carré et... l'absence totale de musique. Adhérer ou non à ce dispositif est un choix: d'aucuns trouveront peut-être le film un peu trop long, voire répétitif. Moi, je l'ai perçu comme une vraie proposition artistique, assez audacieuse d'ailleurs. J'ai aussi pris plaisir à y découvrir quelques très bons jeunes acteurs.

Les hauts de Hurlevent
Film britannique d'Andrea Arnold (2011)

Le cinéma contemplatif ne fait pas l'unanimité. Logique. Sincèrement, si vous cherchez à vous divertir, il y a mille autres films à découvrir avant celui-là. Je crois important d'ajouter que c'est l'une des plus belles adaptations de la littérature du 19ème que j'ai eu l’occasion de voir jusqu'à présent. Il me semble ardu de comparer avec un choix de cinéma différent. Allez, Bright star, peut-être...

dimanche 22 juin 2014

Le péril blond

Je vous avais promis fin mai de reparler de Rita Hayworth. J'aborde aujourd'hui l'un de ses films les plus connus: La dame de Shanghai. Ceux d'entre vous qui, comme moi, aiment poser un long-métrage dans son contexte noteront que la belle Américaine était, au moment du tournage et pour peu de temps encore, l'épouse d'Orson Welles.  Lequel est ici, à 32 ans, à la fois réalisateur, coproducteur et acteur.

Les historiens du septième art indiquent qu'à l'époque, la mésentente régnait entre Hayworth et Welles à la ville. Une procédure de divorce venait juste d'être engagée. À l'écran, c'est l'inverse: Monsieur, marin de son état, tombe amoureux de Madame au premier regard. Sentiments vite partagés: la belle Rita - alias Elsa - se montre particulièrement entreprenante et fait embaucher son coup de foudre sur le yacht où elle passe de luxueuses vacances. Une voix off laisse entendre au public qu'en réalité, cette idylle naissante pourrait mener l'un et/ou l'autre des tourtereaux à sa perte. La dame de Shanghai n'est pas le récit d'un amour. C'est un film noir d'un calibre honorable. Aussi sûrs d'eux qu'ils paraissent, les personnages sont en fait pris dans un engrenage fatal. De quoi satisfaire les amateurs du genre...

D'où vient le danger ? Vous verrez ça par vous-mêmes. Le petit indice dans le titre de ma chronique est sans doute réducteur. Je voulais simplement insister sur la blondeur de Rita Hayworth. Cheveux courts au vent, la comédienne nous fait cadeau ici d'un visage inédit. D'aucuns y ont vu une énième vacherie d'Orson Welles, mari déçu avide de revanche, prêt à priver sa femme de son aura glamour. Franchement, ça reste discutable: l'intéressée demeure d'une beauté incroyable, dans La dame de Shanghai. Quelques scènes en maillot de bain font d'elle l'un de ces sex symbols qu'Hollywood aimait tant. Est-ce que ça a changé ? Pas sûr. Je note juste qu'on ne tourne plus de tels films. Un peu moins spectaculaire que d'autres, mais soutenu par un dialogue ciselé, celui-là vient finir sur une note... "explosive".

La dame de Shanghai
Film américain d'Orson Welles (1947)

Placer cet extrait dans la filmographie du maître m'est difficile. Objectivement, n'ayant vu que Citizen Kane, je crois bien n'avoir qu'une connaissance vague, trop lacunaire pour vous donner un avis pertinent. Mon regard sur le genre "film noir" m'apparaît lui-même trop neuf pour conclure. N'oubliez pas qu'après Gilda, c'est seulement la seconde fois que je me "frotte" à Rita Hayworth. Affaire à suivre...

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Avides d'en savoir plus sans attendre davantage ?

Vous pouvez toujours aller lire la chronique de "L'oeil sur l'écran".

samedi 21 juin 2014

La situation empire...

J'aurais dû vous parler beaucoup plus tôt de L'attaque des clones. Fouillez donc dans les archives du blog: après avoir testé l'épisode I de la saga Star wars sur écran géant à l'occasion de sa ressortie événementielle en 3D, j'espérais pouvoir faire de même avec l'opus numéro II. Le sort en a décidé autrement: sans rentabilité suffisante aux yeux de ses promoteurs, l'opération "grand retour" a tourné court.

C'est donc grâce à la télé que j'ai fini par découvrir le film, le seul resté inédit pour moi parmi les six longs-métrages des deux trilogies déjà sorties. Vous connaissez déjà un peu, non ? S'il y en a encore parmi vous qui n'ont rien vu de ces classiques de la science-fiction cinématographique, j'indique qu'il est ici question d'une République interstellaire, menacée de division par les volontés sécessionnistes d'une guilde de marchands plus ou moins corrompus. Il y a bien sûr des gentils et des méchants, des entre-les-deux et un suspense relatif quant au maintien des positions de chacun. Une histoire d'amour compliquée entre deux ados, coincés entre désirs et devoirs, vient ajouter un soupçon de romance. L'attaque des clones est un épisode intermédiaire typique: isolé, il demeure d'un intérêt assez discutable.

À ce sujet, je pousse d'ailleurs un coup de gueule contre M6. Son idée de repasser l'ensemble de la saga était bonne, mais elle l'a gâchée sans aucun état d'âme, en racontant les grandes lignes de l'épisode III lors du générique final de l'épisode II ! On pourra certes me rétorquer que Stars wars occupe une telle place au panthéon du cinéma geek que rares sont ceux qui ignorent comment tout cela va finir. Objection ! J'aime à penser qu'il y a toujours aujourd'hui un public profane pour l'ensemble de la série: tout révéler ainsi me paraît méprisant pour ces gens qui n'ont pas "baigné" dans cet univers particulier depuis de longues années. Après, pour moi qui connaissais déjà les tenants et aboutissants, L'attaque des clones n'est resté qu'un spectacle ordinaire. Je suis bien content de l'avoir vu, cela dit.

Star wars épisode II - L'attaque des clones
Film américain de George Lucas (2002)

Le premier truc qui m'a frappé avec cet épisode, c'est les effets spéciaux. Il me semble que, douze ans plus tard, ils ont pris un coup de vieux. Allez, n'exagérons rien: ça reste regardable. Il est clair toutefois que je me projette plus facilement avec le "carton-pâte" traditionnel. Tout ça me donne finalement envie de revoir la trilogie originale des années 70-80. Ou un bon Blade runner des familles...

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Et en attendant l'arrivée en 2015 d'une troisième saga...

Vous pourrez lire "L'oeil sur l'écran" ou "Mon cinéma, jour après jour". Autre chroniques sur "La cinémathèque de Phil Siné" et "Ma bulle".

jeudi 19 juin 2014

Les idées de Marcadé

Chaque année depuis 2009, j'attends avec impatience le mois d'avril et la sortie du nouveau Annuel du Cinéma. Vraie mine d'informations pour cinéphiles, cet ouvrage recense tous les films sortis en France au cours du millésime précédent et reprend le travail des bénévoles des Fiches du Cinéma publié, lui, tout au long de l'année considérée. J'avais envie de savoir et d'expliquer comment tout cela fonctionne. J'ai contacté Nicolas Marcadé, rédacteur en chef, et il m'a répondu. Nicolas, bravo et encore une fois merci ! Je vous laisse la parole... 

Comment vous présenteriez-vous ?
Je suis entré aux Fiches du Cinéma, déjà vieux cinéphile et tout jeune diplômé en lettres, en 1999. J'en assure la rédaction en chef depuis presque dix ans.

Avez-vous une petite idée du nombre de films que vous avez vus en salles l’année dernière ? Et au total, tous supports confondus ?
Bien que n'ayant qu'un sens très approximatif des mathématiques, j'imagine que ma consommation doit se situer en moyenne autour de deux films par jour, tous supports confondus. Ce qui ferait un total d'un peu plus de 700 films par an. Cela peut être beaucoup par rapport à la consommation d'un citoyen ordinaire. C'est ridicule par rapport à celle d'un véritable cinéphage comme le sont beaucoup de nos lecteurs.

Combien de personnes travaillent pour Les Fiches du Cinéma ? Comment le travail est-il réparti entre vous tous ? L’Annuel reprend-il très exactement leurs textes ou suppose-t-il une quelconque "réécriture" ?
Quatre - bientôt cinq - salariés font tourner la boutique. Mais Les Fiches a la particularité d'appartenir à ses rédacteurs. La "maison d'édition" porte en effet bien son nom: le comité de rédaction, par ailleurs entièrement bénévole, est à la tête de l'association, Les Fiches du Cinéma, depuis 2000 et sa rétrocession de Chrétiens Médias. Cela a des avantages: la structure n'est pas soumise à un but lucratif, qui pourrait faire dévier sa "dévotion" à la cinéphilie. Mais cela peut avoir aussi un inconvénient - que l'on essaie néanmoins de corriger: nos parutions restent encore confidentielles, d'autant plus au regard de leur longévité. Qui dirait aujourd'hui que la plus ancienne revue de cinéma est Les Fiches du Cinéma ?
L'équipe est longtemps restée à trois têtes: une administratrice, un rédacteur en chef et un secrétaire de rédaction. Nous avons la chance aujourd'hui d'être épaulés par un responsable développement, et bientôt par un nouveau secrétaire de rédaction, pour assurer nos nouvelles parutions (notamment en cinéma jeunesse). Deux pôles, pour ainsi dire, se dessinent: l'administration et la rédaction. Jusque-là, la frontière était très floue. Cela dit, chacun de nous, quelle que soit sa fonction, écrit sur le cinéma.
Toutes les fiches parues au cours de l'année dans la revue Les Fiches du Cinéma sont entièrement relues, corrigées et parfois réécrites, lorsque le recul nécessite une réévaluation du commentaire. Avec la multiplication des sorties, il arrive aussi que nous ne puissions assurer le multivisionnage d'un film et que, par conséquent, nous ne puissions en débattre avant d'écrire un papier dessus. Cet écueil est évidemment corrigé pour L'Annuel du Cinéma, dont la fonction est, il est vrai, de s'inscrire davantage dans la durée, établissant un texte de référence pour l'avenir. Même si, déjà pour la revue, nous combattons le "commentaire à chaud", souvent dépendant d'une humeur et inféodé au "bon mot".     

Certains films sortent sur des centaines d’écrans, d’autres sur un ou deux seulement. L’équipe des Fiches et de L'Annuel parvient-elle à tous les voir en salles ? Y a-t-il des séances de rattrapage pour ceux que vous pourriez avoir manqués ?
C'est notre raison d'être que de voir et traiter tous les films, dès lors qu'ils ont bénéficié d'une exploitation commerciale - fut-ce durant seulement trois jours au fin fond du Val d'Oise - validée par le Centre National du Cinéma. Pour couvrir ce champ de plus en plus vaste, nous procédons en plusieurs vagues. Nous voyons la majorité des films en projection de presse pour les traiter dans la revue Les Fiches du Cinéma. Ensuite, la plupart des films qui ne nous ont pas été montrés sont rattrapés en salles. Enfin, il reste toujours une poignée de films que nous n'avons pas pu voir ou qui ont échappé à notre vigilance au moment de la sortie. Là commencent des démarches un peu plus complexes, pour récupérer des DVD ou des fichiers numériques. Pour l'édition 2014 de L'Annuel, par exemple, un des rédacteurs a dû aller visionner un film en projection privée dans le salon du producteur, qui le lui commentait en direct...

Certains critiques professionnels se plaignent d'avoir du mal à exercer leur métier ou à voir tel ou tel film avant le grand public. Parce que vous faites la chronique de la totalité des films sortis en France au cours d'une année, je vous imagine "à l'abri" des pressions de ce type. C'est bien le cas ?
À vrai dire, c'est surtout notre faible audience qui nous met à l'abri de ce type de pressions ! Nous ne sommes "blacklistés" par personne. En revanche, nous subissons évidemment, comme tous nos collègues, la politique des distributeurs consistant de plus en plus - et notamment dans le cas de grosses comédies françaises - à ne pas montrer du tout tel ou tel film à la presse. 

L'Annuel s'ouvre sur un Carnet de tendances et notamment un long bilan que vous signez seul. Est-ce toutefois le fruit d'une réflexion collective ? Comment est-elle menée, le cas échéant ?
Le bilan est le fruit d'une année de vie de la revue, de discussions sur les films, en comité de rédaction tous les vendredis. C'est une sorte de synthèse des impressions et des idées brassées durant l'année. Après, c'est effectivement moi qui le rédige, avec ma propre subjectivité, et c'est moi qui le signe.

Vous donnez également la parole à un certain nombre de personnes qualifiées, professionnels du cinéma à différents titres. Comment les choisissez-vous ?  
Le principe de ces interviews, qui composent le Carnet de tendances, est de faire intervenir des professionnels du cinéma en dehors de toute démarche de promotion. En petit groupe, nous partons des thèmes qui se sont détachés durant l'année, d'impressions plus diffuses aussi, et nous voyons qui pourrait en parler de la manière la plus intéressante. Par exemple, il y a deux ans, il y avait quelque chose qui nous semblait intéressant autour de la comédie française. Beaucoup n'avaient pas marché comme prévu, beaucoup nous semblaient étrangement mauvaises. Nous avons eu envie d'aller en parler avec Pierre Salvadori, parce qu'il nous semblait être un des meilleurs auteurs de comédie en France. Or, il se trouve qu'à ce moment-là, il était entre deux films – c'est-à-dire en phase de travail et non de promotion. Il préparait Dans la cour, qui correspond pour lui à une remise en cause de la comédie pure, et était donc lui-même en train de s'interroger sur ce genre. Nous avons pu ainsi capter ce moment de sa propre réflexion.
En général, il y a ensuite une grande marge d'improvisation: un entretien peut nous mettre sur une piste qui n'était pas prévue et que l'on décide de suivre. On se laisse avec plaisir guider par ce jeu de dominos. Sans idée préconçue et curieux de l'effet que produit cette suite de conversations formant une grande discussion imaginaire.

Comment voyez-vous l'avenir de L’Annuel du Cinéma ? Bien qu'il soit très riche, pensez-vous encore pouvoir le compléter de données nouvelles ? Et, de manière plus générale, avez-vous d'autres projets d'édition ?
Il n'est pas prévu d'étoffer L'Annuel, du moins dans son édition papier. Avec l'accroissement du nombre de films, nous sommes contraints d'augmenter d'autant le nombre de nos pages et cela commence à faire beaucoup. 800 pages à consulter régulièrement, cela devient un sport d'athlète. En revanche, pour la base de données en ligne que nous préparons, d'autres informations pourraient être intéressantes – du type box-office, par exemple.
En ce moment, notre énergie est surtout mise au bénéfice de nouvelles parutions. Nous avons commencé par éditer un ouvrage de recueil de toutes les interviews parues dans le Carnet de tendances des Annuels depuis dix ans. Remontés par thème, ces entretiens se faisaient écho et dessinaient une véritable topographie des grandes mutations de la cinéphilie durant la dernière décennie. Nous avons plus récemment lancé une nouvelle collection à destination des enfants, sur le modèle de L'Annuel - les films en fiches, des index pour vagabonder dans la cinéphilie, des entretiens pour comprendre les enjeux du cinéma dit pour la jeunesse. Il ne s'agissait cependant pas ici des films de l'année, mais d'une sélection hétéroclite de ce qui nous semble, depuis les débuts du cinéma, devoir faire partie d'un imaginaire collectif pour les tout-petits, une sorte de bagage à main pour de courts trajets... et donner envie, par la suite, d'étoffer ses malles pour entreprendre de plus longs voyages.

Les Fiches du Cinéma, c'est une association et un groupe de bénévoles. De quelle manière peut-on vous aider à travailler et à faire vivre votre organisation ?
Pour l'heure, il nous faudrait trouver de nouveaux bureaux: ceux que nous occupons vont prochainement être vendus. Si vous ou vos lecteurs aviez une idée d'où poser nos propres bagages, cela nous serait d'une aide précieuse ! Moins prosaïquement, l'association appartenant, comme je vous le disais, à ses rédacteurs, son devenir dépend beaucoup des bonnes volontés du collectif. C'est à la fois très riche, très libre et réellement très excitant. Mais parfois, nous pouvons aussi avoir l'impression de stagner: il est difficile de faire bouger un groupe. Cela dit, nous vivons en ce moment une période très énergique, avec un comité très impliqué et dont l'hétérogénéité produit une réflexion bouillonnante sur les projets à mener et le tournant (numérique notamment, mais aussi éditorial) que vit Les Fiches. Tout cinéphile, sachant écrire, défendre son point de vue et le partager peut donc avoir sa place au sein de notre comité de rédaction. Nous allons avoir 80 ans. Cela veut certainement dire que le collectif a les épaules solides.

Un petit bilan, désormais : même si c'est difficile de choisir, j'ai très envie de vous demander ce que seraient les trois films qui vous ont le plus marqué en 2013…
Ce n'est pas la meilleure année pour me demander ça ! Mais jouons le jeu - auquel on se prête sans déplaisir, il faut bien le dire, à chaque fin d'année. Avec le recul de quelques mois, je citerais trois films dont je suis encore surpris qu'ils restent si fort dans ma mémoire: No, Le congrès et La fille du 14 juillet. Trois propositions radicalement différentes... et passionnantes.

Et quelles sont les trois performances d’acteur que vous retiendriez entre toutes ?
Joaquin Phoenix dans The master.
Juliette Binoche dans Camille Claudel 1915.
Oscar Isaac dans Inside Llewyn Davis.

Et qui seraient les trois nouveaux réalisateurs dont le premier film, sorti l'année dernière, vous a donné envie de les suivre désormais ?
Antonin Peretjatko, donc. Justin Triet également. Et puis, hors de France, il y a un premier film mexicain, Workers, qui me rend curieux de ce que fera son réalisateur, José Luis Valle, par la suite.

Vous avez d'autres rêves, liés au cinéma ? Votre bilan 2013 parle d'une carence en émotions fortes, mais le septième art vous surprend-il encore positivement ?
Je dois reconnaître quelques coups de sang et une grogne facile, mais ce n'est pas une question d'humeur. Disons que cela relève d'une forme d'exigence. L'époque n'étant pas favorable aux prises de risques, on peut en effet avoir une sensation souvent assez forte d'ennui. Je crois profondément que le cinéma n'a de réelle valeur que s'il dialogue avec la vie, ce qui implique que les films soient portés par une forme de nécessité. Or, aujourd'hui, il y a une tendance de plus en plus forte à transformer le cinéma en un simple jeu: jeu d'argent pour les financiers, jeu de rôle pour beaucoup de réalisateurs qui se rêvent en cinéaste avant de rêver des films, ou encore jeu de société pour toute une communauté geek qui s'échange des références cinéphiliques comme des cartes Pokémon. Je ne pense pas que le cinéma puisse se limiter à ça. Mais je pense aussi qu'il y a des mouvements de flux et de reflux et que la marée va remonter. Je reviens de Cannes, et même si je n'ai pas vu mille films qui m'ont bouleversé, j'ai trouvé une grosse poignée d'œuvres réellement stimulantes, libres, ambitieuses – Adieu au langage de Godard, Timbuktu d'Abderrahmane Sissako, Les combattants de Thomas Cailley, Saint Laurent de Bertrand Bonello, L'institutrice de Nadav Lapid... - qui, chacune dans leur genre, portaient une vision du cinéma plus haute ou plus fraîche, et surtout plus enthousiaste que la grande majorité de ce que j'ai pu voir l'année dernière.

Sur le plan artistique, mais aussi en termes économiques, comment imaginez-vous le cinéma de demain ?
J'imagine qu'inéluctablement, il sera très différent de celui que j'ai connu enfant. Le format et la texture des images, les lieux de diffusion, le mode d'accès aux films... tout sera différent et l'est déjà pour beaucoup. Mais j'espère que l'essentiel subsistera malgré ces mutations et que, même si ce que définit le mot "cinéma" en termes techniques n'a plus rien à voir, la notion plus abstraite de "cinéma" perdure. Cette question du devenir du cinéma, nous nous la posons beaucoup. C'est pourquoi, dans L'Annuel, nous avons fait ce questionnaire où on demandait à quelques observateurs: "Qu'est-ce qui vous rend encore confiant dans l'avenir du cinéma ?". C'était une amorce. Il y aura certainement beaucoup de suites avant que l'on commence à avoir une vision un peu nette des choses.

mercredi 18 juin 2014

Dans la ville glauque

Taxi driver m'a tellement plu que j'avais hâte de vous en parler. J'y ai fait allusion sur ma page Facebook, après avoir hésité à utiliser celle qui relaye les mises à jour du blog. Bon... j'imagine bien volontiers que certains d'entre vous n'ont pas attendu mes conseils pour le voir. Aux autres, je dirai donc sans attendre que le film mérite son statut d'oeuvre-culte. Il passe en tête de mes (p)références "scorsesiennes".

Le chauffeur de taxi dont il est question, c'est bien sûr Robert DeNiro. L'acteur allait sur ses 33 ans quand le film - son 14ème - est sorti et a obtenu... la Palme d'or du Festival de Cannes. Je l'ai trouvé fabuleux dans la peau de ce Travis Bickle, auquel le scénario de Paul Schrader donne sept ans de moins que son interprète. La veste kaki qu'il porte sur les épaules le rappelle: avant de se mettre à bosser pour véhiculer les gens dans New York, bas quartiers compris, Bickle était militaire, dans le corps des Marines, précise-t-il, et peut-être bien au Vietnam. En voix off, on l'entend penser que la société américaine mériterait un bon coup de balai. La seule personne qui peut encore trouver grâce à ses yeux, c'est Betsy, une jeune femme lancée en campagne électorale pour le compte d'un sénateur candidat à la présidence. Plutôt qu'amoureux, Bickle est fasciné par sa beauté: il imagine qu'une telle personne ne peut que bien s'entendre avec lui. L'optimisme dont il fait preuve est trompeur: Taxi driver donne alors une image noire, violente et quasi-désespérée, de la vie dans la ville.

Le long-métrage reste aussi célèbre pour avoir donné à Jodie Foster l'un de ses premiers grands rôles. La plus francophile des stars hollywoodiennes n'a pas encore 14 ans et joue pourtant avec un talent incroyable une dénommée Iris, adolescente et prostituée ! L'énergie qu'elle donne à son personnage fait qu'on oublie très vite ses films postérieurs et la femme admirable qu'elle est aujourd'hui, au bénéfice de sa prestation de l'instant. C'est simple: elle m'a même fait négliger le grand Harvey Keitel, qui n'en a pas moins toute l'ambiguïté nécessaire pour camper un proxénète crédible, tout à fait détestable. À voir une gamine faire le tapin avec si peu d'états d'âme, convaincue même que c'est ce qu'il y a de mieux pour elle, on finit inévitablement par se demander d'où viendra la lumière. Taxi driver laisse-t-il seulement le droit de croire en des jours meilleurs ? Pas sûr du tout. L'idée d'une rédemption reste faible, sans image pour la matérialiser. Cela ne veut pas dire que tout soit moche, au contraire. Sur le plan formel, musique de Bernard Hermann comprise, il me semble possible de tenir cette forme d'art comme l'une des plus belles qui soient. Maintenant, c'est sûr qu'il faut admettre de se frotter à la noirceur.

Taxi driver
Film américain de Martin Scorsese (1976)

C'est "amusant": presque terminé, le film m'a remis Drive en tête. Désolé pour les admirateurs et -trices de Ryan Gosling: Bob DeNiro s'avère bien meilleur que lui ! Il faut dire aussi que Scorsese lui offre un personnage impressionnant, naïf d'abord, implacable ensuite. J'aime ce cinéma américain qui gratte là où la société va mal. Tentez donc Les visiteurs d'Elia Kazan si vous avez le coeur bien accroché...

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Et si vous voulez un autre avis sur le film d'aujourd'hui...
Vous pouvez en lire un chez mes amis de "L'oeil sur l'écran". Phil Siné en parle aussi sur sa "Cinémathèque" (entre autres). À vous de voir...

mardi 17 juin 2014

Références d'Asie

Vous avoir parlé d'un film franco-chinois m'a interrogé sur le succès relatif du cinéma asiatique en France. Notre bien aimée exception culturelle laissant venir jusqu'à nous quelques oeuvres d'Asie, j'ai eu envie de faire une petite enquête sur la manière dont elles étaient accueillies. Mon idée n'était pas de faire une recherche approfondie. Simplement de vite parcourir le box-office français, de 2004 à 2013...

L'année dernière, c'est Albator, corsaire de l'espace qui s'est classé au premier rang des films asiatiques vus en France et au 66ème rang général, avec un peu moins de 725.000 entrées (chiffre honorable). La nostalgie des adulescents a dû jouer en faveur de ce manga japonais, qui aurait retrouvé la complexité perdue lors de sa diffusion en série de dessins animés télévisés. Reste que cette réussite confirme d'abord le goût pour l'animation asiatique: elle se place aussi au sommet en 2012 - La colline aux coquelicots (410.000 entrées), en 2011 - Arrietty, le petit monde des chapardeurs (934.000 billets) et en 2009 - Ponyo sur la falaise (906.000 entrées). Vous noterez d'ailleurs qu'avec le dernier cité, le maître japonais Hayao Miyazaki avait fait un peu mieux que les 736.000 tickets vendus de son opus 2014, Le vent se lève, pourtant présenté comme son ultime création. Pas d'offense au senseï: il était aussi recordman asiatique en France en 2004 avec les 595.000 entrées de Kiki, la petite sorcière et 2005 avec Le château ambulant et ses 1.354.000 spectateurs. Un carton !

Avec 485.000 entrées en 2008, l'étonnant film d'animation israélien Valse avec Bachir complète curieusement cette liste de grands films asiatiques salués en France ces dix dernières années. Il est donc rare qu'un film en images réelles s'impose au sommet, mais cela arrive parfois. Dans une année restée creuse pour le septième art d'Asie dans notre pays, c'est Poetry, un film coréen au scénario récompensé à Cannes, qui a pris la place de leader pour quelque 192.000 entrées. L'image vous rappelle quelque chose ? Souvenez-vous: sur l'ensemble de mes découvertes "grand écran" de cette année-là, j'avais réservé au long-métrage le 6ème rang de mon top 10. Je garde également quelques souvenirs flous de La cité interdite, film chinois classé premier film asiatique en France en 2007 (772.000 tickets vendus). Je me souviens m'y être... ennuyé, accompagné d'un copain qui s'était gentiment moqué de ce plan hasardeux. Peut-être aurait-il préféré L'honneur du dragon, film thaïlandais d'arts martiaux et lauréat 2006. Celui-là, seuls 376.000 curieux ont tenu à se l'offrir en salles.

dimanche 15 juin 2014

Il était une fois en Chine

Ne vous y trompez pas: ce n'est pas parce que je choisis de reprendre le titre d'un film de Tsui Hark que je vais vous parler d'arts martiaux. Au contraire: le film que je veux vous présenter aujourd'hui écarte totalement la violence. Coproduction sino-française, Le promeneur d'oiseau raconte l'histoire d'une petite Pékinoise, Ren Xing, citadine patentée, jamais loin de sa tablette et/ou de son smartphone. Papa architecte et Maman businesswoman manquent de temps pour elle...

Je vous laisse découvrir comment l'adorable gamine va être confiée aux bons soins de son grand-père paternel pour les vacances. L'idée originelle du scénario est simple: ce séjour "forcé" dans la Chine rurale met face à face deux caractères dissemblables, le spectateur étant alors convié, non pas à choisir un camp, mais à sourire gentiment du désarroi de Ren Xing, petite princesse des villes coupée de son confort habituel. Le promeneur d'oiseau a certes pour cadre l'Asie, mais le comportement de la petite fille amuse: il ressemble comme deux gouttes d'eau à celui de certains de nos enfants occidentaux. À vous de voir désormais si ça vous incite à rejoindre aussitôt le cinéma le plus proche ou à fuir à toutes enjambées. Personnellement, j'ai pris le film pour une fable et l'ai plutôt apprécié.

Si "cinéma familial" veut dire quelque chose, je crois pouvoir affirmer que ce pseuso-label collerait bien avec Le promeneur d'oiseau. N'attendez pas ici une critique en creux de la société chinoise contemporaine: vous en seriez pour vos frais. Je ne pense pas devoir reprocher au long-métrage d'être gentil: avec une Ren Xing fatiguée juchée sur les épaules de son grand-père tout sourire, l'affiche annonce clairement la couleur. Film naïf, alors ? Sans doute. J'écris "naïf" en pensant à la peinture naïve du douanier Rousseau, très loin d'emballer tous les amateurs d'art contemporain, mais qui me semble avoir une place légitime dans l'histoire de la création. Même chose cette fois au cinéma: il n'est pas question de dresser un tableau politique de la situation du pays, mais de nous faire rêver un peu. L'unique gros regret que j'ai, c'est de ne pas avoir vu le film en VO. C'est simplement que je craignais de le voir s'envoler à trop attendre.

Le promeneur d'oiseau
Film franco-chinois de Philippe Muyl (2014)

Tendre et amusante, cette histoire a le mérite de rester à la hauteur des enfants: je crois qu'elle peut être appréciée par les plus petits. Pour les adultes, je laisse des films comme Tel père, tel fils ou Ilo Ilo devant en termes de scénario. Maintenant, si votre objectif consiste à chercher une vision froidement réaliste de ce que peut être la vie en Chine en 2014, je vous orienterais plutôt vers Lou Ye (Mystery).

samedi 14 juin 2014

Sur un malentendu

Woody or not Woody ? Faut-il croire le plus dépressif des cinéastes juifs new-yorkais quand il affirme qu'il ne joue pas son propre rôle dans Stardust memories ? C'est difficile. Bon... le personnage s'appelle Sandy Bates, c'est vrai, mais je le confesse: j'ai très envie d'y voir un énième ersatz d'Allen lui-même ! C'est bien trop tentant ! Jugez plutôt: dans ce film sorti en 1980, ce Sandy est un cinéaste confirmé et apprécié du public, qui s'échine en vain à faire admettre qu'il veut (et doit) changer de style. Question d'intégrité artistique...

Dans l'un de ses somptueux noirs et blancs, Woody réalisateur joue admirablement sur une très large palette. À Woody acteur, il fait interpréter un artiste tout à fait perdu au milieu de ses admirateurs et en proie à de gros doutes identitaires, notamment dans sa relation avec les femmes. C'est à la fois cynique, drolatique et mélancolique. C'est brillant, aussi, avec des bouts de films dans le film: la frontière s'efface un peu, au risque d'égarer le spectateur, mais le chat Allen retombe toujours sur ses pattes - et avec élégance, qui plus est ! C'est enfin et surtout très inventif, avec plusieurs scènes que je situe au-delà de la barrière du surréalisme, dans la lignée d'un Luis Bunuel ou d'un Federico Fellini, comme je l'ai lu après coup. Parmi les films d'Allen que j'ai déjà vus, Stardust memories est l'un des plus beaux.

Comme toujours dans ce cinéma, une place importante est réservée aux personnages féminins. Et comme toujours, le héros est entouré de femmes somptueuses, alors qu'il a du mal à se fixer avec l'une d'entre elles. Vous aurez reconnu Charlotte Rampling, à qui Woody offre le rôle... d'une star de cinéma qu'on découvre aussi tourmentée que son Pygmalion. Le réconfort viendra-t-elle de Jessica Harper ? Peut-être, à moins qu'il ne s'incarne dans la peau d'une épouse adultère et mère de famille, alias Marie-Christine Barrault. Tournicoti, tournicotons: le zébulon Allen fantasme fort et atermoie toujours, spécialiste autoproclamé de l'art et de la masturbation ! Dans l'étonnante scène de rêverie initiale, muette, les plus attentifs reconnaîtront une Sharon Stone de 22 ans. "J'ai donné mon maximum pour faire fondre cet idiot de Woody", indiquera-t-elle plus tard. Allenien certes, mais Stardust memories est bien un film de femmes.

Stardust memories
Film américain de Woody Allen (1980)

À mesure que j'explore la filmographie du maître, j'ai l'impression d'un peu mieux le connaître et je l'apprécie de plus en plus. Tourné juste après Manhattan, Stardust memories m'apparaît comme un cru tout aussi percutant, un peu plus fou sans doute, nostalgique aussi. Woody en rigole-t-il, lui ? Peut-être. On peut y croire. Si Sandy Bates n'est effectivement pas son double, c'est en tout cas un personnage récurrent. Je concède qu'il peut bien s'incarner dans d'autres acteurs qu'Allen lui-même. Voyez mon index des réalisateurs et choisissez...

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Je note que le film ne fait pas l'unanimité...

Mes amis de "L'oeil sur l'écran" le trouvent un peu trop narcissique.

jeudi 12 juin 2014

Histoire d'a...

La question mérite d'être posée: les personnages d'une histoire d'amour doivent-ils être aimables ? De Pas son genre, film adapté d'un roman éponyme, j'ai souvent lu qu'il mettait en scène un homme et une femme qui, au tout départ, n'étaient pas faits l'un pour l'autre. Je n'ai pas lu le livre, écrit à la première personne, celle de l'homme. "Les femmes parlent mieux des femmes, je crois", dit le personnage féminin du film. Lucas Belvaux choisit-il la neutralité ? Il m'a semblé que son Clément était moins sympa que sa Jennifer. C'est subjectif...

Reprenons. Clément est prof de philo. Il vit à Paris et, quand le film démarre, il est muté dans le Pas-de-Calais, à Arras, situation insoutenable pour lui, le jeune spécialiste de la pensée kantienne. Jennifer, elle, est arrageoise et "fière de l'être", dit-elle, coiffeuse, passionnée de karaoké, lectrice de journaux people et maman célibataire d'un petit garçon. Pas son genre ? Le titre annonce clairement la couleur. C'est délibérément que l'histoire d'amour naissante entre les deux personnages révèle d'abord leurs contrastes. Clément séduit assez vite, accepte d'attendre un moment et obtient finalement ce qu'il voulait: un couple chacun-chez-soi, sans jalousie réciproque ou enfermement mutuel. Jennifer, elle, résiste un peu, "pour la forme", et finit par craquer totalement pour ce grand garçon différent des autres. Elle lui demande même de ne pas changer. Alors, compatibles, ces deux-là ? Vraiment ? Vous verrez et jugerez.

Dans un premier temps, les dialogues de Pas son genre m'ont paru plaqués sur les personnages. Loïc Corbery, sociétaire de la Comédie française, m'a donné l'impression d'être à l'étroit dans son costume. Cette déception première s'est ensuite doucement atténuée. Je crois que c'est l'effet "Émilie Dequenne". Je veux - et vais - être honnête avec vous: c'est pour la jeune Belge que j'ai voulu voir le film. Probablement capable d'autre chose, elle est remarquable, une fois encore. La palette de son jeu lui permet de passer d'une euphorie amoureuse manifeste au plus grand des désarrois, avec l'expression de la colère en prime, parfois. Désolé pour lui, mais son partenaire masculin m'a moins convaincu - au bénéfice du doute, je pourrais admettre que c'est aussi parce que son personnage évolue moins. N'attendez donc pas un grand film: ce n'est qu'une (saine ?) réflexion sur les sentiments et leur évolution. Pas très optimiste, à mes yeux...

Pas son genre
Film français de Lucas Belvaux (2014)

J'insiste: pour moi, c'est la présence d'Émilie Dequenne et son talent encore confirmé qui porte le film vers le haut du panier. J'aime l'intensité qu'elle met dans son interprétation, d'autant plus louable qu'elle chante plusieurs fois - et lors du générique de fin, sublime. Dans un tout autre genre, À perdre la raison m'avait fait apprécier cette comédienne rare. Lucas Belvaux, lui, ne me convainc encore qu'à moitié, même si je le trouve intéressant. Ici comme pour Rapt ou pour 38 témoins, je reste à deux doigts de m'emballer tout à fait.

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Vous voulez un autre avis sur le film ?

Pascale en dit plutôt du bien sur son blog, "Sur la route du cinéma". Dasola, elle, le conseille absolument sur... "Le blog de Dasola". 

mercredi 11 juin 2014

Une confrontation

Je vous ai parlé en avril de deux films israéliens. Six autres ont été présentés en sélections parallèles lors du dernier Festival de Cannes. Celui que je veux évoquer aujourd'hui vient d'un artiste en résidence à la Cinéfondation, l'institution de Gilles Jacob destinée à identifier quelques nouveaux jeunes talents du cinéma mondial. Sous son titre simplissime, Le policier cache une oeuvre d'une intelligence formelle rare, appréciable. C'est un long-métrage limpide et sombre à la fois. Limpide dans son déroulement, sombre dans ce qu'il exprime, en fait.

Actrice française exilée volontaire en Israël, Sarah Adler, 36 ans mercredi prochain, assurait il y a peu, sur la Croisette, que le cinéma israélien ne saurait se réduire à un commentaire sur l'état du pays. Question: Le policier aborde-t-il une autre thématique ? Pas sûr. L'intrigue tourne d'abord autour d'un groupe de flics, dont la spécialité est la lutte contre le terrorisme. Yaron, le personnage du titre, n'a que peu de différences avec ses collègues et entretient avec eux l'amitié virile des combattants légitimes. S'il se distingue, c'est juste parce qu'il va bientôt être père - il demande d'ailleurs à sa femme d'éviter d'en parler ouvertement, par pure superstition. Le film s'intéresse ensuite à Nathanaël, Shira et Oded, un groupe de jeunes pétris d'intentions révolutionnaires. Ils écrivent et s'efforcent d'apprendre par coeur un discours pseudo-égalitaire, prétendu support idéologique de l'attentat qu'ils fomentent. Je vous laisse découvrir comment ce scénario se noue et se dénoue. J'ai parlé d'intelligence formelle: le montage ne cesse de retarder la confrontation attendue.

Est-ce que cela suffit à faire un bon film ? Je dirais: à vous de voir. Nadav Lapid, le réalisateur, montre en tout cas que l'ennemi d'Israël n'est pas toujours palestinien - la "révélation" vient d'ailleurs choquer certains des personnages, si ce n'est également l'antihéros lui-même. Une chose est certaine: s'il ne justifie pas la violence, le long-métrage s'écarte radicalement d'un manichéisme ordinaire. Les représentants de la loi ont leurs petits et gros défauts: leur fameuse solidarité professionnelle, par exemple, s'efface bien vite quand leurs méthodes sont contestées. Par ce propos, le cinéaste-scénariste s'assure donc un joli (premier) coup: il lui a notamment valu le Prix spécial du jury international du festival de Locarno, en 2011. Cet intéressant travail peut également s'analyser comme la violation d'un tabou, son auteur indiquant que le thème de la fracture sociale est longtemps resté absent des médias de son pays. Le policier nous offre une occasion d'appréhender Israël autrement - ce n'est pas sa moindre qualité. Certains ont estimé que sa construction rendait le film un peu bancal.

Le policier
Film israélien de Nadav Lapid (2011)

Ceux qui s'intéressent aux aspects techniques du cinéma auront noté que le chef-monteur est une femme, Era Lapid, mère du réalisateur. Son style donne vite l'impression d'un enfermement: l'intrigue avance tout droit vers une inexorable et sanglante conclusion, sans effacer pourtant une réelle tension dramatique. La froideur du tout maintient une distance, comme dans The killer inside me. En moins racoleur.

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Et vu par d'autres, ça donne quoi ?
Pascale ("Sur la route du cinéma") a beaucoup aimé. Phil Siné simplement apprécié, avec un autre regard (cf. sa "Cinémathèque).