mardi 27 octobre 2009

Back in the USSR

Ce soir, la chronique d'une nouvelle fiction inspirée de la réalité: L'affaire Farewell, qu'il est peut-être encore possible de découvrir au cinéma. Pour commencer, je résumerai l'intrigue: au tout début des années 80, Pierre Froment, ingénieur français installé à Moscou, mène la vie rangée d'un expatrié sans histoires. Sans pourtant être amené à fréquenter les mêmes cercles, le jeune homme fait un jour la connaissance d'un dénommé Sergueï Grigoriev, qui se présente comme une personnalité haut placée au KGB. Le Moscovite s'incruste alors rapidement dans les affaires du Parisien, dans un but précis: lui fournir des documents confidentiels issus de l'espionnage soviétique, afin qu'ils soient transférés aux responsables des services secrets occidentaux, et que ces derniers puissent enfin prendre conscience de la menaçante efficacité de leurs homologues à l'est. D'abord sceptique, ensuite réticent, Froment finit par se prendre au "jeu". Une complicité - à tous les sens du terme - apparaît progressivement entre lui et Grigoriev. Bien sûr, plus ils se parlent, plus ils se mettent en danger, mais, une fois lancés, les deux hommes ne tiennent plus franchement compte de cet aspect des choses. Ce lent crescendo vers l'inconnu, c'est la substance du scénario de Christian Carion...

Quelques années après son Joyeux Noël, le réalisateur français signe ici un autre film à vocation internationale. Sans emphase, le cinéaste parvient à retranscrire de manière crédible une situation réelle, faits historiques qu'il accommode à sa façon pour leur donner une allure cinématographique. Je dois dire sans plus attendre qu'à mes yeux, c'est réussi. En se détachant de la stricte réalité du passé, on connaît un très bon moment à suivre l'aventure de ces deux hommes, comme on pourrait d'ailleurs le faire d'une anecdote totalement imaginaire. Personnellement, avant mes recherches d'après ma sortie cinéma dominicale, j'ignorais tout de Vladimir Vetrov et Jacques Prévot, personnages pourtant on ne peut plus réels qui ont donc inspiré ceux de Grigoriev et Froment. C'est simple: je n'avais JAMAIS entendu parler d'eux et, en toute logique, pas davantage de ce qui leur est arrivé. Encore un film didactique, me direz-vous ? Peut-être bien. Cette fois encore, je ne dirai toutefois pas que c'est là un défaut, même si je peux admettre que le ton général du long métrage paraisse trop explicite à certains. Je ne pense pas qu'on puisse dire qu'il y a du suspense dans L'affaire Farewell. On peut très vite imaginer comment tout cela va se terminer et l'une des versions auxquelles on pensera alors est évidemment la bonne. Reste à dire que les choses sont amenées de manière relativement convaincante.

Cette crédibilité du film tient à plusieurs facteurs. D'abord, et je dois dire que c'est un aspect du travail de Christian Carion que j'apprécie particulièrement, le film est tourné en plusieurs langues, et donc sous-titré quand c'est nécessaire. En clair, les Français parlent français, les Russes russe et les Américains américain. C'est aussi simple que ça. Ensuite, il y a l'image, avec un Moscou de guerre froide plutôt convaincant, et des acteurs-sosies pour certains rôles secondaires, mais importants: le trio Mitterrand-Reagan-Gorbatchev. Enfin, il y a bien sûr les deux comédiens principaux: Guillaume Canet dans le rôle de Froment et Emir Kusturica dans celui de Grigoriev. Les deux s'en sortent parfaitement bien. Le jeune Français joue vraiment honorablement sur les deux tableaux: celui du brave type dépassé par les événements, puis celui de l'apprenti espion finalement grisé par ses découvertes. Quant au Serbe, sa carrure massive, son accent et la sobriété de son jeu collent parfaitement bien à son personnage, tout de révolte et d'angoisse contenues. L'affaire Farewell ne restera pas forcément comme l'oeuvre d'espionnage à voir absolument. J'en fais toutefois un de mes coups de coeur de l'année, car j'estime avoir vu exactement le type de film que j'espérais voir. Qu'il ait été réalisé par un cinéaste français, c'est d'ailleurs un joli bonus. La cerise sur la vatrouchka, en quelque sorte !

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