samedi 4 février 2012

Sur le fil

Une chronique de Martin

2011 n'était pas fini quand j'ai entendu parler de Louise Wimmer. J'ai eu envie de voir le film début janvier, après que mon père m'a dit en avoir écouté une chronique positive à la radio. J'ai donc rapidement découvert ce portrait de femme sur fond de crise économique. Cyril Mennegun vient du documentaire: il est connu pour avoir réalisé un portrait filmé de Tahar Rahim, le comédien belfortain rendu célèbre par Jacques Audiard. Le cinéaste offre ici son... premier rôle principal de cinéma à Corinne Masiero, actrice dont la notoriété est surtout le fruit d'une longue carrière théâtrale.

Rôle principal, disais-je. En réalité, Corinne Masiero accapare l'écran. Elle joue avec une intensité remarquable ce personnage, Louise Wimmer, modeste femme de ménage contrainte de vivre dans sa voiture dans l'attente d'un hypothétique logement social. Pour payer ses dettes, cette quasi-quinquagénaire n'a d'autre choix que de vendre le peu de choses de valeur qu'elle conserve encore comme un trésor: un service en argenterie, une montre, un foulard. On ne sait pas trop, ni même tout de suite, comme elle en est arrivée là. Je n'ai pas spécialement envie d'en parler. Comme j'ai pu le lire sur un autre site, sa chute n'est pas le sujet du film. Ce qui est donné à voir, c'est ce qui se passe maintenant qu'elle est survenue. Comment on survit dans des conditions de grande précarité. Difficile de ne pas penser à la réalité de la France d'aujourd'hui, au reportage de Florence Aubenas sur les pauvres, à la démarche d'Eric Cantona pour faire du logement un enjeu de la campagne présidentielle...

Pour apporter sa pierre à l'édifice, Cyril Mennegun choisit un ton neutre. Il ne conteste rien et ne cherche pas à démontrer. Il fait comme d'autres avant lui: il illustre, purement et simplement. À ceux qui veulent l'entendre, il explique qu'il expose des choses qu'il a, sinon vécues, du moins connues. Sans lui faire offense, j'ai envie d'indiquer que son film repose presque exclusivement sur les épaules de son actrice. Corinne Masiero EST Louise Wimmer. Elle lui apporte ses forces et ses faiblesses, sa propre appréciation du monde contemporain, ses repères personnels sur la situation sociale. L'intérêt de cette représentation est qu'elle fluctue et vient prendre appui sur d'innombrables sentiments: l'héroïne du film passe ainsi tour à tout par le combat, la résignation, la révolte, l'effondrement, la solidarité, la reprise en main, la transe et d'autres attitudes encore. Son interprète est crédible en tout, et ce dès le tout début, dès ces premières images où la caméra capte son regard fatigué dans un rétroviseur. Sensible, immédiate et entière, cette intimité avec le premier personnage du film fait presque oublier les autres. J'ajouterais tout de même que ce serait franchement dommage.

Louise Wimmer
Film français de Cyril Mennegun (2012)
Des films sur la misère sociale, honnêtement, je n'en connais pas beaucoup. Il faudrait peut-être fouiller chez Ken Loach pour trouver une oeuvre comparable. En France, j'ai très vaguement entendu parler de Versailles, avec Guillaume Depardieu en SDF, et je garde un souvenir flou d'un duo Gérard Jugnot / Richard Bohringer réuni dans Une époque formidable. Ce qui laisse penser que ce que j'ai lu sur le film du jour est vrai: les rôles similaires sont des plus rares pour les femmes au cinéma. Comme autre forte tête que j'avais appréciée, j'ai pensé à Catherine Frot et sa flic dans Coup d'éclat.

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Pour avoir un autre avis sur le film...

Je vous recommande la lecture de "Sur la route du cinéma".

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