lundi 13 juin 2011

L'hymne à la vie

Une chronique de Martin

La page blanche, Martin. Martin, la page blanche. Les présentations étant faites, il me faut désormais vous parler de The tree of life. Hasard ou coïncidence, le long-métrage de Terrence Malick, Palme d'or à Cannes cette année, est le centième film que je visionne depuis... la Palme de 2010, Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures. Ce texte, lui, est aussi la 500ème chronique de Mille et une bobines. J'espère qu'il vous encouragera à voir le film.

Mais comment parler intelligemment d'une oeuvre d'essence supérieure ? The tree of life n'est pas un film comme les autres. Voyez la bande-annonce: elle donne une petite idée de ce à quoi s'attendre, mais les images fixes que l'on peut dénicher ici et là, elles, n'illustrent qu'imparfaitement le travail de Malick. J'ai envie d'insister pour dire que ce travail se savoure d'abord sur grand écran. Je pense déjà que j'achèterai le DVD, mais crains de perdre beaucoup avec le format télé. Et si j'ai toutefois choisi d'ouvrir ma chronique sur l'image de ce petit garçon, Hunter McCracken, c'est que c'est lui qui m'a fait la plus forte et durable impression. Jack O'Brien est l'aîné d'une fratrie de trois: dans le film, il est aussi joué par Sean Penn, une fois bien sûr devenu adulte. La plupart des plans le montrent enfant, quand son cadet est encore en vie. On comprend aussitôt qu'un autre gamin est mort noyé et on vibre au deuil de cette famille. Et on vit la douleur intime de Jack, premier fils élevé par une mère d'une tendresse infinie et un père frustré, aimant mais violent, qui a préféré dresser ses gosses pour les préparer aux difficultés de la vie. Bon choix ? Mauvais choix ? Malick ne répond pas vraiment. Il semble porté sur la douceur, mais c'est peut-être bien une illusion du film. Une parmi beaucoup d'autres. Et alors simplement la plus visible.

En dehors même des espoirs qu'il a suscités et du fait qu'il s'est fait attendre presque éternellement, The tree of life a aussi su attirer l'attention pour les grands noms de son générique: Sean Penn, donc, mais aussi Brad Pitt, par ailleurs co-producteur. Anticiper un film hollywoodien serait une erreur. En fait, les stars parlent peu ou pas du tout. Elles sont, oui, presque réduites au silence. La réalisation s'intéresse avant tout au visuel et, dès lors, à l'expression des corps plutôt qu'au langage. Personnellement, j'y vois une preuve supplémentaire du grand talent des acteurs précités: savoir ainsi composer un personnage muet est autrement plus fort que de clamer des tirades bien senties. Pour le spectateur, ça peut s'avérer déroutant, je ne dis pas le contraire. Je pense simplement qu'il faut alors adopter l'attitude contemplative, ne pas attendre un scénario linéaire, profiter de la beauté des plans successifs et se laisser aller. Ce film est un kaléidoscope. Il renferme une certaine cohérence mais, pour l'appréhender, il faut admettre ce fouillis apparent. Et pour ça, dépasser les mots pour écouter les images. Le personnage de Brad Pitt tâche d'éduquer son fils: "Ne dis pas: je n'y arrive pas. Dis: c'est difficile, je n'ai pas encore terminé". Austère, sans doute. Mais efficace. Ce pourrait être Malick parlant de sa méthode.

Maintenant que je l'ai vu, je comprends en quoi The tree of life peut diviser. Maintenant que je l'ai vu, j'admets très bien que certains puissent ne pas l'aimer, voire rejeter totalement la forme adoptée par Malick. L'histoire d'homme que raconte le film n'est finalement que la partie émergée de l'iceberg, le versant éclairé d'une parole complexe. J'ai le sentiment qu'ici, le réalisateur a voulu concevoir une oeuvre sensorielle. Personnelle, aussi, sans doute. Elle lui parle et on peut espérer qu'elle nous parlera aussi. Ce n'est pas gagné d'avance. La multitude d'images ésotériques qui jalonnent l'ensemble du métrage va en laisser sur le bord du chemin. On garde d'ailleurs pour soi le droit de s'interroger sur ce que peuvent vouloir signifier ces volcans, ces océans et ces dinosaures. Ces cellules qui fusionnent et ces planètes qui explosent. Pour ma part, je me le suis parfois demandé, j'ai trouvé quelques réponses et, ensuite, j'ai laissé le film me guider là où il avait envie. J'avais bien l'intention de comprendre, mais je n'en avais pas forcément besoin. J'ai regardé, apprécié, ressenti, lâché prise. Et j'ai vu quelque chose de beau, simplement, auquel j'ai donc été sensible. Il ne faut pas nécessairement chercher plus loin le plaisir qui est là. C'est vite oublier l'émotion qui relie parfois la vie de tous les jours au plus impalpable de la réalité.

The tree of life
Film américain de Terrence Malick (2011)
Et maintenant, comme Pitt, Penn et Malick, je reviens au silence. Pas envie d'entrer dans le débat qui consiste à dire si la Palme d'or est méritée ou non. Je crois qu'elle l'est dans l'idée d'un cinéma absolu, d'un art qui pose des questions et ne répond pas à chacune. J'évite les comparaisons, même avec 2001, l'odyssée de l'espace, chef d'oeuvre de Stanley Kubrick que tout le monde a vu... sauf moi. Au moins ai-je donc une bonne raison supplémentaire de rattraper mon retard. Là, au moment où je tape ces lignes, j'ai surtout envie de découvrir le reste de la filmographie de Malick. Et de revoir ensuite cet arbre de vie, avec le recul de quelques autres années...

1 commentaire:

audrey a dit…

Je viens juste de voir le film: c'est la première fois que je vois autant de gens se décourager et quitter la salle!! En ce qui me concerne, malgré la longueur des images de la naissance de la planète, j'ai complètement adoré ce film. Chaque image de ce film est magnifique. Le propos est touchant, la mère est parfaite, les enfants compliqués, le père aimant mais trop dur... tout y est. Le conflit du fils aîné est très bien écrit, logique, c'est beau. Quand aux dinosaures, ils étaient vraiment de trop... là, j'ai failli décrocher... mais non, c'était superbe! aucun regret!