mardi 6 avril 2010

Frousse à handicap

Audrey Hepburn a 39 ans quand, courant 1968, elle annonce mettre un terme à sa carrière. L'année précédente, la comédienne a tourné ce qui aurait pu être son dernier film, Seule dans la nuit, produit par son mari d'alors, Mel Ferrer. Quelque temps plus tard, le couple divorce et la jeune femme met le septième art entre parenthèses. Une pause remarquée, d'autant qu'avant de se retirer des plateaux, elle est - une nouvelle fois - nominée à l'Oscar pour sa prestation dans la peau d'une aveugle. Las ! La statuette dorée tombe finalement dans l'escarcelle de son homonyme, Katharine Hepburn. Audrey, elle, s'absente près de dix ans: elle ne fera son come-back qu'en 1976 et, jusqu'en 1989, ne tournera plus que quatre films seulement, le dernier pour Steven Spielberg - j'y reviendrai un jour. Juste avant, elle avait donc prêté ses traits à un personnage étonnant et non-voyant. Un peu moins illustre que d'autres oeuvres de la filmographie "hepburnienne", ce thriller à l'ancienne n'est pas sans qualités, loin de là. Il y a quelque chose d'un certain Hitchcock dans la mise en scène de Terence Young et, d'abord, une bonne idée de départ. Tiré d'une pièce de théâtre, le film repose essentiellement sur un huis-clos tendu où l'infirmité de l'héroïne favorise les desseins crapuleux d'une bande de malfrats dépourvus de scrupule. Glaçant !

Pour dire deux mots de plus, sachez que les dangereux individus s'introduisent chez Susy Hendrix/Audrey Hepburn. Leur objectif: récupérer une poupée dans laquelle a été introduite de la drogue ! Mais plutôt que d'employer la manière forte, les mauvais garçons jouent au contraire la carte de la douceur. Leur victime est aveugle ? Tant mieux ! Il sera moins difficile de la duper, pensent-ils évidemment. Et de fait, si le scénario marche aussi fort, c'est bien parce qu'il repose avant tout sur la manière dont un esprit pervers peut tirer partie de la faiblesse irréversible d'un être amoindri. Seule dans la nuit a ceci de particulier que ses personnages nuisibles cachent leur jeu et se présentent à l'héroïne comme des amis possibles. Une scène introductive nous montre que la menace est bel et bien là, sous les masques. L'intelligence de cette histoire est bien de concerner une pauvre femme qui n'a - et ne peut même avoir - aucune conscience du danger qu'elle encourt. Sauf que c'est oublier un peu vite qu'une aveugle compense sa cécité en développant d'autres sens, ce qui lui sera bien utile dans sa compréhension progressive des choses et, au final, pour sa protection. Bon, je crois que j'en ai assez dit, sur le plan de l'enjeu dramatique, en tout cas...

Seule dans la nuit est, j'ai trouvé, d'une redoutable efficacité narrative. Même si la forme a un peu vieilli, le fond est tout à fait moderne et emballant. Premier atout: tous les acteurs sont bons. Constat d'évidence pour la belle Audrey, qui casse là son image habituelle de fragilité. Les comédiens qui l'entourent jouent certes une toute autre partition, mais le font en parfaite harmonie: citons Alan Arkin, qui interprète un tueur psychopathe et s'avère particulièrement crédible. En bonus DVD, l'intéressé raconte même avoir eu du mal, inquiet à l'idée de donner quelques émotions fortes à sa partenaire. Près de quarante ans ont passé: on peut se dire désormais que la fin justifiait les moyens. J'ai pour ma part pris beaucoup de plaisir à découvrir ce long métrage... à l'aveuglette, simplement sur la foi d'un article lu de manière inopinée. J'envie ceux qui ont eu l'opportunité de le voir au cinéma: pour renforcer l'ambiance d'une des scènes finales, le réalisateur a volontairement plongé l'action dans l'obscurité la plus complète. J'imagine volontiers que l'effet était encore plus saisissant en salles ! En l'état, l'ensemble reste d'une assez belle tenue et n'a en tout cas rien à envier d'essentiel à d'autres productions modernes. Au contraire: voilà encore une belle illustration du fait que le septième art d'hier peut aisément soutenir la comparaison avec celui d'aujourd'hui.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Merci d'avoir mis en avant ce film d'Audrey Hepburn beaucoup moins connu du grand public.
Interprétation magnifique pour un rôle difficile par cette étoile du cinéma.

Je lui rend aussi hommage sur mon blog
http://blogoth67.wordpress.com/2010/03/22/eternelle-etoile/

J'adore le titre "Mille et une bobines"