mercredi 4 juillet 2012

Orwell, un an après

Une chronique de Martin

Une bonne chose de faite: dans la - très - longue liste des classiques qu'il me faudra absolument découvrir, je peux désormais rayer Brazil. J'ai une nouvelle fois plongé dans l'univers de Terry Gilliam pour revenir vraiment satisfait de ce que j'y ai vu. Les mondes fantasmagoriques de l'ex-Monty Python sont toujours d'une créativité étonnante, tout en étant des caricatures d'une certaine réalité. Ceux d'entre vous qui aiment la littérature auront compris en lisant le titre de ma chronique que, cette fois, il n'est pas vraiment prévu d'en rire.

Dans ce qu'on présentera comme un monde rétro-futuriste, le héros de Brazil est un employé de bureau, Sam Lowry. Son patron l'apprécie tout particulièrement car, bien souvent, notre homme s'affranchit des contraintes administratives pour régler les problèmes qui enrayent la bonne marche de son service. C'est toutefois également un souci car, pour régler un problème, il faut l'avoir préalablement identifié et donc, dans le système ultra-totalitaire qu'est devenue la société de son temps, faire acte de subversion. Imaginez un peu le bon Sam rentrant chez lui: ne trouvant personne pour venir réparer son climatiseur, il n'a plus la moindre solution pratique, si ce n'est de faire appel à un chauffagiste indépendant. Attitude presque terroriste que les Services Centraux ne sauraient tolérer. Surtout qu'à ses rares heures perdues, ce grand fantaisiste s'abandonne à la rêverie. Le temps est venu: l'autorité doit dire stop !

Stop ! J'en ai largement assez dit sur le scénario. Je recommande franchement le film à tous ceux parmi vous qui se sont un beau jour lassés de l'inefficacité plus ou moins chronique des procédures d'entreprise et qui ont soupiré devant l'incapacité de la collectivité professionnelle à les résoudre par des mesures simples. Je confirme toutefois que, s'il prête parfois à sourire, Brazil ne vous fera pas rouler sous la table. C'est une oeuvre très pessimiste, à l'image donc de 1984, le roman de George Orwell que j'évoquais un peu plus haut. Pas de quoi en faire des cauchemars, mais tout de même: le propos général est si sombre que les producteurs du film ont souhaité promouvoir plusieurs fins différentes. Celle que j'ai vue correspond aux voeux de Terry Gilliam et, sans trop en dire, je peux révéler qu'après plusieurs rebondissements fantasques et dans une imagerie assez macabre, elle s'achève sur une note particulièrement noire. C'est bien ainsi: un happy end ne laisse pas toujours une empreinte aussi forte que ne peut le faire un final dramatique. Total respect pour Jonathan Pryce, Michael Palin et Robert de Niro qui, ici, montrent qu'ils l'ont intégré. Le résultat: du cinéma haut-de-gamme.

Brazil
Film britannique de Terry Gilliam (1985)
Le cinéaste revendique lui-même la filiation de son film avec 1984. Ses nombreuses influences donnent à son travail un aspect résolument unique, car sa démarche dépasse celle d'un simple copiste pour être celle d'un apprenti retravaillant l'oeuvre avec son regard particulier. Chez les anciens, les univers ainsi créés rappellent assez le Metropolis de Fritz Lang, notamment. Dans des cinématographies récentes, je vois aussi des parentés avec la Dark City d'Alex Proyas ou les mondes farfelus d'un Michel Gondry (La science des rêves). Par facilité, disons que Terry Gilliam ne ressemble qu'à lui-même. Dommage qu'il ne parvienne pas toujours au bout de ses projets.

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