lundi 27 avril 2009

En route vers la Croisette

Chose promise, chose due: je poursuis ce soir mon petit panorama des réalisateurs qui brigueront la Palme d'or du Festival de Cannes millésime 2009. Il y a, cette fois encore, un certain nombre de noms que je connais déjà, et d'autres que je découvre totalement. C'est d'ailleurs pour moi l'un des intérêts de ces grands rendez-vous cinéma: avoir la possibilité de découvrir d'autres créateurs, d'autres inspirations aussi. Vous me direz qu'il faut encore en avoir l'opportunité concrète. Gageons donc qu'après avoir pu parader quelques jours sur la Croisette, ces messieurs-dames seront aussi présents en salles obscures. En attendant, voici donc la fin de la liste.

Réalisateur numéro 11: Ken Loach. Un autre habitué du Festival, dont il a remporté la Palme en 2006 avec Le vent se lève, chef d'oeuvre sur les origines du conflit irlandais. J'ai vu beaucoup d'autres de ses films, généralement réputés pour leur engagement social. Je suis curieux de découvrir son dernier, Looking for Eric, avec Cantona dans le rôle-titre. Ce que ça raconte ? J'ai décidé d'ignorer cette question, pour garder une vraie possibilité d'être surpris. Ce n'est pas comme si j'étais membre du jury, faut dire...

Autre revenant: Brillante Mendoza, qui viendra cette fois présenter Kinatei - un petit doute sur l'orthographe, j'avoue. Venu de Manille, ce réalisateur était déjà présent avec un autre de ses films... l'année dernière. Je ne crois pas qu'on attribue de Prix à l'usure, mais disons qu'en matière de constance, notre homme est plutôt bien parti. Et voilà toujours un ambassadeur de plus pour le cinéma asiatique !

Même chose pour Tsai Ming-liang, chinois de Malaisie. Il présentera un film intitulé Visage, tourné au Louvre avec notre Laetitia Casta nationale. Je demande à voir ce que ça donne, car il paraît en fait que le film devrait associer ses acteurs aux oeuvres d'art du Musée. Pour dire quoi ? Je l'ignore. Encore un peu de patience.

Les festivaliers en auront-ils pour Gaspard Noé ? L'homme les a déjà quelque peu rudoyés voilà quelques années, avec le mémorable Irréversible, que je n'ai toujours pas osé regarder et dont, j'imagine, la Croisette frémit encore. Cette fois, le film s'appelle Soudain le vide et il est précédé d'une réputation assez "solide" également. Le spectateur y serait invité à suivre une autre descente aux enfers, celle d'un toxicomane, filmée en caméra subjective. Expérience probablement éprouvante, mais après tout, vrai pari cinématographique aussi. Là encore, faut voir...

Le dernier des réalisateurs français en lice est également... le doyen de la sélection: Alain Resnais grimpera les marches à 86 ans révolus ! J'ai vu quelques films du papy: On connaît la chanson, qui ne m'a que très moyennement séduit, et, plus récemment, Coeurs, que j'ai trouvé un peu meilleur. J'en ressors avec l'idée générale d'un cinéma qui met surtout en avant le travail des acteurs. Je crois aussi avoir remarqué que le réalisateur a autour de lui une petite famille, notamment composée de Sabine Azéma et d'André Dussolier. Attendons pour découvrir avec qui il parcourra Les herbes folles...

Pour ne pas perdre un temps précieux, il est permis de s'intéresser aussi à Elia Suleiman. Moi pas connaître du tout. Je relève toutefois que ce réalisateur palestinien, lui, est déjà connu à Cannes, où il a remporté en 2002 un prix pour son film Intervention divine, présenté comme une comédie tragique (si, si !) sur la vie quotidienne dans les territoires palestiniens. Ma source, Wikipedia, ne précise pas ce que raconte The time that remains, sa création 2009. Pour moi, ce sera donc une autre surprise possible.

Ce qui en est une aussi, et une grosse, c'est que Quentin Tarantino soit le seul Américain de la sélection ! D'ailleurs, le comité d'organisation du Festival s'en est expliqué en arguant que la grève des scénaristes hollywoodiens avait eu aussi cette conséquence-là. Admettons. Je note aussi que l'unique représentant de la bannière étoilée a déjà été palmé. Souvenez-vous: c'était avec Pulp fiction, en 1994, déjà. Cette fois, on aura droit à Inglorious basterds, film sur la seconde guerre mondiale, avec un Brad Pitt en sergent instructeur moustachu. Si c'est moins basique que ce que QT a présenté dernièrement, ça peut être intéressant.

Et qu'attendre de Johnny Hallyday ? L'acteur-chanteur apparaîtra sûrement sur la Croisette cette année, puisqu'il est le héros du film de... Johnnie To, Vengeance. Un film du genre thriller qui débarque de Hong Kong, avec l'idole des jeunes pour personnage principal ? Avouez qu'il y a de quoi être interloqué. Séduit, c'est bien entendu une autre histoire, mais pour ma part, je n'ai pas d'a priori défavorable. J'ai vu quelques bons films avec ce cher vieux Smet...

Un autre que j'attends, c'est Lars Von Trier. Les connaisseurs objecteront sûrement qu'on ne rigole pas vraiment dans ses films. C'est vrai ! Je n'ai pas dit le contraire. J'ajouterai que je n'en ai pas moins été scotché par Dancer in the dark, oeuvre qui lui valut d'obtenir la Palme d'or en l'an 2000. J'aime aussi Dogville, tout aussi glauque, mais finalement bien différent. Je suivrai Antichrist, nouvelle création du Danois, avec intérêt. Rendez-vous au cinéma.

Enfin, si j'en ai l'occasion, je pense que j'apprécierais de pouvoir découvrir le travail du Chinois Lou Ye. Lui aussi est déjà venu défendre un de ses films à Cannes et il en a payé le prix fort: n'ayant pas prévenu les autorités de son pays, et n'étant dès lors pas officiellement autorisé à faire le voyage, il fut interdit de tournage pendant cinq ans. Ce qui ne l'a semble-t-il pas empêché de revenir avec une Nuit d'ivresse printanière, film sur la passion amoureuse et homosexuelle. Pas sûr que ça plaise au régime, mais tant pis ! Désormais, du côté du Festival, il reste à attendre quinze jours avant de découvrir ce film et tous les autres, toutes sélections comprises. Côté grand public, ce sera certainement un peu plus long, bien sûr. Vous, je ne sais pas, mais moi, je suis déjà assez impatient !

samedi 25 avril 2009

Premiers échos cannois

Pour commencer ce message "hors catégories", une dédicace spéciale à mon amie Julie, avec qui je discutais jeudi soir de la sélection officielle du 62ème Festival de Cannes, dévoilée le jour même. C'est ce qui m'a donné envie d'annoncer l'événement ici. J'ai longtemps hésité sur la forme, mais, sachant que de nombreux critiques ont qualifié ce premier choix d'assez conventionnel, j'ai fini par vouloir me positionner selon mes connaissances propres. J'ai donc privilégié une présentation - courte, mais exhaustive - des vingt réalisateurs en lice pour la Palme d'or, de ce que je sais d'eux et de ce que j'ai pu lire ici ou là. Par ordre alphabétique, voici d'abord les dix premiers.

La récompense suprême lui échappe toujours, mais Pedro Almodovar est un habitué de la Croisette. Il a été membre du jury en 1992. Il y a reçu le Prix de la mise en scène en 1999 avec Tout sur ma mère. Souvenir plus récent: ses actrices féminines ont obtenu un Prix d'interprétation collectif en 2006, pour Volver. L'Espagnol n'avait rien réalisé depuis et revient donc cette année avec son nouveau film, Les étreintes brisées. De sa filmographie, je n'ai vu pour l'instant que Parle avec elle. Je n'ai pas renoncé à aller plus loin.

Andrea Arnold, je ne connais pas. Cette réalisatrice britannique viendra à Cannes avec Fish Tank, son deuxième long métrage. Wikipedia évoque une petite expérience du format court, notamment à la télé, qui lui a tout de même valu un début de reconnaissance professionnelle. Avec Wasp, elle a en effet obtenu un trophée intéressant: l'Oscar du meilleur court-métrage de fiction, en 2004.

Allez, retour pour moi en terrain connu avec Jacques Audiard. Le fils de Michel s'affirme de plus en plus comme un réalisateur de talent: les festivaliers pourront découvrir son cinquième film, Un prophète. J'ai vu deux de ses quatre premiers: Sur mes lèvres et De battre mon coeur s'est arrêté, deux oeuvres très noires et récompensées d'un total de onze Césars. Autres (re)découvertes possibles à l'avenir: une assez longue série de scénarios, mais aussi quelques clips vidéo, pour Noir Désir ou le regretté Alain Bashung, notamment.

On poursuit le tour d'Europe cinématographique avec un réalisateur italien, Marco Bellocchio. Je ne le connais pas. Il fêtera ses 70 ans cette année et, à Cannes, vient présenter Vincere, un film, si j'ai bien compris, sur l'amante et le fils naturel de Benito Mussolini. Aspect de la vie du Duce que j'ignore totalement, pour être honnête. Peut-être une découverte intéressante, donc.

Un autre retour à Cannes: celui de la néo-Zélandaise Jane Campion. Depuis longtemps déjà, j'espère voir son film le plus connu, La leçon de piano, récompensé de la Palme d'or en 1993. Le temps est passé. Après quatre autres réalisations, l'heure est maintenant venue d'offrir un nouvel opus aux festivaliers, Bright star.

Les connaisseurs du Festival soulignent que l'édition 2009 ouvre largement ses portes au cinéma asiatique. Parmi ses représentants: le sud-Coréen Park Chan-wook. Je n'ai vu aucun de ses films, mais quelques noms me sont familiers, ceux de trois des quatre derniers: Old boy, Lady Vengeance et Je suis un cyborg. Rendez-vous cannois est pris pour découvrir Thirst.

Retour en Espagne, maintenant, avec la Catalane Isabel Coixet. Franchement, ça ne me dit rien de particulier, même si elle a participé à une oeuvre collective dont j'ai un peu entendu parler: Paris, je t'aime. Artiste voyageuse, peut-être, elle nous invitera cette fois à découvrir le Japon avec Map of the sounds of Tokyo.

Le benjamin de la sélection est français ! Du jeune Xavier Giannoli, je ne connais qu'un seul film, Quand j'étais chanteur, surtout apprécié pour son chouette duo Gérard Depardieu - Cécile de France. Pas un chef d'oeuvre, mais une histoire sympa qui se laisse regarder sans déplaisir. On peut sûrement espérer qu'à 37 ans, le réalisateur n'a encore montré qu'une petite partie de son talent. La suite ? Eléments de réponse dans quelques jours avec A l'origine.

J'ai beaucoup entendu parler de Michael Haneke, mais je n'ai jamais rien vu de lui. Je crois qu'il adopte régulièrement un ton quelque peu dérangeant et que ses oeuvres sont dès lors assez exigeantes. Aujourd'hui, je remarque aussi qu'elles ont souvent été récompensées, et notamment à Cannes pour La pianiste et Caché. J'ai aussi entendu de bonnes choses sur Funny games, film qui porte très mal son nom, parait-il. Cette année, l'Autrichien revient donc avec une oeuvre nouvelle, Le ruban blanc.

Le dixième et dernier des réalisateurs que je vous présente aujourd'hui est taïwanais: il s'agit du célèbre Ang Lee. Un créateur assez éclectique: a priori, j'avouerai que tout ne m'emballe pas forcément dans sa filmographie, mais il a tout de même pour lui d'avoir signé deux films que j'aime énormément, Tigre et dragon d'abord, et Le secret de Brokeback mountain. Amérique toujours, mais changement de décor une fois de plus, avec un projet intitulé Taking Woodstock. Et voilà ! Sans attendre le 13 mai, date du coup d'envoi du Festival, je vous donne rendez-vous en début de semaine prochaine pour le reste de la sélection. D'ici là, bon(s) film(s) !

jeudi 23 avril 2009

La madeleine de Hawks

Le western, c'est à coup sûr le genre du cinéma qui a pour moi le plus le goût de madeleine. Inévitablement, toutes ces vieilles bobines tournées en technicolor me ramènent à mon enfance, à l'époque où mon père et moi regardions La dernière séance, formidable émission présentée par Monsieur Eddy Mitchell. J'étais moins bon connaisseur du septième art qu'aujourd'hui, mais j'appréciais toujours de pouvoir savourer l'une de ces innombrables histoires de cow-boys qui ont fait la légende d'Hollywood. Je ne me suis jamais vraiment remis du jour où ils ont supprimé le dessin animé avant les informations: il faut dire que c'était la dernière chose que j'avais le droit de regarder avant d'aller me coucher. Plus tard, j'ai su que j'étais devenu "grand" quand j'ai enfin été autorisé à regarder aussi le deuxième des films de la soirée, presque toujours un polar américain des années 40-50, en noir et blanc et VO. J'ai dû voir bon nombre de chefs d'oeuvre. L'autre soir, c'est ce souvenir quelque peu nostalgique qui m'a fait rester devant la télé à regarder Rio Lobo, western à l'ancienne, donc, et dernier film de Howard Hawks, avec l'incontournable John Wayne.

Bêtement, j'ai raté les premières minutes, coincé au téléphone, puis confronté à un problème - chez moi classique - de décodeur TNT. J'ai dû manquer l'argument de départ, cette fin de guerre de Sécession où les héros du film font la paix et, ex-ennemis au front, finissent par se retrouver amis dans le civil. Magie du cinéma qui réconcilie les hommes plus vite que ne le fait l'histoire ! Mais peu importe... Bien évidemment, dans un western américain, il y a des figures imposées: un ou des héros incorruptibles, opposés à un méchant dépourvu de scrupules, chef d'une bande de desperados. Et bingo ! C'est encore le cas ici: le valeureux général yankee en retraite qu'incarne John Wayne se rend à Rio Lobo, petite bourgade isolée, sur les traces d'un de ses anciens hommes, qu'il accuse de corruption au profit de l'ancienne armée sudiste. Bien évidemment, l'accusation est juste et la fripouille d'une vilenie sans nom. Il s'agira donc d'échafauder différents plans pour l'éliminer... et bien évidemment d'y parvenir. En somme, à l'ouest, rien de franchement nouveau...

Reste que je ne boude pas mon plaisir: j'ai bien aimé voir (revoir ?) Rio Lobo. Quelques-unes des rares critiques que j'ai pu découvrir ici et là sur le Net indiquent que ce n'est certainement pas le meilleur des westerns possible, ni même d'ailleurs le chef d'oeuvre du maître Howard Hawks. Qu'à cela ne tienne: sans être franchement extraordinaire, le film délivre la marchandise qu'il est censé garantir. Il y a tout ce qui fait un classique du genre, sauf quelques plumes d'Indiens, et il y a aussi, ce qui s'avère assez étonnant, un peu d'humour dans les dialogues. Bien évidemment, tout ça paraît un peu défraîchi aujourd'hui, mais encore une fois, je ne m'attendais pas franchement à une réflexion post-moderne sur l'avenir de l'être humain de l'autre côté du Pécos. J'ai passé un bon moment, et voilà. Ni plus ni moins. Je me suis rappelé l'ambiance de mes mardis d'enfance, quand Schmoll nous racontait ses histoires. Ce n'est jamais franchement déplaisant de se retourner sur ce passé-là...

lundi 20 avril 2009

Gabin-Audiard, plaisir à l'ancienne !

Allez, un vieux film, aujourd'hui ! L'autre dimanche, j'ai poursuivi dans ma démarche de découverte du patrimoine cinématographique français avec Gas-oil, oeuvre assez méconnue de Gilles Grangier, datée de 1955. Sans doute aurez-vous reconnu Jean Gabin, le héros (camionneur) de cette histoire "à l'ancienne". L'intrigue, elle, tient facilement en quelques mots. Chauffeur routier de son état, donc, Jean fait un aller-retour entre sa province et la région de Paris histoire de livrer une marchandise. Sur le chemin du retour, il doit affronter un très violent orage et, dans un virage, roule sur un corps allongé sur le bitume. Notre homme imagine le pire: il pense avoir percuté un homme ivre ou inconscient et l'avoir tué. Bien sûr, c'est une erreur ! Le corps en question était déjà sans vie avant l'accident. Il s'avère être celui d'un truand éliminé par ses complices. Lesquels complices vont tout de même mener la vie dure à l'infortuné Jean...

Bien qu'il se soit passé un demi-siècle depuis la période où il était affiché en salles, je peux vous dire d'emblée que j'ai vraiment apprécié Gas-oil. En fait, j'étais juste parti dans l'idée de voir quelque chose avec Jean Gabin, et, sachant également que j'ai encore trois autres films "inédits" ici, j'avais en quelque sorte l'embarras du choix. Je n'ai pas regretté ma sélection: sans être franchement un chef d'oeuvre immortel, le film de Gilles Grangier tient - si j'ose dire en l'occurrence - parfaitement la route. Il faut dire qu'il roule aussi sur des dialogues aux petits oignons de l'orfèvre, Michel Audiard soi-même. Mais là, point trop de truculence, plutôt juste ce qu'il faut de gouaille populaire et de poésie langagière. Amoureux des mots comme je le suis, je me suis véritablement régalé. Ce qui compte, dans cette grosse heure de cinéma, ce n'est pas tant l'histoire, mais plutôt le verbe et les situations.

Parmi les situations en question, j'en retiens une, à mes yeux certainement la plus intéressante: cette histoire d'honnêtes gens ennuyés par un trio de petites frappes est aussi une histoire d'amour entre les personnages principaux joués par le grand Jean Gabin, donc, et la très jeune et belle Jeanne Moreau. C'est sans doute autour de leur relation que Michel Audiard tisse ses meilleurs textes ! Ne négligeons pas pour autant le reste d'un casting fort inspiré, avec notamment un étonnant Roger Hanin dans la peau du chef de gang. Bref, Gas-oil, c'est une plongée dans le passé, un voyage catégorie "première classe" en compagnie de monstres sacrés. Evidemment, ce genre de spectacles a un côté suranné, le rythme imprimé au film étant bien sûr assez peu soutenu. Il n'empêche: j'ai pris beaucoup de plaisir devant mon écran et je vous recommande d'essayer si le noir et blanc ne vous rebute pas trop. Ce serait vraiment dommage de passer à côté sur un simple préjugé...

samedi 18 avril 2009

Destinées américaines

Le mois dernier, j'ai eu le grand privilège d'assister aux répétitions d'un opéra. Pouvant les suivre plusieurs jours d'affilée, je me suis rendu compte qu'un nombre important de corps de métiers participe à l'élaboration du spectacle. J'ai même pu parler avec deux personnes qui en avaient fait plusieurs: un ancien musicien devenu régisseur, ou encore un ex-machiniste désormais chargé de communication. Cela dit, je ne suis pas sûr qu'il soit si évident de passer d'un métier à l'autre dans le monde artistique. Au cinéma comme ailleurs, certains y arrivent tout de suite, d'autres jamais et d'autres encore progressivement, j'imagine. C'est ce à quoi j'ai songé peu après avoir vu Collision, un film signé Paul Haggis, que la jaquette du DVD présentait comme le scénariste de Million dollar baby, le chef d'oeuvre sur le monde de la boxe qu'avait réalisé Clint Eastwood.

Après coup, je me suis vite dit que Paul Haggis était certainement un bon scénariste, mais pas un bon réalisateur. C'est un peu sévère. La preuve: presque tout de suite après, j'ai relevé que l'intéressé signait avec Collision son premier film et qu'avant de le découvrir, j'avais déjà vu son second, Dans la vallée d'Elah, chroniqué ici même le 22 février. J'ai donc pris un peu de recul sur mon impression initiale. Et il m'est apparu évident que ce premier essai de travail derrière la caméra a tout de même quelques belles qualités. Signalons qu'il s'agit d'un film choral, avec de nombreux personnages aux destins dissociés et qui, pour les besoins du scénario, finissent inévitablement par se croiser. D'où le titre. Cette histoire est aussi celle de l'Amérique post-11 septembre, celle de ses communautés essayant plus ou moins bien de vivre ensemble. Une bonne façon d'appréhender, de comprendre, les Etats-Unis d'aujourd'hui.

S'il y a quelque chose dont je ne doute pas, c'est que Collision "parle" aux Américains. Moi, l'Européen convaincu, je suis quelque peu resté à côté, je dois dire. Encore une fois, le film n'est pas mauvais, loin de là. Il délivre un message intéressant, fait régulièrement réfléchir à ce qu'on aurait tendance à faire à la place des personnages, confie des rôles assez forts à un casting plutôt bien choisi, offre également de belles images... bref, beaucoup de ce qu'on est en droit d'attendre du cinéma. Ce qui coince ? Je ne sais pas bien l'expliquer. Peut-être que, devant ces destins croisés, je me suis senti un peu... étranger, au sens propre comme au sens figuré. Je n'ai pas réussi à me dire que ce kaléidoscope de situations pouvait vraiment me concerner. D'ailleurs, pour moi, sur cette perspective, Dans la vallée d'Elah est bien meilleur. Après avoir éteint l'écran télé, j'ai donc rangé le DVD avec une petite pointe de déception. J'attendais un peu mieux. Maintenant, je reconnais aussi que tout n'a pas été négatif. Je dirai même que Paul Haggis est sûrement un réalisateur à suivre. J'attends désormais son troisième film pour mieux le cerner.

vendredi 17 avril 2009

Malins, les frangins !

Allez, encore une anecdote sur Fargo avant de passer à autre chose. Vous rappelez-vous ce que j'ai dit ici à propos du diptyque cinématographique consacré à Mesrine ? Mais si, enfin ! Non ? Vraiment ? Vous êtes sûrs ? Vous pouvez fouiller dans les archives si le coeur vous en dit, mais en gros, j'expliquais que les deux films étaient pour moi deux fictions inspirées de la réalité, et non pas, bien au contraire, deux transcriptions 100% fidèles de ce qui s'était passé à l'époque. Dans Fargo, les frères Coen nous préviennent d'emblée que leur travail s'inspire d'une histoire vraie. On pourrait même dire "incroyable mais vraie", tant les situations décrites sont rocambolesques. Tenez-vous bien avant de lire la suite !

C'est bon, vous êtes prêts ? OK. Si les situations décrites dans Fargo paraissent si rocambolesques, l'explication est toute simple: c'est juste que Ethan et Joel Coen ont... menti ! Les événements décrits dans le film ne se sont pas réellement déroulés. Enfin, si, mais pas de manière aussi simple qu'ils le prétendent. En fait, les frangins ont pris appui sur une certaine réalité. D'après ce qu'ils ont eux-mêmes expliqué après la sortie du film, ils ont en fait compilé dans Fargo plusieurs vrais faits criminels. Ils n'y ont donc pas remis en images une réalité, mais DES réalités. Une façon assez personnelle de jouer sur le faux que je trouve finalement très représentative de ce qu'est le cinéma: une apparence du vrai. Une apparence seulement.

dimanche 12 avril 2009

Dans le froid Minnesota...

Depuis combien de temps voulais-je voir Fargo ? Je ne sais pas dater avec précision, mais plusieurs années, c'est sûr. J'en ai eu la preuve rétrospective sur DVD Attitude, un forum cinéma que je fréquente avec plus ou moins de constance. J'ai vérifié: j'y avais exprimé l'envie de découvrir cette production des frères Coen en janvier 2006 ! L'idée trottait dans ma tête depuis déjà un bon moment ! Finalement, ce n'est qu'aujourd'hui que j'ai eu l'occasion de la suivre. Je ne le regrette pas. Ce long métrage sorti en 1996 est un bijou. Notons au passage que les professionnels de la profession l'ont d'ailleurs récompensé à de nombreuses reprises. Publier la liste serait sans doute un peu fastidieux. Je relèverai juste qu'aux Oscars comme à Cannes, l'actrice principale, Frances McDormand, fut couronnée d'un prix d'interprétation. Je vais revenir là-dessus. D'abord, un mot sur l'homme de la première photo, William H. Macy, alias Jerry Lundegaard à l'écran, l'anti-héros de cet âpre film noir. Tout le scénario part de son idée folle de faire kidnapper sa femme pour toucher une partie de la rançon. Un plan dont les frères Coen nous racontent une heure et demie durant... le gigantesque échec !

Pourquoi, comment, tout cela foire-t-il ? Ne comptez pas sur moi pour vous le dire ici ! Un indice, un seul: Jerry est cupide et stupide, ce qui fait qu'il court plusieurs lièvres à la fois pour récupérer l'argent de ses dettes, mais aussi, et c'est le noeud gordien du film, qu'il est bien incapable de ne pas se laisser déborder par les événements. Résumons: Jerry est un être médiocre, un de ces rednecks américains que l'on imagine parfois en Europe... sans les avoir rencontrés. Un exemple parmi d'autres. Il n'est pas le seul à n'avoir qu'une intelligence limitée. Showalter et Grimsrud, les deux truands qu'ils engagent donc pour kidnapper sa femme, ne valent pas mieux. Plutôt bien écrite, l'histoire de Fargo reste relativement classique. Là où le film est presque parfait à mes yeux, c'est dans le casting. Chaque acteur joue merveilleusement juste. Et en ce qui concerne les kidnappeurs, donc, Steve Buscemi et Peter Stormare sont particulièrement convaincants. Froids, veules et impulsifs.

J'en viens finalement à Frances McDormand, le seul personnage réellement positif de cette sombre histoire, la lumière de ce film noir, son héroïne positive unique. Cette femme flic enceinte confrontée à ce que l'humanité a de plus vil est bluffante. Je me suis très vite pris de sympathie à son égard: elle enquête mais ne juge pas, réfléchit mais ne prend pas les choses de haut, fait son travail sans demander son reste. Cette Marge Gunderson, c'est l'Américaine moyenne qui prouve qu'on peut toujours s'en sortir en étant humble et en réfléchissant un peu. C'est un très beau rôle que les Coen ont donné là à l'une de leurs actrices fétiches. La comédienne lui fait honneur en livrant, tout en retenue, une prestation de haut vol. Histoire simple sur des personnages somme toute assez banals, Fargo est un film épatant. Peut-être faut-il le déconseiller aux âmes sensibles, mais j'oserai dire que c'est l'un des meilleurs polars que j'ai eu l'occasion de voir. Comme un écho, il a aussi réveillé mon envie de visionner tous les autres films des célèbres frangins...

jeudi 2 avril 2009

Un rêve norvégien

Je suis en train de me dire que ça commence à faire un bon moment que je ne vous ai pas parlé d'un film qui ne soit pas américain. Vérification faite, voilà neuf chroniques que j'évoque le septième art venu de l'autre côté de l'Atlantique. Il est peut-être temps de passer à autre chose, vous ne croyez pas ? Et voilà qui tombe bien, puisque le tout dernier film que j'ai vu est européen et même... norvégien ! Film que, cette fois, j'avais vu passer au cinéma, mais sans parvenir à le rattraper. Je n'étais pas persuadé qu'il sorte en DVD, mais c'est bel et bien arrivé: je peux donc vous présenter une curiosité baptisée La nouvelle vie de Monsieur Horten, et avec d'autant plus de plaisir que cette création nordique m'a vraiment plu. Bien évidemment, il faut accepter de sortir un peu de ses sentiers battus. Comme vous l'avez sans doute compris, c'est ce à quoi je m'essaye périodiquement. Croyez-moi: pour l'occasion, ça vaut le coup !

Le mieux pour rentrer dans cette histoire, je crois, c'est encore d'oublier ses repères franco-français. Le point de départ de l'intrigue n'est pas foncièrement original: le film s'ouvre une série de tunnels et l'avant-dernière journée de travail du héros. Cheminot conducteur de locomotive, Ogg part donc à la retraite. Là où les choses commencent à dévier d'une réalité trop balisée, c'est en fait quand, après un dernier verre avec l'ensemble de ses collègues, il ne peut pas pénétrer dans l'immeuble où ils ont décidé de faire la fête. Conséquence: La nouvelle vie de Monsieur Horten débute en fait par une occasion ratée, quand l'intéressé n'est pas où il devait être. Un premier décalage qui illustre bien la tonalité générale du film.

La retraite de Ogg a un point commun avec celle des pensionnés habituels: elle l'oblige à s'occuper autrement, à explorer patiemment le champ de possibles activités de substitution, puisqu'il ne travaille plus. Boire une deuxième bière. Rencontrer un voisin schizophrène. Décider de vendre son bateau et finalement y renoncer encore. S'offrir une nouvelle pipe. Visiter sa vieille mère. Enfin sauter à ski. La nouvelle vie de Monsieur Horten se construit devant nous. Taciturne et solitaire, saura-t-il enfin se mêler aux autres ? Je crois également que, dans une certaine mesure, c'est aussi ce que raconte ce film, au fil des petites rencontres de son personnage. Je ne suis pas sûr que vous ne trouviez pas l'argument un peu léger pour tenir une heure et demie, alors je préciserai une chose à mes yeux importante: le long métrage baigne très vite dans une atmosphère onirique, qui donne aux événements une coloration fantaisiste franchement originale. Et c'est à ce titre que je vous recommanderai de découvrir cet OFNI - objet filmique non identifié. En restant ouvert à autre chose qu'un scénario classique, on s'évade aussitôt dans cette drôle d'histoire et on finit alors par s'en enthousiasmer.