lundi 21 décembre 2009

2010, année eastwoodienne ?

Soyez prévenus: après ce message, Mille et une bobines fait relâche. Un break d'une semaine au moins, probablement de deux. Mon année 7ème art ayant commencé avec la découverte d'un Clint Eastwood (L'échange) au cinéma, et comme l'acteur américain reste LA star que je juge incontournable, je souhaite vous rappeler que l'année prochaine verra très vite débarquer sa nouvelle réalisation: Invictus, en salles dès le 13 janvier. J'en ai déjà touché un mot il y a un mois et demi, mais je confirme que c'est l'une de mes grosses attentes pour début 2010. Les infos commencent à circuler et on annonce ici et là une nouvelle grande oeuvre eastwoodienne. De quoi patienter jusqu'à la suivante, Hereafter, dont on ne sait encore qu'assez peu de choses si ce n'est qu'il s'agira d'un film fantastique où jouera notamment Cécile de France. Bien sûr, je vais surveiller ça aussi...

L'année prochaine, si tout va bien pour lui, Clint Eastwood fêtera également ses 80 ans. Comptez sur moi: j'ai déjà quelques idées pour marquer l'événement à sa juste valeur. Avant d'être un peu plus explicite là-dessus, j'avais envie de vous dire que j'ai pris beaucoup de plaisir à vous parler de cinéma au cours de cette année et au fil de ces 132 (!) chroniques estampillées 2009. Quelques commentaires supplémentaires seront toujours les bienvenus, mais pas de raison que cela cesse pour ma part ! Je précise d'ailleurs que le millésime n'est pas tout à fait fini pour moi, car j'ai en stock quelques films vus et non encore chroniqués, et que j'en verrai assurément d'autres avant mon retour en ligne. Et c'est en fait compter sans Avatar, Invictus (donc), Gainsbourg - Vie héroïque et Océans, au nombre des premières oeuvres que j'ai dès à présent mises à mon agenda cinématographique prochain. Promis: je vous en reparle très vite !

samedi 19 décembre 2009

Un vrai sale gosse

Il faudra qu'un jour, je me décide à découvrir les premiers films d'Albert Dupontel. Il y a peu, j'ai vu son dernier au cinéma: Le vilain semble quelque peu décevoir les habitués de l'humoriste cynique. Objectivement, c'est vrai qu'il n'y a rien de franchement méchant dans ce long métrage format court: une heure et une petite vingtaine de minutes de cinéma qui racontent le retour-surprise d'un loser braqueur de banques chez sa vieille maman, vingt ans après en être parti, officiellement pour faire des études. Cette anecdote donne d'ailleurs l'une des scènes très drôles du film, le mauvais garçon comptant sur ses doigts pour confirmer que "lundi, mardi, mer... euh... ah oui, vingt ans, déjà !". Maintenant, force est de constater que ceux qui pouvaient attendre un peu de corrosif de l'oeuvre d'Albert en seront pour leurs frais: j'ai le sentiment, moi, que l'acteur et réalisateur s'est surtout fait plaisir en tournant un nouveau film avec son amie Catherine Frot, trois ans après le très sucré Odette Toulemonde d'Eric-Emmanuel Schmitt. Aurait-il du même coup été "contaminé" par la douceur de ce film précédent ? A priori non. Son histoire à lui est tout de même un poil plus féroce, même si tendre également. Et s'il est évident que Dupontel s'amuse (beaucoup) à se mettre dans la peau de ce mauvais sujet même pas repenti, il est clair que le rôle maternel est à la fois franchement mis en avant et joliment interprété. Ce n'est pas très étonnant.

Mon hypothèse d'une envie de faire plaisir à Catherine Frot me paraît d'autant plus tenir la route que j'ai pu lire que c'était la première fois que Dupontel partageait autant le rôle-phare dans l'un de ses films. Le vilain, c'est lui, bien sûr, et le titre est bien choisi. Il aurait pu toutefois être différent et évoquer plutôt le personnage féminin. Saluons ici la performance d'une actrice, qu'on a certes déjà eu l'occasion de voir dans des rôles un peu similaires, à l'image notamment de la Yolande d'Un air de famille, mais qui aurait gagné ici en maturité et... disons en malice. Explication: sous ses cheveux blancs et malgré sa nostalgie du passé, cette vieille dame retrouvant son fils devenu bandit n'est pas totalement naïve. Elle ne se laisse donc pas duper par ses mots gentils et toutes ses petites attentions de circonstance. Bien au contraire, comprenant vite qu'elle ne peut rien tirer de cette crapuleuse progéniture, elle va en quelque sorte s'échiner à lui pourrir la vie. Oh, à sa façon, évidemment, et pour une raison assez particulière: parce qu'elle est convaincue que Dieu ne l'a toujours pas rappelée à lui du fait de la mauvaise éducation donnée au fiston. Il faut donc remettre le brave garçon dans le droit chemin. Réparer les (nombreuses) mauvaises choses qu'il a faites. Et tant pis s'il faut pour cela devenir un peu moins recommandable...

Au bilan, Le vilain n'est sûrement pas le film de l'année. Il est même certainement un peu moins bon que ceux des autres films signés Dupontel que je connais déjà. Faut-il dès lors vous le déconseiller ? Non, je ne crois pas, car il n'est pas mauvais pour autant, juste sûrement un peu décevant par rapport aux espoirs qu'on pouvait placer en lui. Répétons-le au risque d'enfoncer encore une porte ouverte: oui, il existe dans la filmographie "dupontelienne" un série d'autres longs métrages plus acides. Pour autant, je suis convaincu que, dans quelques années, on aura oublié de faire la comparaison. Peut-être savourera-t-on alors cette petite histoire, et simplement pour ce qu'elle est, une parenthèse ludique dans notre univers quotidien. Le pseudo-héros de cette histoire nous le promet d'ailleurs à la fin: il n'a pas l'intention de devenir autre chose qu'un sale gosse. Je crois qu'on peut donc toujours lui faire confiance pour rebondir rapidement et revenir à un humour un peu plus noir la prochaine fois. Je n'ai jamais ri aux éclats devant cette douce dernière comédie: j'ai toutefois souvent souri, accompagné... de ma propre mère. Et ce d'autant que je pensais à ma grand-mère et à son petit cri d'effroi quand je lui ai dit deux mots de ce scénario un peu tordu.

mercredi 16 décembre 2009

Le film de l'année ?

Je ne ferai pas d'exception pour Avatar. En bien ou en mal, je n'ai pas envie de critiquer un film avant de l'avoir vu. Toute la question est là: sachant qu'elle est sortie en salles aujourd'hui, irai-je voir cette oeuvre que d'aucuns vendent déjà comme l'événement cinématographique de l'année 2009 et une probable révolution durable pour le septième art ? Possible. Il est encore très prématuré d'y renoncer, d'autant que j'ai idée que, tant qu'à faire, il vaudra mieux la voir sur un écran géant. Simplement, je n'en fais pas franchement une priorité: j'ai prévu d'aller au cinéma ce week-end, mais pour voir autre chose. J'imagine que j'ai quelques semaines devant moi avant que le nouveau James Cameron quitte l'affiche.

Certains des films qui m'attiraient vraiment cette année ne sont restés au programme des cinémas niçois qu'une petite semaine, mais je suis presque sûr que celui-là tiendra au moins un mois. On parie ? Je prendrai donc mon temps avant de (peut-être) aller le découvrir. Je crains que, derrière des images époustouflantes, se cache, sinon un vide scénaristique absolu, une histoire assez convenue opposant de gentils extraterrestres à de méchants terriens. Que ce soit justifié ou pas, c'est en tout cas la teneur des critiques que j'ai déjà parcourues sur le film. Je dois toutefois admettre que je n'écoute pas toujours les avis extérieurs, ce qui me fait très certainement passer à côté de quelques réussites ou, à l'inverse, libère mon enthousiasme pour des oeuvres que d'autres jugeront dispensables. Conclusion provisoire: on verra bien ! Qu'on ne s'y trompe pas: même si je l'ai trouvé un peu prétentieux dans ses toutes dernières interviews, et trop focalisé sur l'aspect business du cinéma, je n'ai pas d'a priori contre James Cameron. Parmi ceux de ses films que j'ai vus, Abyss est celui que je préfère. Le dernier, Titanic ? Je l'ai bien aimé aussi. Et même si, à l'époque, c'était en VHS, sur une simple télé 36 cm.

lundi 14 décembre 2009

Morts noires

Là aussi, les acteurs sont bons: José Garcia et Michel Serrault têtes d'affiche, ce n'est pas ce qui se fait de pire en matière de cinéma français. Derrière la caméra, Régis Wargnier sait incontestablement faire de belles images. Pourtant, sans savoir pourquoi, je dois dire que je n'ai pas totalement accroché à Pars vite et reviens tard. Précision pour les non-connaisseurs: ce film est une adaptation (assez fidèle, paraît-il) d'un roman du même nom, signé Fred Vargas. Est-ce que c'est là que ça cloche ? Je ne sais pas. Possible, en effet, mais je n'ai pas lu le livre. Ce qui est sûr, c'est que j'ai tout de même déjà découvert l'auteur, en parcourant - sans grande passion d'ailleurs - un autre de ses "rompols". De là à en conclure que je suis définitivement réfractaire à son style et à ses personnages, il y a encore un pas, que je ne franchirai pas. Pas aujourd'hui, en tout cas, pas après seulement deux essais, dont un sur un écran de télé. J'aurai peut-être besoin de quelques tentatives supplémentaires avant de me déterminer dans un sens ou dans un autre. Disons donc en attendant que je ne recommanderai le film qu'aux cinéphiles amateurs du genre. On a vu pire, mais on a également vu mieux...

Bons connaisseurs de l'univers de Fred Vargas et de son héros redondant, le commissaire Jean-Baptiste Adamsberg, ma chère mère et mon cousin Mathieu ont un peu tiqué sur sa retranscription. Ils ont toutefois apprécié le film, je crois. Pour être honnête, il faut admettre que Pars vite et reviens tard n'est pas mauvais et aussi que les comédiens jouent leur personnage avec sincérité. Serait-ce l'intrigue elle-même qui n'a pas su me séduire ? Possible, car elle est à la fois simple et tarabiscotée, crédible et fantastique. L'idée initiale est celle d'un serial killer dont l'arme serait... la peste. D'abord, la police découvre de drôles de 4 peints sur les portes d'immeubles parisiens, en général juste avant qu'un meurtre y soit commis. En des lieux qui, à vrai dire, s'y prêtent plutôt, quartier autour du Forum des Halles et Centre Pompidou, la capitale prend alors des allures de cour des miracles. La tension monte à mesure que la panique de la contamination s'insinue sournoisement au coeur de la population. Je n'arrive pas à dire ce qui me gêne là-dedans, car c'est une base de scénario intéressante. A fortiori en cette période de grippe A, le film aurait pu créer un écho intéressant à l'actu. Las ! Tout journaliste que je sois, quelque chose m'a laissé un peu "à côté".

En y réfléchissant, possible que ça vienne d'une frustration: celle d'avoir senti quelque peu négligés ou éludés certains des aspects originaux de la personnalité complexe du commissaire Adamsberg, ainsi que de sa relation avec son adjoint, l'inspecteur Danglard. Pars vite et reviens tard ne va pas au bout de l'exploration de ce duo. Ellipse cinématographique, peut-être, mais c'est dommage: il y avait sans doute là une possibilité de faire un film encore beaucoup plus sombre et angoissant. Il lui manque finalement un peu de noirceur. Pourtant, le thème s'y prêtait parfaitement. Tant pis ! Je ne vais pas aller jusqu'à descendre le film sur ce seul prétexte. Je reste en effet convaincu que, même s'il ne rejoint pas les limites de ses intentions, le long métrage a des qualités. Encore une fois, les acteurs sont bons et la mise en scène réussie. Ce que j'aimerais, maintenant, c'est peut-être que Régis Wargnier ne s'en tienne pas là. Puisqu'il a choisi d'illustrer un roman de Fred Vargas, je pense qu'il serait bien qu'il répète l'exercice avec un autre ouvrage de la série. Obstacle notable sur cette route créative: d'autres l'ont fait, déjà, pour la télévision. Avec Jean-Hugues Anglade en rôle principal. Il est donc peut-être trop tard. Sauf bien sûr à considérer que le champ des adaptations possibles n'est tout de même pas encore complètement fermé...

dimanche 13 décembre 2009

Huit ans après...

Cette femme s'appelle Margot. Elle est l'héroïne malgré elle d'un film policier de grande qualité: Ne le dis à personne, qu'a réalisé Guillaume Canet. J'aime le culot qu'ont parfois les artistes. J'apprécie celui dont a fait preuve le jeune Français en tournant une version cinéma du roman de l'Américain Harlan Coben, véritable phénomène de librairie traduit en 27 langues et vendu à plus de 6 millions d'exemplaires. Il y a deux façons de considérer les choses, en fait. Soit se dire qu'adapter un best seller est bien plus facile que d'avoir une idée originale, soit se souvenir du Da Vinci Code, par exemple, et juger que les bonnes histoires à suspense ne font pas forcément les grands films. Et constater alors que Canet s'en est franchement bien sorti: à mon sens, sa bonne intuition est d'avoir su prendre juste un peu de recul et choisi de transposer l'intrigue en France. Ensuite, sur papier ou sur écran, le point de départ reste le même. Plutôt bon, de fait: Margot mène une vie heureuse et, une belle nuit de printemps, se promène avec Alexandre au bord d'un lac de forêt. Soudain, le couple est agressé, le mari mis KO. Il se réveille finalement dans une chambre d'hôpital. La jeune femme, elle, a été retrouvée morte, sauvagement mutilée. Huit années passent. Arrive le jour anniversaire du drame. Alexandre reçoit alors un message électronique et, en cliquant, se connecte à une webcam. Là, une rue qu'il ne reconnaît pas, et au milieu de la foule, Margot...

Canular de mauvais goût ? Je vous laisse le découvrir devant le film. Un film qui a connu un joli petit succès, public et critique. Eux aussi séduits, les fameux professionnels de la profession lui ont décerné quatre Césars, que je juge mérités: celui de la meilleure réalisation pour Guillaume Canet, donc, ainsi que celui du meilleur montage, celui du meilleur acteur principal et celui de la meilleure musique. Après coup, il me paraît intéressant d'analyser le tout en le passant au crible de ces distinctions. Côté table de montage, Hervé de Luze a effectivement très bien travaillé: les plans, souvent très chouettes, s'enchaînent parfaitement les uns avec les autres, dans les moments rythmés comme lors des séquences plus contemplatives. Musicalement, l'ambiance doit aussi beaucoup aux notes originales de Mathieu Chédid, alias M, qui délivre une partition à la fois angoissante et tendue, juste complément des images de Canet. Reste enfin à dire deux mots du casting: en Alexandre heureux d'abord, meurtri et déterminé ensuite, François Cluzet est parfait. Victime et combattant à la fois, il est l'âme de Ne le dis à personne. Le reste de la distribution est pour tout dire tout à fait dans le ton, ce qui, d'ailleurs, vient encore renforcer l'idée d'une direction d'acteurs vraiment réussie. Une fois de plus, Marie-Josée Croze m'a épaté dans la peau de Margot. Autour de la Québécoise gravite joliment un aréopage de grands noms du cinéma français: on notera notamment la participation d'André Dussollier, Jean Rochefort, Nathalie Baye, François Berléand ou Kristin Scott Thomas. Stars "partageuses": aucune ne tire à elle la couverture-film.

La réussite et la maîtrise du film ne pouvaient bien sûr pas passer inaperçues de l'autre côté de l'Atlantique. On peut penser également que Guillaume Canet a eu de la chance, dans la mesure où l'ami Harlan Coben a failli vendre les droits du roman à un autre cinéaste, anglais celui-là, Michael Apted. L'ancien du cours Florent bénéficie peut-être de l'effet balancier du destin, lui qui voulut un temps être jockey, avant de devoir renoncer à la suite d'un accident. Lui qui est aussi à peine plus âgé que moi revient à l'écran en cette fin 2009. Chut ! Pas un mot pour l'instant: il se pourrait bien que j'en reparle d'ici quelques semaines. Une chose paraît certaine: il lui faut désormais soutenir un nouveau statut, celui du jeune talent devenu artiste attendu au tournant. Je l'en crois capable. J'ai vu jeudi dernier une quinzaine de minutes d'un reportage télé qui lui était consacré. Le jeune homme semble avoir un joli carnet d'adresses et... la tête bien ancrée sur les épaules, pour s'en servir intelligemment. Ne le dis à personne n'est "que" son deuxième film comme réalisateur. Le troisième, Les petits mouchoirs, sort l'année prochaine. Un bon sens du casting, des partenaires artistiques intéressants, un talent certain derrière et devant la caméra: espérons que Guillaume saura désormais aborder des thématiques autres, un peu plus personnelles peut-être, avec la même efficacité.

vendredi 11 décembre 2009

Poupoupidou !

Ce n'était pas prémédité. C'est une réplique de La panthère rose, évoquant une femme devenue homme "à la fin", qui m'a donné l'idée et l'envie de revoir Certains l'aiment chaud. DVD en main, j'ai pu constater que mon hypothèse d'un clin d'oeil discret de Blake Edwards à Billy Wilder se tenait. Historiquement, le film dont je vous parlerai aujourd'hui est en effet un peu plus ancien que celui dont j'ai rédigé la chronique mardi: il est sorti dans les salles françaises à l'approche de l'automne 1959. Six fois nommé aux Oscars 1960, il en serait reparti bredouille s'il avait été tourné en couleurs, ne recevant finalement qu'un seul trophée, celui des meilleurs costumes dessinés pour un film en noir et blanc. C'est Ben Hur, cette année-là, qui a récolté un maximum de statuettes dorées, onze exactement, record depuis égalé deux fois, mais jamais battu. Ne nous égarons pas encore dans les méandres d'Hollywood: revenons à nos moutons ! Grand et beau classique du cinéma comique, Certains l'aiment chaud repose sur une histoire originale: celle de deux musiciens jazz du Chicago des années 30, témoins d'un règlement de comptes sanglant entre mafieux, et qui, pour gagner un peu d'argent autant que pour éviter d'être liquidés à leur tour, prennent aussitôt le train vers la Floride, passagers clandestins d'un orchestre... de femmes ! C'est donc travestis que les géniaux Tony Curtis et Jack Lemmon traverseront le pays et une bonne partie du métrage. Une situation incongrue et irrésistiblement drôle, même cinquante ans plus tard !

Bien évidemment, même ainsi déguisés, nos deux larrons n'oublient pas leur réalité sexuelle et, du coup, jouissent des divers quiproquos ainsi générés. En clair, voyager sous des atours féminins et parmi quelques jolies demoiselles n'est pas pour leur déplaire, loin de là. Méfiance, toutefois: les dangers restent multiples, au premier rang desquels le risque d'être démasqués par la chaperonne du groupe, véritable dame patronnesse. Un risque d'autant plus important qu'apparaît la plus sexy d'entre toutes, Sugar Kane (Alouette, en VF), à qui il s'avère bien difficile de ne pas aller conter fleurette aussitôt. Les images auront renseigné les moins cinéphiles d'entre vous: c'est évidemment Marilyn Monroe qui prête ses traits à cette grande fille naïve et follement attirante. Poupoupidou ! Certains l'aiment chaud contient l'une des chansons les plus célèbres de la star. Ce n'est certes pas son premier intérêt, mais cela donne l'occasion de briller dans les dîners en ville que de l'identifier et de savoir la replacer dans son contexte. Sur le plan cinématographique, la prestation délivrée par la plus illustre des blondes est parfaite, complément idéal du duo excentrique que forment Tony Curtis et Jack Lemmon. Beaucoup pourrait être écrit sur ce qui est finalement un triangle amoureux assez particulier, basé sur l'entourloupe. Je préfère toutefois ne pas dévoiler trop d'éléments de scénario, afin de ne pas gâcher la surprise de celles et ceux qui n'auraient pas vu le film.

Quelques considérations historiques, malgré tout. Certains l'aiment chaud a donc été tourné en noir et blanc, choix artistique de Wilder. Le réalisateur américain avait pourtant toute latitude pour privilégier les couleurs, mais son objectif était aussi de rendre un hommage particulier aux films noirs des années d'avant-guerre, cette époque de crise économique à laquelle est donc censée se dérouler l'intrigue. Cette décision aurait tout aussi bien pu mettre à mal le projet. Marilyn avait en effet signé un contrat avec le studio garantissant qu'elle ne travaillerait que sur des films en couleur. Wilder emporta finalement le morceau en expliquant que les maquillages imposés ici à Curtis et Lemmon passaient mieux en noir et blanc ! Et c'est vrai que les comédiens paraissent crédibles en Joséphine et Daphné ! Autre anecdote amusante et contre-pied: le casting ne correspond pas tout à fait au choix du metteur en scène. Initialement, ce dernier avait retenu Frank Sinatra pour le rôle confié à Jack Lemmon, et préféré Mitzy Gainor à la miss Monroe. Les connaisseurs affirment que la blondinette avait beaucoup de mal à retenir ses répliques, ce qui justifia parfois de tourner jusqu'à... 59 prises d'une scène unique ! Sans doute peut-on conclure aujourd'hui sur une note positive en affirmant par exemple que le jeu en valait la chandelle.

mardi 8 décembre 2009

Toudoum, toudoum...

Retour aux sources. Petit, j'étais plutôt amateur du dessin animé, avec une nostalgie particulière pour deux épisodes que mon père projetait régulièrement au format Super 8. Grand, j'ai voulu découvrir le premier des films de la série La panthère rose, porteur du même nom. C'est chose faite depuis une grosse semaine. Vais-je enchaîner avec les autres longs métrages ? Peut-être, mais pas tout de suite. Dissipons d'emblée un possible malentendu: même s'il est clair que la maladresse légendaire de l'inspecteur Jacques Clouseau donne à l'oeuvre de Blake Edwards un ton loufoque, on ne peut pas dire qu'il y ait de quoi parler de comédie. Disons donc que nous avons là un film de genre, d'un goût que je dirais gentiment suranné.

La panthère rose mérite-t-elle dès lors d'être regardée ? Je réponds oui. Ce n'est pas tout à fait le film que j'attendais, mais ce n'est pas un mauvais film. En fait, à part le félin qui apparaît au générique initial, le long métrage n'a rien à voir avec sa "prolongation" animée. Sa valeur ne tient pas essentiellement à ses situations, mais d'après moi plutôt à ses dialogues, d'ailleurs portés par un casting des plus sympathiques, au premier rang desquels on retrouve Peter Sellers, David Niven ou encore la bellissime Claudia Cardinale. J'ose affirmer que l'intrigue elle-même - une vague histoire de vol de bijoux - n'a finalement qu'un intérêt assez secondaire. Celui du fil conducteur.

Alors quoi ? Je crois qu'il faut voir ce film sans se poser de questions existentielles, comme un chouette morceau de l'histoire du cinéma. Blake Edwards a fait beaucoup plus drôle... et bien plus émouvant. Pour s'en convaincre ou s'en souvenir, je vous invite à lire ou relire mes chroniques précédentes, de La grande course autour du monde ou de Diamants sur canapé, publiées ici le 12 janvier et le 3 août cette année. D'une certaine façon, peut-être qu'on peut également apprécier La panthère rose comme un juste milieu entre ces chefs d'oeuvre. Aujourd'hui, le résultat paraît un peu daté, mais il y a malgré tout de très bonnes choses à retenir, notamment des scènes réellement cocasses, mais aussi des acteurs inspirés et très bien dirigés. On ne s'ennuie pas devant ce film. L'incontournable thème jazz d'Henry Mancini nous emmène ailleurs dès la première image. Dans le fond, 46 ans après le tournage, ce n'est déjà pas si mal...

dimanche 6 décembre 2009

C'était pour rire ?

Initialement, je ne sais plus vraiment ce qui m'a donné envie de voir Man on the moon. Peu importe. Ce que je peux dire, maintenant que c'est fait, c'est que je ne le regrette pas. Jim Carrey a fait d'autres films beaucoup plus connus, mais si vous souhaitez passer un bon moment devant une belle prestation d'acteur, je peux facilement vous recommander celui-là. Il raconte l'histoire (vraie) d'un Américain: Andy Kaufman. Dans les années 70, l'intéressé est repéré dans un spectacle de café-théâtre, pour la manière habile dont il prend le public à contre-pied. Arrivé sur scène dans la peau d'un émigré lituanien, il en ressort après avoir livré une imitation parfaite... d'Elvis Presley ! Le début d'une longue et étrange carrière.

Les plus curieux d'entre vous peuvent visiter la très complète page Wikipedia consacrée à Andy Kaufman. Je vous conseillerai toutefois de voir le film avant, car la plupart des choses que vous y lirez figurent également dans Man on the moon. Ce serait bien dommage de se gâcher le plaisir de découvrir tout ça en images, d'autant qu'encore une fois, l'humoriste américain s'est surtout fait connaître par sa manière inimitable de surprendre ses plus fidèles spectateurs. Il serait toutefois injuste de résumer le long métrage à une enfilade de sketches. C'est bien plus que ça et très clairement une oeuvre beaucoup plus profonde que son thème ne pourrait le laisser supposer. Le tout m'a parfois fait penser à Que le spectacle commence, la Palme d'or du Festival de Cannes 1980, chroniquée ici le 30 octobre l'année dernière. Une vie d'artiste pas toujours drôle.

Une chose est sûre: par la manière dont il a choisi de nous présenter cet incroyable personnage, Milos Forman est parvenu à me toucher. Clin d'oeil historique: après Mozart dans Amadeus, le réalisateur s'intéresse en fait à son deuxième génie mort à 35 ans ! Oui, je crois qu'on peut dire que le talent de Kaufman a quelque chose de génial. Reste une question: à l'image du compositeur autrichien, savait-il l'être ? S'en rendait-il seulement compte ? Ce que j'ai pu lire ici et là tend à laisser penser que non: le véritable Andy affirmait ne pas savoir raconter de blagues et être avant tout capable de manipuler les réactions d'autrui. 25 ans ont passé depuis sa disparition. Canular ultime: d'aucuns suggèrent qu'il n'est pas réellement mort en 1984. Qu'il soit vivant ou pas, dans Man on the moon, Jim Carrey lui rend en tout cas un très bel hommage, en l'incarnant à la quasi-perfection. Voilà indubitablement l'une de mes plus belles découvertes de l'année !

lundi 30 novembre 2009

Portrait de famille

Ce soir, je vous propose une nouvelle chronique autour d'un film manqué au cinéma et rattrapé en DVD. Qu'elle semble loin désormais l'époque des cassettes vidéo, quand il fallait attendre de longs mois avant de découvrir les films "oubliés" en salles ! C'est à peine plus d'un semestre après sa projection que Still walking est disponible ! Ce petit bijou nous provient du Japon. Je crois qu'il n'en existe pas de version française et c'est une très bonne chose pour l'immersion dans cet univers raffiné. L'intrigue ? Une famille de Yokohama commémore la disparition d'un frère aîné, survenue... quinze ans auparavant. Il y a là les parents, le fils cadet brouillé avec son père et marié avec une jeune veuve, la soeur dont le compagnon n'est pas très apprécié, et finalement le trio des enfants, d'âges variés. L'ambiance n'est pas franchement au recueillement. C'est simplement une réunion au cours d'une chaude journée d'été. Ces gens au deuil plus ou moins partagé parviendront-ils à communiquer ? Peuvent-ils encore accorder leurs différences ? Et, au fond, qui sont-ils vraiment ? Voilà quelques-unes des questions que pose le film comme pour nous encourager, nous spectateurs, à une analyse introspective des sentiments exposés. Une chose m'a frappé: on s'identifie facilement à l'un ou l'autre des personnages et on peut assez vite reconnaître certains de ses parents dans la famille ici montrée.

Still walking en paraît presque réel. C'est une oeuvre de fiction extrêmement réaliste. N'eut été une pudeur légitime, le réalisateur n'aurait pas forcément capté autre chose s'il avait installé sa caméra au coeur d'un vrai groupe familial dans les mêmes circonstances. Précision des plus importantes: cela ne veut certainement pas dire que ce que Hirokazu Kore-Eda montre soit banal ou inintéressant. C'est même le contraire: par cette étude sensible et cette approche au tout premier degré, le cinéaste japonais fait naître une sensation d'empathie pour ces gens. Je l'ai dit: on peut s'y retrouver en terrain connu, dans des situations déjà appréhendées, avec des impressions déjà éprouvées. Cette proximité distante est pour moi l'atout numéro 1 du long métrage. Malgré les différences culturelles majeures qui peuvent venir séparer nos moeurs occidentaux de celles de la société nipponne, je crois qu'on ne peut ni être choqué, ni même vraiment surpris, devant la façon de vivre qui nous est présentée. En ce qui me concerne, j'ai même été plutôt séduit. Il y a là une façon très délicate de montrer certaines situations difficiles. Cela suscite le respect. Oui, à moi qui n'ai jamais véritablement été attiré par le Japon, ce film est de ceux qui ouvrent d'autres horizons et m'incitent à revoir mon jugement premier, un peu simpliste.

Bien sûr, il serait un peu inconséquent de s'en tenir à cette oeuvre japonaise pour prétendre posséder désormais une vision objective d'un peuple tout entier. J'apprécie toutefois ce film comme une porte ouverte sur l'autre, cet autre que je n'aurais pas forcément rencontré aussitôt, ou alors... autrement. Si j'ai donc aimé cette délicatesse dans la manière de filmer, j'ai également trouvé le rythme du film particulièrement bien senti. Ce n'est pas trépidant, mais ce n'est pas non plus ennuyant. Pour un peu, dans ce qui est presque un huis clos, on aurait aussi l'impression d'un tournage en temps réel: l'ensemble ne déroule au fond qu'à peine plus de 24 heures de scénario. Option intéressante aussi: celle d'avoir confié le soin de jouer à un groupe d'acteurs tout à fait inspirés. Bien typés, mais jamais caricaturaux, les personnages connaissent quelques évolutions: il n'en sont pas moins tous crédibles et bien interprétés. Still walking est donc bien un film à voir: la relative tristesse de son thème masque une oeuvre subtile. J'aime aussi ce titre - qu'on pourrait traduire par "Toujours en marchant": c'est à la toute fin, une seconde avant le générique, que l'on peut comprendre ce dont il est question. Bref, sous ses airs classiques, il y a beaucoup d'intelligence dans cette histoire a priori ordinaire. Peut-elle également prétendre à une certaine universalité ? Je ne saurais le dire, n'ayant finalement eu qu'un petit aperçu de vies bien particulières. Disons donc pour conclure que le film donne envie d'en observer d'autres. Qu'elles viennent du Japon ou d'ailleurs.

samedi 28 novembre 2009

Diaboliques tentations

Marcel Carné a juste 32 ans quand le producteur André Paulvé l'invite aux studios de la Victorine pour y réaliser Les visiteurs du soir. 1941. Nice fait toujours partie de la zone libre d'un pays en guerre. Elle le sera jusqu'au 11 novembre 1942, date à laquelle les Italiens occupent la ville, représailles instantanées du débarquement allié survenu en Afrique du Nord trois jours auparavant. C'est donc bien dans des conditions (un peu) moins difficiles qu'ailleurs que Carné va créer son film. Et c'est sur la Côte d'Azur qu'il va rencontrer celui qui sera son scénariste: Jacques Prévert. Le gouvernement vichyssois souhaite-t-il voir un film d'évasion ? L'oeuvre qui va naître sera résolument autre chose, une oeuvre de résistance. Comme soucieux d'éviter la censure, les deux artistes décident de situer leur intrigue au coeur du Moyen-Âge. Le générique initial voit une main feuilleter les pages d'un grimoire. On y lit l'argument du long métrage. Citation: "Or donc, en ce joli moi de mai 1485, Messire le Diable dépêcha sur Terre de ses créatures afin de désespérer les hommes". Toute ressemblance avec un ennemi contemporain n'est pas fortuite. Et dans son costume noir et doré, quand il s'amuse avec les flammes de la cheminée du château-fort qui sert de décor à cette histoire, l'acteur Jules Berry compose un Satan particulièrement convaincant. Le deuxième, donc, que je découvre en quelques jours...

Encore faut-il expliquer qu'il arrive dans les derniers instants du film, et s'en tenir là pour ne rien dévoiler d'important. Au départ, c'est bien de deux de ses suppôts qu'il exige qu'ils rejoignent la compagnie d'un seigneur pour y semer la zizanie. "De pauvres histoires inventées par le Diable en manière de passe-temps", comme l'explique joliment l'un des deux fauteurs de trouble. Avant cela, sa maléfique compagne et lui prennent l'apparence banale de deux troubadours. Leur qualité d'artistes itinérants justifie à point nommé leur présence insistante auprès du hobereau local, d'autant que ce dernier se prépare à marier sa fille. Quelques notes de musique, et tout bascule un soir de bal. Les visiteurs du soir passent à l'action, arrêtent le temps et, chacun de leur côté, profitent de leur pouvoir pour abreuver leurs hôtes d'insidieuses et belles paroles. Le ver est dans le fruit ! La question est de savoir s'il y restera ou si, dans un effort pour reprendre aussitôt le contrôle de leur destin, les hommes seront capables d'inverser la tendance. La réponse est dans le film: je n'en dirai rien ici, si ce n'est qu'il y a tout lieu de considérer l'ensemble en tant qu'oeuvre fantastique. Pas d'effets spéciaux dans les années 40, mais de l'imagination, des rebondissements et bien sûr du talent pour permettre au spectateur de "croire" cette histoire possible. Depuis, on a fait plus moderne, mais pas toujours plus intéressant.

Même près de 70 ans plus tard, je pense en effet qu'il y a là de quoi passer un très bon moment, en compagnie d'acteurs tout à fait bons dans leurs rôles respectifs. Mention spéciale pour la plus connue d'entre les comédiennes, Arletty, redoutable tentatrice et diablesse de premier ordre. L'essentiel de la distribution tient finalement presque tout entier en quatre autres noms: je crois que je tâcherai surtout de retenir celui de Jules Berry, démon des plus ambigus. Notons que le plaisir que j'ai pris à découvrir Les visiteurs du soir tient donc à l'excellente tenue du jeu des comédiens, mais pas seulement. Sorti en 1942, le film est aussi à sa façon un livre ouvert sur l'histoire du cinéma français. Arrêtons-nous encore une minute sur le contexte de l'époque, voulez-vous ? Il est ainsi très intéressant de se le remémorer pour juger des défis qu'ont relevé les auteurs pour voir leur projet aboutir. Exemple de difficulté: le fait qu'il leur a fallu travailler dans la clandestinité, quand il s'est agi des décors notamment, ou encore de la musique, qu'ont respectivement conçus Alexandre Trauner et Joseph Kosma, deux artistes juifs et à ce titre interdits de travail. Autres problèmes: l'approvisionnement en tissus pour les costumes et l'habitude des figurants affamés de dévorer tout ou partie des produits installés devant eux lors du tournage programmé d'une scène de banquet. Le génie de Marcel Carné fait qu'à moins d'avoir une connaissance précise de ces anecdotes, il est bien difficile d'en déceler les conséquences à l'image. Ainsi, l'année même de sa sortie, le film reçoit-il le Grand Prix du cinéma français. Jacques Audiberti déclare alors: "Nous ne pourrons plus écrire sur le cinéma sans nous reporter en esprit sur ce chef d'oeuvre". Le poète antibois ajoute aussitôt: "Il transforme notre optique et modifie l'échelle de notre jugement". De fait, comme d'autres plus récents et/ou disposant de plus de moyens, le film nous embarque avec lui vers un autre monde, ou une autre vision de la réalité du nôtre.

jeudi 26 novembre 2009

De l'autre côté du miroir

Vous pouvez vérifier. Sur ce blog, il m'arrive d'annoncer mon intérêt pour un film donné pour finalement ne pas le voir et dès lors, bien évidemment, ne pas le chroniquer non plus. Et hop ! Ce soir, c'est l'inverse qui se produit. Si vous fouillez les archives, vous pourrez constater que j'ai brièvement évoqué L'imaginarium du docteur Parnassus, le 14 mars dernier. La bonne nouvelle, c'est donc bien que Terry Gilliam a finalement pu trouver une société distributrice. L'autre bonne nouvelle, d'ailleurs préalable, c'est qu'il a pour une fois su vaincre sa légendaire malchance ainsi que le destin, en terminant son oeuvre malgré... le décès de son acteur principal, j'ai nommé Heath Ledger. Un mot sur l'intrigue: le docteur Parnassus - à gauche sur l'image ci-dessus - est en fait un artiste de théâtre ambulant, entouré d'une petite troupe réduite à sa fille, son prétendant secret et... un nain. Le cliché que j'ai choisi pour démarrer cette chronique vous montre un cinquième personnage: le Diable incarné ! Sans trop en dévoiler, je confierai tout de même que le scénario repose d'abord sur une problématique faustienne: en échange de l'immortalité, Parnassus a promis au démon de lui donner sa fille dès qu'elle aurait atteint l'âge de 16 ans. Et même s'il prétend que la belle enfant n'en a que 13, son diabolique créancier n'est pas dupe. Il est au contraire joueur et propose donc un autre arrangement, sous forme de pari.

Et Heath Ledger, dans tout ça ? Un soir de pluie, sauvé de la mort par la petite troupe, le voilà qui entre finalement en scène, à la fois comme sixième larron et compagnon d'aventure. Pour ce qui restera donc dans l'histoire du cinéma comme son ultime rôle, le comédien australien envoie du gros ! Je l'ai trouvé tout bonnement excellent dans cette composition de jeune homme un peu décalé, séducteur, sympa et mystérieux à la fois. On pourrait ajouter pour être honnête que l'ensemble de la distribution "gilliamienne" s'en sort parfaitement, mais ce ne sera probablement pas une vraie surprise pour les habitués. La question que je me posais plutôt avant d'entrer au cinéma, c'était: à quel point L'imaginarium du docteur Parnassus sera-t-il inventif ? Et son univers saura-t-il me séduire ? Réponse: ces deux heures de cinéma sont sans contestation possible du très grand spectacle et mes yeux s'en sont régalés. Les images choisies pour illustrer cette chronique ne donnent qu'une idée primaire, très vague, de la formidable exubérance de l'inspiration débridée de Terry Gilliam. Je n'ai pas autant aimé chacun des films qu'il a réalisés et que j'ai découverts, mais à mon sens, celui-là propose un cocktail équilibré entre, côté pile, le monde réel et, côté face, la plus extravagante fantasmagorie. J'ai donc pu m'extraire temporairement du quotidien et me laisser attraper vers un ailleurs déroutant et plaisant. Je peux donc l'affirmer: mission accomplie !

Je me rends compte désormais qu'il est très difficile de parler conventionnellement d'un film aussi fou. Pour être allé le voir accompagné de mon pote Philippe et de mon cousin Mathieu, puis pour en avoir touché quelques mots avec mes amies Julie et Céline, je me dis qu'il a également un formidable potentiel. Pourquoi ? Simplement, si j'ose dire, parce qu'il laisse finalement le champ libre à toute une série d'interprétations possibles sur ce qu'il montre. Terry Gilliam propose un univers, mais n'impose pas de justification péremptoire à cet univers. Son récit tient évidemment de la fable, mais je crois qu'arrivé au générique final, chacun peut à son tour inventer sa propre morale. Le coup de génie du réalisateur américain sur ce film reste à mon sens d'avoir réellement mélangé, on pourrait même dire entremêlé, des scènes qui peuvent rappeler une réalité certaine et d'autres qui tiennent réellement du fantasme. C'est chaque fois qu'ils traversent un miroir - L'imaginarium du docteur Parnassus, donc - que les différents protagonistes peuvent passer d'un monde à l'autre. De l'autre côté, même Heath Ledger n'est plus vraiment lui-même, puisque le rôle est alors successivement repris par Johnny Depp, Jude Law et Colin Farrell. C'est amené de manière suffisamment intelligente pour n'être jamais choquant. Je dirais même que c'est peut-être bien le plus bel hommage qu'on pouvait rendre à l'acteur décédé. Un homme est mort, mais le spectacle continue. Ma conclusion: chapeau bas et merci, monsieur Gilliam !

mercredi 25 novembre 2009

Une envolée musicale

Je crois que Le concert n'a pas eu un grand succès critique, mais qu'il s'en tire finalement avec les honneurs au niveau de l'accueil public. C'est à mon sens mérité. Ce petit film sans prétention respire les bons sentiments, mais je ne lui ai pour autant jamais trouvé d'arrière-goût de guimauve. Il m'est apparu comme ce qu'on appelle de nos jours un feel-good movie, un film dont on ressort le sourire aux lèvres, pas transcendé par une histoire follement originale, mais rasséréné par un monde imaginaire plus doux que celui dans lequel nous vivons. Oui, à celui ou celle qui acceptera de se laisser porter par un scénario un peu cousu de fil blanc, le long métrage que signe ici Radu Mihaileanu promet, je pense, de passer un bon moment. C'est une oeuvre tendre, qui suscite tour à tour le rire et l'émotion. Elle ne révolutionnera pas le septième art, ne s'inscrira pas forcément dans la mémoire des générations, mais je crois qu'elle n'a pas été conçue dans cette optique. Je crois que, dans les intentions du réalisateur, il y avait juste la volonté de partager un peu de rêve auprès de personnages auxquels chacun de nous pourra plus ou moins s'identifier. La grande qualité de cette histoire est sa sincérité. Bien qu'elle ne soit pas exempte de certaines outrances, je l'ai admise. Mieux, comme vous l'aurez je pense compris, je l'ai appréciée.

Cette histoire, quelle est-elle ? Une extrapolation à partir de faits réels. Dans la Russie soviétique, Andrei Filipov est le plus célèbre chef d'orchestre de Moscou: il dirige les musiciens du Bolchoï. Problème: un beau jour, Brejnev décrète que les ensembles musicaux du pays ne doivent plus admettre d'artistes juifs. Une consigne officielle à laquelle Filipov refuse de se soumettre, soucieux qu'il est de respecter son prochain comme lui-même et, de manière évidemment plus pragmatique, de ne pas devoir licencier une partie de ses instrumentistes. Le film débute en fait une vingtaine d'années après ce coup d'éclat, que le chef a payé cher, n'étant plus désormais qu'un anonyme agent d'entretien sous les ores du prestigieux théâtre moscovite. Triste ? Pas vraiment. Car, cinq minutes après le début de la projection, et alors que Filipov fait des heures supplémentaires pour astiquer le bureau de son remplaçant, un fax apparaît qui invite l'orchestre du Bolchoï à se produire au théâtre du Châtelet, à Paris. Le concert nous embarque donc dans l'idée un peu folle, mais sympathique, que le précieux document est intercepté par quelqu'un qui n'est pas son destinataire, et qui va en quelque sorte reprendre sa juste place pour répondre à l'invitation française. Oui, vous avez bien lu: Filipov subtilise le fax et, pour voir enfin les bords de Seine aux commandes d'un groupe de musiciens, cherche à rassembler ceux de ses amis qui composaient la phalange disparue. Rocambolesque !

Pour citer une référence cinéma, je dirais que les premières scènes tiennent du vaudeville sauce Emir Kusturica. Le ton se calme ensuite et se "franchouillardise" un peu quand les usurpateurs musicaux débarquent effectivement à Paris et ont affaire avec la jolie soliste que leur chef a choisie, une dénommée Anne-Marie Jacquet - jouée par notre Mélanie Laurent nationale, que vous aurez sans doute reconnue ci-dessus. Le concert introduit alors une dose de suspense. Les musiciens pourront-ils jouer ? La violoniste frenchy osera-t-elle accepter de collaborer avec eux ? Existe-t-il des liens tenus secrets entre elle et un autre des artistes ? Sur un ton assez souvent tendrement drolatique, c'est la pelote de laine-scénario que déroule le long métrage. Certains feront sans doute la fine bouche: il est vrai que les tenants et aboutissants de cette histoire sont somme toute assez convenus. Non, quand le générique final arrive, on ne tombe pas à la renverse de surprise. Qu'importe: le film est aussi amusant, bien interprété et sans temps mort. Le dimanche où je suis sorti pour le voir, il ne m'en fallait pas plus. En bonus, j'ai apprécié aussi qu'il donne à voir la musique, les images permettant d'identifier progressivement les instruments, au moment précis où ils rejoignent la mélodie. Un petit conseil pour les puristes de la langue: il existe une VO de ce film... français (mais un peu russe, aussi). Sincèrement, si vous le pouvez, privilégiez-la: je ne l'ai pas fait faute de temps, mais je pense que ce choix peut permettre d'éviter quelques doublons dans les dialogues. Et c'est toujours mieux ainsi.

dimanche 22 novembre 2009

Deux êtres en partance

Avant de tourner Model shop en 1968, je ne serais pas surpris d'apprendre que Jacques Demy avait vu Un homme et une femme, de Claude Lelouch, sorti seulement deux années auparavant. Difficile de ne pas relever qu'Anouk Aimée est en tout cas l'actrice principale des deux longs métrages. Le comédien-vedette, lui, change: si j'ose écrire, Jean-Louis Trintignant a été "remplacé" par un Américain, Gary Lockwood. C'est d'ailleurs aux States que Demy situe l'intrigue de ce qui est alors son cinquième long métrage, le premier sorti après ses célèbres oeuvres musicales, Les parapluies de Cherbourg (1964) et Les demoiselles de Rochefort (1967). Deux créations acclamées en France, mais qui ont également su séduire Hollywood.

Cette fois, la musique est toujours présente, mais elle a de fait beaucoup moins d'importance. Model shop s'intéresse à la vie (plate) de George, un jeune architecte au chômage qui vivote dans l'attente de son ordre de mobilisation pour partir au Vietnam. Le seul hasard le met en présence de Cécile, alias Lola, une femme venue de France qui gagne sa vie en posant pour des photos de charme. Elle non plus ne doit pas rester dans cette triste Californie: divorcée, elle compte rentrer dans son pays pour y retrouver son enfant. George en tombe intensément amoureux, malgré la quasi-impossibilité de construire une vraie relation. Le film, c'est un peu plus de 24 heures de la vie de ces deux êtres en partance. La très classique unité de temps. Rien d'hollywoodien là-dedans, et c'est bien ce qui est remarquable. Ces images tournées là-bas ont en fait une beauté très... française.

Model shop n'est certes pas l'oeuvre de Jacques Demy la plus connue. Je crois qu'elle n'a pas eu beaucoup de succès au moment de sa sortie en salles, au cours du printemps 1969. Je trouve qu'elle mériterait qu'on s'y intéresse malgré tout. Il n'y a pas franchement de quoi rire dans cette heure et demie de cinéma, mais il n'y a pas de quoi pleurer non plus, ou alors pas trop fort. Ce n'est pas un mélodrame. C'est une histoire assez ordinaire, mais pourtant intéressante, et portée par une belle manière de filmer. En résumé: on y croit ! Anecdote: c'est Harrison Ford, encore inconnu à l'époque, qui devait tenir le premier rôle masculin. Pas de regret à avoir: le duo accepté par le studio fonctionne très bien. Je vous souhaite donc vraiment d'avoir, comme moi, l'occasion de le découvrir par vous-mêmes.

vendredi 20 novembre 2009

Agents doublés

Il ne faut pas toujours se fier aux à mes confrères critiques professionnels. Plus je vois de films, plus je me dis que je tiens là une bonne maxime cinéphile. J'en ai encore eu la preuve l'autre jour en découvrant, un peu par hasard, Duplicity. J'avais préalablement repéré le film au cinéma, mais trop vaguement pour pousser la porte d'une salle obscure. Ayant la possibilité de rattraper l'affaire en DVD, j'ai saisi l'occasion et ne le regrette pas. Je vous recommande vivement de tenter votre chance également: il y a là à mon avis bien plus de sources de ravissement que d'aucuns ont pu le laisser entendre en présentant le long métrage à leurs chers lecteurs, auditeurs ou spectateurs. Sur un ton résolument plus badin, j'ai pris plus de plaisir qu'avec Quantum of Solace, le dernier James Bond...

Je compare parce que Duplicity est lui aussi un film d'espionnage. Après les premières scènes, le générique surprend: il se déroule autour d'une bagarre entre deux types sur un aéroport privé, filmée au ralenti. On n'y comprend encore rien, mais ça va vite s'arranger. Dick Garsik et Howard Tully, joués avec justesse par Paul Giamatti et Tom Wilkinson, sont deux patrons concurrents de l'industrie pharmaceutique. Ils sont tellement à couteaux tirés que le premier n'a pas de honte à faire épier le second dans l'espoir de percer à jour les secrets commerciaux de sa société. Autant le dire: il vous faudra probablement quelques minutes avant d'entrer dans cette histoire. Conseil répété, faites l'effort: ça vaut le coup, d'autant que c'est donc autour des questions de confidentialité des affaires qu'entrent véritablement en scène les deux personnages principaux du film.

Claire Stenwick-Julia Roberts et Ray Koval-Clive Owen s'aiment d'amour vache. Ex-agents secrets pour le compte, elle de la CIA, lui du MI-6, ils ont (vraiment ?) démissionné pour reprendre du service au seul profit d'employeurs privés. Et c'est là, sans doute, que s'est joué le malentendu qui me semble nuire à la réputation de Duplicity. Contrairement aux apparences initiales, le film est bien autre chose qu'une comédie romantique. Le couple de stars est, c'est vrai, au top de la glamour attitude, mais non, ce n'est pas cette caractéristique qui fait l'intérêt du long métrage. J'ai envie de dire: au contraire ! D'accord, c'est le noeud de toutes les scènes comiques, mais s'arrêter là serait occulter tout le suspense d'un film monté sur des flash-backs successifs. Croyez-moi si je vous dis que ce serait très dommage. Pour moi, ça devient indubitable: après son Michael Clayton, oeuvre plus sombre mais également de belle tenue, Tony Gilroy s'avère décidément un réalisateur à suivre ! Comptez sur moi pour y veiller !

jeudi 19 novembre 2009

Fenêtre sur la Chine

Restons un peu en Asie, voulez-vous ? J'aurais tout aussi bien pu reparler de Basquiat, biopic consacré à l'artiste américain que j'ai découvert l'année dernière. Je préfère toutefois ne pas revenir immédiatement sur mes films de peintre et dire plutôt quelques mots de Chen Kaige. Palme d'or en 1993 avec Adieu ma concubine, oeuvre sur la vie de deux artistes lyriques de Pékin, le réalisateur chinois a aussi réalisé... un opéra ! Avant-hier soir, j'ai ainsi eu l'honneur de découvrir sa version de la Turandot de Giacomo Puccini. Un enchantement pour les oreilles, mais aussi un vrai émerveillement pour les yeux. Pour moi, la cerise sur le gâteau, après avoir également pu faire une interview (à distance) du maître asiatique !

Pour ce que j'en connais donc, sur scène comme à l'écran, ce dernier se caractérise notamment par l'ampleur de ses productions. Un autre de ses films que j'ai vu s'appelle L'empereur et l'assassin. Fresque magistrale sur la Chine féodale, c'est une oeuvre pour le moins fascinante, visuellement magnifique: une débauche de costumes dans une profusion de décors. D'aucuns jugeront le rythme trop lent pour parvenir à s'intéresser à cette histoire. Ce n'est pas mon cas. Comme j'ai déjà eu plusieurs fois l'occasion de le signaler ici, j'aime les longs métrages de ce genre et me réjouis dès lors que d'autres soient créés aujourd'hui, plusieurs décennies après les péplums hollywoodiens. Je vais essayer de suivre l'actualité de Chen Kaige. Peut-être aussi, un jour prochain, reverrai-je Adieu ma concubine.

lundi 16 novembre 2009

Peintre en son pays

Vous me suivez ? Ce soir, je vous emmène en Orient. Après avoir dîné au restaurant chinois, je vous propose la chronique d'un film coréen, Ivre de femmes et de peinture. Ce long métrage est en fait l'une de la centaine d'oeuvres de Im Kwon-taek et aussi... la première que j'ai l'occasion de découvrir. Sorti en France en 2002, elle a été récompensée, cette année-là, du Prix de la mise en scène au Festival de Cannes. De son enfance à sa disparition, le scénario retrace la vie du peintre Jang Seung-eop, dit Owon (1843-1897). Les plus curieux qui voudraient avoir un aperçu de ses toiles peuvent en découvrir quelques-unes sur le site Wikipedia. Les plus patients, eux, n'hésiteront pas à regarder le film, où les tableaux du maître asiatique sont très explicitement montrés. L'intrigue ne tourne pas autour du processus créatif, mais s'intéresse plutôt à la condition d'artiste dans la Corée du 19ème siècle, ainsi qu'à la personnalité d'un homme, bien plus en tout cas qu'à son simple statut de peintre. Dès les premiers instants, on comprend qu'il n'était pas si évident pour Owon de créer, car son talent a suscité autant de convoitises que de jalousies. Son comportement, marqué par une sensibilité d'écorché vif, n'a évidemment rien fait pour arranger ses affaires. Et ce d'autant moins qu'en dehors de l'art, les passions du personnage, alcoolique et séducteur de bas étage, étaient beaucoup plus triviales.

Le premier intérêt de cette biographie filmée est de nous transporter vers un ailleurs inconnu - ou à tout le moins méconnu - de nous. D'emblée, il faut sans aucun doute dire que le réalisateur y parvient joliment: Ivre de femmes... tient du voyage. D'un "exotisme" certain, les plans sont souvent fabuleusement beaux, un vrai régal pour les yeux. Ensuite, il y a ce personnage haut en couleurs. Admettons qu'il ne sera pas donné à tout le monde de s'attacher rapidement à cet être ambigu mais, sans aller jusque là, je pense pouvoir dire que j'ai apprécié de suivre son parcours. Un aspect intéressant du long métrage est qu'au fond, le vrai Owon n'a pas laissé beaucoup de renseignements sur ce que fut sa vie. Le cinéaste qui l'a ressuscité a donc dû faire preuve d'imagination pour combler les (nombreux) vides. Par exemple, si j'ai bien compris, on ne sait pas vraiment comment le peintre est mort. L'hypothèse retenue ici fait presque froid dans le dos, tant elle repose sur l'extrême solitude d'un homme qui n'arrive à tisser aucun lien durable avec les autres, ou bien répond toujours trop tard aux rendez-vous que posent l'amitié et l'amour. Il y a là un propos dans lequel un artiste contemporain pourrait se retrouver: le succès n'est pas le bonheur.

Ivre de femmes... est une oeuvre exigeante, à ne pas regarder comme un film facile. Je ne crois pas qu'il en existe de version française: pour l'apprécier, il faut donc admettre d'emblée le principe de regarder un film en coréen (sous-titré, bien sûr). La contrainte acceptée, et à condition d'avoir quelque intérêt pour le sujet, on peut passer un bon moment. Ce n'est objectivement pas tous les jours qu'un film nous arrive de si loin, qui plus est porté par des acteurs tous inconnus sous nos latitudes: je crois qu'il serait bien dommage de bouder pareil plaisir cinématographique, à moins, donc, d'être totalement réfractaire aux petits efforts que suppose la découverte. Parmi les sources d'enrichissement, le fait que l'intrigue suit aussi l'évolution politique de la Corée, ce qui permet encore davantage d'ouvrir les yeux sur d'autres réalités. Sur le seul plan cinématographique, pas facile, c'est vrai, d'établir une comparaison avec un autre long métrage que j'aurais déjà eu l'occasion de voir. Partie remise, cela dit: celui-ci fait en effet partie d'une compilation de sept, la plupart assez récents et originaires d'horizons divers, rassemblés par le magazine Télérama autour d'une thématique générale, Les peintres et le cinéma. Possible que j'en reparle, donc. Ce serait dès lors après avoir découvert une autre de ces oeuvres...

samedi 14 novembre 2009

Zemeckis de retour

Robert Zemeckis avait 33 ans au moment de tourner l'épisode initial de la trilogie Retour vers le futur. Depuis, en moyenne arrondie, il a sorti un film tous les deux ans. Le prochain arrive sur les écrans français dans onze jours et s'appelle Le drôle de Noël de Scrooge (ou bien encore A Christmas Carol, dans la langue de Shakespeare). Ainsi que l'image le montre, ce sera donc une animation 3D. J'ai pu en voir la bande annonce au cinéma il y a quelques semaines: je dois admettre que ça ne m'a pas particulièrement attiré. Mais sachant qu'il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis, je ne veux pas être d'emblée trop définitif. Ce serait assez gratuit de ma part. J'évite de critiquer ce que je n'ai pas vu. Autant ne rien écrire.

Si je voulais toutefois évoquer cette nouvelle oeuvre de celui qui est aussi le "papa" de Forrest Gump, c'était parce qu'elle devait marquer une nouvelle collaboration du cinéaste avec le duo Christopher Lloyd et Michael J. Fox. Il semble finalement que ce ne soit pas le cas. D'après mes sources, les voix du film ont été confiées à Gary Oldman et Jim Carrey, notamment. On notera toutefois que Le drôle de Noël de Scrooge aurait tout de même un point commun avec les créations précédentes de son auteur, à savoir... les voyages dans le temps. Ainsi évoquerait-il un personnage radin, visité, le soir du réveillon, par de mystérieux fantômes du passé, du présent et du futur. Je suis tout de même curieux de lire les premiers avis sur cette histoire...

mercredi 11 novembre 2009

Nom de Zeus !

Tout cinéphile s'est sans doute déjà pincé devant la date de sortie d'un film lambda. Cela m'est presque arrivé dernièrement, quand j'ai revu le tout premier épisode de la trilogie Retour vers le futur. C'est en effet en 1985, il y a bientôt 25 ans (!), que le public français a pu le découvrir en salles. Je vais donc le souligner d'emblée: l'oeuvre imaginée par Robert Zemeckis n'a pas franchement vieilli ! Elle a pris quelques rides, mais mérite très certainement le label de film-culte dont on peut régulièrement entendre parler à son propos. Soucieux d'écrire pour le plus large public, je pars du principe que certains d'entre vous ont pu échapper au phénomène. Pour eux, mais aussi pour les autres d'ailleurs, un petit mot sur le point de départ: adolescent des eighties, donc, Marty McFly fréquente avec constance une sorte de savant fou répondant au nom d'Emmett Brown, mais surtout au surnom de Doc. Ce scientifique farfelu et coiffé en pétard a déjà inventé toutes sortes de machines, mais son projet le plus important aboutit à l'élaboration d'une voiture capable... de voyager dans le temps ! Passée la vitesse de 88 miles à l'heure, la DeLorean se dématérialise et, au choix de son pilote, réapparaît dans le passé ou dans l'avenir. La théorie veut dès lors que l'engin se manipule avec la plus extrême précaution. Bien évidemment, la pratique, elle, est très différente. Et il arrive vite des bricoles à nos deux héros...

Stop ! Pas un mot de plus sur l'intrigue: ce serait prendre le risque inconsidéré de gâcher le plaisir de celles et ceux qui n'auraient pas encore eu l'occasion de découvrir le film. Entrons donc dans le détail non plus du scénario, mais de la manière dont est traité ici le sujet fantasmagorique des voyages dans le temps. Les images en donnent une petite idée, mais je l'écris tout net pour le confirmer: Retour vers le futur tient du pur divertissement. Le terme le plus adéquat pour qualifier le film serait sûrement celui de loufoque. Considérez simplement que, si Marty McFly est sans conteste le personnage principal du long métrage, il n'est pas celui qui en fait la saveur: Emmett "Doc" Brown est sans aucun doute possible celui qui donne tout son sel fantaisiste à cette histoire. Il convient certainement d'ajouter ici que, même s'il n'y a rien d'extraordinairement génial dans leur jeu, les acteurs - Michael J. Fox et Christopher Lloyd - forment un duo particulièrement convaincant. Déjà complémentaires dans l'intrigue, ils le sont aussi dans leur interprétation. Franchement, leur justesse de ton n'a rien d'exceptionnel, mais j'imagine volontiers que le film n'aurait pas eu la même "postérité" avec d'autres comédiens. Disons alors à tout le moins, pour enfoncer le clou, que les rôles majeurs ont été bien distribués. Notez toutefois que les autres ne dépareillent pas. Bref, que près d'un quart de siècle soit passé importe peu: on prend du plaisir à suivre cette aventure.

Et puis, comme je l'ai dit, c'est là le premier épisode d'une trilogie. Peut-être même d'une future quadralogie, d'ailleurs. Quoi qu'il en soit d'une nouvelle suite, n'attendez pas de moi que, ces jours prochains, je chronique les deux autres épisodes déjà tournés dans la foulée. Peut-être viendront-ils un jour, au gré de mes envies et... du tirage au sort, mais ils ne sont pas encore dans la file d'attente, si j'ose dire. Vous pourriez vous interroger sur le point de savoir s'il est nécessaire de voir les trois films pour pouvoir apprécier le premier ensuite, et à sa juste valeur. Je dirai que non. D'après moi, Retour vers le futur épisode 1 se suffit à lui-même: même si sa fin ouvre clairement la perspective d'une suite, ce premier opus peut très bien se savourer seul. Bien sûr, regarder les deux autres permet encore de poursuivre plus avant le petit bout de chemin entamé avec Marty et Doc. Cela dit, permettez-moi d'insister sur le fait qu'il ne sera pas forcément frustrant de ne les suivre que sur la toute première étape de leur parcours. En y réfléchissant, je me dis que c'est peut-être bien une différence notable avec les "films à suite(s)" d'aujourd'hui. Ici, il n'est pas nécessaire de tout voir pour tout comprendre. Finalement, à vous de savoir s'il vous paraît intéressant d'aller encore un peu plus loin, de poursuivre l'aventure: sans être foncièrement indispensable, je confirme que ça peut être plaisant.

lundi 9 novembre 2009

Au-delà du mur

Ce pourrait être la question du jour: où étiez-vous il y a tout juste vingt ans ? Pour ma part, je ne m'en souviens pas du tout, mais certainement pas à Berlin. J'y suis allé quelques années plus tard, côté est, accueilli deux ou trois semaines chez une femme célibataire vivant avec ses deux jeunes enfants. Je me souviens y avoir regardé un vieux film français en noir et blanc (Les enfants terribles ?) avant de discuter avec cette dame des avantages et inconvénients de la réunification des deux Allemagnes. Question que pose aussi Good bye Lenin, un film que j'aime beaucoup et que j'ai revu récemment, dans l'idée de le chroniquer aujourd'hui, en ce jour anniversaire de la Chute du Mur. L'intrigue: Alex, un jeune Berlinois, participe à un défilé dans les rues de la capitale de la République démocratique allemande pour réclamer un peu de liberté. Octobre 1989: le jeune homme est pris dans une manifestation qui dégénère, bastonné et embarqué par la police... sous les yeux de sa mère, militante au coeur tendre. Conséquence: ladite maman, sous le choc, a une attaque et tombe dans le coma. Elle se réveille quelques mois plus tard, quand la frontière entre les deux Allemagnes n'existe plus de fait, quelques semaines avant qu'elle n'existe plus "tout court". Alex, qui sait devoir lui éviter un choc émotionnel trop brutal, va tout mettre en oeuvre pour lui laisser croire que rien n'a changé...

Good bye Lenin est une comédie, mais pas seulement. Il y a beaucoup de douceur dans cette histoire: celle du fils pour sa mère, et réciproquement. Ce genre de bons sentiments pourrait laisser avec un arrière-goût de guimauve, mais il n'en est rien. C'est probablement parce que le réalisateur - Wolfgang Becker - a également ajouté à sa recette une petite dose d'ironie, en écartant d'emblée toute réelle méchanceté. En fait, le long métrage offre aussi une sympathique occasion de revoir ses leçons d'histoire. Quelques-uns des événements de cette période décisive sont décrits de manière assez explicite: je pense notamment à l'arrivée massive des entreprises de l'Ouest sur le marché est-allemand, les débats multilatéraux sur la parité des deux monnaies, la victoire symbolique d'une équipe d'Allemagne unie à la Coupe du monde de football 1990, entre autres. Ce qui est agréable, c'est que ce n'est pas un cours magistral. Ceux qui connaissent ou se souviennent de ces moments auront quelques repères, tandis que les autres, eux, ne seront jamais vraiment largués. Disons que, sur ce ton parfois gentiment moqueur, le scénario expose quelques-uns des problèmes qui se sont posés à nos voisins et amis allemands. Le tout est parsemé (relevé !) d'une très légère pincée de nostalgie, mais qui ne fait en rien l'apologie du système aujourd'hui disparu. Non, vraiment, rien n'est vraiment politique ici: il s'agit plutôt d'un léger arrière-plan sociétal.

Je l'ai dit et le répète donc: Good bye Lenin est une comédie. Entendons-nous bien: on n'y rit pas à chaque scène, mais on sourit beaucoup. Je pourrais dire qu'il y a aussi quelque chose qui ressemble à de l'auto-dérision dans tout ça, et je n'exclus pas que le réalisateur ait transféré un peu de ce qu'il était alors dans son personnage principal. Germanophile convaincu - et pratiquant à la fin des années 80 ! -, j'aime aussi beaucoup ce film pour le simple fait qu'il est allemand. Reconnaissez-le: ce n'est pas souvent qu'une production d'outre-Rhin débarque sur nos écrans. Celle-là est d'ailleurs portée par de très bons acteurs, juste dans le ton de ce qu'ils racontent. Daniel Brühl campe un Alex tout de réserve et de détermination mélangées. Katrin Sass, la maman, est très convaincante elle aussi, que ce soit quand elle doit jouer, au gré des instants, la femme affaiblie par la maladie ou la partisane amie des plus modestes. Objectivement, je n'ai pas tous les noms en tête, mais soyez sûrs que les deux petites heures du métrage vous permettront également de découvrir toute une kyrielle de comédiens, dans des seconds rôles franchement bien écrits et aussi bien interprétés. La bande originale, signée Yann Tiersen, a amené certains critiques à parler d'un Amélie Poulain allemand. Je trouve que c'est un peu réducteur, le film n'ayant d'ailleurs rien de particulièrement onirique, et étant même plutôt empreint de réalisme. Enfin, voyez vous-mêmes, en VO si possible ! Je pense sincèrement que vous n'aurez pas à le regretter.