jeudi 30 juin 2011

L'énième retour du forban

Une chronique de Martin

Vu dans une salle de cinéma en son temps, le tout premier épisode de Pirates des Caraïbes avait été à mes yeux une bonne surprise. Gore Verbinski n'a pas inventé le genre, mais il a su lui redonner quelque éclat, en inventant le fameux Jack Sparrow, forban improbable, au courage discutable et dont la rouerie a pourtant fait un capitaine respecté. Après un succès public important, il était tentant de ne pas en rester là. Le réalisateur - et son acteur vedette Johnny Depp - ont donc rempilé à deux reprises, sans retrouver l'efficacité de leurs débuts. On aurait pu s'en contenter, mais Disney a eu envie d'aller plus loin, confiant à Rob Marshall le soin de signer un quatrième opus. Et encore deux pour une seconde trilogie ?

Cet épisode 4, je l'ai découvert, au cinéma toujours, il y a tout juste deux semaines. Je lui trouve deux défauts: il est linéaire et bavard. Linéaire, ça veut dire que tout ce qui se passe est, sinon convenu, du moins largement prévisible. J'ai en fait eu la sensation de voir une succession de scènes d'action assez stéréotypées, entrecoupées de dialogues parfois d'une longueur un rien excessive. C'est un peu comme si nous ne connaissions pas encore les personnages: j'ai eu l'impression que le scénariste considérait que nous avions déjà oublié qui ils étaient. Pirates des Caraïbes s'adressant théoriquement aussi un public adulte, c'est un peu pénible. Même si, en faisant preuve d'un peu plus de mansuétude, je veux bien admettre que ça peut être une bonne chose pour le jeune public, très probable coeur de cible.

Parmi les choses qui changent, il y a le casting. Je vous l'ai déjà dit et vous l'avez reconnu: Johnny Depp, lui, est toujours là et je ne vois à vrai dire personne d'autre que lui pour jouer Jack Sparrow. L'acteur retrouve aussi son complice Geoffrey Rush, toujours "propre sur lui" dans la panoplie du capitaine Hector Barbossa. En revanche, exit cette fois Keira Knightley et Orlando Bloom: les grands rôles secondaires sont notamment tenus par une inattendue Penelope Cruz et Ian McShane, assez bons, mais pas tellement plus convaincants que leurs devanciers. Ce Pirates des Caraïbes est une déception, petite mais réelle, a fortiori pour ceux qui, comme moi, ont su aimer la première trilogie. Il se peut donc qu'il reste une occasion ou deux pour relever enfin le niveau: je pense que j'irai voir ce que ça donne. Je crains toutefois qu'à l'inverse du bon vin, cette histoire-là tourne vinaigre ou, en tout cas, ne se bonifie pas vraiment en vieillissant.

Pirates des Caraïbes 4 - La fontaine de jouvence
Film américain de Rob Marshall (2011)
Bon, OK, j'aurais peut-être dû faire les choses dans l'ordre logique pour chroniquer d'abord les épisodes 1, 2 et 3. En fait, cet opus peut très bien se voir pour lui-même, puisqu'il n'est pas une suite, mais plutôt la reprise d'un univers déjà constitué. Vous devriez retourner aux sources pour un peu plus de dynamisme et d'enthousiasme. Quant à moi, je pense préférer traîner du côté des (très) vieux films de pirates. Capitaine Blood ou L'aigle des mers, j'en ai quelques-uns avec Errol Flynn dont je vous parlerai sûrement un jour ou l'autre...

mercredi 29 juin 2011

Vivre à Téhéran

Une chronique de Martin

Il explique que l'idée du scénario lui est d'abord venue en discutant avec son frère de la maladie d'Alzheimer frappant son grand-père. Comme déjà les deux précédents, Asghar Farhadi est parvenu à faire parvenir jusqu'à nous son nouveau film, Une séparation. Interviewé par Le Figaro, le cinéaste iranien n'a pas voulu s'exprimer précisément sur la manière dont il a parfois su contourner la censure de son pays. Dans Libération, il était fait mention des difficultés subies lors du tournage, non pas à cause de son projet lui-même, mais parce qu'il avait osé prendre la défense de ses confrères exilés lors d'une cérémonie officielle. Découvrir ce cinéma, s'en faire l'écho ensuite, c'est aussi pour moi une manière de le soutenir un peu.

Une séparation porte-t-il bien son titre ? L'illustration que j'ai choisie est (volontairement) trompeuse. La toute première image nous met en présence de Simin et Nader, un couple aisé de Téhéran, décidé à divorcer. Décidé est en fait un grand mot: la jeune femme est parvenue à obtenir un visa et, alors que la date d'expiration approche, souhaite partir, tandis que son époux, lui, ne veut pas quitter le pays au risque de laisser seul son père atteint, vous l'avez compris, de la maladie d'Alzheimer. Je vous passe les détails: bien qu'ils aient ensemble une jeune fille, Termeh, le couple se sépare. L'homme recrute alors une aide-ménagère, Razieh, qu'il chassera bientôt sans ménagement. Une autre séparation, peut-être, en plus de celle qui délimite les classes sociales. Arrivera alors quelque chose, un drame absurde, qui va opposer les uns aux autres...

Plus qu'un brûlot politique, c'est un état des lieux de la société iranienne qui est proposé ici. Et, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il n'est guère encourageant: si les familles favorisées parviennent plus ou moins à s'en sortir, c'est assurément dans la négation absolue des premières libertés fondamentales. Les couches populaires, elles, ont à peine voix au chapitre, à l'image de cette pauvre servante fatiguée par la grossesse, et qui se sent obligée de téléphoner d'abord à un directeur de conscience avant de venir porter assistance au vieux monsieur dont elle a la garde. Une séparation peut couper le souffle, non pas par la beauté de ses images, mais bien davantage par la violence de son propos. Le plus étonnant est qu'en dépit même de très vives discussions et de situations tendues à l'extrême, il n'y a jamais de vrais cris. Tout au plus quelques larmes silencieuses. Comme le symbole ultime de vies sur le fil, toujours bridées.

Une séparation
Film iranien d'Asghar Farhadi (2011)
C'est avec À propos d'Elly, sorti fin 2009, que j'ai d'abord entendu parler de ce cinéaste, âge d'à peine 39 ans aujourd'hui. J'aimerais pouvoir découvrir cette autre production. Celle dont je vous ai parlé aujourd'hui restera dans l'histoire du cinéma mondial. Elle est repartie du dernier Festival de Berlin avec l'Ours d'or du meilleur film, un Ours d'argent pour toute la distribution masculine et un Ours d'argent encore pour chaque interprète féminine. Une décision dictée par une démarche politique, peut-être, mais qui ne doit pas faire oublier les grandes qualités du long-métrage sur le plan artistique. Dans le genre et de la même nationalité, je vous recommande également de (re)voir Les chats persans, de Bahman Ghobadi.

mardi 28 juin 2011

Pilule miracle

Une chronique de Martin

Bradley Cooper, ça vous parle ? C'est l'énième beau gosse des studios hollywoodiens. Pas encore assez connu pour être une star, mais suffisamment pour attirer l'attention et les premiers rôles qui vont avec. Dans Limitless, il joue Eddie Morra, un écrivain manqué, confit dans sa crasse et sa non-inspiration. Tout change de manière impromptue un jour où son ancien beau-frère, dealer de bas étage, lui fait cadeau d'une pilule de NZT-48, une drogue censée réveiller toutes les parties du cerveau laissées en friche. L'écrivaillon cède rapidement à la tentation. Pour le meilleur, sans doute oui, mais...

Limitless, c'est l'histoire d'une irrésistible ascension basée sur rien d'autre que du vent. Et qui, du coup, au premier souffle un peu fort, menace de s'écrouler. Pas folichon, mais sympa pour une soirée détente sans prise de tête inutile, ce film ne repose sûrement pas sur d'immenses performances d'acteurs - et même si un second rôle est confié à Robert de Niro, éternel mafieux sur le retour, ici pas forcément le plus malin. L'essentiel de ce long-métrage tient juste aux rebondissements du scénario et à l'illustration des névroses typiques du camé qui finit inévitablement par redevenir Eddie. Comment il s'en sortira (ou pas) ? Je vous laisse le découvrir seuls.

Revenons un instant à Bradley Cooper: l'acteur livre une composition intéressante de ce personnage ambigu. Je crois que la France pourrait s'être dénichée un nouvel ami américain - le mieux étant que, tout originaire de Philadelphie qu'il soit, l'intéressé parle plutôt bien le français pour avoir fait six mois d'études à Aix-en-Provence ! Limitless va-t-il être le point de départ d'une popularité croissante sous nos latitudes ? Peut-être. Je constate que la vingtaine de films tournés par cet autre Brad n'a pas toujours eu un retentissement significatif. Mais vu la manière dont le comédien éclipse cette fois ses différents partenaires, ça pourrait effectivement bien changer...

Limitless
Film américain de Neil Burger (2011)
Si on se souvient que le réalisateur a signé L'illusionniste, on peut ajouter qu'il change ici très nettement de registre. Avec un acteur dont l'expressivité rappelle parfois Nicolas Cage, ce nouveau film peut en évoquer quelques autres. Impossible de ne pas penser d'abord à Very bad trip, le récit bituré qui a fait la gloire première de Bradley Cooper. Références d'un calibre supérieur, on songera aussi à Fight club pour certains effets "spéciaux" et à Dans la peau de John Malkovich pour le côté "ma vie dans un autre corps". J'arrête là les comparaisons fallacieuses, avant d'en venir à citer Barry Lyndon pour l'aspect parvenu du personnage ou même Le bon, la brute et le truand pour l'immoralité. Faut pas déconner non plus...

lundi 27 juin 2011

L'amour sinon rien

Une chronique de Martin

Je suis souvent chambré pour ça, mais je revendique le droit d'aimer les petits films. L'agence est l'un de ceux que j'ai découverts dernièrement, au détour d'une simple soirée à la cool entre copains. Il raconte comment David Norris, jeune congressman américain parti pour être élu sénateur, rate finalement le siège promis et, le soir même de sa défaite, tombe amoureux d'une femme énigmatique rencontrée... dans les toilettes d'un grand hôtel new-yorkais. Début d'une bluette à l'américaine ? Non. En fait, le destin qui attend David est programmé, téléguidé par d'étranges individus chapeautés. Troupe qui parle d'un Plan de celui qu'on appelle le Grand Patron.

Bien qu'ancré dans la vie de tous les jours, le film part donc rapidement sur une intrigue décalée de la réalité. L'agence, ce sont ces drôles de types qui pourchassent David et la femme dont il s'est épris, simplement parce qu'ils veulent que l'avenir des tourtereaux soit tout autre que celui qu'ils ont choisi. La chasse à l'homme amoureux fonctionne d'ailleurs plutôt bien: à vous de découvrir maintenant ce qui arrive exactement, comment tout cela évolue progressivement vers l'étrange et s'achève finalement de manière inattendue. Encore une fois, bien que pas vraiment amateur d'histoires de ce type en règle générale, j'ai aimé celle-là, peut-être parce que, malgré son caractère tout à fait fantaisiste, elle repose sur un départ crédible et des rebondissements faciles à comprendre.

Simple elle aussi, la mise en scène permet de ne jamais décrocher. L'agence n'est jamais un film surprenant, mais c'est un scénario plutôt bien amené, dont Matt Damon joue honorablement le héros. La production n'a rien de clinquant: la plupart des autres comédiens restent pour moi de parfaits inconnus - à l'exception peut-être simplement de Terence Stamp et Michael Kelly, que j'avais déjà vus précédemment, sans savoir dire où exactement. Même Emily Blunt, la jolie fille de service, n'est pas une star d'Hollywood telle que peut l'être son partenaire masculin. Petit film, disais-je pour démarrer cette chronique. Le plaisir que j'y ai pris suffira pour vous conseiller de jeter au moins un coup d'oeil à cette sympathique production.

L'agence
Film américain de George Nolfi (2011)
Après la déferlante Inception, il est probablement difficile d'offrir une nouvelle fois au public un univers fantastique aussi abouti. Qu'importe: comme je l'ai dit plus haut, j'ai bien su apprécier ce film dans toute sa simplicité, côté scénario et côté effets. En regardant cet homme se battre contre la destinée que des inconnus voudraient lui imposer, j'ai aussi pensé à The Truman show. Ou à une version optimiste de Dark City. C'est vrai: le film du jour n'est pas vraiment à la hauteur de ces trois références. Cela ne m'a donc pas dérangé.

samedi 25 juin 2011

L'autre enfant sauvage

Une chronique de Martin

Le moins que l'on puisse dire, c'est que mon envie d'appréhender enfin le cinéma des frères Dardenne ne date pas franchement d'hier. Plusieurs raisons m'ont en fait poussé à découvrir Le gamin au vélo. D'abord le fait d'en avoir entendu parler lors du Festival de Cannes, ensuite celui de l'avoir vu couronné d'un Grand Prix du jury et enfin l'idée évoquée ici et là qu'il était leur oeuvre la plus lumineuse. J'espérais éviter un propos trop pessimiste, au moins pour débuter.

Pour ce que j'ai pu en lire par ailleurs, Le gamin au vélo reprend beaucoup des codes "dardenniens". Sans que cela saute forcément aux yeux, l'histoire se déroule dans leur pays: la Belgique. Il est question de gens ordinaires à qui la vie ne sourit guère. Rencontre avec Cyril, marmot sans mère et que son père abandonne en foyer. Têtu, le gosse refuse d'admettre qu'il ne reverra pas nécessairement son géniteur, se présente à son domicile, ne comprend pas qu'il soit parti et voudrait au moins récupérer sa bicyclette. Autant de raisons qui l'incitent à faire le mur au nez et à la barbe des éducateurs s'occupant de lui. C'est au cours d'une de ces nombreuses fugues que, rattrapé dans le cabinet d'un médecin, Cyril s'accroche à Samantha. Cette rencontre de hasard détermine la suite du métrage: l'enfant supplie la jeune femme de l'accueillir chez elle les dimanches et, contre toute attente, cette dernière accepte. Non sans, au préalable, l'avoir aidé à récupérer son moyen de transport à pédales...

Je n'ai pas l'intention de raconter toutes les petites histoires qui font la grande. Le gamin au vélo est un film simple, une tranche de vie portée par un formidable jeune comédien, Thomas Doret. Je ne sais finalement pas grand-chose de lui. J'ai simplement cru comprendre que les Dardenne lui ont offert son premier film et qu'il doit bien avoir le même âge que son personnage: 12 ans tout juste. Il est parfait dans son jeu: comme souvent les enfants, il ne semble en fait pas jouer, mais vivre, tout simplement. L'une des qualités premières de ce film, c'est justement de donner à ce petit inconnu l'opportunité d'exprimer des choses extrêmement différentes. L'intéressé s'en sort à merveille et incarne Cyril dans sa frénésie, son besoin de tendresse et ses inquiétudes. Face aux acteurs confirmés, il ne dépareille pas une seconde et il ne serait pas forcément exagéré de dire qu'il porte presque le film sur ses épaules. Encore convient-il d'ajouter qu'il est formidablement filmé, avec une caméra qui capte son mouvement comme s'il était réel. Ce n'est peut-être pas du grand cinéma, non. Mais, de manière incontestable, c'est du très bon cinéma.

Quelques mots maintenant sur les autres interprètes. Mention spéciale à Cécile de France, jolie comme toujours et touchante comme jamais. La jeune Namuroise a quelque chose qui la distingue de la fille de ciné lambda. Je trouve qu'elle mène vraiment admirablement sa carrière. Depuis ses débuts (2000) et sa révélation chez Cédric Klapisch, elle alterne avec beaucoup de justesse oeuvres "grand public" et films d'auteur: je pense - et j'espère bien - que nous n'avons pas fini d'en entendre parler. Il faut noter qu'elle est l'une des toutes premières vraies stars convoquées par les Dardenne. À ses côtés, les frangins ont choisi de rappeler un de leurs habitués, Jérémie Rénier qui, lui aussi, sait disposer son talent sur une palette d'émotions contrastées... à 30 ans seulement ! Enfin, dernier rôle fort, celui d'un petit caïd joué par Egon di Mateo, autre jeune Belge que j'ai découvert avec plaisir. Au-delà de tout ça, Le gamin au vélo, c'est aussi la mise en scène qui les met en valeur, d'une grande épure et scandée par quelques notes de musique, répétées de loin en loin comme pour marquer des chapitres. Une image écrite, une image sonore, aussi, et qui me donne d'ores et déjà envie d'en voir d'autres.

Le gamin au vélo
Film belge de Jean-Pierre et Luc Dardenne (2011)
Clin d'oeil à François Truffaut, le titre de ma chronique pourrait bien vous induire en erreur. La sauvagerie dont il est question n'est pas celle d'un gosse laissé à la nature, mais celle d'un enfant écorché vif, que la vie a blessé et qui a du mal à surmonter ses fragilités intimes. J'ai aimé ce premier regard sur le travail des Dardenne. Il faudra attendre avant que je vous livre une vision un peu plus exhaustive des autres pièces de leur filmographie. D'ici là, je n'ai pas d'idée d'autre film qui pourrait se comparer à celui-là. Peut-être bien La vie rêvée des anges, du Français Erick Zonca. Pour l'ambiance simplement, tournez-vous éventuellement vers un Ken Loach...

vendredi 24 juin 2011

Ghibli zen ?

Une chronique de Martin

Il est possible que je me sois inquiété pour rien. Il y a quelque temps déjà, j'avais lu un petit article cinéma évoquant la dissolution possible de Ghibli. L'idée évoquée était la transformation du studio japonais en un simple exploitant des oeuvres déjà produites, administré par une équipe réduite. Heureusement, les succès consécutifs, de Ponyo sur la falaise, puis d'Arrietty, le petit monde des chapardeurs, auraient changé la donne. Il ne semble plus être question de fermeture aujourd'hui. C'est plutôt rassurant. L'héritage pourra être préservé et la créativité se développer encore. Ouf !

Les admirateurs du senseï Hayao Miyazaki apprendront sûrement avec bonheur qu'à 70 ans, il plancherait sur l'un de ses vieux projets, une suite à donner à Porco Rosso. Je n'ai pas encore saisi l'occasion de voir le premier opus, sorti en... 1992 et récompensé au Festival du film d'animation d'Annecy l'année suivante. C'est peut-être partie remise. En attendant, une chose est sûre: même si je ne suis pas toujours fou des créations des Japonais de Ghibli, je suis heureux qu'ils puissent continuer à exercer. L'émerveillement reste possible. Comme une invitation qu'il est agréable de ne pas devoir décliner.

mercredi 22 juin 2011

Concentré de fierté spartiate

Une chronique de Martin

À l'instar du western, le péplum, genre classique du cinéma hollywoodien, revient périodiquement hanter nos cinémas. L'histoire du film dont je parlerai aujourd'hui avait déjà été portée à l'écran dans un long-métrage de 1962 au nom clair, net et précis: La bataille des Thermopyles. C'est pour en avoir une vision modernisée que j'ai eu envie de découvrir 300, remake tourné en images de synthèse, mais à partir des visages de vrais acteurs. Si le résultat obtenu reste graphiquement intéressant, il ne m'a pas tout à fait séduit. Le fait est que je n'en comprends pas l'utilité, sauf peut-être pour le muscle et les scènes les plus "agitées". Appelons ça une licence artistique...

Que Zack Snyder, dont je viens de rater le Sucker punch, ait réalisé ce film n'a en soi rien d'étonnant d'après ce que je connais l'univers du cinéaste. Ici, plus qu'un classique du septième art, il a choisi d'adapter un roman graphique de Frank Miller. Une façon de raconter comment, cinq siècles avant Jésus Christ, un groupe de Spartiates a vaillamment défendu la cité contre l'armée perse conduite par le roi Xerxès - lequel pourrait d'ailleurs être l'objet d'une suite, ce qui reste toutefois à confirmer. 300, c'est le nombre de ces soldats antiques, en très nette infériorité numérique face à l'ennemi. Un déséquilibre qui explique pourquoi le mythe s'est emparé de cette histoire.

Le fait est que tout ça offre potentiellement un très bon scénario. Pour autant, 300 m'apparaît comme une demi-réussite. L'apprécier suppose d'abord de dépasser le cap de la forme: si le côté "dessiné" du long-métrage vous déplaît, vous risquez fort de passer complètement à côté de ce qu'il raconte. Mais admettons désormais que cet aspect des choses ne vous rebute pas - ou que vous y soyez habitués grâce à Sin City, une autre adaptation de Frank Miller tournée selon le même procédé: vous pourrez alors vous concentrer sur le fond et passer un bon moment. À condition tout de même d'apprécier les 2-3 scènes de transition à la cour du roi spartiate Léonidas et de supporter une bonne dose d'hémoglobine virtuelle...

300
Film américain de Zack Snyder (2007)
À mi-chemin entre Gladiator et Braveheart: c'est là que je placerai le long-métrage d'aujourd'hui. Le fait est qu'il ne s'embarrasse guère de nuances et qu'il privilégie l'action à toute autre considération. C'est un choix acceptable. Parfois taxé de racisme latent, le film tient malgré tout la route, mais il lui manque un petit supplément d'âme. Moi qui ai toujours aimé les films en costume, je le trouve quelque peu désincarné. Et, à ce titre, quitte à voir un péplum récent, je crois que je préfère encore me tourner vers Alexandre. Bien que l'époque soit un peu moins ancienne, la longue fresque d'Oliver Stone met d'ailleurs aux prises les mêmes protagonistes.

mardi 21 juin 2011

Jungle et testostérone

Une chronique de Martin

C'est pour aller plus loin dans ma démarche de rattrapage des films cultes des années 80 que j'ai demandé à ce qu'on me prête Predator. De la série, je ne connaissais que le deuxième opus, vu au cinéma voilà facile quinze ans. Erreur de jeunesse, dira-t-on. Mais alors pourquoi avoir tenu à découvrir l'épisode qui l'avait précédé ? Simplement parce que j'avais envie d'évaluer à quel point il était novateur et combien toute idée de suite s'avérait dérisoire. Je peux désormais le confirmer: ce film se suffit largement à lui-même. Certes, son scénario peut laisser la porte ouverte à un prolongement de l'intrigue, mais ne le rend sûrement pas nécessaire. Je vous parle d'un temps où le cinéma aimait encore le non-dit, l'implicite...

L'idée de départ de Predator tient en quelques petites lignes seulement. Des personnalités, dont un ministre du gouvernement américain, ont été enlevées par un groupe de guérilleros guatémaltèques. L'armée envoie donc, de l'autre côté de la frontière, une équipe commando habituée aux missions sensibles. Les choses tournent mal quand les militaires arrivent sur site: l'assaut donné n'arrange rien, les otages ayant été abattus. C'est quand elle traverse la jungle dans l'autre sens que l'équipe est de nouveau attaquée. Invisible, son ennemi n'est rien d'autre... qu'un monstre de l'espace ! Le début d'une chasse à l'homme dont tous ne reviendront pas...

Avec Arnold Schwarzenegger en tête d'affiche, vous aurez compris que le film n'a rien d'une réflexion philosophique sur la communion entre les différentes espèces de la nature. S'il se déroule exclusivement en extérieur, Predator est bien le film que j'avais anticipé, bourrin et primaire. Il n'est cependant pas dépourvu d'intérêt et se distingue notamment par sa radicalité. Dialogues minimalistes, effets spéciaux un peu dépassés et action pétaradante et musclée à tous les étages. Rien qui fatigue les neurones durablement. Efficace: c'est le mot clé de cette mise en scène qui va directement à l'essentiel, sans s'embarrasser de scènes d'exposition. En ce sens, 24 ans après sa sortie, le long-métrage peut encore s'avérer agréable à suivre. Du bon gros fun qui tâche, si vous voulez.

Predator
Film américain de John McTiernan (1987)
Film des années 80 avec Schwarzy: le parallèle avec Terminator s'établit presque naturellement. Les affiches des deux projets sont d'ailleurs étonnamment semblables dans leur composition: plan serré sur le héros, son nom écrit en gros caractères et le titre en-dessous. S'ils racontent toutefois des histoires différentes, les deux métrages fonctionnent sur un ton comparable, où ce qui se passe prime largement sur ce qui se dit. Du côté des oeuvres avec une créature extraterrestre agressive, je dois toujours découvrir le premier Alien. Il faudrait aussi que je revoie The thing, de John Carpenter (1982). Avec d'autres références, possible que je réévalue un jugement d'abord assez négatif. À noter enfin que McTiernan, lui, aime vraiment les gros bras. Pour preuve, courant 1988, il sera le complice de Bruce Willis et l'auteur du premier film de la série Piège de cristal.

lundi 20 juin 2011

Une sucrerie coréenne

Une chronique de Martin

Je ne crois pas que Bunt ait été diffusé en France. Ce film fait partie d'une série de dix que j'ai dans un coffret édité par le Kofic, organisme chargé de promouvoir la culture coréenne dans notre pays. Il pourrait assurément trouver sa place dans la production pléthorique qui sort dans nos salles de cinéma chaque année - les distributeurs proposent actuellement autour de 600 longs-métrages par an. Personnellement, je le classerais dans la série des oeuvres familiales, pas antipathiques, mais pas destinées à marquer durablement l'histoire du septième art. À noter également qu'il s'agit du premier film de Gyu-tae Park. Un coup d'essai assez honorable.

Bunt raconte l'histoire de Dong-ku, un garçon d'une dizaine d'années qui vit seul avec son père. Le jeune écolier souffre d'un handicap mental: il peut suivre les cours, mais son prof refuse qu'il vienne passer des examens, craignant que ses résultats dénotent avec ceux de sa classe. Pour son bonheur, Dong-ku n'a qu'un "ami": une cruche qu'il ne quitte jamais et qui en fait, au sens propre, le porteur d'eau de ses camarades. Cette vie ordinaire s'enrichit quand le garçonnet intègre l'équipe de baseball locale. Elle se complique quand son père, modeste restaurateur spécialiste du poulet épicé, voit son bailleur tomber dans le coma, le fils de ce dernier oubliant le contrat signé...

À partir de ses éléments scénaristiques assez modestes, Park tisse un film tendre, mais plutôt convenu. Sans effort, on imagine vite comment tout cela va (bien) se terminer. Comme le papa de Dong-ku l'explique à son fiston, après la nuit, le jour se lève toujours. L'obscurité à laquelle fait face le duo est de fait relative: il n'y a certes pas de maman à l'horizon, mais Bunt n'est jamais un film dramatique. C'est potentiellement un film réconfortant, une sucrerie apte à donner du coeur à l'ouvrage à d'autres enfants, par processus d'identification. Le fait qu'elle vienne de Corée peut aussi la rendre attachante à nos yeux d'Occidentaux blasés. En fait, à vous de voir.

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Un avant-goût du reste...
Pour information, et puisque ça m'a été demandé en commentaire, j'ajoute qu'outre ce film et Epitaph de Shik et Byeong-shik Jeong, mon coffret coréen contient huit métrages encore inconnus de moi:
- The seashore village de Soo-yong Kim (1965)
- Man with three coffins de Jang-ho Lee (1987)
- Christmas in August de Jin-ho Hur (1998)
- Taxi blues de Dong-ha Choiha (2005)
- Like a virgin de Hae-young et Hae-jun Lee (2006)
- Milky way liberation front de Seong-ho Yoon (2007)
- Secret sunshine de Lee Chang-dong (2007)
- The show must go on de Jae-rim Han (2007)

J'ai évidemment bien l'intention d'en reparler un jour ou l'autre...

Bunt
Film sud-coréen de Gyu-tae Park (2007)
Sur le handicap mental, Rain man ou Le huitième jour sont beaucoup plus forts. Parmi les dix oeuvres de mon coffret, je vous ai également parlé d'Epitaph. On est bien loin ici de l'ambiance morbide imposée par ce film. Sans être aussi original, le scénario, lui, s'avère nettement plus limpide. Bref, que l'on soit coréen ou non, on a droit à une intrigue immédiatement compréhensible. Cette réelle qualité est aussi une limite: foncièrement réussi, le travail de Park passe relativement inaperçu. Aussitôt vu et presque aussitôt oublié...

jeudi 16 juin 2011

Un échange avec Jean-Pierre Améris

Propos recueillis par Martin

Plaisir: depuis le premier message, c'est à mes yeux le maître mot de ce blog. Plaisir de voir tous ces films, bien sûr, plaisir également de vous les présenter. Mais parce que je n'ai jamais pensé détenir seul la science infuse, et parce que j'ai jugé intéressant d'entendre la vérité des artistes, j'ai un beau jour eu l'envie de donner la parole à celles et ceux qui FONT le cinéma. Le premier que j'ai sollicité était Jean-Pierre Améris, réalisateur d'un film dont j'ai déjà parlé: Les émotifs anonymes. Il est entré dans le jeu et je l'en remercie. Voici le fruit de notre échange, à la fin du mois de mai dernier. Merci aussi à Anne Hermeline, qui a rendu cette interview possible.

Si je mets à part vos courts-métrages, sauf erreur, cela fait presque vingt ans que vous faites du cinéma. Comment êtes-vous devenu réalisateur et scénariste ? Comment présenteriez-vous votre carrière ?
Tout commence à l'adolescence. Vers 14/15 ans, je me suis pris de passion pour le cinéma. Il faut dire que la salle de cinéma, sans doute à cause de ma timidité, de mon mal-être adolescent, était l'endroit où je me sentais le mieux. C'était un abri, un refuge. J'aimais autant Les dents de la mer, les films fantastiques de Brian de Palma ou John Carpenter que les films plus anciens. C'était un éblouissement de découvrir les oeuvres de John Ford, Ingmar Bergman, Federico Fellini. Je suis devenu un vrai cinéphile, ce que je continue d'être aujourd'hui. En même temps, j'ai toujours eu l'envie de réaliser, de filmer. Adolescent, j'ai commencé à faire des films en super huit puis, à l'âge de 20 ans, mon premier court-métrage professionnel, Le retour de Pierre, suivi de deux autres, La visite et L'hôtel des cimes. Je vivais toujours à Lyon, je travaillais en intérim et tout l'argent que je gagnais servait à financer ces films. À 24 ans, je me suis dit qu'il était peut-être temps de "monter" à Paris, de me rapprocher du monde du cinéma. J'ai alors tenté le concours de l'IDHEC, l'ancêtre de la FEMIS, je l'ai eu et j'ai passé trois ans formidables à apprendre mon métier. Après l'école, j'ai encore réalisé plusieurs courts-métrages, dont Intérim, qui a obtenu le Grand Prix au Festival de Clermont-Ferrand, ce qui m'a donné un peu confiance. Je me suis alors lancé dans l'écriture de mon premier long-métrage, Le bateau de mariage, l'adaptation d'un premier roman de Michel Besnier, que j'ai tourné en 1992. Je vais bientôt avoir 50 ans et je me rends compte que cela fait donc 35 ans que je ne pense qu'à une chose: voir et faire des films. Une véritable obsession !

Vous tournez aussi pour la télévision. Le choix du support est-il à chaque fois possible ? Comment s'opère-t-il ?
Les films que je tourne pour la télévision sont aussi importants et personnels que les films de cinéma. Ce sont simplement des films dont il serait plus difficile de trouver le financement au cinéma ou qui auraient plus de difficulté à être distribués. Ainsi, pour Maman est folle, avec Isabelle Carré, je pensais le faire au cinéma, mais nous n'avons pas trouvé le financement et c'est finalement France 3 qui a accepté le projet. Cela n'a pas été une déception pour moi car, au final, je pense que le film a été davantage vu en passant à la télévision que s'il était sorti en salles. Je viens de tourner pour France 2 une adaptation de La joie de vivre de Zola, un sujet que j'avais en tête depuis vingt ans. Là aussi, je pense qu'il a davantage sa place à la télévision, de par son côté huis-clos, son intimisme. Il faut juste que les sujets se prêtent aux conditions de tournage d'un téléfilm, un temps de tournage moitié moins long que pour un film de cinéma, des moyens moindres, mais qui n'altèrent en rien la qualité du travail effectué. En revanche, un film comme Les émotifs anonymes serait impossible à faire en télévision, en raison du soin apporté aux décors et à la lumière, du nombre de lieux de tournage, de la présence de Benoît Poelvoorde. Pour conclure, disons qu'un téléfilm n'est en rien "un film au rabais" pour moi.

Parlons des Émotifs anonymes. Je crois avoir compris que le sujet vous était très "familier", si je puis m'exprimer ainsi. C'est ce qui vous a donné envie d'en tirer un film ?
C'est mon film le plus directement autobiographique, le plus intime, puisque je souffre moi-même d'hyper-émotivité depuis toujours. J'en ai eu l'idée il y a une dizaine d'années en allant moi-même aux réunions des Émotifs anonymes. En découvrant que j'étais loin d'être le seul à avoir des difficultés dans les relations aux autres, à devoir toujours surmonter la peur, le trac, je me suis rendu à l'évidence qu'il y avait là un sujet qui pouvait concerner beaucoup de gens. C'est ce dont j'ai eu la confirmation dans les nombreuses rencontres avec le public que j'ai faites. Je crois que nous sommes tous, plus ou moins, des émotifs. C'est un film que j'aurais été incapable de faire il y a dix ans, quand le problème était trop handicapant pour moi. Avec l'âge, on arrive à prendre un peu de recul et je me suis senti capable de traiter ce sujet avec une certaine légèreté, en voulant transmettre aux spectateurs quelque chose de positif. Leur montrer que l'on peut surmonter ses peurs.

Sur le scénario, vous avez travaillé avec Philippe Blasband, de nationalité belge, comme votre comédien principal, Benoît Poelvoorde, d'ailleurs. Pensez-vous que, du fait de ce "côté belge", le film ait un ton particulier ? Un humour "différent" ?
L'apport du scénariste Philippe Blasband est très important sur ce film. Durant toutes ces années au cours desquelles je songeais à ce film, j'avais accumulé une énorme matière, des souvenirs personnels, des histoires entendues aux Émotifs anonymes. Il m'a aidé à donner une forme à tout cela, à structurer une histoire. J'avais les personnages en tête, je savais que j'avais envie d'une vraie comédie romantique "à l'américaine", un genre que j'affectionne particulièrement. Je voulais que le film soit drôle car, lorsque vous êtes hyper-émotif, vous vous mettez dans des situations qui sont à la fois dramatiques et burlesques. Il m'a aidé en tout cela et c'est vrai que le film n'est pas départi d'un certain humour belge, souvent teinté d'absurde.

Pour le premier rôle masculin, votre choix s'est donc porté sur Benoît Poelvoorde. Isabelle Carré lui donne la réplique. Pourquoi eux ?
J'avais vraiment écrit le scénario en pensant à ces deux comédiens. J'avais donc déjà tourné Maman est folle avec Isabelle Carré et j'ai la chance d'avoir trouvé en elle un véritable alter ego, quelqu'un en qui je me reconnaissais, avec qui j'ai beaucoup de points communs. Elle est aussi une grande émotive et, pendant l'écriture, je me suis inspiré de son caractère. Par exemple, l'idée qu'Angélique chante une chanson de La mélodie du bonheur avant une situation qui l'angoisse vient d'Isabelle. C'est quelque chose qu'elle fait vraiment dans la vie. Benoît Poelvoorde s'est lui aussi imposé dès l'écriture. D'abord parce que c'est un grand acteur burlesque, c'est-à-dire qu'il est capable de traduire physiquement ses troubles intérieurs, comme autrefois Peter Sellers ou Buster Keaton, qu'il sait s'exprimer avec tout son corps. En même temps, je pressentais qu'il avait toute la fragilité, la force d'émotion que devait avoir le personnage de Jean-René. Les filmer tous les deux a été un grand bonheur, d'autant plus qu'ils ont une grande complicité, un grand respect l'un envers l'autre, ce qu'ils avaient déjà montré dans Entre ses mains d'Anne Fontaine. Je dirais que Benoît entraîne Isabelle vers le comique et qu'elle le pousse à aller vers l'émotion, ce qui crée, au final, une belle étincelle entre eux.

Un mot du reste de la distribution ? Lorella Cravotta apporte notamment une touche Deschiens à votre film. Que dire du reste de ce casting ?
Le film n'est pas naturaliste, c'est pourquoi, pour le reste du casting, je cherchais des comédiens qui possèdent quelque chose d'insolite. C'est le cas de Lorella Cravotta et aussi de Pascal Ternisien, le serveur du restaurant, lui aussi de la troupe des Deschiens, d'ailleurs. Ce sont des acteurs qui savent se passer de dialogues et tout exprimer par leur corps, leur regard, et faire naître le comique avec peu d'effets. Ce n'est pas un hasard si beaucoup d'acteurs des Émotifs anonymes viennent du théâtre comme Jean-Yves Chatelais, le veilleur de nuit, ou Claude Aufaure, qui joue M. Mercier. D'abord, c'est un plaisir de voir des acteurs que l'on ne voit pas trop souvent dans les autres films, et puis ils n'ont pas peur d'aller vers quelque chose de stylisé et de burlesque.

Que diriez-vous du film sur le plan technique ? Quels messages avez-vous voulu faire passer en dehors même du jeu des comédiens ? Les décors, par exemple, rappellent certains univers colorés de Jacques Demy. C'est voulu ?
Sur le plan esthétique, j'ai vraiment tenu à créer un "petit monde", le monde des émotifs. Quand on est hyper-émotif, angoissé par le monde réel, on a tendance à s'inventer un univers à soi, qui vous protège, vous rassure. Je voulais que le spectateur soit dans la tête des personnages, qu'il soit un peu "perdu", sans repères géographiques et temporels. On est dans la subjectivité des personnages qui voient le monde comme un petit théâtre, un peu étrange, sur la scène duquel ils n'osent pas jouer. Je voulais aussi que le film, dans ses décors, ses costumes, sa lumière, rende hommage et trouve sa source dans des comédies américaines des années 40 et 50 que j'ai toujours adorées, comme The shop around the corner de Lubitsch. Tous ces films de studios que j'adorais quand j'étais adolescent, justement parce qu'ils nous font plonger dans un univers dans lequel je me sentais à l'abri. Ce n'est pas pour rien si on pense aussi à Jacques Demy qui avait l'art de créer un monde bien à lui, stylisé, dans lequel on plongeait avec délice.

Le film dure à peu près 80 minutes, un format relativement court, mais qui fonctionne très bien. Cela était-il pour vous un choix que d'adopter une forme "resserrée" ?
J'ai toujours aimé faire des films assez concis. Le plus long est C'est la vie, qui dure 1 heure 50. Il faut dire aussi que Les émotifs anonymes est ma première comédie et que j'ai découvert, ce dont je me doutais bien, combien c'est un art difficile, qui ne supporte pas les redites et les longueurs. Dans sa première version de montage, le film faisait 95 minutes et nous en avons coupé quinze pour éviter justement toute répétition. La difficulté au montage était que le rythme devait être élevé et qu'en même temps, certaines scènes devaient jouer sur la durée pour bien traduire la gêne des personnages. C'est quelque chose que réussissait admirablement Blake Edwards, un cinéaste que j'admire et auquel j'ai beaucoup pensé pour ce film.

Sur l'émotivité, maintenant. Je suppose que vous avez vu que l'Américain Terrence Malick, qui a obtenu la Palme d'or il y a quelques jours, n'est pas allé recevoir son trophée en mains propres. C'est quelque chose que vous comprenez ?
Je le comprends tout à fait, même si, moi, dans la même situation, je serais allé recevoir le trophée ! J'ai un côté très bien élevé qui fait que je déteste me faire remarquer, fût-ce par mon absence, et que je me sens toujours obligé d'affronter ce qui me fait peur et de faire bien ce qu'il y a à faire. C'est mon côté "bon élève" !

Votre propre carrière est jalonnée par quelques prix, y compris cannois, d'ailleurs. Quelle importance leur accordez-vous ? Et la reconnaissance du public, est-elle aussi importante pour vous ?
J'ai obtenu des prix qui ont beaucoup d'importance pour moi, le Grand Prix pour Intérim à Clermont-Ferrand, donc, le Grand Prix de la Semaine de la critique pour Les aveux de l'innocent en 1996 et le Prix de la mise en scène au festival de San Sebastian pour C'est la vie, remis des mains de Claude Chabrol, un réalisateur que j'admire tout particulièrement. C'est à chaque fois un sentiment de reconnaissance pour votre travail qui fait du bien, qui fait plaisir. Mais cela ne calme en rien l'angoisse: tout est toujours à refaire à chaque nouveau film. Même si les prix et les bonnes critiques sont importants, rien ne remplace le retour des spectateurs. Pour Les émotifs anonymes, par exemple, j'ai eu beaucoup de lettres de spectateurs me remerciant car le film leur avait donné du courage, les avait déculpabilisés d'être trop émotifs. Ça, que le film compte dans la vie de certains spectateurs, c'est la plus belle récompense.

Que dire maintenant de vos projets ? J'ai notamment entendu parler d'une adaptation cinéma de L'homme qui rit, de Victor Hugo. Vous ne seriez pas le premier à reprendre cette histoire. En quoi vous a-t-elle intéressé ?
J'ai lu L'homme qui rit à l'adolescence et j'ai toujours rêvé d'en faire un film. C'est l'histoire d'un "monstre" et j'ai toujours été particulièrement ému par les histoires de monstres, que ce soit Elephant man de David Lynch ou Edward aux mains d'argent de Tim Burton. Je me suis toujours identifié à ces personnages et L'homme qui rit me permet de parler à mon tour de la différence physique, du regard de l'autre, tous ces thèmes qui sont déjà en germe dans mes précédents films. De plus, le roman de Victor Hugo, assez méconnu, est d'une actualité incroyable sur des thèmes comme la célébrité, la pauvreté ou les classes sociales. Même s'il y a eu une version américaine très belle de Paul Leni en 1928, un film muet, puis un feuilleton télé français dans les années 60, il me semble qu'il y a là une histoire qui mérite d'être racontée aux spectateurs d'aujourd'hui. Je crois que c'est notamment une histoire très romantique qui peut toucher les adolescents d'aujourd'hui.

Florence Pernel, qu jouait dans votre premier film, est aujourd'hui Cécilia Sarkozy dans La conquête, de Xavier Durringer. Pourriez-vous écrire et/ou tourner un film aussi "réel" ?
D'abord, je suis très heureux que Florence Pernel, qui est une merveilleuse actrice, retrouve une occasion de montrer son talent dans un film de cinéma, après avoir longtemps été cataloguée comme "actrice de télévision". En revanche, je crois que je ne saurais pas faire un tel film, où il s'agit de reproduire des personnages réels. Je préfère réinventer le réel à ma manière, ainsi que j'ai pu le faire dans des films comme Les aveux de l'innocent ou C'est la vie.

Une question sur vos goûts. Même si c'est sans doute difficile, si vous aviez quelques films à conseiller, quels seraient-ils ?
Je trouve qu'il y a toujours beaucoup de beaux films. Pour ces derniers mois, j'ai adoré Le discours d'un roi (un grand émotif !), Black swan, Animal kingdom et, tout récemment, Le gamin au vélo, qui m'a transporté.

Dans le même ordre d'esprit, espérez-vous que le cinéma ou la télévision vous offre une rencontre jamais faite jusqu'à présent ?
Mon souhait le plus cher est de tourner L'homme qui rit, avec Gérard Depardieu, avec lequel j'ai toujours rêvé de travailler.

Vous aurez donc 50 ans cette année. Est-ce que vous imaginez que ça puisse influencer d'une quelconque façon votre regard ?
J'ai du mal à réaliser que je vais avoir 50 ans ! Intérieurement, je me sens encore très proche de l'adolescent que j'étais. D'une façon générale, je me sens toujours un "débutant", quelqu'un qui a tout à apprendre et tout à faire dans son métier. Je suis toujours un peu surpris quand on me fait remarquer que je commence à avoir fait pas mal de films, que l'on me présente comme un "homme d'expérience". Je préfère garder ce regard de "débutant" sur la vie et sur mon métier, cette fraîcheur. Je refuse toute idée de savoir-faire. Chaque film est un recommencement: tout est à réapprendre à chaque fois. C'est sûrement pour cela que de grands cinéastes comme Alain Resnais ou Manoel de Oliveira restent d'éternels jeunes hommes et réinventent leur cinéma à chacune de leurs oeuvres.

lundi 13 juin 2011

L'hymne à la vie

Une chronique de Martin

La page blanche, Martin. Martin, la page blanche. Les présentations étant faites, il me faut désormais vous parler de The tree of life. Hasard ou coïncidence, le long-métrage de Terrence Malick, Palme d'or à Cannes cette année, est le centième film que je visionne depuis... la Palme de 2010, Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures. Ce texte, lui, est aussi la 500ème chronique de Mille et une bobines. J'espère qu'il vous encouragera à voir le film.

Mais comment parler intelligemment d'une oeuvre d'essence supérieure ? The tree of life n'est pas un film comme les autres. Voyez la bande-annonce: elle donne une petite idée de ce à quoi s'attendre, mais les images fixes que l'on peut dénicher ici et là, elles, n'illustrent qu'imparfaitement le travail de Malick. J'ai envie d'insister pour dire que ce travail se savoure d'abord sur grand écran. Je pense déjà que j'achèterai le DVD, mais crains de perdre beaucoup avec le format télé. Et si j'ai toutefois choisi d'ouvrir ma chronique sur l'image de ce petit garçon, Hunter McCracken, c'est que c'est lui qui m'a fait la plus forte et durable impression. Jack O'Brien est l'aîné d'une fratrie de trois: dans le film, il est aussi joué par Sean Penn, une fois bien sûr devenu adulte. La plupart des plans le montrent enfant, quand son cadet est encore en vie. On comprend aussitôt qu'un autre gamin est mort noyé et on vibre au deuil de cette famille. Et on vit la douleur intime de Jack, premier fils élevé par une mère d'une tendresse infinie et un père frustré, aimant mais violent, qui a préféré dresser ses gosses pour les préparer aux difficultés de la vie. Bon choix ? Mauvais choix ? Malick ne répond pas vraiment. Il semble porté sur la douceur, mais c'est peut-être bien une illusion du film. Une parmi beaucoup d'autres. Et alors simplement la plus visible.

En dehors même des espoirs qu'il a suscités et du fait qu'il s'est fait attendre presque éternellement, The tree of life a aussi su attirer l'attention pour les grands noms de son générique: Sean Penn, donc, mais aussi Brad Pitt, par ailleurs co-producteur. Anticiper un film hollywoodien serait une erreur. En fait, les stars parlent peu ou pas du tout. Elles sont, oui, presque réduites au silence. La réalisation s'intéresse avant tout au visuel et, dès lors, à l'expression des corps plutôt qu'au langage. Personnellement, j'y vois une preuve supplémentaire du grand talent des acteurs précités: savoir ainsi composer un personnage muet est autrement plus fort que de clamer des tirades bien senties. Pour le spectateur, ça peut s'avérer déroutant, je ne dis pas le contraire. Je pense simplement qu'il faut alors adopter l'attitude contemplative, ne pas attendre un scénario linéaire, profiter de la beauté des plans successifs et se laisser aller. Ce film est un kaléidoscope. Il renferme une certaine cohérence mais, pour l'appréhender, il faut admettre ce fouillis apparent. Et pour ça, dépasser les mots pour écouter les images. Le personnage de Brad Pitt tâche d'éduquer son fils: "Ne dis pas: je n'y arrive pas. Dis: c'est difficile, je n'ai pas encore terminé". Austère, sans doute. Mais efficace. Ce pourrait être Malick parlant de sa méthode.

Maintenant que je l'ai vu, je comprends en quoi The tree of life peut diviser. Maintenant que je l'ai vu, j'admets très bien que certains puissent ne pas l'aimer, voire rejeter totalement la forme adoptée par Malick. L'histoire d'homme que raconte le film n'est finalement que la partie émergée de l'iceberg, le versant éclairé d'une parole complexe. J'ai le sentiment qu'ici, le réalisateur a voulu concevoir une oeuvre sensorielle. Personnelle, aussi, sans doute. Elle lui parle et on peut espérer qu'elle nous parlera aussi. Ce n'est pas gagné d'avance. La multitude d'images ésotériques qui jalonnent l'ensemble du métrage va en laisser sur le bord du chemin. On garde d'ailleurs pour soi le droit de s'interroger sur ce que peuvent vouloir signifier ces volcans, ces océans et ces dinosaures. Ces cellules qui fusionnent et ces planètes qui explosent. Pour ma part, je me le suis parfois demandé, j'ai trouvé quelques réponses et, ensuite, j'ai laissé le film me guider là où il avait envie. J'avais bien l'intention de comprendre, mais je n'en avais pas forcément besoin. J'ai regardé, apprécié, ressenti, lâché prise. Et j'ai vu quelque chose de beau, simplement, auquel j'ai donc été sensible. Il ne faut pas nécessairement chercher plus loin le plaisir qui est là. C'est vite oublier l'émotion qui relie parfois la vie de tous les jours au plus impalpable de la réalité.

The tree of life
Film américain de Terrence Malick (2011)
Et maintenant, comme Pitt, Penn et Malick, je reviens au silence. Pas envie d'entrer dans le débat qui consiste à dire si la Palme d'or est méritée ou non. Je crois qu'elle l'est dans l'idée d'un cinéma absolu, d'un art qui pose des questions et ne répond pas à chacune. J'évite les comparaisons, même avec 2001, l'odyssée de l'espace, chef d'oeuvre de Stanley Kubrick que tout le monde a vu... sauf moi. Au moins ai-je donc une bonne raison supplémentaire de rattraper mon retard. Là, au moment où je tape ces lignes, j'ai surtout envie de découvrir le reste de la filmographie de Malick. Et de revoir ensuite cet arbre de vie, avec le recul de quelques autres années...

dimanche 12 juin 2011

Malick, chapitre six

Une chronique de Martin

Je vous ai déjà expliqué à quel point The tree of life, le dernier film de Terrence Malick, s'était fait désirer. Avant de vous dire également ce que j'en pense, je voulais publier cette première image issue de The burial (L'enterrement, en français), titre peut-être provisoire de la prochaine réalisation du même auteur. Le Palmé d'or 2011 n'en est pas à un paradoxe près: il a maintenu un long suspense sur son oeuvre actuellement en salles, mais, quand elle est sortie enfin, il avait terminé de tourner la suivante. Allez comprendre...

Le peu qu'on en sait aujourd'hui, c'est que The burial devrait réunir Ben Affleck et Rachel McAdams, ainsi que le suggère cette photo. Dans la distribution, on annonce Olga Kurylenko et Javier Bardem. Côté scénario, il serait question d'un mariage blanc et d'une relation de couple compliquée, malgré les conseils d'un prêtre, lui-même assumant mal sa propre destinée. Je n'en sais pas beaucoup plus et, à ce stade, je n'ai pas spécialement envie d'en connaître davantage. On verra bien le résultat quand il sera présenté dans les cinémas. Désolé, je n'ai même pas de date prévisionnelle à vous donner...

vendredi 10 juin 2011

Paris la vie, Paris l'amour

Une chronique de Martin

Regarder pour la première fois Les enfants du paradis, c'est prendre un risque important: celui d'être déçu. Vous me direz, la menace vaut pour toutes les oeuvres artistiques. Pas faux. Cela dit, il faut savoir qu'en 1995, à l'occasion du centenaire du cinéma, l'oeuvre mythique de Marcel Carné a été élue meilleur film français de tous les temps. Autant dire que la barre avait été placée très haut: m'y confronter pouvait donc légitimement m'inquiéter un peu, vous ne trouvez pas ?

Au final, si je ne me crois pas en mesure de valider un tel jugement de valeur, je dirai que j'ai beaucoup aimé Les enfants du paradis. Notons d'abord que le film a été tourné pendant la guerre, tournage qui a débuté en 1943, s'est interrompu et a repris pour une sortie effective en salles en 1945. La comédienne principale, Arletty, était d'ailleurs absente de la première, assignée à résidence qu'elle était pour avoir fréquenté un officier allemand pendant les années d'occupation. Ce contexte me paraît important pour apprécier réellement le travail accompli à sa juste valeur. Le long-métrage devrait d'après moi ne pas se résumer à une mise en scène inspirée sur un joli scénario de Jacques Prévert - et même s'il est aussi cela. Si j'ai aimé cette vieille production, c'est aussi parce que je trouve qu'elle offre du rêve et que j'imagine qu'à l'époque, bien de choses ont reposé sur des bouts de ficelle, des astuces pour faire ainsi face à la pénurie et aussi, osons-le dire, un certain courage pour endurer les difficultés de la guerre et réaliser une oeuvre d'une beauté romantique aussi absolue. Laissez-moi vous dire ce qui m'a touché...

L'histoire, d'abord: Les enfants du paradis vivent dans le Paris populaire de 1830. Ils sont pour la plupart saltimbanques. Il y a Garance, la femme, l'étoile lumineuse autour de laquelle gravitent plusieurs hommes: Deburau le mime, Lemaître le comédien, Lacenaire le bandit et de Montray l'aristocrate. C'est beaucoup, évidemment, et la grande modernité du film est de montrer d'abord une femme libre, qui, non seulement refuse de choisir, mais encore, visiblement, aimerait mieux vivre sa vie seule, au gré du vent. Maintenant, ce qui s'avère possible au milieu des artistes de la rue ne l'est pas si facilement dans la réalité quotidienne de la capitale sous la Restauration. Bien vite, l'ordre masculin vient régenter la vie de Garance: injustement accusée de vol, elle parvient à s'en sortir, mais une autre affaire lui amène des complications plus sérieuses. Elle s'en tire également, mais en renonçant à un peu de sa liberté. J'aime autant ne pas vous dire ce qu'il lui arrive exactement, histoire de préserver la surprise. Sachez juste que, de par l'arrière-plan historique du film, tout paraît réaliste et bien amené. Il y a là plus que de simples dialogues: un texte. Une vraie intrigue de roman.

Littéraire par nature, Les enfants du paradis n'en reste pas moins un film, je le dis sans hésitation. En fait, pour être exact, je devrais dire deux films. La durée totale du métrage dépasse très légèrement les trois heures: l'oeuvre se découpe donc en deux parties, "Boulevard du Crime" "et '"L'homme blanc'", la seconde se déroulant en réalité quelques années après la première. Cette cassure peut permettre d'apprécier le travail de Marcel Carné en deux temps, avec une pause au milieu ou en deux soirées, par exemple. La dramaturgie n'y perd rien et y gagne peut-être, sachant que la mise en scène s'inspire largement de celle du théâtre, un rideau se levant et tombant même deux fois sur les images. Ce visuel "à l'ancienne" déroute, parfois. Reste que je ne peux que vous inciter à le découvrir, si ce n'est pas déjà fait: cette pièce historique du septième art mondial n'a pas volé sa très flatteuse réputation. Porté (entre autres) par l'interprétation sublime d'Arletty, Pierre Brasseur et Jean-Louis Barrault, c'est réellement un véritable travail d'orfèvre, à l'évidence étudié, soigné, jusque dans ses plus petits détails. Pourtant, et même s'il a pu profiter de moyens colossaux pour l'époque, son financement reste probablement sans commune mesure avec celui dont bénéficient aujourd'hui les grosses productions. Il se dégage donc une ambiance de magie qui, passé le cap d'une intrigue à vrai dire un peu surannée, pourrait bien vous mettre des étincelles dans les yeux. J'espère pour vous ce résultat, fruit de la magie éternelle du cinéma.

Les enfants du paradis
Film français de Marcel Carné (1945)
Un smiley qui pleure, parce que, si on s'émerveille, c'est d'émotion. Après avoir longtemps, en tant que critique, joyeusement dézingué les créations du duo Carné/Prévert, François Truffaut avait admis finalement qu'il aurait échangé la totalité de ses films contre celui-là. C'est vous dire sa place dans le patrimoine cinématographique national. Je suis très heureux d'avoir vu ce film, même si je n'aime pas parler d'incontournable. Disons juste, en toute humilité, que j'ai passé un très bon moment, comme devant Les visiteurs du soir, oeuvre du même réalisateur. Si maintenant vous aimeriez retrouver un peu de cette ambiance, en couleurs cette fois, je conseille également Moulin rouge. Un peu plus jeune et quelque peu décalé, du fait probablement de sa nationalité, le film de John Huston livre une autre belle et notable vision du Paris artistique du 19ème siècle. Avec pour héros Toulouse-Lautrec, donc plutôt vers 1880-1900.

jeudi 9 juin 2011

Revenu du futur ?

Une chronique de Martin

Un petit mot pour marquer cette date d'une pierre blanche. Aujourd'hui, Michael J. Fox a 50 ans ! Le (jeune) héros de la trilogie Retour vers le futur peut s'amuser à constater qu'il n'est pas allé beaucoup plus loin au volant de la fameuse DeLorean. C'est d'ailleurs ce qu'il a fait dans une interview récente, relevant au passage que, contrairement aux prévisions et espoirs de Robert Zemeckis, l'homme n'avait toujours pas inventé de voiture volante. J'ajouterai personnellement: ni d'ailleurs de machine à voyager dans le temps. Faut-il le regretter ? Au cinéma notamment, c'est un tout autre débat.

J'éprouve une certaine admiration pour Michael J. Fox. Elle est presque toute entière contenue dans son personnage de Marty McFly, car je dois admettre que je n'ai souvenir d'aucun autre de ses rôles. J'ai cru comprendre que, en dépit d'une belle carrière, le comédien avait eu du mal à sortir de ce costume-là, en tout cas jusqu'à jouer dans la série Spin City, entre 1996 et 2001. Aujourd'hui, ce Canadien fier de l'être est surtout connu pour son combat contre Parkinson. Malade lui-même, il a créé une Fondation pour financer la recherche. Pour tout ça, je dis respect, merci... et bon anniversaire, Michael !

mardi 7 juin 2011

Baston !

Une chronique de Martin

Combien sont-ils, les amis à m'avoir conseillé de voir Fight club ? Impossible à dire. Je n'ai pas compté, mais ils sont assez nombreux. Il est vrai que j'ai pris le temps. Le pur hasard d'un tirage au sort dans ma collection a fait qu'il est devenu ma priorité, un soir du mois dernier. J'avais une certaine confiance a priori, grâce au réalisateur d'abord: jusqu'alors, j'ai toujours apprécié les films de David Fincher. Avec Brad Pitt et Edward Norton au générique, j'étais aussi en terrain familier. Et quand j'ai vu qu'il y avait aussi Helena Bonham Carter dans le casting, j'étais vraiment dans de très bonnes prédispositions.

Alors ? En un mot, je ne suis pas déçu. Je ne ferai pas de Fight club l'oeuvre incontournable de toute bonne DVDthèque, mais je l'ai vraiment apprécié. Une précision: le succès du long-métrage repose sans doute d'abord sur l'efficacité du bouquin éponyme dont il est tiré, signé Chuck Palahniuk. L'histoire est celle d'un jeune cadre d'assurance, insomniaque de son état, une sorte de victime satisfaite de la société de consommation. Quand son appartement explose à cause d'une fuite de gaz, Jack appelle un type qu'il a croisé dans un avion, Tyler Durden, officiellement représentant en savons. Et c'est là que démarre pour lui une autre vie, dans la contestation (violente et intégrale) de tout ce qui faisait la précédente...

Autant prévenir les âmes sensibles: Fight club reste, plus de dix ans après sa sortie, un film plutôt hardcore. Sa radicalité fondamentale fonde son impact: primaire, bestial parfois, mais toujours assumé comme tel. Un bon gros crachat à la face de l'Amérique contemporaine, mais à la fois quelque chose d'un peu plus compliqué que ça, le scénario ne me semblant pas porter de jugement définitif sur les êtres, laissant chacun libre de se placer - ou non - aux côtés de Jack et Tyler. Et puis, bien sûr, il y a dans tout ça autre chose qu'une vague critique sociétale: du cinéma et un rebondissement inattendu du scénario. Malheureusement pour moi, je le connaissais à l'avance et je n'ai donc alors fait qu'essayer de repérer les signes avant-coureurs (fort peu nombreux, il me semble). Une bonne partie du film repose sur cet élément fort et caché presque jusqu'à la fin. Autant vous dire que je ne le dévoilerai pas ici aujourd'hui. Non. Règle numéro 1 du Fight club: on ne parle du Fight club. Dixit Tyler. Voyez par vous-mêmes: il se peut que vous en restiez scotché.

Fight club
Film américain de David Fincher (1999)
Décidément, je n'ai pas d'idée de maillon faible dans la filmographie du cinéaste: tous ceux de ses films que je connais ont quelque chose de franchement réussi, dans la forme et dans le fond. Je ne crois pas qu'on puisse parler d'oeuvres consensuelles pour autant, mais, justement, du fait même qu'il prenne des risques, Fincher me semble un excellent créateur contemporain - voyez l'index des réalisateurs pour vous faire une petite idée du reste de son travail au cinéma. Maintenant, si vous voulez rester dans l'ambiance dont il est question ici, je vous conseille de voir (ou revoir) Shutter Island. Et vous prie de ne pas insister plus que ça pour que je vous explique pourquoi...