vendredi 30 décembre 2011

Une question de date

Une chronique de Martin

Michael Bay aime ce qui est symbolique, simple et spectaculaire. Armageddon, son film sur la possibilité de la fin du monde, répond au cahier des charges. Symbolique, le film l'est en ce qu'il convoque Charlton Heston en voix off, pour expliquer que ce qui est arrivé jadis aux dinosaures - disparaître à cause d'une météorite tombée sur Terre - pourrait bien également arriver aux humains. Il s'agit ensuite de broder une histoire simple et spectaculaire. Mission confiée à une troupe d'acteurs connus, à la tête de laquelle est placé un grand habitué des missions de sauvetage: Bruce Willis, bien sûr.

Spécialiste du forage sur une plateforme offshore, Harry Stamper s'engage parce que son pays a besoin de lui et, au-delà, la planète toute entière. Le vrai aspect sympa du film, c'est qu'il vient donc avec un bel aréopage de confrères de talent: Billy Bob Thornton, Steve Buscemi, Ben Affleck, Owen Wilson ou Peter Stormare. N'oublions pas la très jolie Liv Tyler en premier personnage féminin, raccord avec une B.O. portée par le groupe de papa, Aerosmith. Côté scénario, Armageddon n'est rien d'autre que l'histoire d'un groupe d'astronautes amateurs, formés en 18 jours seulement et vite partis dans l'espace faire exploser un astéroïde gros comme le Texas menaçant d'anéantir l'humanité. Il faut tout de même reconnaître que, niveau pyrotechnie, caméra tremblante et effets spéciaux XXL, les Américains savent faire. C'est presque le seul intérêt de la chose.

Petit clin d'oeil à mes lecteurs: c'est parce que 2012 a été présenté comme l'année de la fin du monde selon les Mayas que j'ai cru amusant d'écrire cette chronique aujourd'hui. Le film lui-même reste un archétype de ces longs-métrages qu'Hollywood semble devoir produire à la chaîne. On a le droit d'aimer Armageddon simplement pour ce qu'il est, un pur divertissement dénué de message. L'extinction de la race humaine n'étant pas nécessairement attendue pour demain, on peut aussi préférer les oeuvres plus signifiantes. Nous sommes prévenus au début que ce n'est juste qu'une "question de date". C'est l'autre des caractéristiques du film: Michael Bay vise donc une certaine universalité, à grands renforts de sites historiques tels que visibles sur la deuxième photo. Ses jouets numériques l'autorisent à détruire une partie de Paris - après les petits ports populaires des faubourgs de Shanghai, tout de même. Surenchère visuelle que d'aucuns trouveront pesante et qui, de fait, étire le film jusqu'à une durée de deux heures et demie. L'essentiel du propos tient pourtant sur une modeste feuille de papier à cigarettes...

Armageddon
Film américain de Michael Bay (1998)
À regarder donc avec un oeil bienveillant et le cerveau en mode silencieux. Le réalisateur mise tellement sur l'image-choc que j'ai lu qu'il lui était arrivé de recycler certains plans d'un film à l'autre. Risque limité ici: après Bad Boys et Rock, cette grosse production n'est que la troisième de sa filmographie. Il me faudra un jour voir 2012 (de Roland Emmerich) pour comparer l'étendue des dégâts. D'ici là, si vous aimez jouer à vous faire peur ou si l'idée de la chute d'une météorite sur Terre ne vous effraie pas, je vous recommande un film bien plus intéressant, au rang de mes préférés pour l'année écoulée: le superbe et pathétique Melancholia, de Lars von Trier.

mercredi 28 décembre 2011

Loufoque et policier

Une chronique de Martin

Après avoir regardé un film, en écrire ici une chronique n'est que l'un de mes rituels. Un autre consiste souvent à imaginer le prochain, mais il est aussi très fréquent que je fasse un détour sur Internet pour mieux connaître celui dont le générique vient de se terminer.

Pour Kiss kiss bang bang, je me suis rué sur mon ordinateur, avide d'en savoir plus et surtout... de comprendre. J'ai alors pu constater que je n'étais pas le seul à avoir eu des difficultés à remettre d'aplomb l'ensemble des développements de cette (bonne) comédie romantique et policière. D'autres que moi peuvent même affirmer que l'intérêt du scénario est ailleurs: dans le pur plaisir qu'il suscite.

Ce n'est pas tout à fait faux. Je me suis moi aussi marré avec ce trio constitué de Robert Downey Jr., Michelle Monaghan et Val Kilmer. Narrateur, le premier n'est qu'un voleur à la petite semaine, poursuivi par les flics et que le hasard sauve d'un très mauvais pas quand il parvient à se faire passer pour un acteur. Une soirée VIP plus loin, l'intéressé a retrouvé la fille dont il était amoureux autrefois et s'est collé dans les pattes d'un détective privé gay censé le former aux rudiments du métier pour le rendre crédible à l'écran. Vous y croyez, vous ? Peu importe. C'est le début d'une aventure totalement échevelée, le faux comédien et son nouveau copain enquêteur étant les témoins d'un meurtre. Kiss kiss bang bang prend alors des airs de buddy movie, avec une jolie fille posée au milieu des potes. Et, c'est un fait, certaines vannes marchent très fort !

Il faut dire que Shane Black, le réalisateur, a un beau pedigree cinéma. Pas toujours aussi inspiré, le garçon est notamment l'auteur du scénario des deux premiers épisodes de la série L'arme fatale. Objectivement, on retrouve un peu de cet esprit ici, sans Mel Gibson ou Danny Glover toutefois. Le film avance à cent à l'heure et le truc sympa est de constater que les personnages sont souvent dépassés par les événements, en particulier un Robert Downey Jr. très drôle dans la peau de celui qui n'avait rien demandé. On le comprend toutefois de vouloir tout faire pour garder Michelle Monaghan maintenant qu'il l'a retrouvée. Voir ensuite Val Kilmer à mi-chemin entre le tueur et la grande folle est assez jubilatoire. Peu importe donc que l'intrigue qui les relie soit un peu tortueuse. Le montage des premières scènes accroche et le reste du film ne lâche plus.

Kiss kiss bang bang
Film américain de Shane Black (2005)
Wikipedia se trompe: l'encyclopédie en ligne note que le film a reçu un prix au Festival de Cannes 2006. Il y a effectivement été présenté, mais... hors-compétition ! Cela n'enlève rien au charme qui est le sien, complexe et décalé. J'ai déjà cité L'arme fatale comme comparaison possible. Visuellement, je peux aussi évoquer Mi$e à prix. Je crois tout de même utile de préciser que, pour le film d'aujourd'hui, au-delà de l'intrigue policière, c'est une certaine forme d'humour noir qui semble dominer. C'est en tout cas ce que j'ai aimé. Avec une mention spéciale pour un Elvis revenu d'entre les morts !

lundi 26 décembre 2011

Le coeur en puzzle

Une chronique de Martin

Ma première rencontre avec Rob Gordon, le héros de High fidelity, c'était je crois au détour du roman - du même nom - de Nick Hornby. Le retrouver sur l'écran de ma télé me faisait envie, sans toutefois que je me souvienne vraiment de ce que j'avais lu. Je voulais également voir le film parce que, parmi les quelques blogs qui ont plus ou moins inspiré le mien, il y en a un dont le rédacteur signait Rob Gordon. Bref, j'ai saisi l'occasion d'une diffusion récente sur Arte pour rafraîchir ma mémoire et me faire une idée sur la chose filmée.

Autant l'admettre d'entrée de jeu: j'ai passé un assez bon moment. Rob Gordon est un jeune mec plutôt cool, néo-célibataire au moment précis où le film commence. Vendeur de 33 tours dans une boutique peu fréquentée, il écoute constamment de la musique et, quand il a l'occasion, entre deux morceaux, s'interroge sur les raisons objectives (?) de ses ruptures passées. Cinq: c'est tant leur nombre que la véritable obsession du garçon, qui dresse des listes de cinq pour tout et n'importe quoi. Il faut croire que ça le rassure et surtout lui évite de se remettre en question, à l'heure d'essayer de recoller chaque partie de son coeur brisé. High fidelity ne donne pas nécessairement de l'homme une très belle image, même s'il arrive que les filles - simples, paumées ou hautaines - en prennent également pour leur grade. Sujet traité sur le mode masculin, oui.

La chose la plus étonnante, c'est que High fidelity adopte tellement le point de vue de son personnage principal qu'il le place réellement en narrateur de l'histoire. Attention toutefois: John Cusack n'est pas un narrateur au sens classique, une voix off qui viendrait commenter ce qui défile à l'écran. Il s'adresse directement au public en regardant la caméra l'oeil dans les yeux, et ce tout au long du film. Il est même le seul à le faire, ce qui peut dérouter, mais ce à quoi on doit finir par s'habituer. Le long-métrage dénote, parce qu'il se présente donc un peu comme un échange à une seule voix. Je suppose alors que, plus on s'identifie à Rob Gordon, plus on apprécie le résultat. Personnellement, je suis tout de même resté quelque peu en retrait. Cela dit, on ne pourra pas ne pas louer l'audace du réalisateur. Grâce aussi à des comédiens remarquables, et notamment un Jack Black déjanté en roue libre, le film a vraiment quelque chose d'unique.

Une précision utile...
Jack Black a un rôle secondaire: le premier revient à John Cusack.

High fidelity
Film anglo-américain de Stephen Frears (2000)
À recommander aussi à ceux qui aiment la musique pop-rock. Quelques standards sont passés à la moulinette, mais la bande originale reste une compilation de haute volée. Et on a là une preuve supplémentaire de l'extrême diversité des sujets de Stephen Frears. Cette comédie romantique et son premier personnage peuvent évoquer une version masculine de Bridget Jones. Je ne parviens pas à dénicher d'autres oeuvres comparables, mais ça doit bien exister du côté du cinéma américain indépendant (Clerks ?). J'y reviendrai peut-être. En attendant, vous avez lu la 600ème chronique du blog !

samedi 24 décembre 2011

La fête macabre

Une chronique de Martin

Je dois bien le reconnaître: je me méfie de Tim Burton. Enchanteur de mes séances ciné il y a encore quelques années, l'Américain suscite désormais mon scepticisme avec ses films. L'univers improbable des derniers ne m'a pas trop attiré. La première chose que j'ai vue de lui, c'était je crois L'étrange Noël de Monsieur Jack lors de sa sortie en salles. Probablement l'un des premiers horizons cinématographiques sans mes chers parents. Je précise une chose importante et méconnue: Tim Burton n'a signé "que" le scénario. Scénario très burtonien, il est vrai, mis en scène par Henry Selick.

L'histoire ? C'est celle de Jack Skellington, prince de la ville d'Halloween. Lassé de semer l'effroi chez les hommes, cette âme perdue espère autre chose. Un soir de déprime, il arrive par hasard dans un village coloré et y rencontre ce qu'il croît être un monstre plus puissant que lui: le père Noël en personne. Fasciné, il envoie donc trois enfants, Am, Stram et Gram, kidnapper le vieillard. L'idée: prendre sa place et distribuer des cadeaux de sa confection. D'où le titre: L'étrange Noël de Monsieur Jack. Rien ne va évidemment se passer comme prévu: les présents de Skellington n'ont rien à voir avec ceux qu'on attend le 24 décembre au soir...

Dix-huit ans après sa sortie, le film m'émerveille encore. J'aime beaucoup ce qu'il raconte et apprécie la manière avec laquelle il fait appel à l'imagination. Difficile de ne pas se sentir ici en terrain familier. L'étrange Noël de Monsieur Jack est un ballet classique autour de personnages ancrés dans l'inconscient collectif, un clin d'oeil bienveillant au royaume des fantômes, goules et vampires. Entre deux citrouilles, il vaut évidemment le détour par les prouesses techniques qu'il met en avant, avec des créatures animées de la taille d'une allumette ! Autre atout du film: la musique de Dany Elfman, complice habituel de Tim Burton, et le texte des chansons, emballant en VO comme en VF. La bande très originale d'un bien curieux Disney.

L'étrange Noël de Monsieur Jack
Film américain de Henry Selick (1993)
Souvenez-vous: la technique employée ici, j'en ai parlé récemment en évoquant Chicken run, autre très chouette film d'animation sorti, lui, en l'an 2000. Je vous avais également encouragé à jeter un oeil sur Fantastic Mr. Fox. Aujourd'hui, je vous conseille de conserver une grosse heure de votre temps pour Coraline, un autre des films de Henry Selick que j'ai découvert l'an passé. Plus sombre, il augure d'une possible évolution de son auteur vers une noirceur plus adulte. À suivre pour confirmer (ou pas). Il faudra attendre le prochain...

mercredi 21 décembre 2011

À son étoile

Une chronique de Martin

Stardust - Le mystère de l'étoile fait partie de ces films originaux qui posent problème au moment de les illustrer. Les deux photos d'aujourd'hui ne rendront sûrement pas hommage à la flamboyance graphique de ce film d'aventures, quasi-impeccable sur le plan visuel. L'histoire ? Je m'en souvenais un peu, quelques années après avoir lu le roman dont le long-métrage est tiré, du Britannique Neil Gaiman.

Tout commence dans une campagne d'Angleterre, bordée d'un mur. Amoureux éperdu d'une fille qui le regarde de haut, le jeune Tristan lui promet d'aller chercher pour elle l'étoile filante qu'il a vu tomber sur Terre. Il part à l'aventure et découvre un univers magique...

Pas envie d'en dire beaucoup plus: Stardust - Le mystère de l'étoile ravira les amateurs du style heroic fantasy. Le monde qui prospère de l'autre côté du mur n'est pas le plus dense qu'il m'ait été donné d'approcher au cinéma, mais ses habitants ne ressemblent pas à ceux qui nous côtoient habituellement. Il y a là des frères princes pressés d'hériter de leur roi de père, de cruelles sorcières à la jeunesse perdue, des aubergistes transformés en chèvres et une maman privée de son bébé et frappée de malédiction. Il y a aussi des pirates chasseurs de foudres et un capitaine amateur de fanfreluches passionné de French Cancan. Deux bonnes heures d'évasion garantie !

Un peu long peut-être, le film est riche en rebondissements. Chose étonnante, aux côtés des acteurs relativement peu connus qui jouent ses deux rôles principaux, j'ai nommé Claire Danes et Charlie Cox, vous apercevrez quelques têtes d'affiches dans un registre inhabituel, tels Michelle Pfeiffer, Peter O'Toole et Robert de Niro ! Stardust - Le mystère de l'étoile s'est également fait connaître grâce à ça, même si d'aucuns ont reproché aux stars d'être venues jouer les utilités et empocher un magot calqué sur leur notoriété. Possible. En ce qui me concerne, j'ai évité d'y penser et j'ai enclenché le mode "petit garçon" pour retrouver mon âme d'enfant et apprécier le spectacle. La fin se devine depuis le début, mais ça ne m'a pas empêché de trouver un certain plaisir. En somme, un bon petit film pour, par exemple, une séance de cocooning hivernal au coin du feu.

Stardust - Le mystère de l'étoile
Film américain de Matthew Vaughn (2007)
Avis aux connaisseurs: le réalisateur a aussi tourné Kick ass, film autour d'un superhéros ordinaire qu'il me faut désormais découvrir. D'après ce que j'ai compris, la violence déployée n'est pas comparable à celle qui émaille celle du film du jour, nettement plus discrète. Côté heroic fantasy, on a vu mieux, bien sûr, et notamment l'impeccable trilogie Le seigneur des anneaux. Mieux vaut éviter toute comparaison pour profiter pleinement des deux spectacles...

lundi 19 décembre 2011

Reparti à zéro

Une chronique de Martin

On efface tout et on recommence. Telle parait avoir été la démarche des producteurs de James Bond, le duo américain Michael G. Wilson et Barbara Broccoli, en confiant le 21ème opus de la franchise, Casino Royale, à Martin Campbell. Car, même s'il avait déjà réalisé l'épisode 17, le Néo-Zélandais a copieusement redistribué les cartes pour cette nouvelle mouture. Le paradoxe veut qu'il ait pour ça réutilisé un titre déjà choisi deux fois dans l'histoire des aventures cinématographiques du célèbre espion. Pour le reste, il a convaincu un nouvel acteur - Daniel Craig - et opté pour un traitement différent.

C'est en grande partie réussi, il faut bien l'admettre. James Bond comme on ne l'avait jamais vu jusqu'alors, un peu plus jeune, aussi. Quand l'histoire démarre, il vient juste d'obtenir son permis de tuer. Ce fameux double zéro, je vous l'indique, il va vite s'en servir. L'intérêt possible vient aussi du fait que le scénario le rend franchement plus violent, tourné à 99% vers l'action. Plus vulnérable aussi, risquant sa peau comme le font sans doute les vrais espions. Reste une incroyable capacité à truquer les bad boys - ici le banquier de grands terroristes internationaux, lors d'un tournoi de poker mémorable - et à séduire les jolies femmes. Les puristes tiqueront sans doute quand ils découvriront que, dans Casino Royale, 007 roule dans une Aston Martin gagnée au jeu et n'a que faire de la manière dont on prépare son Martini dry. C'est que la fin justifie les moyens...

En toute sincérité, je ne vois pas de quoi tomber à la renverse. L'audace qui consistait à s'affranchir des codes "bondiens" fonctionne, mais ne fait pas de Casino Royale un nouveau chef d'oeuvre du cinéma mondial. C'est simplement un divertissement honorable, calibré pour une soirée plateau-télé du dimanche soir. J'inscris mon nom dans la liste des défenseurs de Daniel Craig. Raillé pour ses cheveux blonds, le Britannique s'en sort très bien, mieux sans doute que ses deux prédécesseurs immédiats, Timothy Dalton et Pierce Brosnan. Autre bon personnage: la superbe Eva Green interprète une James Bond girl intéressante, alliée ambiguë et futée. Dans la peau du méchant, Mads Mikkelsen convainc, lui aussi. Déception en revanche pour le peu de place laissée à d'autres acteurs que j'apprécie, Simon Abkarian ou Isaac de Bankolé. S'ils semblent d'abord pouvoir contribuer à une intrigue complexe, ils sont ensuite vite renvoyés vers le décor et l'oubli. Au final reste l'impression frustrante d'assez bonnes intentions imparfaitement exploitées...

Casino Royale
Film anglo-américain de Martin Campbell (2006)
Je les ai de fait vus à l'envers, mais je crois qu'il me faut signaler que cet épisode est le premier volet d'une série de deux s'achevant avec Quantum of solace. C'est aussi pour ça que je l'ai regardé. Maintenant, revoir la suite ? Bof, je n'en ai pas très envie. Je dois donc confirmer ce que je vous disais l'autre jour dans ma chronique sur Le monde ne suffit pas: James Bond m'emballe moins qu'il y a une quinzaine d'années. Et pourquoi ça ? Ce n'est pas de sa faute. C'est moi qui ai désormais d'autres attentes en termes de cinéma d'action. Pas question pour autant de renier mes goûts passés...

vendredi 16 décembre 2011

Plus belle la vie ?

Une chronique de Martin

Ce n'est pas si facile d'écrire sur tous ces films, vous savez. J'essaye de rédiger mes chroniques rapidement après le visionnage, même si en léger décalage par rapport à la parution. Quand j'en ai terminé avec un premier jet, je me relis, corrige quelques fautes, revois souvent une tournure de phrase ou deux et prévois la mise en ligne pour une date donnée. Rien de compliqué là-dedans. Le fait est pourtant que, parfois, mon jugement sur un film évolue rapidement. Et c'est le cas par exemple pour Les neiges du Kilimandjaro.

Effectivement, j'en suis sorti très content et, depuis, je relativise. Allez, n'exagérons pas dans l'autre sens: c'était bien quand même. Quant au titre de ma chronique, il n'est pas très bon. Une boutade. J'adresse un clin d'oeil un peu piteux à la série qui squatte nos écrans télé depuis... je ne sais pas dire, belle lurette en tout cas. Le point commun avec le film, c'est que ça se passe à Marseille aussi. Ensuite, plus grand-chose à voir, même si ma question reste pertinente. Plus belle la vie de Marie-Claude et Michel ? Pas sûr. Simplement un peu meilleure vu que, pour leur 30ème anniversaire de mariage, ces deux-là ont reçu un cadeau de leurs amis, un voyage organisé en Afrique pour aller admirer... Les neiges du Kilimandjaro et ne plus seulement en rêver en écoutant la chanson éponyme. Bonheur qui tombe bien, puisque Michel vient de perdre son emploi. Bonheur de courte durée, malheureusement, puisqu'un soir, le couple est victime d'une attaque à main armée et très sauvagement délesté de son billet d'avion. Ce sont les conséquences sociales et humaines de ce délit crapuleux qui vont désormais nourrir le scénario du film.

Je préfère me taire sur la suite. Je suppose que certains n'iront pas voir plus loin et je peux le comprendre: c'est vrai, le thème du film est bien évidemment très orienté. Robert Guédiguian a l'honnêteté intellectuelle de ne prendre personne en traître: homme à la gauche de la gauche il est, homme à la gauche de la gauche il reste. J'admets volontiers pour ma part que c'est aussi ce qui peut m'attirer vers son cinéma. Or, ce qui s'avère pour moi un argument positif pour la défense du film peut, inévitablement, s'avérer pour d'autres son plus gros défaut. Cela dit, je ne crois pas pertinent de réduire Les neiges du Kilimandjaro à sa seule dimension de manifeste politique. J'ai moi-même constaté des outrances dont le réalisateur aurait peut-être pu faire l'économie. Reste que j'ai ressenti beaucoup de sincérité dans le propos général et que, franchement, ça m'a fait du bien ! Le réalisme des situations est parfois discutable, oui. Maintenant, si on prend ça comme une fable, l'invraisemblable devient possible et l'utopie réalisable. C'est du cinéma, non ? J'adresse donc un bravo à celles et ceux qui ont donné de leur temps et de leur talent pour nous amener dans cette dimension parallèle. Derrière le cinéaste, les citer tous est difficile, mais les comédiens principaux m'ont vraiment paru excellents. Il y a là la petite troupe d'habitués: Gérard Meylan, Jean-Pierre Darroussin et, coup de coeur personnel, une superbe Ariane Ascaride. J'ai aussi envie de nommer quelques-uns des derniers arrivés et par exemple Marilyne Canto, Anaïs Demoustier, Adrien Jolivet ou Grégoire Leprince-Ringuet. Réflexion faite, je pense que je pourrais revoir le film avec plaisir d'ici quelques années, au moins pour cette jolie collection d'acteurs !

Les neiges du Kilimandjaro
Film français de Robert Guédiguian (2011)
Le nom du réalisateur vous dit quelque chose ? Je vous rappelle alors qu'il est également l'auteur de Marius et Jeannette, sorti il y a presque 15 ans avec les mêmes comédiens. Mon avis ? J'en ai gardé un bon souvenir, mais il faudrait que je le revoie pour mesurer l'évolution d'un style et en reparler un peu plus sciemment. J'ai aussi beaucoup d'autres films du même auteur à découvrir. Si c'est également votre cas, et si vous voulez un conseil, je vous oriente volontiers vers celui d'il y a deux ans, L'armée du crime. L'histoire de quelques-uns de ces gens qui se sont battus et ont perdu la vie pour une certaine idée de la France, sans pourtant toujours en avoir la nationalité. Pas moralisateur, je vous assure, mais marquant.

mercredi 14 décembre 2011

Ulysse revisité

Une chronique de Martin

Retour à Cold Mountain est-il destiné à la gente féminine ? Sincèrement, je n'ai pas de réponse tranchée à apporter. L'affirmer sans nuances serait, je crois, un peu péremptoire. Preuve en est d'ailleurs que le film m'a plu, même s'il n'est pas sans défaut. L'histoire en un mot est celle d'une jeune femme, Ada, qui débarque à la campagne dans les valises de son vieux pasteur de père. Réservée d'abord, elle y rencontre un dénommé Inman et en tombe presque immédiatement amoureuse. Passion très courte, l'Amérique entrant alors dans les heures troubles de la guerre de sécession.

L'écran se teinte de boue et de sang pour une rude scène de bataille. Le camp d'Inman est celui des perdants, celui des Sudistes, donc. Dégoûté par la violence, blessé et impatient de retrouver la femme qu'il aime, lui aussi, le jeune homme déserte et reprend sa marche vers son pays. Retour à Cold Mountain: le titre est assez explicite. Pour évoquer ce qui m'a gêné pour entrer dans tout ça, je veux dire un mot des deux acteurs principaux, Jude Law et Nicole Kidman. Rassurez-vous: leur talent n'est pas remis en cause. J'ai juste eu quelque difficulté à croire à leur passion en ses premières heures. Vérification faite, la belle Australienne est en fait un peu plus âgée que son partenaire anglais, ce qui affecte légèrement sa crédibilité dans ce rôle. Bien que joliment illustrées, j'ai trouvé les situations initiales un peu fausses. Jouées avec un peu trop de démonstration.

Cette désagréable sensation de départ a heureusement fait long feu. En route pour deux heures et demi de cinéma, j'ai su apprécier Retour à Cold Mountain petit à petit. Toujours féru de fresques costumées, j'ai pris plaisir à contempler l'impeccable reconstitution d'époque. J'ai aussi aimé que le réalisateur choisisse de démultiplier les points de vue, ses héros n'étant finalement que deux membres parmi d'autres d'une distribution de grande classe. J'y ai retrouvé avec plaisir des comédiens comme Donald Sutherland, Cillian Murphy, Natalie Portman ou encore, à l'image ci-dessus, Renée Zellweger, parfaite dans un contre-emploi qui lui a valu l'Oscar du second rôle. Par son ampleur, le film s'élève au-delà de son thème romantique principal et parle aussi de l'absurdité de la guerre. L'intelligence aura été d'alterner (un peu trop ?) les scènes d'Ada avec celles d'Inman. Semé d'embûches, le chemin du soldat est aussi celui de sa destinée. Pas de honte à avoir à faire route avec lui jusqu'au bout du parcours.

Retour à Cold Mountain
Film américain d'Anthony Minghella (2003)
Davantage récompensée encore que celle-là, l'oeuvre la plus connue du cinéaste britannique reste Le patient anglais, qu'il me faudra bien vous présenter un jour. En attendant, je vous conseille d'aller faire un petit tour du côté de Blackthorn, autre western nostalgique découvert cette année. Beaucoup plus noir, il s'avère plus puissant. Pas question toutefois de bouder le spectacle du jour, divertissement très honorable porté par d'excellents acteurs. Je citerai volontiers une autre possible comparaison, mais je n'en trouve pas vraiment. Un film comme Danse avec les loups fait appel à des ressorts dramatiques similaires, mais avec nettement plus d'ampleur. Il faut aussi parfois savoir se contenter de projets de portée plus modeste.

lundi 12 décembre 2011

Un rêve inaccessible ?

Une chronique de Martin

Parce que les Sud-Américains ne savent pas prononcer son nom correctement, Brian Sweeney Fitzgerald se fait appeler Fitzcarraldo. Le rêve de cet Américain exilé est de faire venir un opéra au coeur de la forêt amazonienne. Pour cela, il a déjà tenté, sans succès véritable, de bâtir une ligne de chemin de fer ou de commercialiser de la glace. Ses dernières économies et ses ultimes espoirs, il les a placés dans un bateau, pressé de remonter la rivière et d'exploiter les derniers hévéas disponibles sur ces terres inhospitalières. L'action se déroule jadis, dans un Brésil et un Pérou restés sauvages.

Encouragé par Molly, une entremetteuse tombée amoureuse de lui, l'entrepreneur de l'impossible veut passer d'un cours d'eau à un autre, après que son navire a franchi la montagne qui les sépare. Le film s'appuie longuement sur cette improbable expédition et, empathie pour le personnage de Fitzcarraldo oblige, offre un vrai suspense aux amateurs du genre. Il est toutefois bien plus que le simple récit d'une incroyable aventure fluviale. De par son titre éponyme, j'y vois d'abord le portrait d'un homme. Fitzgerald est-il ambitieux ou bien totalement fou ? Il est assez difficile de répondre à cette question. Peut-être bien est-il les deux: ambitieux au nom d'une certaine idée de la grandeur et fou de l'assumer en face des autres, raisonnables ou simplement plus cyniques. Seule sa compagne croit aveuglément en l'entreprise de celui qu'un riche Brésilien appelle "le conquistador de l'inutile". Les autres se moquent de lui, le soutiennent hypocritement pour mieux lui prendre son argent et font des paris sur le temps qu'il mettra à échouer. On comprend que sa motivation s'en trouve décuplée. On se sent presque à ses côtés dans la bataille.

L'aspect le plus fascinant du film est sans doute qu'il offre au regard une véritable mise en abyme. Fitzcarraldo, c'est bien évidemment Klaus Kinski, ce prodigieux acteur allemand aux yeux exorbités, habités par la folie. C'est aussi Werner Herzog, l'homme resté derrière la caméra. On a dit beaucoup de choses sur la relation tourmentée entre le comédien et son réalisateur. Dans une union fusionnelle qui a failli les détruire, les deux construisent une oeuvre dantesque. Pas d'ellipses et peu d'effets spéciaux: la folle chimère prend véritablement vie devant nous. Dans une démesure qui peut rappeler celle d'un Terry Gilliam, l'image vient frapper la rétine durablement et, devant cette réalité, on n'en croit pas ses yeux ! Joué dans des conditions épiques, le rôle-clé du film aurait pu consacrer Jack Nicholson ou Mick Jagger, mais on ne voit finalement aucun autre interprète capable d'être aussi crédible que celui a finalement été retenu. Il y a quelque chose d'animal dans le jeu déployé ici, judicieusement tempéré par de superbes scènes naturelles. J'y vois tout sauf un hasard: au contraire, ce serait plutôt un message de respect avant l'heure de l'écologie politique. Respect pour les hommes, aussi, sages et fous, dans toutes leurs dimensions.

Fitzcarraldo
Film allemand de Werner Herzog (1982)
Il est très fréquent de comparer le long-métrage avec un autre sorti dix ans plus tôt, du même réalisateur et avec le même acteur placé dans le champ de la caméra: Aguirre, la colère de Dieu. J'espère voir un jour cette autre production, ne serait-ce que pour vérifier l'impression que j'ai d'une parenté naturelle entre les deux projets. Puisque le premier opus parle de la conquête de l'Amérique du sud par les Espagnols, je vois une suite dans le second, les colonisateurs d'hier étant devenus les puissants d'aujourd'hui. Quant aux peuples natifs présentés ici, Indiens jivaros démunis face à l'homme blanc, ils m'ont rappelé ceux de La forêt d'émeraude. Ou, bien plus loin dans l'histoire du cinéma, les Polynésiens muets du superbe Tabou.

samedi 10 décembre 2011

Un virus et des hommes

Une chronique de Martin

Pas facile de trouver des images efficaces pour parler de Contagion. Le dernier film de Steven Soderbergh s'illustre d'abord par sa mobilité constante. Si la tragédie classique défendait une unité de lieu, celle du cinéaste américain occupe un espace sans frontières, à l'échelle de la planète toute entière. Rien d'étonnant au fond quand il s'agit d'évoquer l'apparition d'un virus mortel pour l'homme et transmis...

Comment déjà ? C'est le tout premier enjeu de ce long-métrage flippant et fascinant. À partir d'une idée assez basique, la caméra capte l'atmosphère de plusieurs villes des États-Unis, mais aussi d'Asie, là où tout pourrait bien avoir commencé. Frissons garantis.

Contrairement à ce que l'on pourrait croire, Contagion n'est pas franchement un film-catastrophe. Davantage que son scénario, c'est bien sa mise en scène qui peut susciter un sentiment de paranoïa. Steven Soderbergh sait filmer et s'érige en maître des plans rapides et évocateurs à la fois. Un bouton d'ascenseur par ci, la barre d'appui d'un passager debout dans un bus par là, les objets du quotidien s'avèrent inquiétants, mais le doute plane sur le fait que ce soit véritablement à juste titre. Les laboratoires de recherche réfléchissent à qui pourrait être le patient zéro et leurs hypothèses sont émises à voix haute, pendant que l'épidémie fait des ravages. L'aspect le plus intéressant de cette narration étant qu'elle multiplie les angles de vue: médical, sécuritaire, médiatique, idéologique...

Pour parler ainsi de santé, il n'est pas incongru de soigner la forme. Peut-être pour rendre les choses plus lisibles et parce que c'est aussi souvent sa signature, Soderbergh a fait de Contagion un film choral et distribué ses rôles à quelques-unes des grandes stars internationales du cinéma actuel. Mari perdant sa femme et père protégeant sa fille, Matt Damon est là en habitué. Kate Winslet, Gwyneth Paltrow et Marion Cotillard donnent de l'allure au contingent féminin. Il y a aussi un Jude Law à double face en blogueur ambitieux et un impeccable Lawrence Fishburne en chercheur controversé. Cette distribution a le défaut de ses qualités: elle peut parfois finir par donner le tournis et le sentiment d'une certaine vacuité. D'ailleurs, c'est une faille qui revient régulièrement dans le débat quand est évoquée l'oeuvre de l'ami Steven. Une mention spéciale tout de même pour l'audace de "charcuter" de la tête d'affiche !

Contagion
Film américain de Steven Soderbergh (2011)
Récompensé de la Palme d'or dès son premier film, le cinéaste conserve aussi l'image d'un intello sur qui le public n'a pas beaucoup de poids. Parfois accusé de cynisme, il est aussi réputé pour alterner projets personnels assez branchouilles et oeuvres simplistes, un peu racoleuses. Je n'ai pas envie de confirmer: je l'aime plutôt bien, moi. La liste n'est pas exhaustive, mais vous pourrez vous familiariser avec quelques-uns de ses autres films en en parcourant la chronique publiée ici. Ou me croire sur parole quand je vous dirai que l'aspect choral de celui-là rappelle Traffic, récit de la guerre contre la drogue sorti, lui, en l'an 2000. Il me faudrait le revoir pour vous en dire plus.

jeudi 8 décembre 2011

Névroses et guimauve

Une chronique de Martin

C'est vrai: j'ai encore beaucoup de lacunes dans mon approche progressive de la filmographie de Woody Allen. Personne ne m'a vraiment privé des longs-métrages du plus névrosé des cinéastes new-yorkais, mais ce n'est pas trop le type d'humour de mes parents, je crois, ce qui fait que je l'ai finalement découvert sur le tard.

Précisément, sauf oubli, c'était quand j'étais encore jeune étudiant, lors d'un séjour chez mon meilleur ami, à Toulouse, en bande organisée et avec Tout le monde dit I love you. Tout ça pour dire que j'ai revu le film avec plaisir il y a peu et que, de tous les Woody qu'aujourd'hui je connais, c'est peut-être celui qui me plait le plus.

Tout le monde dit I love you est un mini-tour du monde. Destination New York, Venise et Paris. Allen y joue lui-même le rôle d'un homme divorcé, foncièrement asocial, encore ami avec son ex-femme, devenu pote avec son nouveau mari et assez cool pour leurs enfants communs. On ne s'étonnera pas donc que l'intéressé n'ait pas seulement une famille, mais bien deux, qui espèrent le voir trouver une autre compagne. Parce que c'est Woody, ce n'est pas si facile. Parce que c'est Woody, la solution viendra de l'espionnage intensif des conversations privées de la "cible" visée avec son psy. J'explique moins bien que le réalisateur, oui: vous regarderez pour comprendre.

Si j'ai tendance à vous conseiller la VO, je reconnais que j'ai dû composer avec la VF, l'autre jour. Chose utile: rester bien concentré dans l'une ou l'autre des deux langues ! Son titre hybride ne doit pas faire oublier que Tout le monde dit I love you est, comme souvent chez Allen, très bavard. Et ce d'autant qu'aux dialogues "naturels" s'ajoute une voix off et aux personnages principaux toute une galerie de rôles secondaires franchement délirants. Je précise enfin, et c'est un détail pour le moins important, que le style adopté cette fois est celui de la comédie musicale, avec donc de larges séances de chant tout à fait décalés et absolument jubilatoires. Au final, on reconnaît bien la patte du maître et on s'amuse beaucoup. J'en redemande !

Tout le monde dit I love you
Film américain de Woody Allen (1996)
Faute d'inspiration sur d'autres films à oser comparer directement avec celui-là, je vous propose un petit rappel personnel sur ceux du même réalisateur qui sont déjà présentés ici. Je constate immédiatement que ma feinte ne me facilite pas vraiment la tâche. Allen est constant sur un point: il parle fréquemment de la difficulté d'aimer durablement. Pour le côté badin, Minuit à Paris reste finalement le long-métrage le plus proche de celui référencé aujourd'hui. Vicky Cristina Barcelona n'en est pas loin, avec un lot de scènes pathétiques toutefois. Match point est, lui, un concentré de noirceur, ce qui peut dérouter. À vous de vous y frotter...

mercredi 7 décembre 2011

Inspiré d'un roman de...

Une chronique de Martin

Rassurez-vous: je ne vais pas écrire une longue tartine aujourd'hui. Aucune intention non plus de plagier tel ou tel auteur connu (ou non).

Reste que je voulais dire deux mots sur le phénomène de l'adaptation des livres au cinéma. Le concept en soi est sans doute aussi vieux que le septième art lui-même. L'avez-vous remarqué ? J'ai l'impression qu'aujourd'hui, les scénarios s'inspirent de plus en plus de ce qu'il est convenu d'appeler "une histoire vraie". Cette notion même de vérité fait d'ailleurs débat dès lors que le réalisateur prend des libertés avec la réalité. C'était déjà le cas avec l'écrit, c'est vrai.

J'ai souri l'autre jour après avoir pensé que Lynne Ramsay avait quelque peu féminisé l'approche de We need to talk about Kevin. Contre toute attente liée à son prénom, il se trouve que l'auteur, Lionel Shriver, est aussi une femme. En fait, traité sur le mode épistolaire, le texte a généré un film tout à fait déstructuré. Intéressante façon de procéder, je trouve. Il y a des exceptions, mais je crois pertinent de faire d'un roman le scénario d'un film. Fatalement, le texte perd de sa puissance évocatrice quand il est mis en images, mais il propose au cinéaste un important défi artistique quand il s'agit d'expliciter les pensées des personnages. Un sujet inusable sur lequel je reviendrai peut-être après avoir apprécié d'autres livres, vu d'autres films et parcouru plus exhaustivement l'une de mes dernières acquisitions cinéphiles: 100 films - Du roman à l'écran, ouvrage collectif publié aux éditions du Nouveau Monde.

dimanche 4 décembre 2011

Résister, aimer, vivre

Une chronique de Martin

Le hasard fait bien les choses: la liste des films que j'ai vus dernièrement m'autorise à vous parler aujourd'hui d'un chef d'oeuvre du cinéma hollywoodien. Et dans trois jours, j'aurais pu commémorer le 70ème anniversaire de l'attaque de Pearl Harbor: ça aurait été bien aussi. Le classique que je vais tâcher de décrypter aujourd'hui, c'est l'immense Casablanca, une oeuvre mythique autour de laquelle je tournais depuis longtemps et que j'ai enfin découverte il y a peu. Sans attendre davantage, je vous la recommande plus que vivement !

Tiré d'une... pièce de théâtre, Casablanca illustre un chapitre méconnu de la seconde guerre mondiale, l'arrivée d'un nombre important de réfugiés dans la ville marocaine, après que les troupes hitlériennes ont déferlé sur Paris. Une tragédie évoquée en voix off dès le début du film, un rappel du contexte bien venu sept décennies plus tard. Mais comme la première image le suggère, il ne sera ensuite plus question du conflit mondial que comme arrière-plan d'une histoire humaine, entre un homme et une femme, précisément, Rick et Ilsa, amants séparés que le destin a daigné remettre sur le même chemin. Repartiront-ils vers une autre vie ensemble, comme ils n'avaient pas pu le faire au temps insouciant des premières amours ? Je vous laisse le découvrir. Il existe objectivement des pépites dont il est bon de ne pas dire tout l'éclat. Sachez juste qu'il y a un autre homme dans la vie d'Ilsa, ce qui vient évidemment compliquer une situation déjà passablement pathétique, et que l'ennemi est aux portes de la ville, ce qui n'aide réellement personne à garder la tête froide. Incontestablement, le genre qu'aborde ici Michael Curtiz, cinéaste prolifique, est le mélodrame. La réussite du film tient à ce qu'il parvient à transcender les figures classiques et présente un juste équilibre entre romance et suspense. Le propos n'est d'ailleurs pas dénué d'humour, offrant aux acteurs principaux, Humphrey Bogart et Ingrid Bergman, des personnages absolument uniques. Rick et Ilsa sont presque réels, en fait.

Au-delà de tout, je crois que c'est d'ailleurs justement ce qui m'a plu. Une fois encore, j'ai admiré la capacité du cinéma américain d'aborder une page noire de l'histoire pour en faire sans temps mort une fiction à la fois émouvante, mobilisatrice et "divertissante". Casablanca est sorti en salles en 1942: le rôle d'Humphrey Bogart devait d'abord revenir à... Ronald Reagan, le futur président, finalement appelé sous les drapeaux en sa qualité de réserviste ! Anecdote parmi des dizaines d'autres qui peuvent expliquer pourquoi cette oeuvre peut prétendre au rang qui est le sien dans l'inconscient collectif des cinéphiles. Le film, et c'est aussi sa force, nous parle d'un temps où le cinéma ne fonctionnait pas comme il le fait aujourd'hui. Les comédiens ne faisaient pas la loi: ils étaient d'abord les employés d'un studio, l'une de ces maisons qui démarraient alors jusqu'à un nouveau projet une fois par semaine ! Aussi fabuleux puisse-t-il paraître, ce long-métrage n'était donc d'abord qu'un film parmi d'autres, dirigé d'ailleurs par un non-spécialiste du genre. L'histoire retient aussi qu'il a été tourné "à la petite semaine". Longtemps, les scénaristes n'ont pas su le conclure et on dit même qu'Humphrey Bogart a été rappelé quelques jours après le clap de fin pour enregistrer la toute dernière réplique. Et ça fonctionne ! Comment ? Lauren Bacall y voit la magie du septième art. Moi aussi.

Bien sûr, tout part comme toujours d'un texte et d'interprétations. Or, même si l'image porte le poids des années, ce que le film raconte n'a pas vieilli. Il y est question de résistance aux contraintes inacceptables du monde extérieur et de dilemmes intimes pour faire face aux situations de tension, les deux facettes d'un même thème finalement très humain. Les peurs et atermoiements amoureux ajoutés au drame le rendent encore plus fort, parce que plus évident. De fiction, mais concrète, l'intrigue de Casablanca me semble pouvoir parler à tout le monde, tout le temps. L'inspiration créatrice qui a guidé la plume est admirable: la plupart des protagonistes s'avère ambiguë, voire changeante. Il règne tout au long du film quelque malaise diffus, une menace sourde qui en ferait une tragédie classique si la règle de la triple unité était totalement respectée. Qu'importe: même venu des planches et passé au cinéma, le scénario est aussi une incroyable partition à multiples voix, portée évidemment par d'excellents acteurs. Le fait même que la production ait eu à revenir sur ses intentions premières quant à la distribution ajoute encore à la légende: le film tel qu'on le connaît aurait bien pu ne jamais exister. Le fait qu'il soit bel et bien sorti sous cette forme doit bien sûr à l'expression de plusieurs grands talents, mais aussi, donc, un peu aux aléas de l'existence. Quand il permet d'admirer pareille merveille, le hasard fait décidément bien les choses...

Casablanca
Film américain de Michael Curtiz (1943)
Vous aurez compris que j'ai préféré rester évocateur. Il y aurait évidemment mille autres choses à dire sur ce chef d'oeuvre. Maintenant, le comparer à un autre film ? J'ose à peine le faire. Puisque j'ai évoqué le hasard, je note que cet hommage vibrant lancé aux hommes et femmes qui résistent est apparu une seule année après Les visiteurs du soir, de Marcel Carné. Même si ce second film se déroule au Moyen Âge, son propos n'est pas forcément si lointain. Je n'en dis pas plus pour préserver votre très probable plaisir d'aller maintenant y voir de plus près. Sur le blog et bien sûr dans les films.

vendredi 2 décembre 2011

L'invité non voulu

Une chronique de Martin

Comédien figurant à la petite semaine, l'Indien Hrundi V. Bakshi s'avère incapable de jouer sobrement la moindre situation simpliste. Interdit de plateau, il dynamite la fin d'un tournage quand, à la suite d'une énième bévue et bien avant la scène finale, il déclenche prématurément un explosif et détruit le décor. Le metteur en scène en informe immédiatement le producteur du film, lequel note le nom du gaffeur, nom alors inscrit sur la liste des convives d'un dîner mondain. L'histoire - loufoque - de La party débute véritablement après les présentations. En route pour une délirante heure et demie...

En voyant Peter Sellers à l'affiche, qui plus est avec Blake Edwards derrière la caméra, les amateurs auront compris à quoi s'attendre. Déjà complices dans La panthère rose, les deux larrons récidivent dans un cadre différent, mais à peu près dans le même registre. L'aspect le plus déroutant de ce (vieux) film est peut-être le rythme relativement lent de sa progression. L'humour n'y est pas échevelé, mais plutôt burlesque: beaucoup de situations se passent de mots pour mieux exploiter la gestuelle des acteurs, surtout du premier d'entre eux, Peter Sellers donc. En roue libre sous la direction rassurante de son comparse américain, le Britannique donne probablement le meilleur de lui-même et aimante la caméra. Rares sont les plans dont il est absent. Même si c'est parfois tout au fond.

La party est donc une drôle de fête: l'esprit de Hrundi V. Bakshi va doucement contaminer l'atmosphère ambiante, le fait le plus fou étant sans doute que ce dernier, de par sa gentillesse fondamentale, ne se rend pas vraiment compte des catastrophes qu'il provoque partout. "La sagesse est le terrain de l'ancien, le coeur d'un enfant est chose pure", assure-t-il à une femme comme lui un rien perdue au cours de cette étrange soirée. De comique, le ton du film devient alors très légèrement sentimental, avec un autre rendez-vous convenu pour récupérer un chapeau dont on se dit qu'il pourrait déboucher sur autre chose. Blake Edwards n'étant pas très explicite là-dessus, chacun pourra conserver sa propre vision de l'avenir proche des personnages et de leurs pensées. Et c'est très bien ainsi.

La party
Film américain de Blake Edwards (1968)
Avis aux amateurs: c'est déjà la quatrième oeuvre du réalisateur présentée ici, après La panthère rose, donc, mais aussi Diamants sur canapé et La grande course autour du monde. Sans faire offense au cinéaste, c'est aussi celle qui m'a le moins convaincu. Peut-être parce qu'elle a un peu vieilli, même si les techniques utilisées pour laisser la porte ouverte aux multiples improvisations de Peter Sellers étaient à l'époque tout à fait innovantes. J'ajouterai juste un mot pour vous rassurer: j'ai bien rigolé quand même.