vendredi 30 octobre 2009

Perdu dans ses calculs ?

Le fait de m'être promis de parler sur ce blog de l'ensemble des films que je peux voir (ou revoir) m'amène à évoquer une nouvelle fois l'Oscar du meilleur long métrage 2002, Un homme d'exception, déjà chroniqué ici en juin 2008. J'imagine que ce sera juste un peu plus court que la première fois. Commençons donc par vous remettre l'intrigue en mémoire: inspiré de sa biographie, le scénario suit quelques années de la vie de John Nash, étudiant mathématicien dans la prestigieuse université américaine de Princeton. Du genre obsédé par l'idée de comprendre comment fonctionne le monde dans toute sa complexité, le jeune homme est moqué pour ses lubies, qui n'ont même pas l'avantage d'attirer l'attention de ses profs. Et ce jusqu'au jour où un mystérieux personnage l'invite à déchiffrer plusieurs messages codés soviétiques et rendre service à son pays...

Ainsi que je l'ai dit il y a bientôt un an et demi, Un homme d'exception n'est pas facile à résumer, parce qu'il est pour ainsi dire impossible à raconter. Je vous ai certes dit quelques mots du point de départ. Si j'entre dans le détail de ce qui arrive ensuite, je trahis assurément quelque chose d'important. Le mieux pour vous serait franchement de regarder le film pour comprendre (presque) aussitôt ce qu'il a de foncièrement original et que je ne peux assurément pas dévoiler ici. Je ne peux dire qu'une chose: ce qui ressemble à un film d'espionnage n'en est pas vraiment un, ou alors pas seulement. Chut ! Je vous assure qu'il faut absolument que je m'en tienne là. Hors de question de vous à gâcher la surprise du premier regard...

Chronique terminée ? Non, car je peux aussi admettre ma déception relative après avoir vu l'oeuvre de Ron Howard une deuxième fois. Objectivement, il m'a semblé qu'elle fonctionnait déjà moins bien quand on sait ce qu'elle recèle. Attention: je n'irai pas jusqu'à dire désormais que j'ai fondamentalement changé d'avis sur sa qualité première. Je peux même assurer qu'à ma connaissance, il n'y a pas beaucoup d'autres films qui ont pour thématique ce dont parle plutôt habilement Un homme d'exception. J'ajouterai qu'en dépit même d'un formalisme très américain, le neveu de Walt Disney sait manier sa caméra et que ses acteurs - au premier rang desquels figurent Russel Crowe, Paul Bettany et Jennifer Connelly - sont plutôt bons. Bref, il y a un bon moment à passer à découvrir ce long métrage. Mais peut-être pas deux en le revoyant, voilà tout.

Pour en apprendre davantage...
Je vous laisse relire ma première chronique sur le film.

mardi 27 octobre 2009

Back in the USSR

Ce soir, la chronique d'une nouvelle fiction inspirée de la réalité: L'affaire Farewell, qu'il est peut-être encore possible de découvrir au cinéma. Pour commencer, je résumerai l'intrigue: au tout début des années 80, Pierre Froment, ingénieur français installé à Moscou, mène la vie rangée d'un expatrié sans histoires. Sans pourtant être amené à fréquenter les mêmes cercles, le jeune homme fait un jour la connaissance d'un dénommé Sergueï Grigoriev, qui se présente comme une personnalité haut placée au KGB. Le Moscovite s'incruste alors rapidement dans les affaires du Parisien, dans un but précis: lui fournir des documents confidentiels issus de l'espionnage soviétique, afin qu'ils soient transférés aux responsables des services secrets occidentaux, et que ces derniers puissent enfin prendre conscience de la menaçante efficacité de leurs homologues à l'est. D'abord sceptique, ensuite réticent, Froment finit par se prendre au "jeu". Une complicité - à tous les sens du terme - apparaît progressivement entre lui et Grigoriev. Bien sûr, plus ils se parlent, plus ils se mettent en danger, mais, une fois lancés, les deux hommes ne tiennent plus franchement compte de cet aspect des choses. Ce lent crescendo vers l'inconnu, c'est la substance du scénario de Christian Carion...

Quelques années après son Joyeux Noël, le réalisateur français signe ici un autre film à vocation internationale. Sans emphase, le cinéaste parvient à retranscrire de manière crédible une situation réelle, faits historiques qu'il accommode à sa façon pour leur donner une allure cinématographique. Je dois dire sans plus attendre qu'à mes yeux, c'est réussi. En se détachant de la stricte réalité du passé, on connaît un très bon moment à suivre l'aventure de ces deux hommes, comme on pourrait d'ailleurs le faire d'une anecdote totalement imaginaire. Personnellement, avant mes recherches d'après ma sortie cinéma dominicale, j'ignorais tout de Vladimir Vetrov et Jacques Prévot, personnages pourtant on ne peut plus réels qui ont donc inspiré ceux de Grigoriev et Froment. C'est simple: je n'avais JAMAIS entendu parler d'eux et, en toute logique, pas davantage de ce qui leur est arrivé. Encore un film didactique, me direz-vous ? Peut-être bien. Cette fois encore, je ne dirai toutefois pas que c'est là un défaut, même si je peux admettre que le ton général du long métrage paraisse trop explicite à certains. Je ne pense pas qu'on puisse dire qu'il y a du suspense dans L'affaire Farewell. On peut très vite imaginer comment tout cela va se terminer et l'une des versions auxquelles on pensera alors est évidemment la bonne. Reste à dire que les choses sont amenées de manière relativement convaincante.

Cette crédibilité du film tient à plusieurs facteurs. D'abord, et je dois dire que c'est un aspect du travail de Christian Carion que j'apprécie particulièrement, le film est tourné en plusieurs langues, et donc sous-titré quand c'est nécessaire. En clair, les Français parlent français, les Russes russe et les Américains américain. C'est aussi simple que ça. Ensuite, il y a l'image, avec un Moscou de guerre froide plutôt convaincant, et des acteurs-sosies pour certains rôles secondaires, mais importants: le trio Mitterrand-Reagan-Gorbatchev. Enfin, il y a bien sûr les deux comédiens principaux: Guillaume Canet dans le rôle de Froment et Emir Kusturica dans celui de Grigoriev. Les deux s'en sortent parfaitement bien. Le jeune Français joue vraiment honorablement sur les deux tableaux: celui du brave type dépassé par les événements, puis celui de l'apprenti espion finalement grisé par ses découvertes. Quant au Serbe, sa carrure massive, son accent et la sobriété de son jeu collent parfaitement bien à son personnage, tout de révolte et d'angoisse contenues. L'affaire Farewell ne restera pas forcément comme l'oeuvre d'espionnage à voir absolument. J'en fais toutefois un de mes coups de coeur de l'année, car j'estime avoir vu exactement le type de film que j'espérais voir. Qu'il ait été réalisé par un cinéaste français, c'est d'ailleurs un joli bonus. La cerise sur la vatrouchka, en quelque sorte !

samedi 24 octobre 2009

Thriller inabouti

Il faut reconnaître à Fred Cavayé un certain culot. Le réalisateur français, 42 ans en décembre prochain, s'est offert un casting classieux pour son tout premier long métrage, sorti l'année dernière et que je viens de découvrir en DVD: Diane Kruger et Vincent Lindon sont les deux personnages principaux de Pour elle. Cela dit, l'audace d'un cinéaste ne tient pas seulement au choix de ses acteurs, mais aussi, bien sûr, à ce qu'il leur fait jouer. Ici, un couple très amoureux est soudainement séparé quand la femme est accusée de meurtre. Refusant de croire à la culpabilité de son épouse, le mari va rapidement réfléchir... à la manière dont il pourrait la faire évader !

Erreur judiciaire ou méconnaissance de l'autre ? Pour elle aurait pu jouer sur ce sombre tableau. Pas de chance: le film évacue rapidement l'hypothèse d'une injustice, en la confirmant aussitôt. L'une des premières scènes d'après le générique est un flash-back montrant que Julien-Vincent a bien eu raison d'avoir gardé confiance en Lisa-Diane. Ces images et celles qui les précèdent immédiatement scotchent au fauteuil: dès le début du long métrage, on est vraiment sous tension, projeté dans une ambiance de série noire, mi-violente mi-désespérée. Sans accepter forcément leurs réactions, on se sent proche de ces personnages ordinaires victimes d'une grave méprise. C'est après que, d'après moi, les choses se gâtent quelque peu...

En fait, et alors qu'il était pourtant bel et bien parti sur un rythme intéressant, Pour elle s'emberlificote un peu trop vite dans le fil blanc d'un scénario somme toute convenu. Séquence 1: Julien s'isole petit à petit et échafaude son plan. Séquence 2: le brave homme renoue avec une famille qui ne le comprend pas et tente de le faire renoncer. Séquence 3: au fond de sa cellule, Lisa dépérit à vue d'oeil et, au fil de sordides visites sous les néons pénitentiaires, perd ainsi toute l'affection de son fils. J'exagère un peu: il n'y a assurément pas que du mauvais dans cette histoire-là. Seulement, on sent nettement que c'est un premier film, habilement réalisé, certes, mais plutôt imparfaitement abouti. J'accorderai d'autres chances à Fred Cavayé. Mon regret ici, c'est que son aplomb initial ne tienne jusqu'au bout. L'idée m'est venue que le tout aurait gagné en intérêt s'il avait osé laisser le couple se disloquer. Sa conclusion n'est pas ridicule, mais sous sa forme de relatif happy end, elle m'a semblé un peu artificielle.

mercredi 21 octobre 2009

Résistants

Au départ, mon idée, c'était en fait d'aller voir les deux films récents qui parlent de la seconde guerre mondiale, et tout d'abord celui proposé par Quentin Tarantino, Inglourious Basterds. J'y ai réfléchi et me suis aperçu que les oeuvres de l'Américain avaient presque toujours pour moi un certain attrait, même si j'ai en général été déçu par celles que j'ai effectivement découvertes. Bref. J'ai préféré tempérer mon impatience. Et après de longs atermoiements, j'ai (provisoirement ?) renoncé à mon projet de cinéma "double dose". Et je suis donc directement passé au second épisode de mon diptyque improvisé, en assistant à une projection de L'armée du crime, film français signé Robert Guédiguian. Bien sûr, je ne m'attendais absolument pas à y retrouver un style d'inspiration "tarantinesque". Ce qui me poussait au départ à vouloir voir les deux, ce n'était pas l'envie de les comparer, mais au contraire celle de constater combien et jusqu'à quel point ils pouvaient être dissemblables. Oui, je savais d'avance que le traitement de ces faits, tous plus ou moins inspirés par la réalité, serait bien différent d'un côté et de l'autre. Disons alors qu'au final, j'ai choisi de privilégier le réalisme, sans oublier que le cinéma n'est jamais au mieux qu'une certaine représentation de la réalité, plus ou moins fidèle en fonction de la licence artistique que s'octroient les créateurs et, bien sûr, du talent de chacun.

Ce qui peut être noté d'emblée au sujet de L'armée du crime, c'est justement que, derrière la caméra, Robert Guédiguian a voulu aborder son sujet dans une démarche d'honnêteté et d'humilité louable. Il précise explicitement avoir pris des libertés afin de servir la dramaturgie de son long métrage, afin que ce dernier puisse avoir un impact plus fort sur le public. Que raconte-t-il ici ? La destinée d'un groupe de résistants à Paris, années 1942-43-44. Des hommes surtout, mais aussi quelques femmes, quelques Français mais aussi et surtout des étrangers, qui n'ont finalement jamais pu se résoudre à plier sous le joug nazi et ont donc, non sans grands états d'âme pour certains, entrepris de répliquer à la violence par la violence. Très vite, j'ai envie de dire fatalement, l'efficacité des propagandes hitlérienne et vichyssoise a fait une bande de métèques à la solde d'intérêts étrangers de ce groupe de jeunes gens aux motivations extrêmement différenciées. Bien évidemment, après quelques mois d'activité, ils ont été arrêtés, torturés et exécutés. Et puis, parce que le temps passe et que l'histoire a fini par basculer dans le sens opposé, ils ont fini par être considérés comme des héros nationaux. Au fond, je pense qu'ils étaient simplement des gens ordinaires. Comme les autres. Des êtres qui ont "juste" réagi de manière exceptionnelle à des circonstances exceptionnelles. Ils n'en méritent pas moins qu'on se souvienne d'eux, parce que beaucoup sont morts pour "une certaine idée de la France". Six mois avant la Libération.

Alors, bien sûr, beaucoup disent que le film est trop didactique. Franchement, je m'interroge: serait-ce véritablement un défaut ? Cette réalité ne mérite-t-elle pas d'être rappelée ? Je l'avoue honnêtement: même si j'avais de très lointains et épars souvenirs relatifs à cette page d'histoire, je l'avais aussi largement oubliée. J'ai donc bel et bien apprécié qu'elle me soit remise en mémoire. Inglourious Basterds m'aurait (peut-être) diverti. L'armée du crime m'a intéressé et éduqué: c'est probablement mieux. Je n'oublie pas pour autant que je ne suis pas allé voir un documentaire, mais bien un film de fiction. Et très franchement, sur le strict plan cinématographique, j'estime que le long métrage est tout autant pétri de qualités. Je concède que la mise en scène est un peu académique, mais ça non plus, ce n'est pas pour moi un défaut. L'image est très belle - mention particulière pour de superbes scènes de nuit. La reconstitution du Paris des années 40, elle, m'a semblé parfaitement crédible. Quant aux comédiens, chacun dans un rôle assez "typé", ils donnent beaucoup de corps à ces personnages. Aucune fausse note sur ce point: c'est même étonnant de constater grâce au casting que beaucoup de ces résistants n'étaient au fond que de très jeunes adultes, voire simplement de "vieux" adolescents. Et j'aime beaucoup le propos du cinéaste, qui a expliqué avoir réalisé ce film, non pas pour que l'on réfléchisse ensuite à ce que l'on aurait fait à leur place, mais pour qu'on pense à ce qu'on pourrait faire aujourd'hui. C'est engagé, bien sûr, peut-être même communiste d'une certaine façon, comme l'indique l'auteur. Mais je crois effectivement que c'est là une question qui mérite d'être soulevée...

lundi 19 octobre 2009

Pour l'Espagne !

Je ne suis pas loin de penser qu'aux yeux de certains cinéphiles, Charlton Heston reste désormais fatalement associé au militant armé qu'il fut à la fin de sa vie. Certains esprits polémistes pourraient même bouder ses films sur ce seul prétexte, à mon avis. Ce serait dommage, je trouve, car l'acteur peut aussi légitimement prétendre au statut de monstre sacré d'Hollywood, même s'il n'a jamais été l'un de ces jeunes premiers, remarqués pour leur beauté. J'ai trouvé malgré tout qu'il avait une certaine classe sur cette image, tout droit issue d'un film d'Anthony Mann, Le Cid, adaptation très libre (libérée ?) de la tragédie de Pierre Corneille. Sorti en l'an de grâce 1961, ce long métrage de près de trois heures peut être présenté comme l'une des dernières créations du réalisateur américain, connu comme auteur de très nombreux westerns. Dans la filmographie complète de son acteur principal, elle arrive au contraire assez tôt, même si l'intéressé tourne déjà depuis vingt ans ! Sa prestation réussie ne lui vaudra aucune récompense particulière, mais plaira tout de même à ceux qui, comme moi, apprécient les fresques pseudo-historiques en Technicolor. Qu'importe au fond l'écrit cornélien: les images de Mann sont flamboyantes, son film suffisamment épique pour passer un bon moment à le regarder. Franchement, en grand amateur du genre, je me suis régalé !

Pour ceux qui l'ignoreraient encore, précisons que l'intrigue ramène dans le passé, et plus précisément dans l'Espagne du 11ème siècle. Chrétiens et mahométans y vivent en assez bonne harmonie. La paix civile est toutefois précaire, contrariée par les volontés bellicistes d'un dénommé Ben Youssouf, chef arabe basé en Afrique du Nord. Ses prétentions sur les cités ibériques s'appuient sur le fanatisme religieux, ce qui a pu être lu à l'époque du film, comme une allégorie de la menace communiste. Je ne sais pas si j'irai jusque là. Pas ici. Ce qui est clair, c'est que c'est possible, mais pas flagrant du tout quarante ans plus tard. Peut-être est-ce notre regard qui a changé, peut-être est-ce aussi qu'au fond, sauf à faire un cours d'histoire cinématographique, tout cela n'a plus forcément d'importance. Honnêtement, je vous dirai que j'ai voulu regarder Le Cid un samedi après-midi et qu'alors, je n'avais pas une envie folle de me pencher sur un éventuel message sous-jacent. Je l'ai dès lors considéré comme un divertissement, au tout premier degré, en fait comme l'un de ces grands spectacles ancrés dans leur époque, à grands renforts d'héroïsme et de bons sentiments. J'avoue: j'admire toujours autant ces grosses productions, leurs décors, costumes et figurants, et enfin l'aspect mythique de leurs stars - n'oublions pas ici la belle Sophia Loren dans le rôle de Chimène ! Et j'ai toujours l'impression que de tels films n'existent plus et la petite nostalgie qui va avec.

Je terminerai cette chronique en disant deux mots de ce que j'ai appris sur Anthony Mann depuis. D'abord, donc, que Le Cid est bien l'un de ses tout derniers films. Le compte est vite fait: il en réalisera encore trois, ne survivant pas jusqu'à la fin du tournage du dernier ! On ne peut pas dire qu'avoir fait celui-là lui apportera beaucoup d'admiration ou juste de reconnaissance, dans la mesure où même Charlton Heston a affirmé (bien plus tard) ne pas être spécialement séduit par le film terminé. Dans son autobiographie, l'auteur écrivit ainsi en 1995 que le long métrage aurait sans doute été meilleur autrement, s'il avait été conçu par William Wyler, le réalisateur connu entre autres pour Ben Hur - on ne pourra évidemment jamais le savoir. Une certitude toutefois, pour ce pauvre vieux Mann, c'est qu'un an seulement avant de donner sa version du héros légendaire espagnol, il avait été dépossédé d'un scénario précédent, Spartacus, au profit d'un certain Stanley Kubrick. Cela étant dit, j'aurais tendance à ajouter qu'il mériterait aujourd'hui qu'on daigne à nouveau étudier d'un peu plus près son abondante filmographie. Parce qu'il y a largement de quoi faire: 43 oeuvres, tout de même ! Souvenez-vous: je vous ai déjà parlé de La chute de l'empire romain et c'est le même homme derrière la caméra. Si j'ai l'occasion d'aller plus loin encore, je n'hésiterais pas une seconde. C'est dit !

vendredi 16 octobre 2009

Joueurs, jusqu'au bout

Je vous propose ce soir une chronique sur un extrait du patrimoine cinématographique français: La Baie des Anges, une oeuvre signée Jacques Demy en 1962. Elle met en scène deux personnages, une femme, Jacqueline alias Jackie (Jeanne Moreau) et un homme, Jean (Claude Mann). L'histoire est somme toute assez simple au départ: Jean, garçon modeste, vit seul avec son père, veuf et artisan horloger. Son salaire d'employé de banque limite bien sûr ses loisirs et c'est d'abord un peu étonné qu'il entend un collègue lui proposer d'aller avec lui jouer au casino. Finalement, Jean se laisse tenter et, touché par la chance du débutant, prend goût à l'argent vite gagné. Problème: n'ayant pas respecté les consignes paternelles, il est chassé du toit familial - sans que ça l'affecte particulièrement. Disposant en fait de quelques économies, arrondies des gains qu'il a obtenus à la roulette, le "petit jeune sans histoire" prend le train pour quelques jours de vacances. Direction Nice, sa plage, son centre historique et... ses établissements de jeu. C'est là-bas que va avoir lieu la rencontre décisive entre Jean et Jackie, joueuse à la fois invétérée et solitaire. Portés chacun par l'impression de mener isolément une vie compatible avec celle de l'autre, les deux êtres vont très rapidement se rapprocher. Dès lors, les jeux sont faits !

Et rien ne va plus ! Avec La Baie des Anges, Demy filme une histoire de dépendance, on dirait aujourd'hui d'addiction. Ainsi que j'ai pu l'analyser grâce à un livre sur les films tournés à Nice, il pointe également les mensonges, faiblesses et reniements que provoque cette espèce de maladie. L'intérêt qu'on prend à suivre le film est là: dans la relation ambiguë et, pour le dire clairement, très changeante des deux personnages. S'il est question d'amour, ce sentiment n'est au fond que suggéré, et d'autant plus décalé dans les circonstances de l'intrigue qu'à l'évidence, Jean est plus jeune que Jackie - et c'est d'ailleurs le cas de leurs interprètes, âgés de 22 et 34 ans au moment de la sortie en salles du long métrage. Ce dernier ne dure qu'à peine une heure vingt. C'est court et pourtant, les rebondissements sont là, dans les choix multiples et souvent contradictoires des deux héros atypiques de cette histoire simple. Les atermoiements et volte-faces de l'une ou de l'autre sont permanents, à tel point que le générique final arrive après un ultime revirement de situation. Je vous laisserai découvrir par vous-mêmes ce dont il est question exactement, étant entendu que l'enjeu dramatique tourne bel et bien autour du hasard.

Il ne devrait pas vous surprendre que j'ai également apprécié La Baie des Anges en tant que film qui montre Nice. Si d'autres des oeuvres qui y ont été tournées ne sont pas très explicites, il en va bien différemment ici. Pour ceux qui ont vu les lieux, il est alors simple de reconnaître la Promenade des Anglais et d'autres sites encore, plus ou moins prestigieux. Même bientôt cinquante ans (!) plus tard, le décor naturel n'a pas tellement changé. Détail amusant: il faut noter que c'est la seule fois que Nice accueillera le tournage d'un film de la Nouvelle Vague. En ce qui me concerne, je dirais que ça valait le coup, car le résultat m'a bien plu. Le choix du noir et blanc privilégié par Demy est assez audacieux face à l'éclat des couleurs d'une ville méditerranéenne sous le soleil: il n'y a rien à y redire, toutefois, tant la démarche semble assumée, pour mieux jouer encore sur les variations de tons et les contrastes - au sens propre comme au sens figuré. Par bonheur, j'ai encore aujourd'hui beaucoup de films du même réalisateur à découvrir: ce sera assez amusant d'établir des comparaisons sur la base de tels éléments techniques. Ultime précision géographique en attendant: il y aussi ici des images de Monaco. Là encore, c'est quelque chose que j'ai particulièrement apprécié. Et puis, c'est vrai, le thème le rendait presque obligatoire. Malgré tout, les plans n'ont rien d'une facilité et, encore une fois embelli par une musique lancinante du génial Michel Legrand, l'ensemble des scènes me semble composer une bien belle réussite. Un conseil: n'hésitez pas à la découvrir si vous en avez l'occasion !

mercredi 14 octobre 2009

La bataille de Jérusalem

Après avoir lu ma critique de Gladiator, il ne faut pas vous imaginer que j'ai quelque chose contre Ridley Scott. Ce soir, voici la chronique d'un autre de ses films: Kingdom of heaven, que j'ai revu il y a peu. Une deuxième - ou troisième ? - fois qui ne m'a pas lassé, car j'indique d'emblée que j'aime assez cette histoire-là. Le paradoxe veut que je me prépare à vous dire du bien d'une oeuvre qui n'a pas connu grand succès, alors que j'ai fait preuve d'un enthousiasme moindre pour une autre, qui a pourtant "cartonné" au box office. Chacun ses goûts et ses critères de plaisir, n'est-ce pas ? Les miens apprécient tout particulièrement le grand soin apporté ici aux décors et costumes, qui vous transportent dans la France moyenâgeuse alors que le générique initial se déroule encore. Ce n'est plus un mystère pour vous: même s'il y a des exceptions, j'aime les grandes fresques inspirées de l'histoire. D'autres chroniques à venir confirmeront inévitablement que j'ai en tout cas pour elles un a priori positif.

Kingdom of heaven, donc. Si vous cherchez des infos sur Internet quant au sujet du film, vous tomberez assez vite sur la longue liste de ses anachronismes. Pour moi, il est impossible de me retrouver dans cette démarche d'inventaire: OK, tel personnage n'a pu agir ainsi compte tenu de la date à laquelle est censée se dérouler l'intrigue, mais je vous le dis honnêtement, je m'en moque éperdument ! Je n'ai repéré aucune de ces invraisemblances. D'ailleurs, l'aurais-je fait, je crois que ça n'aurait pas tellement altéré ma joie de revoir le film. Que voulez-vous ? Peu m'importe au fond les trahisons d'un récit pseudo-historique: j'aime bien cette aventure de chevaliers chrétiens, bons ou méchants, dirigés par le roi lépreux de Jérusalem. Et j'aime bien aussi cette évocation de Saladin, même si elle prend des libertés avec ce qui s'est réellement passé.

Arrivé à ce stade de ma chronique, je crois honnête de préciser aussi que la version de Kingdom of heaven que j'ai vue est a priori incomplète. Le DVD que j'ai acheté reprend en effet le montage retenu en 2005 pour la sortie cinéma. Je serais assez curieux d'avoir la possibilité de découvrir le director's cut, édité sur support numérique quelques années plus tard. Gladiator, lui, ne me semble pas avoir été "charcuté" de la sorte avant son passage dans les salles obscures. Bref... confronté à de vives critiques sur l'aspect elliptique de certaines scènes, Ridley Scott a en tout cas assuré que sa version à lui donnait à l'ensemble une allure assez sensiblement différente. J'ai lu un peu partout que c'était vrai et qu'allongé d'une demi-heure supplémentaire, et donc long de trois heures en tout, son travail derrière la caméra paraît plus cohérent, le charisme des personnages s'intensifiant d'autant. Aurai-je l'occasion de le vérifier un jour ? Objectivement pas pressé, je suis malgré tout tenté. Je continue toutefois de penser qu'en l'état, la séance ciné-canapé vaut le détour.

dimanche 11 octobre 2009

Itinéraire de deux paumés

Je ne me souviens plus vraiment de la période à laquelle j'ai vu Macadam Cowboy pour la première fois. Je sais que c'est à mon père que je dois le privilège de l'avoir revu, puisque c'est lui qui m'a offert le DVD. Il y a quelque chose de mythique dans l'oeuvre de l'Américain John Schlesinger, projetée en salles en 1969 et portée par le duo Dustin Hoffman / Jon Voight. La revoir quarante ans après sa sortie pourra laisser l'impression que son propos est quelque peu daté. Admettons que ce n'est pas entièrement faux, mais je trouve injustes les cinéphiles qui s'arrêtent à cet aspect des choses. Explication: de mon point de vue, le film peut prétendre à une place de choix dans l'histoire du cinéma, qui rend sa (re)découverte forcément intéressante. C'est un peu la chronique d'une époque particulière qui est ici mise en images: époque libertaire, débridée, aux excès tantôt heureux, tantôt tragiques. De fait, il paraîtrait difficile aujourd'hui de raconter l'histoire de ce beau gosse un peu paumé, qui part du Texas pour arriver à New York, et s'y prostitue sans état d'âme, dans l'espoir de s'assurer un train de vie confortable. Cruelle illusion dont il va bien évidemment vite revenir, sans pourtant, naïf qu'il est, renoncer à l'idée d'un autre destin...

Couronné des Oscars du meilleur réalisateur et du meilleur scénario adapté, Macadam Cowboy décrocha également celui du meilleur film en 1970. Cette troisième et prestigieuse récompense n'est pas anodine, et c'est là que je rejoins mon propos initial sur l'histoire cinématographique: jamais auparavant - et, je crois, jamais depuis - un film classé X ne fut honoré d'un tel trophée. Evoquant tout à tour, et parfois simultanément, l'homosexualité, la prostitution masculine et la consommation de drogue, parsemé de scènes explicites, le film ne s'embarrasse pas de détours. Comme je l'ai déjà dit, il est d'abord tiré vers le haut par deux très bons acteurs, qui n'auraient d'ailleurs pas non plus volé la reconnaissance de la profession pour leurs rôles respectifs. Beau blond à l'idéalisme chevillé au corps, c'est vraiment le cas de le dire, Jon Voight est prodigieux de justesse dans la peau ingrate du gigolo: pour son quatrième long métrage, le papa d'Angelina Jolie délivre une copie sans ratures. Et que dire de plus quant à Dustin Hoffman ? En petite frappe italienne à la santé précaire, il prouve ici quel immense comédien il est. Celles et ceux qui ont vu le film se souviennent sans doute de sa démarche boitillante: pour simuler ce handicap, il a juste expliqué avoir toujours marché... un pied sur le trottoir, l'autre dans le caniveau. C'est si simple et magistral que cela passe complètement inaperçu !

Tout le film pourrait en somme se résumer à une fuite en avant. Celle de deux êtres que tout semble opposer et qui se trouvent finalement soudés autour d'une même misère financière et affective. Il est permis de penser qu'à l'heure où le film est sorti, il n'a pas fait l'unanimité et a, au contraire, pu choquer. La classification X est là pour rappeler combien les moeurs ont pu évoluer depuis. En portant le regard d'aujourd'hui, il n'y a rien de bien cru dans les images tournées par Schlesinger. Le fond, lui, est beaucoup plus désespéré que trivial. En fait, sauf à être imperméable à tout sentiment d'empathie, on s'attache finalement assez vite à ces deux paumés, surtout en fait quand ils ne peuvent plus se passer l'un de l'autre. Encore plus quand, malgré leur solidarité, leurs espoirs s'effacent devant l'accablante vérité de leur sombre destinée. Sur une approche purement technique, Macadam Cowboy a sans doute vécu, mais recèle tout de même quelques très belles scènes, notamment quand les images d'un futur fantasmé s'intercalent avec celles d'une réalité nettement plus sordide. Il y a beaucoup de noirceur dans ce récit. Ce qui peut le rendre intéressant à suivre, quatre décennies plus tard, c'est aussi qu'à quelques rares exceptions, le cinéma me semble avoir tourné le dos aux personnages de ce genre. C'est dommage, d'autant qu'on constatera ici qu'il est possible d'en parler le plus sérieusement du monde, avec gravité et solennité, mais aussi sans manichéisme, sans même le moindre message dénonciateur ou pontifiant. Possible que les réalisateurs contemporains l'aient tout simplement oublié...

jeudi 8 octobre 2009

Des idées, de la 3D

Ce que je n'ai pas dit à propos de Monstres contre aliens ce mardi soir, c'est qu'il a été projeté en trois dimensions dans certaines salles spécialement équipées. Gadget ? Piège à gogos spectateurs en mal de nouveauté ? Ou bien, tout au contraire, réelle innovation préfigurant le septième art de demain ? Le débat est lancé, d'autant plus ouvert que la 3D s'affiche de plus en plus sur les écrans, avec une série de films d'animation, mais pas seulement. Un mouvement d'ampleur. D'après ce que j'ai pu lire ici et là, le prochain James Cameron - Monsieur Titanic, entre autres - devrait ainsi être visible dans ce format spécial, dont certains font déjà un nouveau cap historique, après le passage au parlant et l'apparition de la couleur. Et à l'avenir, on devrait même se passer de lunettes polarisantes...

Le fait est que la 3D ne date pourtant pas d'hier ! Pour preuve, j'ai lu et appris que l'un des films les plus anciens à en avoir exploité l'idée et les effets est Le crime était presque parfait, d'Alfred Hitchcock, sorti en 1954 ! Un long métrage qu'il me faudrait certes découvrir pour vous confirmer éventuellement que l'usage d'un tel procédé y est plus qu'anecdotique, mais bel et bien inscrit dans la progression logique de l'intrigue. En attendant, il est clair que le développement technique attire les convoitises des producteurs: des études auraient en effet permis d'établir que le public n'hésitait pas à payer plus cher pour voir un film en trois dimensions et que l'exploitation commerciale d'une telle oeuvre pouvait dès lors générer des revenus deux à trois fois plus importants que celle de sa jumelle sur bobine classique. Si le marketing s'en mêle, et il le fera, bien sûr, Monstres contre aliens ne sera donc sûrement pas le dernier des films 3D. Reste à voir comment les artistes, eux, s'empareront du phénomène.

mardi 6 octobre 2009

E.T. go home !

En bon français, ça donne: les extraterrestres, rentrez chez vous ! Dans le film dont je vous parlerai aujourd'hui, c'est ce qui est écrit sur le missile que tire un avion de l'US Air Force sur une créature robotique venue de l'espace. Pas très amical, dirons-nous, mais dans le contexte d'un dessin animé Dreamworks, cela se veut aussi ludique. Ce dessin animé, c'est Monstres contre aliens, que j'ai découvert un récent soir de désoeuvrement. Rien de bien nouveau, mais ce soir-là, j'avais juste envie d'un simple pop corn movie. Mission accomplie ! Encore une fois, j'admets volontiers qu'on est ici loin d'avoir affaire à une oeuvre originale, mais bon... c'est simplement ce qu'il me fallait au moment précis où je l'ai regardée. Un truc pas prise de tête, vite vu... et presque aussi vite oublié.

De fait, le pitch tient en quelques lignes: attaqués par un géant typé martien débarqué à San Francisco, les Etats-Unis cherchent alors, non sans panique, la bonne méthode pour répliquer. Tada ! Au cours d'une scène de conseil de guerre qui n'est pas sans rappeler Docteur Folamour, et c'est évidemment fait exprès, l'un des généraux, assurément le plus va-t'en-guerre, et répondant à l'improbable nom de George W. Putsch (si, si !), propose au président apeuré d'envoyer... des monstres. Il faut admettre l'idée que, depuis environ les années 50, l'état major garde sous le coude - et dans une zone ultra-sécurisée - un certain nombre de créatures repoussantes, mystérieuses et conçues pour les missions de ce genre. Bestiaire comportant un homme à corps de poisson, une chenille du gabarit d'un Godzilla, un ancien scientifique devenu cafard, un être bleu entièrement composé de gélatine et une femme géante...

Reste à ces cinq-là à unir leurs différences bien sûr complémentaires pour sauver le pays et accessoirement le monde ! Classique, oui ! Pas imaginatif pour un sou, vous dis-je ! Est-ce dès lors mauvais ? Moi, je n'irai pas jusque là. C'est basique, tout simplement basique ! Résumons: en clair, amis qui êtes friands de cinéma-découverte, vous pouvez vraiment passer outre sans regret et vous tourner alors vers un autre film, quitte même à ce que ce soit un autre dessin animé. Les détracteurs de Dreamworks trouveront là une nouvelle illustration de la supériorité manifeste du studio Pixar. Soit. Pourquoi malgré tout laisser une petite porte ouverte à Monstres contre aliens ? Peut-être pour la raison déjà évoquée précédemment: parce que ça reste correct pour se "vider la tête". C'est vrai, des oeuvres comme celle-là, il s'en produit chaque année treize à la douzaine. Qu'importe: en oubliant un temps ses références cinématographiques sérieuses, ça peut encore se laisser regarder.

dimanche 4 octobre 2009

Making of

J'ai cherché un peu avant de trouver une photo sympa pour illustrer ce message. Finalement, je me reconnais assez dans cette image issue de Cinema Paradiso, le (beau) film de Giuseppe Tornatore. Message exceptionnel et pas de critique ce soir: j'avais juste envie de faire un petit bilan sur la "comptabilité" du blog. Et ça tombe bien, dis donc, puisque ce sera ma centième chronique cette année. Depuis le tout premier message, le 6 septembre 2007, je vous ai déjà donné mon avis sur 173 longs métrages, le plus vieux datant de 1939 et le plus récent... de cette année ! Sept décennies de cinéma ! Il faut tout de même reconnaître que les oeuvres des années 2000 sont très largement majoritaires à ce stade, avec 108 chroniques, dont 65 pour les seuls millésimes 2007, 2008 et 2009. Je ne sais pas si c'est franchement le juste équilibre. C'est subjectif, évidemment.

En fait, mon idée a toujours été de privilégier la notion de plaisir. Sincèrement, je ne cherche pas à ce que Mille et une bobines soit représentatif d'un cinéma quelconque. Tout au plus le blog est-il révélateur de ce que je regarde, et suit scrupuleusement l'ordre (aléatoire) dans lequel je regarde. Là-dessus, je ne pense pas changer de méthode. Mais si vous avez fait attention à ce que j'ai écrit dans le premier paragraphe, et surtout si vous êtes un peu attentifs aux nombre total des chroniques (206 à ce jour), vous aurez constaté que 33 d'entre elles ne sont pas des critiques. Ici et là, il est vrai, je parsème ce blog de textes "différents" sur le cinéma, tantôt liés à l'actualité, tantôt développant davantage un thème particulier. Si vous souhaitez en lire plus souvent, sentez-vous libre de le dire en commentaires. Je ne pense pas mettre à jour ce blog de manière plus fréquente, mais je peux le faire différemment. C'est ouvert. Pas de règle intangible. Et Cinema Paradiso, dans tout ça ? Il a déjà fait l'objet d'une chronique: la 97ème, le 23 novembre l'année dernière !

vendredi 2 octobre 2009

Misères d'une courtisane

Pas très fun, ma dernière chronique ? Vous n'avez encore rien lu. Aujourd'hui, je vais vous parler d'un autre film assez sinistre, mais bien différent: La vie d'O'Haru, femme galante - titre approximativement traduit du japonais. Cette oeuvre est signée Kenji Mizoguchi, qui n'est certes pas forcément le réalisateur le plus connu de l'archipel nippon. Il n'en reste pas moins qu'elle mérite bien qu'on s'y attarde quelque peu. L'histoire, comme déjà annoncé, n'a rien d'amusant. Au moment où démarre le long métrage, O'Haru est une femme d'un certain âge, comme on dit de nos jours. Elle fait partie d'un petit groupe de prostituées. Après ces quelques minutes d'introduction du personnage, le film se poursuit par un flash-back pour parler du passé de la vieille dame. Autant vous dire d'emblée que les amateurs de comédie peuvent passer leur chemin...

Comme son titre l'indique donc plutôt bien, La vie d'O'Haru, femme galante s'attache à suivre le destin de son héroïne. Jeune fille d'assez bonne famille, la demoiselle est promise à un jeune seigneur puissant, mais subit la cour assidue d'un homme de basse condition. Convaincue par lui que seul l'amour sincère peut apporter le bonheur, elle n'a même pas le temps de céder à ses avances qu'elle en est punie: les relations inter-classes étant strictement prohibées, toute la famille d'O'Haru est chassée de la ville et vouée à l'infamie. Quant au jeune homme épris, lui, il n'échappe pas à la peine de mort ! Autant dire que ça commence mal, d'autant que ce n'est pas auprès de ses parents que l'infortunée Japonaise trouvera du réconfort. Débute alors pour elle une vie de malheurs et d'errance, où, malgré de fugaces moments de paix, tout ira toujours de mal en pis...

Il n'est pas dans mon intention de vous raconter par le menu l'ensemble de ces catastrophes. Un mot sur la technique, plutôt. D'abord, précisons que j'ai découvert ce film sur support DVD: il fait partie d'une sélection du journal Le Monde, que mes parents m'ont offerte. Sans ce cadeau, pour être honnête, je ne suis pas convaincu que j'aurais pu découvrir La vie d'O'Haru, femme galante. En salles en 1952, il est l'un des plus vieux films chroniqués ici, porte ouverte sur un Orient cinématographique encore méconnu à l'époque. Evidemment, de par leur âge, les images sont un peu abîmées. Même sur support numérique, l'oeuvre porte objectivement le poids des années. Cela dit, la VO est claire et les sous-titres se lisent bien, ce qui fait qu'on se laisse entraîner dans ces deux grosses heures sans autre difficulté majeure. Malgré son thème difficile, je dirais même que le spectacle est plaisant, à sa façon. Il est à noter également que le long métrage aurait tout simplement pu ne jamais voir le jour, Mizoguchi ayant dépassé le budget qui lui était alloué. Et qu'au bout du compte, le succès critique fut au rendez-vous, avec notamment l'obtention d'un Lion d'argent au Festival de Venise.