samedi 30 novembre 2013

Une enfance juive

Forcément, avec un titre pareil, vous allez penser que je vais parler déportation, holocauste et autres tragédies. Raté ! Le film présenté aujourd'hui s'appelle Du vent dans mes mollets et son action se passe en 1981. Son héroïne, Rachel, n'a alors qu'une douzaine d'années. D'accord, son papa est un rescapé de la Shoah, mais ce n'est pas franchement le fil conducteur du scénario - même si le fait est évoqué à quelques reprises. L'idée serait de suivre les pérégrinations scolaires et familiales d'une écolière timide. Et c'est plutôt sympa...

Ce qui m'a décidé à voir Du vent dans mes mollets ? Son casting adulte, Isabelle Carré en tête et, juste derrière, le prometteur duo Agnès Jaoui et Denis Podalydès. Cela étant précisé, je dirais également que la bien jolie réussite du film doit beaucoup au talent de ses deux plus jeunes comédiennes, Juliette Gombert, alias Rachel, et sa copine à couettes, Anna Lemarchand / Valérie. Je vous laisse découvrir seuls les aventures qui sont les leurs. Il vous sera difficile de ne pas sourire, je pense, tant ces petites rivalisent de spontanéité devant la caméra. Il paraît qu'elles ont beaucoup travaillé. Honnêtement, au vu du résultat, c'est tout à leur honneur. On croirait presque voir deux gamines de la vraie vie. Et j'ai hésité à intituler cette chronique Le sirop de la rue en clin d'oeil au chanteur Renaud...

À vous d'aller écouter ou lire le texte de cette ballade nostalgique ! Désormais, je refuse d'aller plus loin dans le décryptage, mais sachez qu'il peut toujours être utile de prévoir un petit stock de mouchoirs avant de regarder le film dont je vous parle aujourd'hui. Du vent dans mes mollets justifie son titre à la fin, après une vraie rupture de ton, difficile et peut-être même impossible à anticiper. Les âmes sensibles verseront quelques larmes et les plus endurcis apprécieront peut-être la conclusion d'un scénario atypique, à défaut d'autre chose. L'air de rien, Rachel et Valérie nous parlent aussi du temps qui passe et qu'on ne rattrape jamais, de la vie dont il faut toujours profiter sans retenue quand elle est là, joyeuse, à nous tendre les bras. Exactement ce qu'on pourrait oublier, une fois l'enfance envolée...

Du vent dans mes mollets
Film français de Carine Tardieu (2012)

Basé à la fois sur une bande dessinée et un roman éponyme signé Raphaëlle Moussafir, ce petit long-métrage se conclut sur une note d'autant plus poignante qu'il déroule son générique sur une chanson franchement bouleversante, Mon enfance, de Barbara. Me faut-il encore faire une comparaison pour vous donner envie de le voir ? Vous avez dit oui ? Alors, qui sait ? Peut-être que vous trouverez quelques lointaines similitudes avec C.R.A.Z.Y. en cherchant bien...

----------
Maintenant, si vous tenez à avoir d'autres avis et précisions...

- Vous en dénicherez chez Pascale ("Sur la route du cinéma").
- Vous visiterez avec intérêt "La cinémathèque de Phil Siné".
- Vous apprécierez ce qui est écrit sur "Le blog de Dasola".

jeudi 28 novembre 2013

Cuites et conséquences

Je ne sais plus quand j'ai arrêté de compter les jours. Je sais juste que Stéphane, un collègue de travail, espérait depuis un bon moment me convaincre de regarder Un singe en hiver. Son passage sur Arte m'a permis de répondre à notre impatience commune. Et je le dis aussitôt pour ne pas vous faire lanterner: c'est avec un grand plaisir que j'ai découvert cette histoire, adaptée d'un ouvrage du romancier et journaliste Antoine Blondin. Jean-Paul Belmondo et Jean Gabin jouent ici pour la seule fois ensemble. Ils sont âgés de 29 et 57 ans.

Si les deux rôles sont de valeur équivalente, j'ai envie de commencer en parlant de celui de Belmondo. À l'époque, le jeune homme qu'il est encore tourne beaucoup, mais depuis deux ans à peine. Enfant chéri de la Nouvelle Vague, il endosse l'imperméable d'un personnage relativement classique, un dénommé Gabriel Fouquet. Sans préavis d'aucune sorte, un soir d'automne arrosé de pluie, l'homme débarque dans une petite ville de la côte normande, unique client d'un hôtel occupé par ses seuls - vieux - propriétaires. Le maître des lieux s'appelle Albert Quentin: les premières minutes d'Un singe en hiver nous l'ont présenté comme un ancien fusilier marin, alcoolique repenti. J'imagine que vous l'aurez compris: c'est Gabin, bien sûr. L'écart d'âge entre les deux comédiens donne une idée de la suite...

Il faudra toutefois attendre avant de savoir ce que Belmondo-Fouquet vient fabriquer chez Gabin-Quentin. Une ligne de dialogue précise simplement qu'il n'est pas là pour s'amuser. On pourrait de fait croire le contraire, car, sitôt sa valise posée, notre bon ami repasse la porte de la pension familiale pour rejoindre le troquet du coin. On découvre donc que lui aussi a de sérieux soucis avec la bouteille. Il faut alors toute l'empathie compréhensive d'un vieux monsieur pour le remettre dans le droit chemin et, du même coup, au lit. D'autres beuveries suivront - je vous laisse en apprécier la raison et la finalité. Anecdote d'un genre cocasse: en son temps, Un singe en hiver échappa de peu aux fourches caudines de la censure, accusé qu'il était de faire l'apologie de la boisson. Accusation sans fondement, je vous assure.

Nul n'est besoin de gratter longtemps le vernis d'une simple comédie de la cuite pour découvrir un film poignant. Le seul véritable enjeu qui plane tout au long du métrage dépasse de beaucoup les effets jugés plus ou moins dévastateurs du verre de trop. J'en resterai là pour vous préserver une part de surprise importante et le plaisir d'appréhender la complicité qui s'instaure entre deux des monstres sacrés du cinéma français, dans un rapport en réalité assez similaire à celui qu'un fils entretiendrait avec son père. Leur justesse de jeu permet aux compères de trouver un point d'équilibre et de livrer ainsi le meilleur de ce qu'ils peuvent offrir. Cela étant dit, il serait injuste d'oublier qu'Un singe en hiver compte quelques beaux seconds rôles. Je retiens celui de Mme Quentin, tenu par l'admirable Suzanne Flon.

Ai-je tout dit ? Certainement pas. Un singe en hiver, c'est aussi évidemment une perle d'écriture et des dialogues aux petits oignons. J'ignore ce qu'ils doivent exactement à Antoine Blondin: il faudrait que j'ai lu le livre pour le savoir... et j'en ai très envie. Ce que je sais déjà, c'est qu'Henri Verneuil, réalisateur, s'est appuyé sur un travail d'adaptation mené par le scénariste François Boyer, mais également et surtout (?) sur le talent d'un complice régulier, Michel Audiard. Comme l'un des personnages le dit à propos de la constance de sa vie conjugale, c'est "le bonheur dans une armoire", un trésor de langage dont je ne me lasse pas. Tel un feu d'artifice de mots, les répliques fusent en tous sens et dans toutes les situations. Drôles, aigrelettes ou pathétiques, elles demeurent efficaces, un demi-siècle plus tard.

Un singe en hiver
Film français d'Henri Verneuil (1962)

Si, à ce stade, le titre vous paraît encore énigmatique, c'est normal. Là aussi, j'ai préféré ne rien vous dévoiler pour vous laisser découvrir la chose par vous-mêmes. De mon point de vue, Henri Verneuil signait là l'une de ses plus belles réussites. Je voudrais voir ou revoir d'autres de ses films. Avec Belmondo toujours, je garde un souvenir ému de Week-end à Zuydcoote. Gabin, lui, mérite très certainement le détour dans Le clan des Siciliens. J'ai vu Le président, que j'avais beaucoup aimé. Maintenant, je suis aussi preneur d'autres conseils...

mercredi 27 novembre 2013

La fille du bus

Je le reconnais: Sandra Bullock était sortie de mes écrans radar. J'ose même admettre que je n'ai jamais vraiment aimé ou suivi l'actrice américaine. L'avenir nous dira si sa carrière connaît un souffle nouveau, mais l'objectivité m'oblige à constater qu'elle compte déjà bien plus de films à son actif que je ne l'avais imaginé - et 19 au total rien que depuis l'an 2000. Si Wikipedia ne se trompe pas, son métier lui réussit: en 2007, la jolie brune pesait... 85 millions de dollars US !

Pour moi, elle est restée la fille du bus, obligée de rouler à 80 km/h minimum pour éviter de déclencher le mécanisme d'une bombe placée sous le capot. Souvenez-vous: c'était dans Speed, en 1994, il y a donc déjà presque vingt ans ! Pour la conseiller, à ses côtés, il y avait Keanu Reeves, autre grand disparu de mon horizon ciné / DVD / télé. Après ça, Sandra Bullock ne m'a laissé que le souvenir vague d'une fin d'adolescence - je la croyais abonnée aux films de seconde zone. Évitant Traque sur Internet, j'ai peut-être vu Les ensorceleuses. Miss détective ? C'est possible aussi, mais, récemment, je suis passé devant Les flingueuses sans me retourner. Et même avec dédain...

C'était oublier un peu vite que, pour parfaire son image, la demoiselle peut compter sur une récompense qu'elle a obtenue en 2010: l'Oscar de la meilleure actrice ! Mine de rien, cette année-là, la comédienne triomphait de Meryl Streep, qui, depuis 1982, fêtait alors la treizième de ses quatorze nominations ! Ironiquement, The blind side - le film qui valut donc à Sandra Bullock un début de consécration - est passé relativement inaperçu par la suite. D'autres ont-ils connu un succès plus important ? Sans savoir qu'elle jouait dedans, j'ai eu un temps envie de voir Extrêmement fort et incroyablement près. Ce pourrait être l'occasion de reconsidérer un parcours que je connais bien mal...

----------
Une précision pour ceux qui arrivent après la bataille...
J'ai écrit cette chronique après avoir vu Gravity.

dimanche 24 novembre 2013

À un fil

Gravity est typiquement le genre de film qu'il faut voir sur un écran géant. La 3D, d'un apport souvent discutable à la beauté des images cinéma, mérite ici le détour pour vivre une expérience visuelle rare. C'est, je crois, l'essentiel de ce que je retiendrai de ce long-métrage américain, que certains critiques présentent comme l'un des chefs d'oeuvre de l'année. C'est vrai: cette dérive spatiale d'une astronaute en perdition donne le vertige et offre quelques plans de toute beauté. Seule la force du septième art permet à tous de faire un tel voyage.

Quelle valeur la vie garde-t-elle quand elle ne tient plus qu'à un fil ? C'est aussi cette question que le film pose, avec malheureusement parfois une certaine maladresse. Le scénario ne parvient pas à éviter quelques clichés faciles: livrée à elle-même, face à la lourde menace d'une mort probable, l'héroïne ressasse ce qu'elle a laissé derrière elle et cherche à faire la paix avec son passé. Même ce qu'elle découvre des autres tombe dans les travers du simplisme: les cosmonautes russes boivent de la vodka et jouent aux échecs, leurs homologues chinois au ping-pong. Gravity aurait gagné en émotion en s'éloignant de ces symboles un peu lourdingues. Sur la forme, toutefois, le soin porté à un certain réalisme des situations fait merveille. J'avais rêvé d'un film silencieux, mais, hormis la belle bande originale, les sons restent assez discrets pour y croire. Les dialogues, eux, apportent juste un éclairage sur les personnages, sans bla-bla technique. Ouf !

Vous avez remarqué ? J'ai parlé des personnages. Le film repose essentiellement sur les épaules d'une comédienne: Sandra Bullock. Déterminé à éviter toute révélation incongrue, je n'avais rien lu d'important avant d'entrer dans la salle de cinéma. J'imagine toutefois que l'actrice a dû abattre un sacré travail pour paraître ainsi "flotter" en apesanteur, sans jamais laisser la moindre saccade apparente. Chapeau ! La belle aura 50 ans en juillet l'an prochain: elle s'avère franchement affutée. À ses côtés, George Clooney joue le faire-valoir de luxe, toujours à l'aise en vieux briscard à l'humour ravageur, capable toutefois de faire marcher son cerveau à vitesse grand V aussitôt que c'est nécessaire. Le duo fonctionne, mais, en évitant d'en dire plus, j'ai envie d'ajouter que l'intrigue de Gravity conserve son efficacité quand elle se joue en solo. Et je veux boucler la boucle en me répétant: c'est vraiment à voir sur un écran digne de ce nom !

Gravity
Film américain d'Alfonso Cuaron (2013)

Je serai un jour, je l'espère, amené à reparler du réalisateur mexicain. Il a signé un film - Les fils de l'homme - que j'aimerais voir comme sa première intrusion dans un univers de science-fiction. Paradoxalement, celui d'aujourd'hui est probablement plus... réaliste. En le découvrant, j'ai parfois pensé à Abyss, la présence d'Ed Harris au générique (comme voix !) m'offrant un petit clin d'oeil a posteriori. On compare aussi Gravity à 2001: l'odyssée de l'espace - c'est aller un peu loin, je trouve. Alfonso Cuaron n'est pas Stanley Kubrick ! Info pour les fanas: il a aussi mis en images le troisième Harry Potter...

----------
Avant de revenir sur Terre, vous pouvez
également lire ...
- "Sur la route du cinéma", qui parle d'une Sandra Bullock magistrale.
- "Liv/raison de films", qui évoque un mythe de Sisyphe modernisé.
- "La cinémathèque de Phil Siné", qui y lit une forme de renaissance.

vendredi 22 novembre 2013

La juge et l'enfant

J'en suis sûr pour l'avoir vérifié: Albert Dupontel fait désormais partie de mon petit monde de cinéma. Si certains de mes amis se targuent légitimement de l'avoir découvert avant moi, j'ai rattrapé mon retard petit à petit et son style me paraît désormais tout à fait familier. Tant mieux ! Moins trash que jadis, l'insaisissable trublion me semble aussi se bonifier en vieillissant. Et si je l'apprécie en acteur, je crois que je l'aime encore davantage en réalisateur. Ce qui me conduit logiquement à vous parler de son tout dernier film: 9 mois ferme.

Dans 9 mois ferme, Sandrine Kiberlain - très drôle à contre-emploi - pense avoir fait une grosse bêtise: juge d'instruction psychorigide recluse dans son cabinet, elle a pris une sacrée cuite pour tenter d'oublier ses semblables lors d'un dîner-réveillon au tribunal. Six mois sont passés quand, prise de nausées, notre amie magistrate réalise avec effroi qu'elle est enceinte. Pire: usant de moyens d'enquête illégaux mais accessibles quand même de par son statut, elle trifouille vidéos de télésurveillance et analyses ADN pour découvrir que le père n'est autre qu'un détenu accusé d'un homicide des plus sordides. L'heure est venue d'entendre le sieur Dupontel Albert, 49 ans,  artiste de cinéma de profession, devenu pour l'occasion assassin supposé. Vous imaginez que ça va dynamiter le scénario ? Bingo ! Son décor planté et son duo principal réuni, 9 mois ferme appuie franchement sur l'accélérateur. L'humour rappelle celui d'un cartoon de Tex Avery !

Pardon de ne pas avoir noté la référence, mais je lisais dernièrement qu'Albert Dupontel s'était efforcé d'être juste dans son approche visuelle d'un tribunal pour mieux ensuite imposer son décalage burlesque à la réalité. Pour ce film, il a même demandé des conseils "techniques" à une vraie magistrate, à qui il a d'ailleurs offert ensuite un petit rôle. Avec moi, cette méthode fonctionne très bien: 9 mois ferme est à l'évidence une pochade, mais ce souci de cohérence renforce encore le plaisir que je prends à voir les codes de cet univers voler en éclats. Je veux dire aussi qu'il y a quand même quelqu'un derrière la caméra: quand il s'agit notamment d'illustrer le temps passé à compulser un dossier ou à... attendre un bébé, certains plans s'avèrent tout à fait inventifs. Et je préfère me taire sur les surprises offertes par les personnages, entre bouffées paranoïaques d'avocat bègue, concupiscence de flic crétin et pitreries de journaliste télé...

9 mois ferme
Film français d'Albert Dupontel (2013)

Vous l'aurez compris: derrière mon titre sage se cache une blague comme on en voit peu dans le paysage du cinéma ! Albert Dupontel est un peu moins féroce qu'à ses débuts, mais il envoie du lourd question singeries. J'aurai certainement bientôt chroniqué l'ensemble de ses (cinq) films. En attendant, vous en trouverez déjà trois autres dans l'index des réalisateurs. Et, parce que cet humour "dupontelien" me semble tendre vers une certaine tendresse, j'ose la comparaison avec le regretté Artus de Penguern. À vérifier avant de trancher...

----------
Maintenant, si vous tenez à connaître d'autres arguments...

Je vous laisse aller lire les avis de Pascale ("Sur la route du cinéma") et Dasola ("Le blog de Dasola"). Deux autres verdicts assez cléments.

mercredi 20 novembre 2013

Carpates terribles

Quand, voilà un mois, j'ai publiquement envisagé de vous présenter les plus vieux films de Roman Polanski, je n'avais pas de vue particulière sur Le bal des vampires. J'ai profité de son passage récent sur Arte pour le découvrir. A posteriori, je tente un jeu de mot dans le titre de ma chronique pour dire qu'effectivement, j'ai trouvé ce film culte... pas terrible. Suis-je victime d'un malentendu ? J'espérais rire et je n'ai même pas esquissé un sourire. Cette parodie de film de genre m'est apparue plus kitsch que décalée. Déception !

Il paraît que, pour sa toute première sortie en salles, le long-métrage était précédé d'un dessin animé dévoilant toute l'intrigue. Il aurait peut-être fallu en faire un film d'animation, point barre. Je suis vraiment désemparé à l'idée de dire du mal d'une oeuvre qui aurait pu me plaire. J'ai même du mal à comprendre ce qui coince exactement. Peut-être simplement que cette histoire de scientifique venu vérifier l'existence des monstres suceurs de sang au fin fond des Carpates m'est apparue trop grosse pour être vraie. L'outrance qui caractérise le jeu des différents comédiens m'a en quelque sorte empêché d'apprécier le reste. Le paradoxe ultime: alors que j'étais prêt à tenir compte de l'âge du film pour me contenter de costumes et décors cheap, c'est en cela que je juge Le bal des vampires le mieux réussi.

Avec un peu d'humilité, je peux tout à fait admettre qu'il me manque des connaissances en matière de vieux cinéma pour apprécier l'hommage de Roman Polanski à sa juste valeur. C'est un fait indiscutable que mes références vampiriques de l'époque sont faibles et le sont davantage encore à mesure qu'on remonte dans le temps. C'est peut-être également le personnage que joue le réalisateur franco-américain lui-même qui me donne l'impression d'une ineptie cinématographique de jeunesse. Je suis sévère quand je suis frustré. Quand Le bal des vampires a commencé, j'ai cru être l'ado boutonneux qui garde les affaires des pseudo-copains partis s'amuser sur la piste de danse. J'espère avoir plus de chance - et de plaisir - quand il s'agira de m'aventurer encore dans cette vaste filmographie.

Le bal des vampires
Film anglo-américain de Roman Polanski (1967)

Les connaisseurs auront sans doute remarqué que je suis resté muet sur Sharon Tate, actrice principale et future femme du réalisateur. C'est terrible de le dire, mais je crois que le film est resté célèbre également parce que, deux années plus tard, elle a été assassinée avec une effroyable sauvagerie, la réalité dépassant alors la fiction. Côté cinéma et films de vampires, je préfère le charme romantique du Nosferatu de Werner Herzog - ce n'est certes pas une parodie. Vous voulez rire ? Allez plutôt voir du côté de Frankenstein Junior...

----------
Et si, décidément, vous me trouvez rabat-joie...

Vous pourrez lire l'avis d'Aelezig sur "Mon cinéma, jour après jour". Phil donne lui aussi son analyse, sur "La cinémathèque de Phil Siné".

lundi 18 novembre 2013

Sacré numéro

Il vous faudrait remonter presque trois ans en arrière pour retrouver la première mention ici du film Le nombre 23. J'en parle aujourd'hui longtemps après une première chronique de Killaee, moins convaincu qu'elle sur les qualités du long-métrage. C'est vrai que j'étais copieusement fatigué quand j'ai regardé le DVD, prêté par un collègue de travail. J'ai eu du mal à entrer dans cette histoire ésotérique. Résumé rapide: Walter Sparrow est le simple employé d'une fourrière pour animaux. Le jour de son anniversaire, sa femme lui fait cadeau d'un livre dans lequel il croit reconnaître sa vie. Suspense très relatif.

Je vous le dis exactement comme je le pense: Le nombre 23 vaut d'abord pour la prestation de Jim Carrey. L'Américo-Canadien reste trop souvent réduit à son talent pour les grimaces. Il tombe le masque pour montrer autre chose: le visage d'un homme qui s'enfonce doucement dans l'auto-conviction paranoïaque. Qu'importe si le roman qui lui a été offert ne raconte pas son existence, Walter s'y accroche mordicus, comme une bernique à son rocher et voit des preuves partout. Pour ma part, je ne sais pas si c'est parce qu'il est question de numérologie, mais je n'y ai pas cru. Et ça m'a donc plutôt frustré...

Il y a toutefois quelques belles images dans Le nombre 23. C'est peut-être là qu'est la faille, finalement, dans cette réelle capacité reconnue à Joel Schumacher pour soigner la forme en dépit du fond. Tout démarre bien avec un générique spectaculaire et annonciateur d'un thriller, mais cette promesse n'est pas tenue, à mon goût. D'ailleurs, le film n'a pas eu beaucoup de succès, Jim Carrey récoltant même une nomination pour le Razzie Award du plus mauvais acteur. Sévère ! Je mets une note moyenne parce que je suis sûr que le tout pourra plaire à certain(e)s d'entre vous. Il suffit de se laisser prendre.

Le nombre 23
Film américain de Joel Schumacher (2007)

Est-ce que j'en attendais trop ? Même pas, puisque je ne savais pas vraiment ce que je pouvais attendre. Est-ce que j'aurais pu apprécier le spectacle différemment en étant en meilleure forme le jour J ? Possible, mais pas sûr. Ce genre d'histoire ne me passionne guère. Maintenant, je respecte les opinions contraires et vous propose volontiers un parallèle avec Un homme d'exception. Il y est question de chiffres également, dans un autre cadre, toutefois. Vous verrez...

----------
Un autre avis sur le film ?

Je n'ai guère trouvé que cette mini-chronique sur le blog de Pascale. Maintenant, encore une fois, vous pouvez relire celle de Killaee.

samedi 16 novembre 2013

Refaire le monde ?

Jean de La Fontaine n'a évidemment jamais connu le cinéma. Dommage pour lui. Je vais le paraphraser sans vergogne et exprimer ceci: "Garde-toi, tant que tu vivras, de juger les films sur le titre". Honnêtement, je suis parfois le premier à le faire ! Il serait dommage toutefois de passer à côté de Le monde, la chair et le diable à cause de son intitulé bizarroïde. Ce film de 1959 est une belle découverte que je dois à sa diffusion sur les chaînes payantes de mon opérateur Internet. Le type même du film qui sait flatter la curiosité cinéphile !

Harry Belafonte y joue un mineur qu'un éboulement soudain coince dans sa galerie. Parce qu'il peut encore communiquer avec la surface et qu'il comprend que les secours sont en route, Ralph Burton garde confiance malgré son isolement. Il commence à prendre peur seulement après cinq jours, quand les bruits de pioche qu'il percevait au loin cessent définitivement. L'instinct de survie le pousse alors inexorablement à chercher une voie de sortie, qu'il finit par trouver au bout d'efforts importants. Le pire l'attend: il n'y a plus personne dehors, nulle part. On apprendra vite avec lui qu'une guerre mondiale nucléaire a anéanti toute l'humanité. Toute ? Non ! Je vous laisse découvrir comment Ralph va renouer avec ses semblables, une femme d'abord, Sarah Crandall, un autre homme ensuite, Ben Thacker. Notez qu'en matière de casting, Le monde, la chair et le diable convainc avec Harry Belafonte, donc, rejoint par Inger Stevens et Mel Ferrer.

En dire plus sur l'intrigue serait trahir l'essentiel: je m'y refuse. Simplement pour chatouiller votre envie, je vous dirais que le film aborde d'autres thématiques que la seule survie de l'espèce humaine. Pour le coup, je le trouve de ce fait d'une grande modernité. Il faut quand même que j'admette que ce n'est pas pour ça que j'ai eu envie de le regarder. A priori, j'étais en fait fasciné par l'idée de découvrir New York vidée de ses habitants. Bingo ! C'est bien ce que montre également Le monde, la chair et le diable, au détour de plans parfois vertigineux - et que la photographie en noir et blanc sublime. Comment parvenir à un tel résultat sans truquage ? En se montrant plus malin que les autres, bien sûr ! L'équipe de tournage n'aura eu qu'à travailler très tôt le matin et à demander à bloquer quelques rues pour parfaire l'illusion. Résultat: un très beau voyage de cinéma. Franchement, d'autres films plus récents sont loin d'avoir ce charme !

Le monde, la chair et le diable
Film américain de Ranald MacDougall (1959)

Même Arte - qui parle du film en termes élogieux - reconnaît ouvertement que le réalisateur est du genre inconnu au bataillon ! C'est Harry Belafonte lui-même, acteur et chanteur de blues, qui a contribué à la production du long-métrage, très certainement motivé par sa dénonciation des préjugés raciaux. Une copie est sortie récemment aux formats numériques, DVD et Blu-ray, il me semble. J'insiste: vous découvrirez ici plus qu'un film-catastrophe. Cloverfield serait mieux indiqué si vous ne voulez pas vous prendre la tête. Melancholia ? À voir également, pour un autre type de fin du monde.

vendredi 15 novembre 2013

Marine et François

Chère visiteuse, cher visiteur, ami(e) ou inconnu(e), je suis content que tu me fasses l'honneur de commencer à lire cette chronique. Rassure-toi: malgré l'ambiguïté de mon titre, je n'ai aucune intention de te parler de politique. Je veux simplement rebondir sur le film présenté mardi et te reparler de Marine... Vacth et François... Ozon. Bon, si le cinéma ne t'intéresse pas, tu peux très bien arrêter de lire.

Tu es encore là ? Très bien. Merci. Je ne sais pas si François voudra t'offrir un morceau de son gâteau, mais, ainsi que je l'ai signalé mercredi, c'est son anniversaire aujourd'hui: 46 ans, donc. Je me suis laissé dire qu'il bossait déjà sur un nouveau film, dont le titre provisoire serait JSF - ou Je suis femme. Sont annoncés en tête d'affiche Anaïs Demoustier, Romain Duris et Raphaël Personnaz. Personnellement, je trouve ça prometteur. Oui, OK, reste à savoir désormais ce qu'on leur fera jouer, mais là, j'ai peu d'infos encore. Tournage au Canada, titre qui évoque une chanson de Diane Tell, va savoir ce que le père Ozon va nous concocter cette fois. J'attends...

Et Marine ? Elle attend, elle aussi. Un enfant. C'est la petite info people que j'ai glanée à son sujet voilà déjà quelques semaines. J'imagine que le cinéma ne va pas forcément être sa grande priorité dans les mois à venir - même si je sais bien que François a déjà fait un film avec une femme enceinte, mais laisse-moi le temps de le voir pour t'en reparler. Histoire de, j'ai noté pour toi que Jeune et jolie continue son petit bonhomme de chemin: présenté au Festival du film francophone de Tübingen, en Allemagne, il y a deux semaines, il sera en Australie et Nouvelle-Zélande d'ici deux jours, étape numéro 12 d'un périple mondial parti de Cannes. Loin du tumulte de la promo intensive, Marine a dit il y a peu n'avoir jamais été aussi heureuse. Son incroyable photogénie lui vaudra sûrement d’autres propositions. Tu ne lui filerais pas le César du meilleur espoir féminin 2013, toi ? 

mercredi 13 novembre 2013

Devenir une femme

Il aura 46 ans dans deux jours. Même si je l'apprécie, je ne dirais pas que François Ozon est notre réalisateur le plus talentueux. Il fait partie des plus prolifiques, en tout cas, et des plus intéressants. D'autres lui étant passés devant, j'ai pris du temps avant d'aller voir Jeune et jolie, son dernier film. À 14 heures, un samedi du mois dernier, nous n'étions plus que trois dans la salle. Il a fallu du temps aussi pour que j'apprivoise cette histoire. Le début surprend et sonne un peu faux, parfois. Il faut donc attendre, savoir être patient...

Le thème même du film peut rebuter d'office: Jeune et jolie s'intéresse à une très jeune femme qui décide de se prostituer. Élève de l'un des meilleurs lycées de Paris, Isabelle entame sa vie sexuelle un soir d'été, sur une plage, avec un éphèbe venu d'Allemagne. Aussitôt "consommé", aussitôt quitté. C'est à son retour en classe qu'elle commence à faire l'amour à des hommes plus âgés pour gagner de l'argent - 300 euros la passe et les humeurs incertaines du client. Ce jeu dangereux aurait pu donner lieu à un film sordide ou racoleur. Ce n'est pas le cas. Même s'il la montre nue, Ozon ne déshabille pas son héroïne - Isabelle a en fait 17 ans, Marine Vacth, son interprète, seulement cinq de plus. Jamais le réalisateur n'expliquera vraiment les motivations du personnage. Celle qui devient Léa75 sur Internet en a-t-elle seulement ? Ce n'est pas évident. Elle se désintéresse même de l'argent qu'elle gagne. Y pense, le cache... et puis l'oublie.

C'est parce qu'il est un peu froid qu'au départ, j'ai eu du mal à entrer dans le film. Bien que les chansons de Françoise Hardy de la bande originale disent beaucoup, j'ai ressenti le poids du non-dit. On peut décrocher très vite si on n'est pas amateur d'ellipses cinématographiques, si, au fond, on a besoin que le cinéma montre pour comprendre. Non, Ozon ne montre pas tout. Mieux, il arrive souvent qu'il suggère quelque chose avant de présenter autre chose pour brouiller les pistes et rendre impalpable la frontière entre réalité et fiction - la fin du film est plutôt intéressante de ce point de vue. Jeune et jolie est donc pour moi plus qu'une production porno chic. C'est une chronique amère de l'adolescence. Ce que cherche Isabelle reste dans l'ombre ? Tant mieux ! Le scénario conduit bien à esquisser quelques explications psychanalytiques, mais c'est précisément alors qu'il est le moins convaincant. Il vaut mieux écouter les silences...

Jeune et jolie
Film français de François Ozon (2013)

Je viens de découvrir trois Ozon en l'espace de quelques semaines seulement et je crois que celui-là est mon préféré. Je vous laisse vous reporter à l'index des réalisateurs pour les oeuvres antérieures. Un mot encore pour Marine Vacth: cette belle jeune femme a du cran d'avoir accepté un rôle pareil. Pour son premier personnage principal au cinéma, elle m'a fait penser à Laetitia Casta dans Une histoire d'amour ou Marie Gillain dans L'appat. J'ai été heureux de retrouver aussi une comédienne dont j'apprécie la simplicité: Géraldine Pailhas.

----------
Ailleurs sur la toile, vous verrez: le film fait débat...
- Pascale ("Sur la route du cinéma") ne l'a pas vraiment aimé.
- Liv ("Liv/raison de films") insiste sur sa dimension adolescente.
- Phil ("La cinémathèque de Phil Siné") a eu un coup de coeur.   

dimanche 10 novembre 2013

Créatures féroces

En l'espace de quelques jours, le mois dernier, j'ai lu des nouvelles rassurantes sur le statut social des professionnels du cinéma français et des choses nettement moins réjouissantes après des déclarations de Pedro Almodovar sur le déclin du cinéma espagnol. Je suis allé voir mon premier Michelangelo Antonioni dans ce contexte. Le rapport ? C'est en fait que Femmes entre elles, sorti en 1955, a pu bénéficier d'un programme de restauration des longs-métrages italiens classiques par la Cinémathèque de Bologne. Le résultat est splendide !

Or, dans le débat qui a suivi la projection, l'animateur de l'association présentant ce long-métrage méconnu nous l'a expliqué: l'organisme transalpin devait bénéficier des crédits pour "traiter" deux films chaque mois. Finalement, le budget qui lui a été octroyé ne lui permet de ne sauver "que" deux films par an ! Choix ardu ! Le vieux cinéma d'auteur italien est donc en danger, alors même que je commence simplement à le découvrir. Des explications données, j'ai retenu aussi que Femmes entre elles marquait déjà un tournant, qu'il était empreint de modernité - le terme a alimenté les discussions. Je vais vous dire sans plus de délai que je l'ai en tout cas vraiment apprécié.

Le personnage principal, Clelia, s'installe dans un hôtel de Turin, ville prospère où elle va occuper la direction de la succursale d'une maison de haute couture. Plus tard, on découvrira qu'en fait, elle y revient, ayant passé son enfance dans les bas quartiers de la ville. L'intrigue démarre sur la tentative de suicide d'une autre femme, retrouvée inconsciente sur le lit de la chambre voisine. Rosetta, qu'un lavage d'estomac va sauver in extremis, sympathise aussitôt avec Clelia. Rapidement, cette dernière rejoint le groupe d'amies de la miraculée. Femmes entre elles déploie alors son argument et, sans livrer le fond de sa pensée, le maître Antonioni y peint une très frivole bourgeoisie.

C'est en cela que le film est jugé moderne. À son arrivée en France courant 1957, il a surpris: le public attendait plutôt un nouvel exemple de la noirceur du cinéma néoréaliste italien, plongé dans les milieux sociaux ultra-défavorisés d'après-guerre. L'éclat des toilettes portées par ces dames est tout à fait trompeur: sous les dorures d'une vie confortable, la majorité d'entre elles dissimule fort mal l'arrogance coutumière de celles qui croient que tout leur est dû. Au petit jeu féroce des faux semblants, les prétendues amies ne comptent guère que comme faire-valoir. Les hommes, eux, s'effacent: ils paraissent interchangeables et ça leur convient. Femmes entre elles, jeu cruel.

Il me faudra voir d'autres Antonioni pour resituer ce long-métrage dans son contexte filmographique. J'ai abordé le travail du cinéaste avec un plaisir indéniable - la propreté et la netteté de la copie y sont pour quelque chose. L'expert de la soirée avait aussi cru bon d'attirer notre attention sur la profondeur de champ de certains plans. Je peux et veux confirmer: dans ce somptueux noir et blanc, il se passe toujours quelque chose à l'image et pas juste autour des personnages principaux d'une scène donnée. Femmes entre elles est le beau fruit d'une impeccable direction d'acteurs. Ce que les uns et les autres endurent peut sembler relever d'un autre temps. Pas si sûr, en fait...

Femmes entre elles
Film italien de Michelangelo Antonioni (1955)

Si le titre de ma chronique reprend celui d'une comédie décalée d'anciens Monty Python, ne vous attendez pas à rire ici ! Récompensé à Venise en 1955, le film tient plutôt du drame moraliste et cynique. Le fait est pourtant qu'Antonioni ne porte aucun jugement de valeur  définitif sur ses personnages, laissant le spectateur se dépatouiller avec son propre ressenti. Les littéraires pourront noter qu'il adapte ici un roman du Turinois Cesare Pavese, issu du triptyque Le bel été.

----------
J'ai encore une toute petite chose à dire...
Je n'ai pas comparé le film avec un autre: je crois que mes lacunes sur le cinéma italien demeurent encore trop importantes pour oser. Libre à vous en revanche d'aller lire mes amis de "L'oeil sur l'écran".   

jeudi 7 novembre 2013

Le choix d'un père

Si j'ai bien compté, Le goût du saké sera le 48ème film asiatique présenté sur le blog. C'est aussi la seconde fois que je vous parle d'une oeuvre de Yasujiro Ozu, un cinéaste dont je retiendrai désormais le nom en vue d'opportunités futures. J'évoque aujourd'hui sa toute dernière réalisation, sorti au Japon en 1962, soit un an seulement avant sa disparition, et en France seize années plus tard !

Sommairement, je peux vous dire qu'il est ici question d'un monsieur d'un certain âge, veuf et vivant avec ses deux plus jeunes enfants. Shuhei Hirayama se demande s'il n'est pas temps de marier sa fille...

Dans le Japon d'après la guerre, le scénario du film nous place donc devant la perspective d'une confrontation entre l'ancienne génération et les jeunes gens emportés par leur idée de la modernité. Il n'y a pourtant aucune violence, fut-elle verbale, dans Le goût du saké. Caméra posée au sol, Yasujiro Ozu filme un quotidien ordinaire, celui d'un homme confronté au changement et qui essaye tout simplement de prendre les bonnes décisions. Ceux qui s'attendent à un plaidoyer pour les vieilles traditions en seront pour leurs frais. Non sans humour parfois, le scénario nous montre d'abord un père aimant, disposé même à sacrifier une partie de son confort personnel pour le bonheur des siens. Pas de grande déclaration à attendre non plus. J'ai retrouvé ici la pudeur dans l'expression des sentiments que j'apprécie souvent au coeur du cinéma asiatique. L'immobilité du cadre suffit largement à impliquer le spectateur, témoin de quelques fragments d'intimité.

Le goût du saké est un film subtil et pudique. Il n'est pas interdit d'admirer la richesse de la galerie de personnages: les petits rôles eux-mêmes apportent quelque chose à ce qui nous est raconté. Partir ainsi à la découverte d'une culture bien différente de la nôtre demeure un bonheur dont je ne me lasse pas. Un petit temps d'adaptation est sans doute nécessaire, surtout que je ne crois pas qu'il existe de version française de ce long-métrage. Qu'importe ! Prise telle qu'elle est, l'oeuvre du maître Ozu est une vraie perle, susceptible d'ailleurs de trouver un écho dans nos ressentis occidentaux, même un demi-siècle après sa création. Les esthètes noteront aussi que ce sont des images en couleur que le cinéaste nippon leur a proposées. C'est tout sauf anecdotique, l'artiste restant dans les mémoires comme un grand nom du noir et blanc. J'espère avoir l'occasion de plonger un peu plus avant dans sa filmographie...

Le goût du saké
Film japonais de Yasujiro Ozu (1962)

Dans la liste des longs-métrages du cinéaste arrivés jusqu'en France comme dans celle des films que j'ai présentés, celui d'aujourd'hui arrive en second. Le premier est une splendeur: Voyage à Tokyo. Peut-être jugerez-vous qu'Ozu s'inspire de sa vie: après tout, il est resté célibataire et a longtemps vécu avec sa mère. Notez également que son premier film... parlant est diffusé chez nous depuis cet été seulement ! Il s'appelle Le fils unique et date de 1936. Il faudra bien que je découvre aussi le cinéma japonais d'avant-guerre. À suivre...

----------
En attendant, j'ai un aveu et une recommandation à faire...

Avant de rédiger ma chronique, j'ai pioché quelques informations utiles chez mes amis de "L'oeil sur l'écran". Je vous conseille vivement de faire un tour sur leur index: Yasujiro Ozu y est très souvent cité !

lundi 4 novembre 2013

Un peu comme avant

C'est amusant: huit jours pile-poil après le dernier Dany Boon, je dois vous parler aujourd'hui d'un autre film évoquant un couple divorcé qu'un coup du sort oblige à se réunir pour voyager. Grosse différence toutefois: dans La tendresse, ainsi d'ailleurs que le titre le suggère aussitôt, Lisa et Frans font de bon coeur ce que Valérie et Alain voulaient à tout prix éviter. Marion Hänsel, réalisatrice et scénariste du long-métrage, s'intéresse à ce qu'il peut rester d'un sentiment quand l'amour s'est éteint. Sans rien dire sur les causes de la rupture.

En fait, c'est très simple: Belges et parents d'un jeune adulte parti vivre en Savoie comme moniteur de ski, Lisa et Frans font ensemble un lointain déplacement pour aller le chercher, l'assurance de Jack refusant de le rapatrier après une mauvaise chute. Dans le sens aller comme au retour, La tendresse s'assimile à un double road movie. Millimétrée, la durée du métrage n'atteint même pas l'heure et demie. Pour donner une sincérité à cette petite histoire, les deux comédiens principaux - Marilyne Canto et Olivier Gourmet - sont très bien. Harmonieux, ils forment un duo simple, touchant et tendre, en effet. L'acrimonie n'a pas de place entre eux: ils donnent plutôt l'impression de vite avoir retrouvé une certaine complicité. Complicité amoureuse que commencent à ressentir leur fils Jack et Allison, la jeune femme qu'il a rencontrée sur les pistes. À l'écran, il suffit de peu de choses pour transcrire ces sentiments. Une petite musique nous emporte...

La tendresse est un film minimaliste, sans vrai rebondissement. Soudaine, l'apparition d'un personnage de marin autostoppeur, confié intelligemment au trop rare Sergi Lopez, ne paraît même pas devoir briser le charme, au contraire. Il y a là quelque chose d'évanescent. Apprécier cette histoire suppose d'accepter sa légèreté, je crois. Jusqu'aux dialogues réduits au strict minimum, ces 80 minutes passées en compagnie de Lisa et Frans reposent sur des impressions fugaces  plutôt que sur des grands discours - ils semblent vivre un peu comme avant, un peu comme on vit toujours, peut-être. Reste toutefois un joli petit travail sur la forme. J'ai déjà laissé entendre que la bande originale faisait partie du voyage: il me semble en fait qu'elle reflète exactement les pensées du moment, un doux mélange de nostalgie, d’inquiétude et d'envie d'aller de l'avant. J'ai apprécié aussi la beauté éclatante de quelques plans de la montagne enneigée.

La tendresse
Film franco-belge de Marion Hänsel (2013)

Adrien Jolivet et Margaux Chatelier: je crois juste de citer également les deux jeunes acteurs qui complètent le casting de cette miniature de cinéma. Je ne suis pas sûr que le film rencontre un grand succès. J'en ai lu des critiques assez acerbes et l'ai découvert comme inédit dans un cinéma qui, habituellement, récupère les films déjà diffusés ailleurs, en fin d'exploitation. On m'a dit: "Il n'est pas très vendeur". C'est un fait: j'étais seul dans une salle de 50 places. Prenez garde toutefois de ne pas confondre La tendresse avec La délicatesse...     

samedi 2 novembre 2013

Derrière le masque

Un peu de cinéma vintage, parfois, ça fait du bien ! En répondant favorablement à l'invitation d'un collègue de travail, j'ai saisi l'opportunité de découvrir Scaramouche, film de capes et d'épées assez apprécié et caractéristique des années 1950 à Hollywood. L'idée est une nouvelle fois de proposer au public une histoire de vengeance conclue par une confrontation finale. Cette fois, les deux duellistes s'appellent Stewart Granger et Mel Ferrer, l'un simple roturier, l'autre courtisan de la reine Marie-Antoinette. Tant pis pour le réalisme...

La Révolution française sert bien de toile de fond à cette production épique, mais elle n'est guère visible à l'écran - si ce n'est à la fin, quand le roi a convoqué les états généraux et que les personnages principaux se retrouvent parlementaires. Scaramouche est bien sûr une ode au petit peuple et notamment à ces personnages et artistes voyageurs, défenseurs inspirés de la commedia dell'arte. Il est également question de rivalité amoureuse, bien évidemment. L'ensemble s'apprécie comme un divertissement honnête, pour peu donc qu'on sache oublier son aspect un peu vieillot. Il faut noter quelques prouesses techniques. Là où un réalisateur d'aujourd'hui opterait sans doute pour les effets spéciaux, les techniciens décorateurs de l'époque ont préféré reconstruire un théâtre entier pour les besoins des dernières scènes. La confrontation ultime constitue un morceau de bravoure: sept minutes de combat à l'épée !

Comme vous pouvez l'imaginer, un soin tout particulier a été apporté à la reconstitution. Encore une fois, je doute que l'on puisse parler ici d'un quelconque réalisme, mais le travail accompli parvient à apporter au film un supplément d'âme qui échappe parfois aux longs-métrages d'aujourd'hui. La musique, elle aussi, grandiloquente et symphonique, contribue à emballer le rythme, à soutenir l'action... et à maintenir l'intérêt du spectateur. Aspect peut-être plus étonnant, Scaramouche s'offre quelques détours par l'humour, son héros se présentant au fond comme un beau parleur, fidèle à ses amis, c'est vrai, mais enjôleur avec les dames. La figure imposée du mariage final contient d'ailleurs à ce titre une petite surprise, le bouquet de l'épousée se montrant particulièrement démonstratif... mais j'en ai déjà trop dit ! J'ajoute que le film aurait pu se terminer en scène de lynchage: le ton adopté le pousse finalement plutôt vers la gentille comédie en costumes.

Scaramouche
Film américain de George Sidney (1952)

À l'inverse du western, il me semble que le film de capes et d'épées n'a jamais vraiment trouvé de seconde jeunesse. C'est dommage. Même s'il se contente souvent d'intrigues simplistes, j'aime ce genre et je crois pouvoir dire qu'il a marqué l'histoire du cinéma. Je peux certes vous recommander La princesse de Montpensier, un film récent du grand Bertrand Tavernier. Mais, du côté des bobines anciennes, Les trois mousquetaires soutient aussi la comparaison avec l'oeuvre évoquée ce samedi. Logique: c'est le même réalisateur !

----------
Et si vous voulez l'avis d'un autre cinéphile...

Vous en trouverez un chez mes amis de "L'oeil sur l'écran".