jeudi 29 novembre 2012

Bond, retour probant

L'image fixe a ses limites. Aucune photo ne me semble apte à rendre compte de l'extrême vivacité du dernier James Bond au cinéma. Après le fort sympathique Casino Royale et la grosse déception Quantum of solace, je crois que je n'étais pas le seul à attendre 007 au tournant. Virage finalement bien négocié, je retrouve confiance en Daniel Craig. Un rappel: il a déjà signé pour deux autres épisodes.

Pas spécialement un inconditionnel de la saga, je n'ai pas envie d'entrer dans le petit jeu des comparaisons avec ses prédécesseurs dans le smoking de l'espion. Je peux tout de même dire que Skyfall m'a tout de suite scotché au fauteuil, la (longue) course-poursuite des premières minutes s'avérant particulièrement haletante. Évidemment, le rythme se calme ensuite, même si l'explosion subite d'un immeuble m'a très vite de nouveau fait sursauter. Réalisateur expérimenté, Sam Mendes m'a régalé avec des rebondissements d'intrigue que je n'avais pas anticipés. On est certes en terrain familier, mais on voit pourtant Bond d'un oeil nouveau. L'agent secret est un homme fatigué et, s'il ne fallait pas une fois de plus sauver l'Angleterre, il aurait bien disparu sans laisser d'adresse. Resté dans l'ombre un moment, il a perdu une part de ses capacités. Pas assez développée malheureusement, cette impression relâchée est l'un des grands atouts du film. 007 n'est pas un héros. Simplement un type qui fait régner l'ordre. Avec le permis de tuer.

Très vite, à mes yeux, il est passé au second plan. Le personnage principal de cet épisode, ce n'est pas non plus le méchant - joué pourtant par un impeccable Javier Bardem. Ce ne sont pas davantage les James Bond girls, même si Naomie Harris est toute mignonnette et Bérénice Marlohe diablement sexy. En fait, ce 23ème opus fait plutôt la part belle au patron de Bond, M, que Judi Dench interprète toujours à la perfection du haut de ses 77 printemps. L'intéressée affronte elle aussi un monde changeant, où l'administration essaye d'abord de la mettre au rancard, avant qu'elle soit piégée et menacée beaucoup plus ouvertement. C'est à elle, pour cette fois, que le vilain en veut. Las ! Temporairement sur la touche, 007 réapparaît vite dans la peau du sauveur de la nation. Il annonce clairement la couleur en évoquant son goût pour la résurrection. Ce retour à la vie s'orchestrant de manière particulièrement pétardante, Skyfall revient alors sur les rails d'un action movie classique. Il lui manque un petit quelque chose pour m'emballer vraiment. La prochaine fois ?

Skyfall
Film britannique de Sam Mendes (2012)

Certains disent que l'audace de ce nouveau Bond tient pour beaucoup au choix d'en confier la mise en scène à ce réalisateur. Possible. Maintenant, est-il allé au bout de ses intentions ? Je l'ignore. J'ai vu un bon spectacle, je ne me suis pas ennuyé et j'ai donc l'impression d'un bon cru dans la saga. Même si elle pourrait aussi venir marquer un nouveau départ, j'apprécie également le fait qu'il y ait une fin claire. Ce ne sera probablement pas le cas du prochain opus, annoncé en deux parties. Conclusion à la mode britannique: wait and see...

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Un autre avis, vraiment ?

Celui que publie Pascale - "Sur la route du cinéma" - me semble proche du mien. Un peu plus détaillé, aussi. Bref, à vous de voir. Autre possibilité: y faire un tour, ainsi que sur "Le blog de Dasola".

lundi 26 novembre 2012

Si loin de chez lui...

Clin d'oeil - la personne intéressée se reconnaîtra probablement. J'avais depuis longtemps l'envie de revoir E.T. l'extra-terrestre. J'allais avoir huit ans quand le film est sorti en France. Il reste associé à l'un de mes vieux souvenirs d'enfance au cinéma. Je garde en mémoire une sortie avec ma grand-mère, où nous avions dû renoncer à une projection du fait d'une alerte à la bombe. J'ai oublié toutefois si nous étions passés à côté du long-métrage que j'évoque aujourd'hui ou si c'est celui sur lequel nous nous étions rabattus.

L'autre, en tout cas, c'était La guerre des boutons. Peu importe ! Ce qui est très clair, c'est que E.T. l'extra-terrestre reste un grand film pour enfants. Je ne suis pas le seul à le dire: il y a quelques années de cela, le British Film Institute l'a même classé tout au sommet d'une liste d'oeuvres à découvrir avant d'avoir 14 ans. Je précise également aux petits (et grands) qui l'ignorent encore qu'il raconte l'histoire d'Elliott, un jeune Américain. Dans le jardin de la maison qu'il occupe avec son grand frère, sa petite soeur et sa maman redevenue célibataire, le garçonnet découvre une créature étrange. Le public, lui, a une longueur d'avance: il a vu la bestiole descendre d'une soucoupe volante et ne pas parvenir à attraper le vol retour vers Dieu sait où. Il nous est donc donné d'observer deux solitudes qui se rencontrent. Ce deuxième niveau de lecture rend le film agréable aux adultes, même si, oui, il vise d'abord les plus jeunes.

Steven Spielberg avait 36 ans, soit juste un peu moins que mon âge actuel, quand il a réalisé le film. Melissa Mathison, sa scénariste, simplement 32. J'admire le talent dont ils ont fait l'un et l'autre preuve pour retrouver une inspiration digne de la magie de l'enfance. Les sentiments qui animent Elliott évoluent significativement. Apeuré d'abord, le jeune garçon prend doucement confiance, s'efforce alors d'apprivoiser celui qui va devenir son ami et, tolérant et protecteur, va finalement lui offrir l'une des plus belles affections de cinéma. Le jeune acteur, Henry Thomas, est digne d'éloges. J'aime à penser que, s'il est aussi expressif, si E.T. l'extra-terrestre est un film si sensible, c'est aussi que la créature "existe" réellement. Aujourd'hui, les comédiens joueraient très probablement devant un écran vert, avant qu'une série d'images de synthèse viennent s'incruster en phase de post-production. Le choix (contraint ?) des techniques de l'animatronique "à l'ancienne" apporte un charme auquel je suis très sensible. Une raison supplémentaire qui fait qu'à mes yeux, le film vaut encore d'être (re)vu... et aimé.

E.T. l'extra-terrestre
Film américain de Steven Spielberg (1982)

Revoir ce long-métrage renforce aussi ce que je pense de son auteur. Bien qu'il n'ait pas signé que des chefs d'oeuvre, Steven Spielberg tient une part importante dans l'histoire du cinéma populaire américain. Mémoire rafraîchie, je trouve également qu'un (bon) film comme Super 8 ne tient finalement pas vraiment la comparaison. Pour trouver trace d'une émotion encore plus grande dans un genre comparable, je vous conseille dès lors de privilégier une oeuvre comme Les Goonies. L'idéal: la partager avec un enfant d'aujourd'hui.

vendredi 23 novembre 2012

Françoise Dupertuis dans le décor

C'est allé vite. Bien qu'elle soit en tournage au moment où je suis entré en contact avec elle, Françoise Dupertuis a accepté d'apporter une réponse à quelques questions sur son travail. Cette artiste formée aux Beaux-Arts avait notamment été nommée aux Césars pour Molière, un autre film de Laurent Tirard, sorti en 2007. Toujours avec lui pour Le petit Nicolas, elle fut une nouvelle fois son chef décorateur sur Astérix & Obélix au service de sa majesté. Je la remercie de m'avoir consacré du temps pour cette interview.

Vous dites ne pas avoir été une lectrice assidue des aventures d'Astérix. Comment en être venue à travailler sur ce film, alors ?
Je veux dire que je ne suis pas de ceux qui connaissent par coeur chaque BD et chaque gag. Après, Astérix et Obélix, c'est un peu difficile de passer à côté. Et puis, au départ du film, il y a quand même un scénario ! Sans tout lire, donc, j'ai quand même parcouru les albums dont ce scénario s'inspirait. Ne pas être trop impliqué permet justement de prendre de la distance et de créer quelque chose qui s'inspire, tout en étant autre chose.

Quand le chef décorateur rejoint-il l'équipe du film ? Dès le début ?
Au départ du film, il y a une équipe de production, un metteur en scène et un scénario. Le chef décorateur est l'un des premiers postes pourvus avec celui de directeur de production. Cela se passe vraiment très en amont.

Qui le choisit ? Le réalisateur ? La production ? Les deux ?
Il y a un peu tous les cas de figure. En l'occurrence, Laurent Tirard et moi, nous travaillons ensemble depuis Molière.

Pour un film comme Astérix, êtes-vous tenue à un cahier des charges particulier ?
Non, sincèrement, pour ce film, je n'ai pas vraiment eu de contrainte. Il y en a eu sur le scénario, mais je n'avais pas de cahier des charges artistiquement parlant. Je n'ai pas été tenue de faire certaines choses, de ne pas en faire d'autres, de faire figurer tel ou tel détail dans les décors. Bien évidemment, quand on recrée le fameux village gaulois, il y a une certaine topologie à respecter. Pour ce qui est du village breton ou de Londinium, en revanche, j'ai été totalement libre.

Comment travaillez-vous ? Sur dessins préalables ?
Oui, effectivement, au départ, on cherche à établir un vocabulaire, un langage visuel. Ensuite, sur Astérix par exemple, j'ai chapeauté une grosse équipe de dessinateurs. On travaillait en parallèle sur plusieurs décors. Tout ça est finalement très lié: en commençant à travailler sur un décor particulier, on s'efforce ensuite de trouver une écriture, une cohérence sur l'ensemble du film. Quand la grammaire d'un décor s'impose, elle en appelle d'autres et les choses se mettent en place progressivement. En parallèle, il y a évidemment une question financière. La seule véritable contrainte.

Sur Astérix, vous avez suivi l'ordre chronologique du tournage ?
Non. Les choses se font plutôt ensemble et se mettent en place progressivement, en parallèle les unes des autres, y compris d'un point de vue budgétaire. En fait, on ne commence pas à construire quelque chose avant que l'ensemble soit décidé. La fabrication proprement dite, elle, s'effectue en fonction d'un plan de travail. Le plus difficile ne survient pas au moment du tournage, mais avant que tout s'imbrique, quand tout est encore possible. Une fois parti en construction, tout est millimétré. Il y a certes alors de grosses équipes de fabrication à superviser, mais les choses sont écrites.

Jusqu'où utilise-t-on le décor naturel pour créer un décor cinéma ?
Tout dépend du film. Il n'y a pas de règle. Pour Astérix, il n'y en a pas. Hormis les falaises et les forêts, on a tout fabriqué ! Le décor naturel reste très minoritaire dans Astérix. Quand il existe, il faut effectivement le chercher en amont, faire un repérage un peu pointu pour trouver un environnement satisfaisant. Quand on construit quelque chose dans un champ de patates, ce n'est pas ce qu'on appelle un décor naturel. C'est un décor construit en extérieur.

Avant Astérix, vous aviez travaillé sur Elle s'appelait Sarah, un film qui évoque la déportation des Juifs. C'est plus simple, de partir d'éléments réels ?
Non. En fait, ce n'est pas une question de facilité. Ce sont vraiment deux manières de travailler très différentes. Deux manières d'aborder un film. Elle s'appelait Sarah, c'est très intéressant, dans la mesure où on est dans le cadre d'un film historique qui évoque des gens parfois encore en vie. Il faut être précis, être juste, s'être bien documenté et rendre les choses telles que la mémoire les restitue. C'est un vrai regard sur l'histoire. Le camp de Beaune-la-Rolande que nous avons reconstitué, je pense qu'il restitue assez précisément ce qu'était le vrai. Il a été organisé des projections avec d'anciennes personnes déportées: c'était important de respecter leur vécu.

Cela doit être touchant d'avoir leur avis...
Oui, bien sûr. Cela dit, sans qu'ils viennent valider les choses, nous avions consulté des historiens en amont. On ne parle pas de documentaire, mais c'est vrai qu'il y a un droit de mémoire. On essaye donc d'être au plus proche de la réalité, que la sensation que nous apportons soit juste. Astérix, c'est autre chose. Dans un film comme celui-là, on peut donner carte blanche à son imagination.

Pour revenir à Astérix, on sait que Gosciny et Uderzo s'autorisaient nombre de clins d'oeil. C'est votre cas aussi ?
Il y en a plein dans le film ! Au niveau du scénario ou pour les décors, on part toujours du présent. On amène ce présent vers un imaginaire, mais il y a un point de départ: Londres aujourd'hui, une maison de campagne... il y a toujours un point de vue contemporain, quelque part. Dans Astérix, certains carrefours de Londinium renvoient à Abbey Road, il y a aussi du Notting Hill, du Trafalgar, d'autres endroits du Londres actuel... et puis les Beatles, forcément !

Le film a été projeté en 3D. Est-ce que ça change quelque chose pour le décor ?
Un peu, quand même. On s'est rendu compte que ce qui fonctionnait bien en 3D, c'était les plans larges. Il faut donc soigner le moindre détail. On ne corrige pas les lointains en 3D comme en 2D. Tout est tellement visible qu'il faut vraiment faire attention à tout. Les focales utilisées pour la 3D font que l'image est très nette, très loin.

Comment percevez-vous la renaissance de cette 3D au cinéma ?
Je dirais qu'elle est intéressante pour certains films et pas vraiment utile pour d'autres. Ce qui serait bien également, c'est de pouvoir passer à un autre système que les lunettes sur le nez. Je reconnais toutefois qu'à mon poste, la 3D est extrêmement intéressante. Notre travail est vraiment mis en valeur. Après, pour les films intimistes tournés en huis-clos, je ne suis pas certaine que cette contrainte, 3D et grosse équipe, ne soit pas finalement une entrave.

Dans une interview, Laurent Tirard expliquait qu'il était un peu réticent à l'utilisation de la 3D, avant donc de se laisser convaincre pour Astérix et d'y trouver un intérêt artistique...
Oui, c'est vrai qu'elle suppose aussi des contraintes techniques un peu lourdes pour un metteur en scène. Il n'y a plus du tout la flexibilité et la légèreté d'un tournage classique. Il faut une équipe conséquente et le metteur en scène verra davantage d'intervenants lui demander des choses. Pour des petits films tournés un peu à l'arraché, on n'a pas forcément envie de s'imposer tout ça. 

J'aimerais maintenant en venir à votre carrière, en vous demandant d'abord comment vous avez découvert ce métier. Vous étiez issue d'une famille de cinéma ?
Non, pas du tout. J'ai fait les Beaux-Arts, tout en étant évidemment très intéressée par le cinéma. D'origine suisse, quand je suis arrivée en France, j'ai réfléchi à ce que je pouvais faire. Je travaillais alors comme artiste plasticienne pour gagner ma vie. Pour la même raison, je suis allée voir du côté du cinéma pour trouver des jobs ponctuels. C'est comme ça que je suis tombée dans le décor, en continuant mon travail personnel dans un premier temps. Un heureux hasard.

Aviez-vous déjà une prédisposition pour le cinéma ? Peut-on dire que vous étiez cinéphile ?
Oui, très. Habitant Lausanne, la cinémathèque Freddy Buache était quand même l'un de mes hauts lieux de fréquentation !

Et maintenant ? Votre regard technique ne vous prive-t-il pas d'une partie du plaisir ressenti au cinéma ?
Pas vraiment. Sur les films que je fais, oui, mais sur les autres, non. Effectivement, si les décors sont moches ou qu'ils me dérangent par leur présence, ça peut me gâcher le film. Mais sinon, j'arrive encore à regarder un film comme un spectateur.

Vous avez le temps d'y aller souvent, au cinéma ?
Non ! C'est davantage ça, le problème ! Travaillant beaucoup, j'ai quand même des difficultés à aller voir les films en salles. Dernièrement, par exemple, je n'ai rien eu le temps de voir: je viens de faire un film sur l'île de Ré, sur laquelle il n'y a pratiquement pas de cinéma, ensuite un autre à Paris qui m'a pas mal occupée et s'est avéré assez compliqué et, maintenant, je suis en Rhône-Alpes, dans les montagnes, où il n'y a pas trop de salles non plus...

Au moins, on voyage !
Effectivement, on voit du pays, nous aussi. Et pendant un an et demi en Hongrie, sur Astérix, le cinéma, ce n'était pas terrible ! Je vois quand même pas mal de films à la télé ou plutôt en DVD.

Certains autres artistes vous paraissent-ils de bonnes références dans votre métier ? En existe-t-il dont vous admirez le travail ?
Oui. Je trouve que le décor d'un film comme Hugo Cabret est absolument magnifique. Les films de Scorsese ont souvent un décor absolument extraordinaire. Kubrick avait des décors formidables aussi. Lynch fait toujours un très beau travail artistique...

Je constate que vous parlez uniquement de réalisateurs. Un chef décorateur ne traque donc pas la ligne du générique qui dit "Chef décorateur: Untel"...
Non. C'est un ensemble, vous savez: un décor existe par l'intermédiaire d'une mise en scène et de l'image d'un chef opérateur. J'ai de la peine à regarder un décor pour un décor. Mal filmé, il existe très peu, de toute façon. Si un chef décorateur réussit bien un film, c'est aussi parce qu'il y a du répondant par ailleurs. Nos métiers sont vraiment complémentaires. C'est d'ailleurs justement ce qui m'intéresse dans le cinéma: c'est un travail d'équipe.

Vous avez été nommée aux Césars en 2008. Est-ce que ça compte pour vous, "malgré tout" ?
Ce qui est fantastique, c'est que c'est très festif. On passe des moments très agréables. Nos métiers nous prennent quand même une bonne partie de notre emploi du temps et de notre vie privée. Que ce soit reconnu, ça fait plaisir, oui.

Et au niveau des festivals ? Vous pouvez vous y déplacer ?
Cela me fait envie, oui. Avant, j'allais régulièrement à Locarno, que j'aimais bien. Je suis allée à Telluride: c'était sympa aussi. Cannes, j'y vais quand j'ai un film en compétition: on a alors des accréditations, sans avoir à faire des démarches difficiles pour avoir simplement accès à une projection. Voilà... je vais voir les films sur lesquels j'ai travaillé. Quand j'ai le temps !

Cela vous est-il arrivé d'avoir envie d'aller au-delà du décor ? Pour réaliser, par exemple ?

Non, ça ne m'a jamais trop tenté. Si j'avais dû faire un autre métier dans le cinéma, je pense que ce serait autour de l'image. Un travail sur la lumière. Je suis ravie de ce que je fais, cela dit. Si je devais changer, ce ne serait certainement pas pour de la réalisation. Metteur en scène avec les acteurs, je crois que ce n'est pas pour moi.

Comment les considérez-vous, ces acteurs, justement ?
Je suis intéressée par voir la manière dont un metteur en scène travaille avec eux, mais je n'ai pas le caractère pour les diriger.

Revenons aux décors. Que deviennent-ils après les tournages ?
Ça dépend. Pour certains films, certains éléments sont stockés, dans l'idée par exemple de les ressortir pour des événements liés à la sortie en salles. Pour certains autres films contemporains, il arrive que les choses soient revendues, en priorité aux équipes ou auprès de gros vendeurs. Dans d'autres cas, ils sont cassés et partent à la benne. Dans la mesure du possible, j'essaye de donner la Cinémathèque française les dessins, maquettes, plans, etc...

Pas trop dur, ça, pour l'artiste qui a travaillé sur le projet ?
Non. De toute façon, une fois qu'un décor est construit et même s'il a l'air vrai, il n'est pas fait pour durer. C'est la vie d'un décor. Quand j'avais fait Arsène Lupin, sur la grande quantité de décors que nous avions construit, trois étaient partis en fumée. J'aime l'idée d'une démolition à l'image. Je trouve que c'est une assez jolie fin. Récupérer quelque chose, le recycler, le remettre aux bonnes cotes, ranger, stocker, manipuler... c'est un peu compliqué.

Que reste-t-il donc de vos décors, hormis les souvenirs ?
Des films, c'est déjà pas mal ! Il peut aussi y avoir des photos, des maquettes, des plans, des dessins parfois. Mais j'aime cette idée de construire quelque chose pour un film qui, ensuite, part à la benne. Cette idée d'éphémère me plait bien. Je trouve vraiment formidable de voir un décor se monter et j'aime assez le voir se casser.

Un mot sur vos projets d'avenir ?
J'ai travaillé sur un film de Philippe Le Guay, Alceste à bicyclette, pas encore sorti. Et celui de Valérie Lemercier, 100% cachemire.

Que peut-on vous souhaiter pour la suite ?
Plein de beaux films ! Et que l'on continue à en faire en France.

Un doute à ce sujet ?
Non. Je constate juste que beaucoup de films français se tournent aujourd'hui à l'étranger. Ce serait bien de continuer à faire des films français en France. Histoire que les techniciens français puissent continuer à travailler et les jeunes à se former.

mercredi 21 novembre 2012

Le nouveau Gaulois

Dessins animés et films confondus, il y a encore d'importants trous dans ma découverte du monde d'Astérix au cinéma. De fait, aller voir Astérix & Obélix au service de sa majesté, je ne l'avais pas prévu. Finalement, qu'on m'en ait parlé de manière positive m'a convaincu de lui laisser sa chance. Pas de regret. Même si j'ai trouvé une fois encore que la 3D n'apportait rien au spectacle, j'ai passé un moment sympa. Humour franchouillard ? Certes. Mais c'est ça, Astérix, non ?

Parce que ce sont aussi les quatrièmes aventures filmées du Gaulois irréductible, il me paraît inévitable qu'une comparaison s'instaure avec les autres. Moi qui, auparavant, n'ai vu que Christian Clavier sous la même moustache, je préfère largement Édouard Baer. Bémol toutefois, si vous permettez: cet "Astérix 4" replace le personnage au centre même de l'intrigue. Compte tenu de la volubilité naturelle de l'ex-trublion de Canal +, ça tombe plutôt bien et ce n'était pas forcément le cas de ses prédécesseurs. À confirmer éventuellement après visionnage de la prestation de Clovis Cornillac. Disons toujours que Baer est drôle... et plutôt bien accompagné, aussi. On retrouve Gérard Depardieu en Obélix, tendresse et douce bêtise mélangées avec une belle efficacité. Astérix & Obélix au service de sa majesté multiplie les têtes connues: Valérie Lemercier, Catherine Deneuve, Guillaume Gallienne, Bouli Lanners, Dany Boon... et d'autres encore que je vous laisse découvrir. C'est, je crois, l'un des attraits du film. Bon, évidemment, il faut vraiment apprécier ce genre de pitreries...

Avec tout ça, je ne vous ai toujours pas dit ce que ça racontait ! Amoureux de la BD, vous serez en terrain familier si je précise qu'Astérix & Obélix au service de sa majesté reprend et adapte deux albums: Astérix chez les Bretons et Astérix et les Normands. Les autres noteront que le petit Gaulois part en mission exceptionnelle pour une livraison de potion magique de l'autre côté de la Manche, à la rescousse des cousins (grand-)bretons, eux aussi attaqués par la moitié de l'armée romaine. Oh ! Je vais également insister sur le fait que le rôle de César (J.C. pour les intimes) a été confié à Fabrice Luchini. Un choix proprement excellent, l'emphase de l'acteur et celle de son personnage s'offrant un écho réciproque. Maintenant, je ne vous dirai pas qui gagne à la fin: je pense sincèrement que vous l'avez déjà deviné. Reste à savourer (ou non) les classiques anachronismes, les bagarres sans motif, les bateaux pirates envoyés par le fond et les sangliers farcis du banquet final. La recette n'a pas changé, en fait. Elle se serait plutôt réincarnée.

Astérix & Obélix au service de sa majesté
Film français de Laurent Tirard (2012)

Je pense que je chroniquerai Astérix & Obélix mission Cléopâtre. Sûrement pas tout de suite, mais un jour ou l'autre. Je crois bien qu'il restera encore un moment la plus populaire des apparitions d'Astérix au cinéma. Je ne sais toutefois pas si son humour résistera au temps qui passe. Les nombreux clins d'oeil à l'actualité de l'époque peuvent aussi périmer les blagues de ce type à vitesse grand V. Conclusion à ce jour: qui vivra verra... et son avis ici donner pourra.

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Mais bon, si vous voulez une autre opinion...
Vous pouvez déjà lire celle de Pascale, de "Sur la route du cinéma". Fidèle à sa ligne rédactionnelle, David ("L'impossible blog ciné") parle, lui, davantage... de l'ambiance dans la salle où il a vu le film.

lundi 19 novembre 2012

Un faux air d'Indiana

Quelles images me resteront du cinéma quand je serai vieux ? Objectivement, j'ai encore du temps devant moi pour m'inquiéter vraiment de la réponse. L'heure de confondre mes héros d'enfance avec leurs pâles copies n'est pas encore venue. Pas question dès lors de voir le modeste Allan Quatermain et les mines du roi Salomon comme un épisode méconnu de la quadrilogie Indiana Jones. J'admets qu'à dix ans, les deux séries me plaisaient presque autant l'une que l'autre. Pas au point de les assimiler, mais quand même...

C'est pour retrouver une sensation d'enfance que j'ai revu l'autre jour Allan Quatermain et les mines du roi Salomon sur Gulli, la chaîne spécialement conçue pour les marmots de la TNT. Coup de gueule d'abord contre le tronçonnage du film à grands coups de spots publicitaires. Quand il y en a un, ça va. C'est quand il y en a plusieurs que ça pose des problèmes. Bref. Ce désagrément mis à part, j'ai passé un moment plutôt agréable devant ce spectacle objectivement bien peu mobilisateur pour mes neurones. Le mardi, c'est permis ! Simpliste, le scénario va directement à l'essentiel: Allan Quatermain est donc un aventurier, plus ou moins chargé d'escorter une donzelle au coeur de l'Afrique, à la recherche... devinez un peu... des mines du roi Salomon, exactement. Le plus fort dans tout ça étant que, contrairement à ce qui peut se passer chez Spielberg, l'action du film est vraiment trépidante de bout en bout ! Oui, ça ne s'arrête jamais !

Bon, après, bien sûr, Richard Chamberlain n'est pas Harrison Ford. Sharon Stone, elle, fait une héroïne assez crédible, mais on se frotte un peu les yeux de la retrouver toute jeunette dans ce rôle improbable d'oie blanche au pays des cannibales. Non, le film ne brille pas par sa subtilité - c'est plutôt une bonne grosse comédie d'aventures qui tâche. De ce fait, on s'étonnera moins d'y retrouver deux caricatures de méchants, avec un vague colonel allemand obnubilé par la musique de Wagner et un comploteur turc du genre sadique en costume traditionnel. La vraie surprise, c'est de repérer John Rhys-Davies dans la peau de ce personnage, lui qu'on avait vu comme le brave Sallah chez Indy cinq ans plus tôt. Allan Quatermain et les mines du roi Salomon puise très clairement son inspiration dans d'autres films de la même époque. Il ne m'en a pas moins offert exactement ce que j'attendais de lui: une soirée sans prise de tête.

Allan Quatermain et les mines du roi Salomon
Film américain de J. Lee Thompson (1985)

Je vous laisse parcourir l'index des films si vous voulez retrouver Indiana Jones. Pour ma part, j'ai revu ce film armé de l'état d'esprit qui était le mien il y a quelques semaines au moment de revoir Crocodile Dundee. Pour les cinéphiles plus exigeants, je signale également qu'il existe notamment un Les mines du roi Salomon sorti en 1950, avec Deborah Kerr et Stewart Granger. Je l'avais vu aussi, petit, déçu alors d'avoir confondu avec celui de 1985. Tous deux adaptent en fait un livre de Henry Rider Haggard, édité en... 1885 !

samedi 17 novembre 2012

Au tour du fils

Pour le premier épisode, je vous renvoie à l'index des films, à droite. Aujourd'hui, je compte vous parler de Le parrain - 2ème partie. J'avais de fait imaginé le faire beaucoup plus tôt, mais j'ai laissé passer l'occasion. Une récente rediffusion télévisée me permet d'enfin me rattraper. Grande joie pour moi de retrouver Al Pacino. Enfant de chef mafieux devenu leader du gang après la mort (naturelle !) du patriarche, Michael Corleone est un personnage fantastique. Et le film, lui, presque aussi bon que son devancier.

Presque, oui. Peut-être est-ce dû au fait que j'étais en terrain familier, les histoires mafieuses racontées ici m'ont paru un peu moins intéressantes que celles du premier opus. On reprend vraiment les personnages là où on les avait laissés - je recommande donc vivement de prendre la trilogie à son début. Cette suite porte bien son nom: elle ne rabâche pas, elle développe ce qu'on connaît déjà. Le parrain - 2ème partie disposait toutefois de moyens financiers plus importants: décors et costumes s'avèrent extrêmement soignés et la production n'a pas lésiné sur l'emploi de figurants en nombre très important. Même s'il se déroule dans une période que je n'ai pas connue, la fin des années 50, le long-métrage ne peut pas être suspecté d'approximations. Cette quasi-perfection visuelle vient compléter un scénario relativement touffu pour nous embarquer immédiatement dans l'histoire. Plus de trois heures sont passées sans que je trouve ça pénible. J'ai même envie de dire que le roman de Mario Puzo, co-scénariste, valait sans doute pareille fresque.

Chose nouvelle: derrière la caméra, Francis Ford Coppola s'amuse également à remonter le temps. Il y a en réalité deux films distincts dans Le parrain - 2ème partie. Distincts et entremêlés, en fait. L'un nous raconte donc comment Michael Corleone s'en sort comme chef de clan et successeur de son père, l'autre... l'enfance et la jeunesse de ce dernier, un bon demi-siècle auparavant. Il est plus qu'évident que les mafieux ne sont pas les seuls à considérer les lieux familiaux comme une valeur suprême. Le long-métrage propose une réflexion intéressante sur les questions d'héritage, le libre arbitre face au bien et au mal, la fatalité de certaines choses et le poids que prennent parfois nos décisions. Les criminels ici représentés ont été dépouillés de leurs oripeaux glamour. Avant d'apparaître comme le maître absolu de son destin, Michael Corleone a surtout l'air d'un homme très seul. Dans ce registre, l'impassibilité d'Al Pacino fait merveille. Et Robert de Niro en tête, le reste du casting est tout aussi fabuleux.

Le parrain - 2ème partie
Film américain de Francis Ford Coppola (1974)

Le premier opus avait récolté trois Oscars. Ce deuxième épisode arrivera jusqu'à six. Rien de volé, malgré mon sentiment persistant que le premier opus est (un peu) meilleur. Un extraordinaire diptyque en tout cas ! Dans la série des grands films mafieux, c'est à coup sûr ce que je préfère... parmi les oeuvres que je connais. Je dois dire également que j'aime aussi beaucoup L'impasse, de Brian de Palma et avec Al Pacino encore. J'attends Le parrain 3 et/ou Scarface...

jeudi 15 novembre 2012

Hitchcock en France ?

Je dois l'admettre: le dernier film de François Ozon a quelque chose d'un classique hitchcockien. Quand Fabrice Luchini affirme que celui qui écrit une histoire doit savoir surprendre son lecteur, on peut entendre une déclaration d'intention à l'usage du spectateur. Film pétri de littérature, Dans la maison instaure un suspense intéressant. Pourtant, le point de départ reste banal: Germain, prof de français dans un lycée ordinaire, réclame de ses élèves le récit écrit de leur dernier week-end. Il obtient un torrent de banalités et...

Contre toute attente, une copie sort du lot. Claude Garcia, le jeune qui l'a écrite, ne se fait pas remarquer en cours. Son devoir raconte avec une bonne dose d'ironie sa détermination à s'inviter dans la vie d'un de ses camarades. Elle se termine par un "À suivre..." frustrant pour le lecteur ! Germain y décélérait bien un soupçon de perversité, mais il est trop pris par l'admiration subite qu'il porte à la maturité littéraire de Claude. À partir de là, Dans la maison avance au rythme des épisodes écrits par le lycéen. Une atmosphère étrange s'installe doucement mais sûrement, d'autant que le long-métrage abolit petit à petit la frontière de la réalité et de la fiction. Ce qui est montré happe notre attention et, comme Germain le suggère également, nous fait nous demander à plusieurs reprises ce qui va advenir. Fabrice Luchini l'affirme: "Une bonne fin, c'est celle qu'on n'a pas vu venir, et dont on se dit pourtant qu'elle n'aurait pas pu être différente". Fort de ce critère, le film est assez réussi. Un tantinet trop sentencieux, ai-je trouvé, mais formellement assez impeccable.

Pour autant, je n'ai pas totalement mordu à l’hameçon. Constat cruel pour le réalisateur et ses acteurs: j'ai même regardé ma montre pendant la projection, à deux reprises. Claude Garcia m'a semblé fasciné par le vide. Dans la maison, il ne se passe pas grand-chose d'intéressant, en réalité. Imaginaires ou réels, les événements s'enchaînent sans réelle passion. Une fois mis en place le mécanisme voulu par François Ozon, le film paraît parfois un peu répétitif. Honnêtement, je me suis de fait demandé où tout cela pouvait mener, mais sans enthousiasme démesuré. J'ai vu un long-métrage intelligent, certes, mais assez froid également, comme si finalement le fond comptait moins que la forme. Aussi réussi soit-il, l'exercice de style me laisse sur ma faim. Les comédiens ne me semblent pas devoir être mis en cause. Par bonheur, Fabrice Luchini laisse exister son jeune partenaire et, face à pareil monstre sacré, Ernst Umhauer s'en sort bien. Emmanuelle Seigner, Denis Ménochet et d'autres comme Kristin Scott Thomas aussi. Il m'aura manqué un peu de folie.

Dans la maison
Film français de François Ozon (2012)

Trois étoiles pour mon impression générale et une demie supplémentaire afin de souligner l'intelligence du propos. Adapté d'une pièce de théâtre, le film est lui-même très écrit, trop peut-être pour être vraiment emballant. Je trouve Pedro Almodovar meilleur dans ce genre d'ambiance. Et pour retrouver un ado capable d'imposer un suspense éprouvant, je vous recommanderais plutôt Ezra Miller dans We need to talk about Kevin. Si vous préférez rester entre adultes, ce sera Robert de Niro dans Les nerfs à vif...

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Ce que je vous recommande maintenant...

C'est de croiser les opinions ! Pascale, de "Sur la route du cinéma", donne elle aussi son avis sur le film. Dorénavant, j'ai décidé de citer également les chroniques publiées sur "Le blog de Dasola". Gardez aussi un petit clic pour lire l'avis paru sur "L'impossible blog ciné" !

mardi 13 novembre 2012

Tranchées et cinéma

C'est décidé: je consacre une autre chronique à la Première guerre mondiale. Bravant la censure parfois, le septième art n'a pas attendu bien longtemps avant d'aborder la question du conflit. Certains films que j'imagine gonflés de patriotisme sont même sortis quand l'Europe venait tout juste d'entrer dans la tourmente. Qu'il s'en tourne aujourd'hui, je crois que c'est bon signe. Malgré la disparition inéluctable des derniers combattants, le souvenir demeure vivace.

J'aime à penser que nous aurons su retenir les leçons de ce passé. Militaire pour de faux, Charles Chaplin nous invitait, lui, à en rire dès 1918 et la sortie de Charlot soldat. Visible sur les écrans américains un petit mois avant l'armistice et en France seulement cinq mois plus tard, ce film (muet, bien sûr) fait la part belle au style burlesque de son auteur. Lequel, alors qu'il n'a pourtant pas soufflé sa 30ème bougie, est déjà le propriétaire de son propre studio. Travailleur, l'acteur a alors quelque 70 courts-métrages derrière lui !

Américain également, Lewis Milestone aborde la guerre sur un ton bien différent. En 1930, il signe l'adaptation cinéma d'un roman allemand, dont il conserve le titre: À l'ouest, rien de nouveau. Manifeste pacifiste vivement décrié par les Nazis, ce récit poignant d'Erich Maria Remarque évoque le sort de jeunes hommes encouragés à s'enrôler par leurs professeurs et qui jugent pourtant les combats inutiles. Sur grand écran, il obtint l'Oscar du meilleur film, Milestone décrochant au passage celui du meilleur réalisateur. Signe de temps encore apaisés, le long-métrage fut aussi récompensé d'un Prix Kinema Junpo, équivalent de l'Oscar au Japon. Incroyable mais vrai !

Un peu moins célébré sans doute, mais probablement mieux connu aujourd'hui encore, La grande illusion est l'un des grands classiques du cinéma français. C'est le 26ème film de Jean Gabin, le deuxième qu'il tourne sous la direction de Jean Renoir. Ses partenaires s'appellent Pierre Fresnais et Erich von Stroheim, rien que ça ! Récit d'évasion, le long-métrage réserve un beau rôle au personnage d'officier d'allemand que joue le second nommé. Considérant l'oeuvre subversive, l'occupant la fit interdire en France dès octobre 1940.

Même s'il ne fut pas censuré, il fallut attendre 1975 pour pouvoir apprécier en France Les sentiers de la gloire, quatrième des films de Stanley Kubrick. Kirk Douglas prête ses traits au personnage principal de ce long-métrage, que ses producteurs avaient présenté dans les salles américaines... dix-huit ans plus tôt ! Il est question ici de soldats injustement fusillés pour l'exemple, une question qui fait d'ailleurs toujours débat aujourd'hui. Kubrick s'inspire de faits réels, mais fait bel et bien oeuvre de fiction, puisqu'il compile en fait divers événements survenus sur plusieurs zones de conflit. Il tire aussi son récit du roman éponyme d'un ex-soldat, Humphrey Cobb.

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Voilà. Avec cette petite liste et les films évoqués dans la chronique précédente, je pense que ceux qui s'intéressent à la Première guerre mondiale auront quelques pistes cinématographiques à explorer. Convaincu de ne pouvoir prétendre à l'exhaustivité, je remercie d'avance ceux qui en diront davantage par le biais d'un commentaire.

dimanche 11 novembre 2012

Les gueules cassées

Nous fêtons aujourd'hui le 94ème anniversaire de la fin des combats de la Première guerre mondiale. Si j'ai choisi de parler d'un film évoquant cet horrible conflit, c'est parce que j'estime qu'il est entré dans ma vie. Je me dis parfois que j'ai de la chance d'être vivant alors que mon grand-père paternel, Joseph, fut sérieusement blessé au cours de ces années sombres de l'histoire européenne. S'il était mort, il serait resté sans descendant et ma famille n'existerait pas. C'est aussi en pensant à lui que j'ai vu La chambre des officiers.

Adapté d'un premier roman de Marc Dugain, ce film puissant s'intéresse à un aspect particulier de la guerre: la survie des hommes blessés. Son héros, Adrien Fournier, est gravement touché au visage dès ses premiers jours sur le front. Le bel homme d'avant s'efface totalement derrière le corps meurtri du rescapé. L'ancien lieutenant intègre donc La chambre des officiers, un hôpital conçu spécialement pour les cas "comme lui". Le temps d'accepter le regard des autres sur lui-même. Le temps aussi de réapprendre à s'aimer. L'interrogation du film m'a paru largement dépasser l'exemple, certes particulièrement évocateur, d'Adrien Fournier. À qui veut bien justement dépasser les apparences, le long-métrage peut aussi proposer une réflexion sur l'acceptation des différences. Difficile d'être tout à fait insensible à ce qui est montré. Il est question aussi d'une recherche du bonheur. Et de la vie qui reprend ses droits...

Formellement, La chambre des officiers m'a dérouté. L'usage intensif d'un filtre jaune sur les images initiales et d'une bande son au piano m'a presque déplu, même. J'avais l'impression qu'on voulait forcer mon émotion, ce que l'histoire devait pourtant parvenir à faire seule. Et puis, finalement, ce scénario m'a fait oublier le reste. Malgré ces effets un peu faciles, j'ai véritablement été pris d'intérêt pour ce qui se passait à l'écran. Il me faut souligner ici qu'en plus d'être bien joués, les personnages du film m'ont d'abord paru formidablement écrits. Ainsi, aux côtés de ces fameuses gueules cassées, le scénario ménage-t-il une place importante aux familles des soldats, à ceux qu'ils aiment ou ont aimé, à leurs soignants, chirurgien ou infirmière...de quoi renforcer en moi cette idée même qu'au fond, nous sommes tous plus ou moins concernés. Je suis donc heureux d'avoir pu découvrir ce film, à la fois beau et intelligent.

La chambre des officiers
Film français de François Dupeyron (2001)
Bilan plus que positif, donc, et merci à Franck... qui se reconnaîtra. Vous voulez voir un autre film sur la Première guerre mondiale ? Laissez-moi alors vous conseiller Un long dimanche de fiançailles, dont je compte reparler un jour. Pour les divers traumatismes liés aux conflits armés, Birdy est un autre incontournable, à mon avis. Allez hop ! J'ose pousser jusqu'à Vol au-dessus d'un nid de coucou pour une étude des comportements face à une certaine normalité sociale. Rien de bien divertissant, certes, mais que du beau cinéma !

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Le hasard fait parfois bien les choses...

Il se trouve que le film passe justement ce soir sur D8.

vendredi 9 novembre 2012

L'homme de la montagne

J'ai aimé Jeremiah Johnson dès les toutes premières images. Séduit d'emblée, j'ai même eu peur qu'après une aussi belle introduction dans l'Amérique sauvage, le film me déçoive sur la durée. J'ai eu raison de faire confiance à Sydney Pollack et Robert Redford. J'ai vu un western assez somptueux, porteur d'un message fort: la liberté peut se conquérir, mais elle a un prix - vivre comme on l'a décidé suppose des sacrifices. C'est ce que j'ai ressenti après le générique final. Auparavant, je me suis plongé avec d'autant plus de plaisir dans l'histoire que le personnage principal garde un peu de mystère.

Qui est Jeremiah Johnson ? Ce qu'on sait, c'est ce qu'une voix off dévoile en commentaires des premiers plans. Trois fois rien, donc. Seules ses intentions sont claires: partir vivre dans la montagne comme trappeur. La belle saison passée, les difficultés surviennent avec le froid et la malnutrition. Alors qu'il pêche ou plutôt essaye d'attraper un saumon à mains nues, le jeune homme croise la route des Indiens pour la première fois. Miraculeusement épargné, il peut donc poursuivre son chemin... jusqu'à revenir au contact d'un reste de civilisation et y prendre mieux conscience du danger qu'il va affronter. Le film poursuivra alors son chemin, à l'image d'un héros résolu à s'isoler et pourtant pas dépourvu d'un certain humanisme. Tout au bout de la route, on retrouve finalement la même incertitude qu'à son commencement. Après tout, ce qu'il advient des hommes n'est sûrement pas aussi important que le chemin qu'ils ont parcouru.

Bref, vous l'aurez compris: si votre image du western se cantonne aux chevaliers blancs défenseurs de la veuve et de l'orphelin, Jeremiah Johnson pourrait bien vous étonner. J'ose toutefois croire qu'il le fera agréablement. Le personnage joué par Robert Redford est certes un brave type, mais ce n'est pour autant que le bonheur frappe à sa porte à la première escalade venue. Je dirais même franchement que le ton général du film m'a semblé bien pessimiste. Une certitude: il n'est absolument pas manichéen. Il n'y a pas de bons et de méchants, donc, juste des êtres qui essayent de s'en sortir avec chacun leurs capacités et valeurs propres. C'est vrai également que les plus "sauvages" ne sont pas toujours ceux qu'on pense l'être. La manière dont le long-métrage aborde la question de la religion, par exemple, en surprendra plus d'un. Conclusion: cette aventure reste un voyage. Elle ouvre sur la nature, les autres... et soi-même.

Jeremiah Johnson
Film américain de Sydney Pollack (1972)

Quelques jours seulement après avoir Little big man, je m'attendais à une histoire du même genre. Erreur ! Le choix du héros de rompre avec son passé pour survivre au coeur d'une nature hostile rappelle plutôt Into the wild. Côté western, on pense également à ce chef d'oeuvre qu'est Danse avec les loups. Je fais ces deux comparaisons en me disant que je ne parle que de films postérieurs. Il faut croire que Sydney Pollack était précurseur. Deux mots: chapeau l'artiste !

mercredi 7 novembre 2012

La fille de papier

Les bons sentiments n'ont pas toujours la cote. Même si le cinéma puise souvent son inspiration dans l'amour et l'eau fraîche, il est assez rare de tomber sur une perle dans ce large genre qu'on appelle la comédie romantique. Je dirais toutefois que j'en ai vu une dernièrement. Elle s'appelle Ruby n'est "que" le second long-métrage d'un duo de réalisateurs (j'y reviendrai). Quelle maîtrise, pourtant ! Après quelques minutes pour la mise en place du personnage principal, le film se déroule sans temps mort. Je me suis ré-ga-lé !

Elle s'appelle Ruby et c'est une jeune femme d'une rousseur pétillante. Lui, c'est Calvin, son créateur. La tête à l'envers à force de câliner son nounours sur le divan de son psy. Écrivain au succès XXL dix ans auparavant, le jeune homme traîne son mal-être existentiel, persuadé que les filles qui s'intéressent à lui ne voient que l'auteur. Il vit donc seul avec son chien, baptisé Scotty en clin d'oeil à F. Scott Fitzgerald. Un beau matin, après avoir rêvé de celle qui pourrait être la muse de son second roman, Cal... la retrouve dans son appartement, en train de manger des cornflakes. "Tu m'as manqué, cette nuit, pendant que tu écrivais", lui dit-elle. Surprise ! Frayeur ! Sentiment de malaise encore plus fort ! L'incroyable vérité saute aux yeux: la fantasmagorie s'est incarnée. Ruby existe ! Mieux, sans qu'on lui demande, elle prépare le petit-déjeuner ! Bientôt, il s'avère aussi qu'elle est visible pour tout le monde...

Tirer un film de cette idée n'était pas forcément des plus évidents. J'avoue que, pour le titre de ma chronique, j'ai volontairement repris celui d'un roman de Guillaume Musso, distrayant, sans plus. Côté cinéma, en revanche, j'ai donc pris beaucoup de plaisir à suivre l'évolution de cette histoire. Le scénario de Zoe Kazan, petite-fille d'Elia et comédienne dans le rôle-titre, est rudement bien ficelé, avec juste ce qu'il faut de rebondissements pour nous embarquer gentiment, plus loin que les bonnes intentions de départ. Je dois dire aussi qu'Elle s'appelle Ruby doit beaucoup au jeu de son acteur principal, Paul Dano, que je découvrais à l'occasion. J'ai apprécié également de retrouver quelques visages connus et sympathiques dans les rôles secondaires, à l'image d'Annette Bening, Elliott Gould ou encore Antonio Banderas. Aux rythmes d'une bande originale largement francophone, voici mon petit coup de coeur du moment !

Elle s'appelle Ruby
Film américain de Jonathan Dayton et Valerie Faris (2012)

La référence est certes un peu écrasante, mais j'ai moi aussi trouvé que le film produisait parfois un écho avec ceux de Woody Allen. Personnellement, j'ai aussi saisi une petite référence à Billy Wilder. Pour revenir à plus de modestie, je note que le duo de réalisateurs s'était déjà illustré avec Little miss Sunshine, que je n'ai pas vu encore, mais qu'on présente parfois comme un petit bijou du cinéma indépendant US. Moi, je vous propose également une comparaison avec Eternal sunshine of the spotless mind. Ou, sur un ton toutefois plus sombre dans sa conclusion, avec le méconnu Restless.

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Un autre avis vous intéresse ?

Lisez celui de Pascale, de "Sur la route du cinéma": elle a aimé aussi. David, de "L'impossible blog ciné", évoque le film en quelques mots.

lundi 5 novembre 2012

Petits mensonges entre amis

C'est presque deux ans après sa sortie au cinéma que j'ai découvert Les petits mouchoirs. Avant moi, on a déjà dit beaucoup de choses sur le troisième film de Guillaume Canet, le meilleur et le pire. Objectivement, je n'ai rien vu de mauvais. Si je reste néanmoins quelque peu sur ma faim, c'est que j'ai eu l'impression de naviguer entre deux eaux. Il manque un petit quelque chose pour que je sois vraiment enthousiaste. Un peu de sobriété, je dirais. De la retenue. Je n'ai pas toujours ressenti assez d'empathie pour les personnages.

Le long-métrage tourne autour d'une bande de copains, Marie, Eric, Max, Isabelle et les autres. Toute comparaison avec un film antérieur de Claude Sautet attendra... que j'ai vu ce film de Claude Sautet. Guillaume Canet, lui, ouvre le sien par un plan-séquence classieux. Ludo sort de boîte au petit matin et, sur son scooter, est victime d'un accident. Après l'avoir visité à l'hôpital, ses potes hésitent quelques instants sur l'attitude à adopter, mais finissent par faire exactement ce qu'ils avaient prévu et font régulièrement quand l'été est venu: partir en vacances tous ensemble. Les petits mouchoirs dresse le portrait de trentenaires enfermés dans l'égoïsme. Difficile de ne pas s'identifier à l'un ou à l'autre: les caractères sont typés. C'est avec un certain plaisir qu'on les suit en route vers le soleil. Plaisir d'autant plus vif que les acteurs sont bons et bien dirigés. François Cluzet, Valérie Bonneton, Marion Cotillard, Gilles Lellouche, Benoît Magimel, Laurent Lafitte... un bel échantillon des talents français du moment. Finalement, nous aussi, on oublierait presque Jean Dujardin, cloué à l'hôpital et qu'on voit finalement assez peu. Dommage et logique, en même temps. C'est le scénario qui veut ça.

Un peu de cuisine interne: quand j'ai cherché les images pour illustrer cette chronique, j'ai eu du mal à trouver des photos de groupe explicites issues du film lui-même - et non du tournage. Le fait est que ça montre bien que le film tourne d'abord autour des individus. Comme je l'ai dit, chacun a son petit caractère propre, macho, stressé, empathique, mystique, troublé... et tourne finalement autour de ce même caractère unique, avec pas mal d'égocentrisme. Les petits mouchoirs, c'est également le côté obscur de ces gens ordinaires qui se disent soudés et qui, au fond, ne partagent rien d'essentiel. Là-dedans, les comédiens tirent franchement leur épingle du jeu. Guillaume Canet, lui, veut rappeler que les faux semblants n'ont qu'un temps et qu'une fois que les masques tombent, ça fait très mal. Intention louable. Le problème, c'est que, s'il touche juste parfois, le jeune réalisateur tombe aussi dans l'outrance. Pertinent quand il s'agit de démontrer la profonde futilité des petits mensonges entre amis, il appuie tellement sa démonstration qu'il finirait presque par lasser. Le dernier quart d'heure du film m'a paru long, du coup. Pour autant, il n'efface pas les bonnes choses vues auparavant.

Les petits mouchoirs
Film français de Guillaume Canet (2010)
Images accrocheuses et bande originale punchy: le long-métrage conserve d'indéniables qualités sur la forme. Son jeune créateur confirme qu'il est un talent à suivre dans la galaxie cinéma française. Dans un genre certes bien différent, j'avais préféré son film précédent, Ne le dis à personne. Pour les portraits de groupes hantés par un peu de nostalgie, ma référence reste Le péril jeune C'est vrai: les personnages de Cédric Klapisch étaient plus jeunes.

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Ah, il me faut ajouter quelque chose...
Pascale, de "Sur la route du cinéma", n'a pas aimé du tout ! Avis identique chez David, de "L'impossible blog ciné", qui parle de flop...

samedi 3 novembre 2012

Les soeurs isolées

Pour beaucoup de cinéphiles, ils sont indissociables: les Britanniques Michael Powell et Emeric Pressburger ont souvent travaillé ensemble, ce qui fait qu'il n'est pas forcément utile de connaître le rôle respectif de chacun dans leurs productions communes. Le seul hasard a voulu que je découvre leur cinéma aussitôt après avoir pu lire la chronique d'un de leurs films sur "L'oeil sur l'écran". J'avais initialement prévu de voir autre chose ce soir-là mais, invité chez Philippe, le choix s'est finalement porté sur Le narcisse noir. Un classique, paraît-il.

L'histoire ? C'est celle d'une poignée de religieuses, à qui un potentat indien offre un palais en guise de dispensaire et d'école. Le bâtiment a ceci de particulier qu'il est perché à flanc de falaise, au sommet d'une montagne himalayenne. Isolé, le site est spartiate au possible et battu par des vents constants. Le narcisse noir montre clairement qu'à vouloir profiter de leur "cadeau", les soeurs ne choisissent pas franchement la solution de facilité. On comprend pourquoi, au début du film, la mère supérieure a sélectionné la plus jeune de ses nonnes pour diriger le nouveau couvent. Sans trop dévoiler, j'ajoute simplement que le scénario du long-métrage ne saurait se résumer aux péripéties de la vie religieuse en territoire hostile. Une fois passé ce point de départ, l'intrigue va se focaliser sur les difficultés d'une petite communauté à cohabiter. Un grain de sable vient enrayer la machinerie: on s'y attendait plus ou moins après avoir appris que les soeurs devaient renouveler leurs voeux une fois l'an...

Je ne vais pas vous raconter d'histoire: tout ça ne m'a pas passionné. Possible que je sois passé à côté du truc. Je m'attendais à mieux. Compte tenu des échos flatteurs, j'espérais découvrir un film emballant et... non, j'ai eu au contraire l'impression que le suspense ne prenait jamais vraiment. Reste que le long-métrage m'a séduit sur un point précis: son graphisme !  Ayant récemment bénéficié d'une restauration, Le narcisse noir est une pure merveille visuelle. Ses jeux de lumière contribuent significativement à l'ambiance ! Même si les décors peints sont très franchement dépassés aujourd'hui, ils apportent avec eux une bonne dose de charme. Autant dire que, plus que jamais, les trois étoiles que j'attribue donc à ce fameux classique correspondent d'abord à un ratio intérêt ressenti / attente éprouvée. Pour certains de ses aspects techniques, l'oeuvre du duo Powell et Pressburger mériterait une note bien plus haute. Elle viendra peut-être pour un autre de leurs films.

Le narcisse noir
Film britannique de M. Powell et E. Pressburger (1947)

Une relative déception pour moi avec ce film pourtant très apprécié des cinéphiles. J'ai quand même bien l'intention de pousser plus loin mes investigations. Voir Les chaussons rouges figure déjà au rang de mes projets à moyen terme. En collection, j'ai aussi trois films réalisés par le seul Michael Powell à découvrir. Je vous conseille également de voir, si vous le pouvez, de vieilles comédies britanniques, et par exemple Tueurs de dames ou Noblesse oblige.

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Pour en savoir plus... 
Deux options s'offrent désormais à vous. Vous pouvez retourner immédiatement chez mes comparses de "L'oeil sur l'écran" et y relire la chronique de Les chaussons rouges, autre classique du duo. Alternative: vous pouvez préférer avoir un autre avis sur Le narcisse noir, auquel cas je vous oriente vers "L'impossible blog ciné". Merci en tout cas de me laisser le temps de mieux connaître le cinéma britannique de cette époque et celui des deux larrons en particulier. Après ça, c'est certain: je ne manquerai pas l'occasion d'y revenir.

jeudi 1 novembre 2012

Légende nordique

Au cinéma comme à la télé, il y a une vie après les Monty Python. Celle de Terry Jones est bien remplie depuis la séparation du groupe mythique. Acteur, scénariste et écrivain, le Britannique a réalisé quelques autres films, dont Erik le Viking, que je vous présente aujourd'hui. On aurait pu y voir Tom Hulce et Jack Lemmon. Finalement, ce sera Tim Robbins et John Cleese, ex-Monty Python également et vieux complice du cinéaste, du coup. Ai-je besoin d'ajouter que le film est gentiment barré ? Vous l'aviez compris, non ? 

Erik le Viking a les cheveux longs et des idées originales sur le bien et le mal. À l'inverse des autres hommes de son clan, il goûte peu l'idée de la guerre, du pillage et du viol. Quand un énième conflit l'amène pourtant à tuer une jeune femme, il regrette amèrement d'avoir dû en arriver là et remet les choses en question. Parti s'éloigner dans la montagne, il rencontre une pythie qui lui promet réveil des dieux et retour du soleil sur les terres de sa Scandinavie natale. Ni une ni deux, le brave garçon rassemble ses compagnons et, leur évitant au passage de s'entretuer, prend la mer avec eux vers un monde meilleur où doit s'accomplir la prophétie. L'expédition ne paye pas de mine. La loufoquerie du spectacle ne m'a pas fait oublier le côté un peu "cheap" des décors. Les costumes parviennent toutefois à sauver les apparences. Bon point pour lui: le film paraît très souvent original. Il ne ressemble à aucun autre. C'est déjà ça.

Derrière la gaudriole se cache d'ailleurs autre chose. Il m'a semblé que Terry Jones développait également une certaine poésie. Inspiré par les légendes du Nord, ce qu'il raconte ouvre la porte à une culture méconnue sous nos latitudes. Le fait qu'à des rares exceptions près, les comédiens choisis pour le film me soient restés inconnus jusqu'alors, a renforcé le plaisir que j'ai pris à ces découvertes. J'irai jusqu'à dire qu'après un point de départ relativement conventionnel, Erik le Viking m'a entraîné un peu plus loin que là où je pensais aller. Sans casser trois pattes à un canard, il reste un bon divertissement. L'absurdité du propos le rend acceptable pour tout public - le sang versé a même l'air factice, c'est dire. Joué avec juste ce qu'il faut d'outrance, le long-métrage se démarque également de la norme communément admise par quelques petites surprises, au rang desquelles je citerais des divintés... enfantines. Drôle de voyage !

Erik le Viking
Film britannique de Terry Jones (1989)
Du même cinéaste, j'ai évoqué ici Monty Python - Le sens de la vie. Le film d'aujourd'hui est moins fou, mais prompt lui aussi à s'envoler vers de vraies bizarreries. Un aveu, maintenant: des deux Terry passés par les Monty Python, je préfère Gilliam. Je vous renvoie donc à l'index des réalisateurs: j'y présente trois de ses films. Je précise aussi qu'il y en a encore quelques autres à venir. Restez connectés !