jeudi 30 juillet 2009

Drame américain à huis clos

On connaît généralement Elia Kazan pour Un tramway nommé désir ou peut-être A l'est d'Eden. Le tout premier film que j'ai découvert du réalisateur américain, c'était, il y a quelques jours, Les visiteurs. Rien à voir avec ceux de Jean-Marie Poiré. Ceux-là datent de 1972. Ils sont les "héros" d'un huis clos envoûtant. L'intrigue de départ ? Assez banale ici: au coeur de l'hiver, un couple et son bébé mènent une vie ordinaire dans un coin perdu des Etats-Unis. Arrivent alors deux hommes, comme sortis de nulle part. Le spectateur se demande qui ils sont au juste, découvre rapidement qu'ils connaissent le mari, et finalement qu'ils ont - comme lui - combattu dans l'armée américaine lors de la guerre du Vietnam. Reste à savoir ce qu'ils sont venus faire chez leur ancien compagnon d'armes, et pour ça, il faudra se montrer un peu plus patient. Comme il se trouve que c'est aussi l'argument premier du scénario, je n'en dirai pas davantage. D'ailleurs, je suis moi-même parti avec presque aussi peu d'infos...

Ne vous attendez pas à rire ! Les visiteurs version Kazan n'ont rien de la faconde de Godefroy de Montmirail, ni de l'impertinence loufoque de son compère Jacquouille la Fripouille. Plutôt qu'un film comique, c'est une tragédie classique qui se déroule sous nos yeux. Unité de temps: une journée, unité de lieu: la maison du couple, unité d'action: un danger qui plane dans l'air, sans que l'on sache vraiment, au départ, de qui et comment il va venir. Pour donner corps à cette histoire, l'homme derrière la caméra a choisi un style très dépouillé, des investissements techniques fort limités. Choix pertinent, le grain de l'image et l'ambiguïté de certains plans ajoutant beaucoup à l'ambiance tendue née du scénario. Inconnus pour la plupart, à l'exception d'un James Woods débutant, les acteurs sont eux aussi très bons et nous permettent de mordre à l'hameçon.

En un mot comme en cent, j'ai vraiment apprécié Les visiteurs. J'ai remarqué après coup que c'était, avec Les parapluies de Cherbourg et Le crabe-tambour, le troisième des films que j'ai vus récemment qui parle de la guerre sans vraiment la montrer. Il me faut signaler ici qu'encore une fois, aspect intéressant, le cinéma apporte ainsi des impressions et sentiments autrement que par l'image. Relativement oppressant, ce huis clos très maîtrisé est sans doute plus expressif que ne le serait un déchaînement d'effets visuels modernes. Elia Kazan nous fait entrer dans son histoire par touches successives et parvient, avec seulement cinq personnages, à faire réfléchir et frémir, en somme à faire réagir. Il est aussi intéressant de (re)voir ce film maintenant, presque quarante ans après qu'il a été tourné. C'est l'avant-dernier de son auteur ! Par ailleurs, c'est aussi le tout premier long métrage américain à évoquer ce qui s'est passé au Vietnam, sur un ton qui n'a absolument rien de patriotique. Aujourd'hui, le septième art est beaucoup plus explicite. Une preuve supplémentaire qu'il n'y gagne vraiment pas à tous les coups...

mardi 28 juillet 2009

Le secret de Cole

L'envie m'a pris de revoir Sixième sens. Je suppose que beaucoup d'entre vous connaissent ce film, encore aujourd'hui le plus célèbre de la filmographie de M. Night Shyamalan. Originale, l'intrigue repose sur les névroses d'un jeune garçon, suivi par un pédo-psychiatre joué par Bruce Willis. C'est certainement d'ailleurs l'un des meilleurs rôles de ce dernier, qui prouve ici qu'il peut bien être crédible autrement qu'en gros dur et sauveur du monde. Bien sûr, la très digne réussite de cette histoire tient aussi beaucoup à l'interprétation du jeune Haley Joel Osment, dans la peau de Cole, le gamin. Et puis, bingo !, il y a cette surprise finale, ce twist comme on dit depuis, qui a su faire la célébrité - et la marque de fabrique - de son inventeur. Motus ! Pas question d'en dire plus. Sait-on jamais: par le plus grand des hasards, tout cela vous a peut-être encore échappé...

Moi qui étais au parfum, et ce avant même de découvrir le film dans une salle obscure il y a une petite dizaine (!) d'années, j'ai pris plaisir à voir et à revoir cette grosse heure et demie de cinéma. On peut craindre qu'une fois le principe connu, l'intérêt s'étiole. C'est presque le contraire: on finit par guetter les divers indices qui vont permettre au réalisateur d'imposer un dénouement inattendu, sans devoir tresser de trop grosses ficelles. Le fait est que cela fonctionne. Objectivement, M. Night Shyamalan a très bien joué le coup. Soulignons aussi que, surprise ou pas, Sixième sens tient la route. Par bien des aspects, c'est une oeuvre riche, un exemple de cinéma d'ambiance de très belle tenue. Le plus amusant, en fait, c'est finalement que les premières explications sur le comportement déviant de Cole et son fameux secret ne sont données qu'à la moitié du film environ. Si le tout n'est pas bancal, c'est bien qu'il y a d'emblée et jusqu'au générique final une vraie cohérence d'ensemble.

Je l'ai déjà exprimé: Bruce Willis est très bon. Le garçonnet inconnu qui lui donne la réplique ne l'est pas moins, et je suppose que, pour beaucoup de monde, Haley Joel Osment restera définitivement figé dans ce rôle. J'ai d'ailleurs pensé à chercher quelques photos récentes de lui: il faut dire qu'il n'a pas tellement changé de visage ou même de physionomie, mais qu'en le redécouvrant aujourd'hui sans savoir que c'était lui, je ne l'aurais pas reconnu. Du haut de ses onze ans lors du tournage de Sixième sens, ce gosse est absolument bluffant. Mais ne limitons pas l'oeuvre à ce dialogue adulte-enfant, aussi brillant soit-il. Sous ses airs de thriller ésotérique, le film offre aussi une réflexion sur la vie, l'amour, la mort, la famille... entre autres. C'est sans doute ce qui lui permet de trouver encore un écho en moi si longtemps après la première fois que je l'ai découvert au cinéma. N'hésitez plus à l'aborder enfin ou à vous y replonger !

dimanche 26 juillet 2009

Pensées pour l'Iran

Échange de bons procédés: quand mon père est venu chez moi dernièrement, étant donné que j'ai découvert un film grâce à lui, j'ai tenu à mon tour à lui en présenter un dont il avait simplement entendu parler: Persepolis. Pour vous, pas trop de surprise: je l'ai déjà chroniqué sur ce blog, le 22 mars l'année dernière. Ayant acheté le DVD, j'ai toutefois eu envie de revoir ce dessin animé déjà aimé au cinéma. Sur le fond, pas grand-chose à ajouter à ma critique déjà publiée ici: je vous y renvoie donc sans fausse vergogne. Je crois avoir cette fois fait un peu plus attention à la forme et confirme ainsi l'excellente qualité technique de cette oeuvre pour le moins atypique. Laquelle supporte très aisément un deuxième regard.

Ce qui m'a donné envie de revoir Persepolis, avant même le plaisir de partager mes émotions, c'est évidemment ce qui se passe actuellement en Iran. Ce qui est terrible, dans ce contexte, c'est qu'on a vraiment l'impression que l'histoire se répète. Il est dès lors intéressant de savoir ce qu'en pense Marjane Satrapi, la Française d'origine iranienne qui est à l'origine du film. Mes confrères journalistes n'ont pas perdu son numéro, puisqu'elle est intervenue plusieurs fois, en interview dans Marianne ou comme chroniqueuse dans le New York Times par exemple, affirmant que les Iraniens n'avaient plus peur de la dictature. Notons également que sa création a fait l'objet de détournements pour évoquer la situation du moment. Rançon de la gloire rime parfois avec hommage. Mon conseil reste inchangé: ne manquez pas ce singulier manifeste pour la liberté !

Pour aller plus loin...
Vous pouvez donc relire ma première chronique sur ce film.

samedi 25 juillet 2009

Une jolie colonie de vacances

Je m'interroge. Aurais-je aimé Nos jours heureux si je n'avais jamais fait de colonie de vacances ? La question mérite d'être posée après visionnage de ce film français, pas folichon mais sympa. L'intrigue tient en deux lignes: enfants et adultes, le long métrage nous propose de suivre le quotidien d'un camp estival pour gosses, dans ce qu'il a de meilleur comme... dans ce qu'il a de pire. Évidemment, le scénario repose surtout sur les nombreuses péripéties et l'attitude disons contrastée des monos face à une bande de pré-ados surexcités. L'argument ne révolutionnera pas l'histoire du cinéma, mais offre un break au milieu d'oeuvres plus exigeantes.

Que dire pour la défense de Nos jours heureux ? D'abord qu'en dépit de certaines outrances ou facilités, le film tient la route. S'il n'est pas trop fermé aux choses légères, le spectateur passe un bon moment en compagnie de ces mômes et de leurs "responsables", souvent franchement dépassés par les événements. Pour avoir donc passé quelques morceaux d'été en colonie de vacances, je dois reconnaître qu'on retrouve ici quelque chose de très proche du point de vue ambiance. C'est d'ailleurs certainement la grande réussite du film, signé Eric Nakache et Olivier Toledano, deux cinéastes qui semblent plutôt doués pour reconstituer l'existant, avec souvent un juste mélange de cynisme et de tendresse. Le gros atout du film, c'est ça.

Après, faut-il parler de réussite totale et de chef d'oeuvre incontournable ? Sûrement pas. Je l'ai déjà suggéré: le film tombe parfois dans un certain systématisme. Ses nombreux personnages sont bien campés et bien joués, mais, à force d'avoir un caractère précis, certains deviennent caricaturaux. Des situations acceptables deviennent alors prévisibles ou, au contraire, beaucoup trop décalées de la réalité. Et alors ?, me direz-vous, c'est du cinéma, que diable ! C'est vrai: il est permis de s'autoriser quelques invraisemblances. Après avoir secoué toutes ces idées dans un shaker, j'en conclus donc que Nos jours heureux reste distrayant. Je crains juste qu'il s'oublie vite et ne supporte pas franchement un deuxième regard. Ou alors simplement celui des nostalgiques de leur passé de colon...

mardi 21 juillet 2009

Blessures de guerres

Tiens ! Comme quoi j'ai raison d'être curieux ! Je voulais vous parler d'un film recommandé et offert par mon papa, et vu avec lui il y a quelques semaines: Le crabe-tambour. Ne sachant pas vraiment comment débuter cette chronique, je me suis dit que j'allais chercher un peu d'inspiration sur Internet, en parcourant ce qui a déjà pu s'écrire ici et là. Et j'en découvre du coup un aspect que j'ignorais encore il y a quelques minutes: le fait que le long métrage s'inspire d'un personnage ayant réellement existé, Pierre Guillaume. Voilà d'ailleurs qui confirme ce que j'ai ressenti en regardant le DVD: j'ai encore beaucoup de choses à apprendre sur la période, sur la France des années 50-60. Je m'aperçois finalement que mes connaissances historiques, assez affirmées dans certains domaines, s'étiolent après la seconde guerre mondiale, et au fur et à mesure que l'on s'approche de notre époque. Bon, cela dit, ce n'est ni ce soir, ni ici, que j'ai spécialement envie d'entrer dans le détail de mes lacunes. Disons simplement que j'ai une nouvelle occasion d'en combler certaines !

Parlons cinéma. Le crabe-tambour, film de Pierre Schoendoerffer, est sorti en 1977, tiré du roman éponyme du même auteur, publié pour sa part en... 1976. Le réalisateur-écrivain n'a vraiment pas perdu de temps et il faut peut-être signaler d'emblée que la critique a su récompenser sa double démarche, en lui décernant le Grand Prix de l'Académie française d'abord, puis trois Césars millésimés 1978: meilleur acteur pour Jean Rochefort, meilleur second rôle masculin pour Jacques Dufilho, et meilleure photo. De fait, une jolie moisson pour un scénario complexe, sur fond de guerre, Indochine et Algérie. Il m'a honnêtement fallu de temps pour entrer dans cette intrigue pour moi difficile à appréhender dans tous ses enjeux, pour bien comprendre en somme ce dont il était question. L'encyclopédie participative Wikipedia le résume en ces termes: "Atteint d'un cancer du poumon, un officier de la marine nationale française se voit confier un dernier commandement (...). Il a aussi une quête personnelle, enracinée dans les guerres coloniales françaises: croiser une dernière fois un homme qu'il a connu, devenu capitaine de chalutier". C'est vrai. C'est aussi - très - succinct, je dois dire.

Le crabe-tambour n'est pas tout à fait un huis clos, donc pas non plus une tragédie classique, mais il en a la couleur. Le rythme reste relativement lent, la progression de l'intrigue juste perceptible. Encore une fois, il vaut mieux, je crois, être assez armé sur le plan de la connaissance historique pour savourer pleinement cette oeuvre d'une densité certaine. Est-ce que cela veut dire que j'ai été largué ? Que je n'ai donc pris aucun plaisir ? Non. Certainement pas. Je crois simplement qu'il me faut digérer les données que j'ai apprises depuis pour, peut-être, revoir le film dans quelque temps avec plus d'acuité. Un peu égaré dans les méandres de son scénario, je n'en ai pas moins apprécié la prestation des acteurs, les deux que j'ai déjà cités et le reste du prestigieux casting, Claude Rich et Jacques Perrin (dans le rôle-titre) en tête. Mon intérêt pour le "vieux" cinéma français en est sorti encore grandi, comme souvent quand j'aborde des oeuvres de ce type, sans repères particuliers. Je ne regrette donc en aucune façon les deux heures passées à regarder le film. Soyez juste prévenus qu'à mon sens, à 32 ans, ce long métrage n'est plus forcément aussi "grand public" qu'il ne l'était à l'époque où il est sorti en salles. Après, sachez aussi qu'il parle d'honneur, de relations humaines, de mort et, en un sens, de liberté: autant de notions intemporelles sur lesquelles j'ai éprouvé de la satisfaction à réfléchir ensuite, sur cette nouvelle base filmée, mi-artistique, mi-historique.

dimanche 19 juillet 2009

Le dernier gros coup

Allez, encore un film en noir et blanc aujourd'hui. Dans la longue liste de ceux auxquels la Fnac m'a permis de donner une chance, je peux ajouter Du rififi chez les hommes, de l'Américain Jules Dassin. L'histoire d'un gangster qui sort de prison et reprend aussitôt contact avec un autre, plus jeune que lui. Il se monte donc très rapidement un dernier gros coup, le braquage nocturne d'une grande bijouterie parisienne. L'affaire s'organise avec deux associés italiens recrutés pour leurs supposées compétences complémentaires. Je n'en dirai pas beaucoup plus pour ne pas vous gâcher la surprise, si ce n'est simplement que l'intrigue connaît son lot de rebondissements et enfin que la tonalité du long métrage est très noire, presque désespérée même, d'un certain point de vue. Stop ! Maintenant, je vous laisse voir par vous-mêmes ce que j'entends par là... et si vous confirmez. Franchement, il y a en tout cas du plaisir à prendre ! Je suis ravi d'avoir la chance de découvrir ce genre de films, réédité sur DVD !

Du rififi chez les hommes est une fort agréable surprise. Ne m'étant appuyé sur aucune référence particulière au moment de l'emprunter, j'ai été vraiment satisfait d'avoir porté mon choix sur cette oeuvre millésimée 1955. Repère découvert plus tard: c'est en fait également le premier roman d'Auguste Le Breton à avoir été adapté au cinéma, avant que ne le soient notamment Razzia sur la chnouf ou Le clan des Siciliens, sans doute plus illustres. Bref. Il y a dans ce scénario quelque chose de très noir, je l'ai déjà dit. Entendez par là que c'est vraiment un film de gangsters à l'ancienne, avec des codes, autant de manières de procéder qui peuvent sembler décalées 54 ans (!) plus tard. Au final, l'association de malfaiteurs n'a que peu de points communs avec celle d'un Ocean's eleven, pour ne citer qu'un exemple récent. Il n'en reste pas moins que ses protagonistes ont vraiment "de la gueule" et qu'on se laisse donc facilement attraper par leurs aventures incertaines. Action, suspense, situations crédibles et dialogues ciselés: beaucoup de qualités là-dedans.

Le travail de Jules Dassin derrière la caméra n'est pas la dernière. Pour la petite histoire, c'est la première fois que le réalisateur américain traverse l'Atlantique et, après un séjour à Londres, pose ses valises à Paris, fuyant l'oppression du maccarthysme. Son fils Joe a alors 17 ans et ne chante pas encore. Bonne inspiration cinématographique, pourtant: Du rififi chez les hommes lui vaut l'immédiate reconnaissance de la profession et, tout de suite, un Prix de la mise en scène au festival de Cannes. C'est d'autant plus remarquable qu'il est aussi, caché sous un pseudo, bien présent parmi les acteurs, dans le rôle - important parce que décisif - d'un des deux braqueurs... italiens. Ensuite, il partira tourner en Grèce, où il épousera d'ailleurs Mélina Merkouri, artiste et future ministre de la Culture. Autant d'anecdotes dont vous pourrez facilement prendre une connaissance plus détaillée sur Internet, via Wikipedia par exemple. Tout cela m'éloigne un peu du film: (re)marquée, entre autres, par une longue scène sans dialogues, cette découverte m'a donc réellement enthousiasmé. Je vous la recommande vivement. Elle m'a aussi donné très envie d'en voir d'autres du même cinéaste. Pour conclure, ce constat: elle arrive pile au milieu de la filmographie de son auteur, qui réalisa douze autres films avant, et en tourna douze autres après, de 1941 à 1980. Un vaste champ des possibles...

jeudi 16 juillet 2009

Constantine, couleur locale

Un petit retour en arrière s'impose. Il y a maintenant presque un an déjà, je critiquais ici un vieux film d'Eddie Constantine, Cet homme est dangereux. J'indiquais alors pouvoir ensuite en chroniquer d'autres, en ayant reçu un coffret de trois comme cadeau de Noël. Aujourd'hui, voici donc le deuxième: Ça va barder. Bien qu'il fasse un clin d'oeil au personnage, Eddie Constantine ne joue pas cette fois son rôle "rituel" de Lemmy Caution. Le style et le look du film, eux, n'ont pas tellement changé: il est toujours question de gangsters filmés en noir et blanc. Avec aussi une pointe d'humour décalé...

Résumer l'intrigue m'a paru un peu hasardeux, alors, une fois n'est pas coutume, je cite la jaquette du DVD: "Un trafiquant d'armes engage Eddie le cogneur, amateur de jolies femmes, pour découvrir qui pille régulièrement ses bateaux". J'ajoute pour la bonne forme que ce pitch simplissime n'a pas grand intérêt. L'histoire que raconte ce film de John Berry n'est pas d'une importance capitale: dans Ça va barder, et avant même que ça barde, on se dit qu'il va y avoir rebondissements, doubles jeux, cigarettes, whisky et petites pépées. Cocktail gagnant pour une oeuvre sympa, mais pas prise de tête, assez bien jouée mais montée à la serpe, bien largement suffisante pour prendre plaisir à se replonger dans l'année... 1955 !

Ce côté "histoire du cinéma", dans Ça va barder, m'a finalement autant séduit qu'il ne l'avait fait dans Cet homme est dangereux. Avec, d'ailleurs, un aspect assez particulier: alors que l'action est censée se dérouler dans un pays exotique, j'ai petit à petit reconnu... la région dans laquelle je vis actuellement ! D'abord, j'ai cru apercevoir les roches du cap d'Antibes, puis d'autres éléments architecturaux qui me "parlaient" ! Je me suis dit que les studios niçois de la Victorine, jadis si productifs, devaient donc avoir servi de camp de base à l'équipe du long métrage. Bingo: alors que le héros fait semblant de débarquer dans un hôpital, c'est par le grand portail des studios que passe son ambulance. Jouer aux comparaisons possibles et impossibles était ma foi plutôt rigolo, 54 ans plus tard !

mercredi 15 juillet 2009

Un beau gosse sur le Rocher

Pas de critique ce soir, mais une toute petite anecdote perso. Juste pour signaler que j'ai vu Romain Duris il y a de cela quelques jours. En tournage, le jeune acteur français devait être baffé par une fille déguisée en Catwoman, sortie d'une voiture à deux pas seulement des locaux de mon journal. De manière tout aussi imprévue, un peu plus tard au cours de la même semaine, je l'ai de nouveau aperçu pédalant sur le boulevard voisin, pieds nus sur un vélo. "Allez, encore quelques instants, Romain", lui a crié un type avec une caméra, qui le précédait de quelques encablures dans une remorque auto. Attendant que mon bus arrive, j'ai ensuite remarqué tout l'équipage repasser en sens inverse. Deux occasions d'interview manquées ! C'est la faute d'un bouclage en cours, notamment. Tant pis...

Depuis, étant donné que j'apprécie le bonhomme, je me suis un peu renseigné. C'est un film que le comédien est venu tourner à Monaco. Dans Heartbreaker, il jouera le rôle d'un briseur de couple professionnel, censé transformer les petit(e)s ami(e)s en ex, mais finalement tombé sous le charme d'une de ses "victimes", interprétée par Vanessa Paradis. Je ne connais pas en revanche la date de sortie. A priori, je n'aurai pas - mince ! - d'autres occasions de rencontrer Romain Duris puisque, si le tournage est censé durer huit semaines depuis le 15 juin, il devrait aussi se dérouler à Paris et au Maroc. Meilleure chance une prochaine fois, qui sait ? J'espère ne pas laisser passer une éventuelle autre opportunité. Au boulot, mes copines ont joué les groupies. M'est avis qu'elles aimeraient bien recommencer...

lundi 13 juillet 2009

Arthur dans un polar

Bonnes ou moins bonnes, il y a sûrement des dizaines de façons différentes de choisir un film à regarder. Quand vient l'heure de faire une sélection DVD pour les chroniques de mon journal, il faut admettre que j'estime avoir bien de la chance, mais qu'il m'arrive également de manquer d'inspiration au milieu des rayons. Sans doute n'aurai-je jamais acheté Home sweet home, pour être tout à fait honnête avec vous. Je lui ai donné sa chance dans les conditions précitées, et sur la base d'une distribution alléchante. Jugez plutôt ! Du côté des "grands anciens", on retrouve l'inénarrable Daniel Prévost et l'assez discret Patrick Chesnais, tandis que, du côté des "jeunes", c'est avec Judith Godrèche et Alexandre Astier que le réalisateur nous invite à passer un moment. Je vous le dis franchement: c'est surtout pour le dernier de la liste que j'ai été tenté de regarder ça d'un peu plus près. Je voulais savoir comment l'intéressé s'en sortait loin de ses pitreries et râleries habituelles à la cour de Kaamelott...

La réponse est plutôt bien. C'est aussi assez sympa de voir le sieur Astier partager la vedette avec d'autres, plus expérimentés que lui au cinéma, tout en conservant son phrasé et ses mimiques arthuriennes. L'intérêt de Home sweet home ne s'arrête pas là. Objectivement, tous les comédiens de ce (petit) film jouent correctement, à peu près au même niveau, sans que le talent de l'un n'empiète véritablement sur la performance de l'autre. Le principe même de cette histoire n'est, il est vrai, pas franchement compliqué. Le film nous incite à suivre les pas d'une jeune femme qui, larguée, rentre dans le village de son enfance pour trouver du réconfort auprès de son papa et d'un vieil ami. Elle va y croiser un flic venu enquêter sur un meurtre et ainsi dérouler les fils d'une histoire enfouie de longue date. Chabrol sans la critique bourgeoise.

L'argument est léger, c'est entendu, mais ça n'empêche pas de passer un bon moment devant sa télé. Chacun des protagonistes a fait mieux, mais pour le cinéaste Didier Le Pêcheur, ce long métrage n'est pas mauvais. Il faut par exemple lui reconnaître une science éprouvée du casting, mais aussi une capacité d'introduire une dose de fantaisie et d'humour à froid dans un film qu'on aurait pu imaginer un peu plus noir. Bref, Home sweet home joue avec les divers codes du cinéma de genre, les travestit, apporte quelques idées nouvelles et, sans régaler, assure plutôt bien sa mission de divertissement. J'ajouterai pour conclure sur cette idée que, sans probablement rester éternellement dans ma mémoire, le film m'est donc assez sympathique. Et que j'espère désormais que d'autres permettront encore à Alexandre Astier de s'exprimer sur grand écran. Notez d'ailleurs qu'il était au générique Coluche, l'histoire d'un mec...

samedi 11 juillet 2009

L'enfoiré, côté sombre

Il a fait rire des millions de Français. Il en a réconforté beaucoup d'autres. Il est mort sur une route de Provence et, plus de vingt ans plus tard, il garde une place à part dans notre histoire nationale. Pour lui rendre hommage, Antoine de Caunes a choisi d'évoquer "simplement" deux petites années de sa vie, au cours desquelles il fut, pour le parti d'en rire, l'un des candidats engagés dans la course à la présidence de la République. Coluche, l'histoire d'un mec est, je trouve, un film courageux. Il fallait d'abord avoir une certaine dose de culot pour faire revivre l'humoriste le plus populaire de son temps. Il en fallait davantage encore de l'aborder par un petit bout de lorgnette, de le réduire ainsi, si j'ose dire, à l'un de ses engagements les plus forts, les plus symboliques. Il aurait sans doute été déjà difficile de signer un biopic classique sur la vie de ce grand héros national. Se focaliser sur une courte période, c'était bel et bien un pari. Un quitte ou double casse-cou, du genre peut-être de ceux qu'aurait pu faire un dénommé Michel Colucci.

Pari gagné ? Pari perdu ? Pour de nombreuses critiques que j'ai eu l'occasion de lire sur le film, Coluche, l'histoire d'un mec restera une déception. Beaucoup affirment en fait qu'Antoine de Caunes a été aveuglé par son admiration et, du coup, écrasé par son sujet. Convenons-en: ce n'est pas tout à fait faux. Son film-référence reste à réaliser et celui-là n'est pas exempt de défauts. Je tiens toutefois aussi à le défendre, car, devant ma télé, j'ai véritablement pris plaisir à (re)découvrir cette histoire ancienne. En termes journalistiques, le réalisateur a donc choisi un angle: des sketches "coluchiens", on entend juste une petite partie, et on reste essentiellement les témoins, à l'arrière-plan, de la progression chaotique de son parcours politique. Bilan et je crois qu'il est important de le dire: le film n'est pas drôle, pas drôle du tout, même. Je l'ai au contraire trouvé très sombre, à l'image de son héros, militant sincère et apolitique de la cause populaire, vite encouragé dans sa démarche, mais finalement dépassé par les événements. Oui, il y a beaucoup de pathétisme dans ce parcours, en fait.

Coluche, l'histoire d'un mec donne à voir la face la plus cachée (et parfois tout autant la moins reluisante) de son personnage principal. Un brave type, indubitablement, mais qui s'engage dans un combat trop dur pour lui et qui, peu à peu, délaisse sa femme, se coupe doucement de ses enfants, se fâche avec ses amis. J'ai senti planer l'ombre de la mort sur une bonne partie du film, au point que j'ai fini par remettre mes souvenirs en doute quant à la date de l'accident. Mais non ! Ma mémoire ne me trompait pas totalement: c'est bien après l'élection, et précisément en 1986, que Coluche fut tué. Il y a quelque chose de très touchant dans la manière pudique dont Antoine de Caunes raconte son aventure et son renoncement: on y découvre un clown triste hanté par de vieux démons. La naissance ultérieure des Restos du Coeur trouve là une résonnance intime tout à fait intéressante, comme une forme de revanche douce face au cynisme des hommes politiques "traditionnels". Pour faire passer ce message puissant, il fallait assurément un grand acteur dans le rôle-titre. Bingo ! Dans son phrasé, dans sa gestuelle comme dans l'expressivité de son jeu, François-Xavier Demaison est juste parfait !

mardi 7 juillet 2009

Cantona que l'humour

Il est quand même fort, cet Eric Cantona. Pour un peu, il arriverait presque à me faire aimer le foot et les Anglais. Je dois d'abord admettre que je n'ai pas hésité longtemps avant d'aller voir Looking for Eric, le dernier film de Ken Loach, dont il est à fois le héros, l'acteur principal et le co-producteur. Le capital sympathie que j'avais déjà développé pour le bonhomme en est sorti encore grandi. Sincèrement, je crois que nous tenons là un vrai chic type, du genre de ceux que la générosité pousse à partager leur bonheur. Surprenant pour les habitués des drames de Ken Loach: le réalisateur anglais vient bel et bien de signer une comédie pétillante. Entré au cinéma en toute confiance, j'en suis revenu le sourire aux lèvres, content d'avoir vu ce chouette film, plein d'un humour très communicatif. Presque tout au long, on rit beaucoup et, par les temps qui courent, ce genre de choses, ça fait franchement beaucoup de bien ! L'antidote rêvé à la morosité ambiante, j'vous assure !

Plantons le décor: Eric est un pré-quinquagénaire britannique, qui vit seul à la tête d'une famille plusieurs fois recomposée. Il peut bien sûr compter sur une bande de copains - supporters de Manchester comme vous l'aurez compris -, mais son boulot et sa vie lui sont quelque peu pesants. Perdu dans ses sombres pensées, notre homme cherche du réconfort en parlant dans le vide, posté devant un poster géant de son héros, Eric Cantona himself. A la recherche d'Eric. Looking for Eric, en anglais dans le texte. Une quête improbable finalement menée à bien quand, un beau matin, Eric le paumé voit apparaître Eric l'ex-footballeur dans sa chambre à coucher ! Lequel va s'échiner à le remettre d'aplomb en lui distillant, bon gré mal gré, quelques axiomes de sa meilleure philosophie. On peut bien trouver cette idée de départ un peu absurde. Je dirais, moi, qu'elle est plus exactement farfelue. Reste que ça fonctionne parfaitement bien ! Comme dopé par la combativité de son idole, Eric le loser va gagner en courage, relever la tête, reprendre le contrôle de sa vie.

Sauf à être totalement imperméable à l'émotion, c'est alors difficile de ne pas s'identifier peu ou prou à ce brave type. Certes, le retour progressif à une vie moins ordinaire ne va pas sans heurts, remises en question et réveils de quelques vieux démons. Looking for Eric délivre toutefois un message éminemment positif. On sent bien que, poussé par Cantona, Loach a repris quelques-uns des thèmes sociaux qui lui sont chers, mais pour cette fois insuffler l'espérance au coeur de son public. Il faut, je crois, être profondément cynique ou blasé pour ne pas adhérer du tout à la démarche. Dans ce joli numéro d'auto-dérision, l'ami Canto est parfait. On prendra aussi beaucoup de plaisir à découvrir un casting anglais impeccable ! Je donne d'ailleurs une mention spéciale à Steve Evets, que j'ai découvert dans le rôle principal. Hormis notre Frenchie roi du ballon, il n'y a d'ailleurs pas de star dans ce film-là. Soyez tranquilles: je puis vous assurer que cela ne nuit en rien à la qualité de l'ensemble, bien au contraire.

vendredi 3 juillet 2009

Combines et dépendances

Un peu de cuisine interne, d'abord: quand je me décide à publier ici une nouvelle chronique, je commence par chercher de quoi l'illustrer. Il m'est arrivé de m'interroger sur le droit que j'avais d'utiliser ainsi des images qui ne m'appartiennent pas, avant que mon amie Céline me dise que 1) ce n'était pas bien méchant et 2) je faisais également, du coup, un peu de promotion aux oeuvres ici évoquées. Bref. Aujourd'hui, en ouverture du message, j'ai choisi le visage presque spectral de Jennifer Connelly, car je trouve qu'il correspond bien à la thématique de Requiem for a dream, le film dont je voulais vous parler. Il y a longtemps qu'on m'en parlait aussi et je me suis finalement décidé à le voir. On pourrait dire que j'ai osé, en fait, car j'admets avoir craint d'avoir du mal à le "digérer". Je me suis finalement lancé un jour où je pensais être prêt. Je ne le regrette pas. Voilà un cinéma certainement difficile, mais aussi une fiction apte à susciter la réflexion, portée par de très bons acteurs. Je dirai qu'ils ont tous dû prendre un certain risque avec ces rôles plutôt durs.

Vous connaissez ? Le film ayant obtenu son petit succès et datant tout de même déjà de neuf ans, c'est possible. Petit résumé: il s'agit d'une oeuvre assez sombre sur la drogue, sans doute, mais plus encore sur la dépendance. Découpé en trois parties de longueur inégale, le long métrage suit l'évolution - ou plutôt la déchéance - de quatre personnages principaux: trois jeunes et une vieille dame. Requiem for a dream commence lors d'un chaud été new-yorkais, dans les pas d'Harry et de Marion, deux amoureux qui rêvent vaguement d'une vie meilleure toute en sniffant de la coke. Il faut admettre que les choses ne vont pas si mal pour eux, au début, d'autant que la jeune femme espère ouvrir une boutique de mode. Certes dépendants, ces deux-là ne sont pas malheureux. Même chose pour le pote d'Harry, Tyrone, qui imagine que le deal de poudre blanche lui assurera un train de vie simple et confortable. Et pendant ce temps, Sara, la mère d'Harry, se dit qu'elle va réaliser son rêve, mais aussi faire pâlir d'envie ses voisines, en passant à la télé...

Plus dures seront les chutes. Sortis d'eux-mêmes à cause des paradis artificiels, les quatre anti-héros vont tomber de très haut. Ce qui est dur, dans ce moment de cinéma, c'est que cette dégringolade n'est évidemment pas soudaine, mais progressive, et de plus en plus rude, jusqu'au générique final. Au départ, la question qu'on se pose (brièvement) est de savoir comment les personnages vont s'en sortir et puis, très vite, on comprend qu'au mieux, ils s'en sortiront mal. Et, le coeur serré, on attend que leur destin les rattrape, ce qu'il fait violemment pour chacun des quatre. Mieux vaut regarder Requiem for a dream le coeur solide, bien accroché. Le grand mérite qu'a Darren Aronofsky, c'est pour moi de ne pas avoir porté de jugement. Le réalisateur ne délivre pas de message particulier: il est plutôt dans l'exposition. Chacun reste ainsi libre de la conclusion à donner aux dérives ici filmées. La réussite du film tient aussi au style adopté, avec un travail assez important - et des plus intéressants - sur l'image, le cadre et le montage. "Beauté" formelle qui pourrait bien vous glacer les sangs, mais qui, d'après moi, mérite à elle seule qu'on s'y attarde. Il y a là une façon de filmer très peu commune.