jeudi 21 avril 2011

Fresque provençale

Une chronique de Moko-B

Un parfum d'oliviers. Un vent chaud et sec. Les cigales. Le Vert des tableaux de Cézanne, Monet, etc.... et puis l'accent, chantant, derrière lequel se cache joies et drames. Pas de doute, nous sommes en Provence. Quelle Provence, me diront les plus affranchis ? Pas celle de Giono, non... mais celle de Pagnol, Marcel, fils de.

Le 15 mars dernier, soit un peu plus d'un mois avant sa sortie officielle, j'ai pu assister à l'avant-première niçoise de La fille du puisatier, de et avec Daniel Auteuil.
L'histoire est celle de Patricia, fille du puisatier Pascal Amoretti, et de Jacques, aviateur et fils de la riche famille Mazel. Leur rencontre au détour d'une rivière marque la naissance d'une romance interdite.

Le film s'ouvre comme un tableau impressionniste. La fille du puisatier apporte le déjeuner à son père. Patricia a 18 ans. Elle est belle et a reçu une éducation raffinée chez les soeurs à Paris. Jacques est rebelle, beau garçon et séducteur. Il est officier aviateur. Le jour de leur rencontre, le puisatier a accordé à son fidèle employé Felippe, la main de sa fille. Mais le destin en décide autrement. Et au-delà des volontés respectives, les sentiments de Jacques et Patricia se mêlent... et leurs corps aussi.

L'histoire est trop belle et tend une main aguicheuse dont le drame se saisit avec avidité. Jacques est envoyé sans préavis au front (l'histoire se passe pendant la période 1939-1945) sans avoir le temps de prévenir Patricia. La jeune fille se pense abandonnée et seule à aimer avec un futur enfant à naître... qui n'aura pas de père.

La fille du puisatier n'est pas juste une histoire d'amour impossible sur fond d'huile d'olive et de lavande. Le préjugé sur la nonchalance provençale est souvent fort, pourtant les drames s'y épanouissent autant que le soleil. Le mariage précoce des filles, la honte d'accoucher d'un enfant sans reconnaissance du père ou de sa famille, l'honneur familial et la rudesse du travail, etc... l'histoire des familles de Provence, rudes, fières, sans concession, est peinte avec la franchise la plus pure. La force de l'évidence y fait foi ! Jacques et Patricia ont pêché parce qu'ils ne sont pas tout à fait comme les autres. Ils n'ont pas reçu l'éducation familiale habituelle. Ils sont "différents". La douleur de Patricia, seule, perdue, abandonnée, est-elle la plus forte ? Le puisatier ne souffre-t-il pas encore plus ? On sent l'amour qui le tiraille face à ses convictions. Il exile sa fille parce qu'il l'aime. Il la perd pour son honneur, pour préserver son nom. Les Mazel rejettent l'enfant qui, pourtant, est désormais le seul lien filial présent, au nom de leur fils, de leur famille. Qui saura puiser dans son humanité pour que le soleil entre à nouveau dans le foyer de tous ?



La Fille du puisatier
Film français de Daniel Auteuil (2011)
Les remakes souffrent souvent de la comparaison. Certes, la version de La fille du puisatier offerte par Daniel Auteuil ne propose ni Raimu, ni Fernandel à son casting: et alors ? Authentique amoureux de la Provence et de Pagnol, l'acteur-réalisateur a demandé pendant longtemps les droits de la femme du Boulanger... pour obtenir en fin de compte ceux de La Fille du puisatier. Et quelle réussite ! Les traits d'acteur de génie que l'on a pu voir au travers d'Ugolin dans Jean de Florette/Manon des Sources n'ont jamais disparu. Daniel Auteuil a su prendre une relève empreinte d'émotion et d'authenticité. Et que dire du casting, plus qu'inspiré: Kad Merad dont la bonté naturelle enveloppe le rôle de Felippe, le couple Azéma-Darroussin qui campe à merveille les riches époux embourgeoisés, Nicolas Duvauchelle avec ses faux air de James Dean frenchie, sa séduction en béton et ses intonations sûres qui finissent de nous convaincre de tomber amoureux de Jacques Mazel. Et puis, il y a Astrid Berges-Frisbey: frêle, affirmée, sublime et abîmée d'amour. Daniel Auteuil, présent à la fin de la projection, confiait que Jacqueline Pagnol, femme du défunt écrivain, a vu le film et l'a beaucoup aimé. On le croit sans peine et on se met à espérer qu'il lui/nous soit donné d'autres occasions de nous extasier...

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